[6 août 1791.J [Assemblée nationale.] payer, et que cette distribution, loin de leur être favorable, leur était à charge, parce qu’ils étaient obligés d’acheter de l’argent pour faire les appoints uniquement à leurs frais et sur les rétributions qui leur étaient données. 11 paraît qu’ils se justifient des inculpations qui leur avaient été faites, et puisque vous m’avez entendu, il me paraît juste que la même pièce qui accuse les payeurs de rentes fasse mention de la justification. Je demande donc qu’il soit fait mention au procès-verbal du mémoire des payeurs de rentes dont il vient de nous être fait lecture. M. l’abbé Gouttes. J’appuierais très fort la motion de M. Regnaud, si je la trouvais fondée. Il est un fait certain, c’est que les petits assignats se sont vendus. M. Bouche. S’en suit-il de là que ce soit les payeurs de rentes qui les vendent? M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Il est aisé de dire que si les petits assignats ont été vendus, ce sont les payeurs de rentes qui les ont vendus. J’en demande pardon à l’upinant, je lui observe que ce n’est pas conséquent. Vous savez tous, comme moi, qu’il y a des in lividus qu’on vous a désignés sous le nom trop connu de grippe-sous. Il est probable que ce sont les agents dont on se plaint. M. Martineau. Le préopinant a dit, et avec raison, qu’il ne fallait jamais accuser un fonctionnaire public, j’ajoute aucun citoyen, que la preuve en main. C’est une calomnie atroce que d’accuser qui que ce soit, quand on n’a pas à la main la preuve des faits qu’on lui impute. Or, je demande maintenant, si on a plus depreu-ves contre les receveurs de la ville qui ne sont que les fondés de procuration des citoyens. Ce n'est point une fonction publique, c’est un état privé; ce sont de simples mandataires que chacun charge de sa procuration, qu’il peut dépouiller quanu il veut, et si chaque citoyen, qui a une rente à recevoir, s’apercevait que son fondé de procuration ne lui donne pas en petits assignats, ce qu’il a dû recevoir des payeurs de rentes, on sait que c’est à peu près le sixième, il se plaindrait ou plutôt il retirerait sa procuration. Je n’accuse personne, je ne fais pas d’inculpation, et dans la chose même, ce sont des particuliers, des citoyens qui vont de tous côtés ramassant les petits assignats, en formant des lots pour les vendre comme de la monnaie. Voilà la source du mal, et le remède serait de déraciner du cœur humain la cupidité. Trouvera le remède qni pourra. (L’Assemblée adopte la motion de M. Regnaud (de Saint-Jean-d1 Angèly), et décrète qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de la justification des payeurs de rentes.) M. de Châteauneuf-Randon, secrétaire, fait lecture d’une lettre du directoire du département de la Lozère, qui envoie un arrêté qu’il a pris relativement aux neiges, gelées et grêles qui ont couvert une partie de ce département les 12, 13 et 14 juin. Un membre fait remarquer à l’Assemblée la forme peu favorable et peu motivée dans laquelle ce directoire de département paraît présumer bien tardivement son avis sur les justes et inté-ressantes pétitions des différentes municipalités de ce département ravagé par les événements étranges des 12, 13 et 14 juin qui ont intéressé si particulièrement l’Assemblée nationale lorsque M. de Châteauneuf-Ramlon, lui-même, eu lit part à l’Assemblée dans une précédente séance. M. de Châteauneuf-Randon, secrétaire. En qudité de représentant du département dont il s’agit, je prie l’Assemblée de juger de la position critique et fâcheuse dans laquelle il se trouve, moins sur le simule et tardif exposé du directoire que sur les véritables intentions dont il ne pimt qu’être pénétré dans l’intérêt général de tous ses commettants. Je demande donc que le comité des finances soit chargé de présenter sous deux jours, un projet de décret tendant à accorder au departement de la Lozère, tous les secours qu’exigent les malheureux événements des 12, 13 et 14 juin. (Cette proposition est adoptée.) M. de La Rochefoucauld. Votre comité des conlribuiions publiques m’a chargé de vous présenter un avis aux citoyens , fait par le directoire du district de Gonesse , et qui lui a paru mériter votre attention. D’abord, le 5 juillet dernier, ce directoire a arrêté toutes les mesures les plus propres à faire marcher la perception des impositions. Les administrateurs qui le composent ont ce jour-là payé la moitié de leur cotisation dans le rôle de 1790. Comme les matrices des rôles ne sont pas encore déposées, ils ont donné l’exemple aux autres districts, en payant, acompte, le quart de leur contribution. Voici l’adresse ; comme elle est longue, je n’en ferai qu’un extrait, pour ménager les instants de l’Assemblée : « Frères et concitoyens, notre but n’est pas de nous faire gloire de l’exemple que nous vous donno is : comme particuliers, nous l’aurions reçu de vous ; comme administrateurs, c’était un de nos devoirs. Si vous nous disputez cet avantage, nous avancerons tous d’un pas égal, et il ne restera plus à nos désirs, que le mérite d’avoir ouvert la marche. Sous le régime que la raison et le courage viennent de renverser, les impositions portaient avec elles un caractère odieux. La réparation en était arbitraire, les riches et les oisifs en rejetaient la charge sur les pauvres et sur les hommes laborieux. C’était une tâche que d’être porté sur un rôle, et la désignation de taillable était devenue un opprobre. Désormais, point de propriété exempte, point de privilégiés que les seuls indigents, point de véritables citoyens que ceux qui ont le titre honorable de contribuables. « Sous l’ancien régime, des génies malfaisants avaient jeté sur nous comme une vaste toile, qui enveloppait nos possessions, nos personnes, nos premiers besoins, et ne laissait de passage qu’à l’adresse, à la faveur, à la puissance. Désormais, une seule contribution différenciée seulement par trois dénominations diverses, affectera les propriétés foncières, mobilières et industrielles, et nul ne pourra s’y soustraire ; mais aucun ne contribuera plus qu’il ne doit ; aucun ne payera plus qu’un autre; chacun enlin imposé légitimement n’aura plus à redouter la vexation du préposé ..... » Ensuite, ils parcourent les diverses impositions et voici par où ils finissent : « Que les Français choisissent la liberté avec les contributions, ou le désordre et la guerre ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 224 lAssemblée nationale.] civile ; la liberté avec les contributions, ou l’invasion de nos provinces ; la liberté avec les contributions, ou bien le retour du gouvernement arbitraire. Nous serions de nouveau et pour jamais abandonné aux sangsues de la finance, au labyrinthe de la chicane, aux symptômes de la superstition. Nos ennemis apprennent en frémissant que nous serons fidèles au serment que nous avons fait avec enthousiasme, et qui reste gravé au fond de nos cœurs ; Etre libre ou mourir. » ( Applaudissements .) M. Bouche. Je prends la liberté de soumettre à l’Assemblée une réflexion que je crois i m portante. Le Trésor public a dans ce moment grand besoin d’être rempli; les impositions sont perçues lentement. Or vous venez, Messieurs, de révoquer le décret qui suspendait la convocation des électeurs pour la nomination de l’Assemblée législative qui va nous succéder. Vous n’ignorez pas que depuis longtemps la cabale et l’intrigue agissent dans tous les départements pour parvenir à l’exercice des fonctions glorieuses de député. 15 ou 20,000 aspirants à ces fonctions honorables sont actuellement occupés à mettre peut-être le désordre. Ce ne sont pas des intrigants qu’il nous faut pour faire des lois, il nous faut, Messieurs, de bons citoyens et les bons citoyens sont ceux qui payent à la patrie la contribution que chaque membre de la société lui doit. Je crois qu’il serait utile, pour faire payer les nombreux soupirants à la législature prochaine, de décréter qu’on n’y serait admis qu’en exhibant la quittance des contributions que vous avez décrétées, et auxquelles on aura été soumis; et cette loi, je pense qu’il serait à propos de l’étendre pour l’avenir, aux membres des directoires de district, de département, ainsi qu’aux législateurs. Vous avez décrété que, pour être législateur, il faudrait payer une contribution égale à la valeur d’un marc d’argent. Nous respectons ce décret, quoi qu’il ne soit pas agréable à tout le monde : on vous propose de reveuir sur cette mesure; ne pourrait-elle pas être suppléée par celle que je vous propose? Cela, Messieurs, vaudrait mieux, je pense, que le marc d’argi nt que vous avez décrété ; serait plus raisonnable, d’une plus facile exécution et produirait un effet bien plus important et plus fructueux qu’un décret qui certainement doit captiver notre respect et notre reconnaissance, mais qui ne peut pas captiver l’opinion de tout le monde : c’est une réflexion, Messieurs, que je mets sous vos yeux. Je crois qu’on peut en tirer de très bons avantages. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Il me semble, Messieurs, qu’un individu que la confiance des citoyens appelle à remplir une fonction publique, leur doit toujours l’exemple des devoirs auxquels il est assujetti, et comme un des devoirs les plus importants d’un pays libre, est l’exactitude à acquitter les contributions à l’aide desquelles on peut mettre en action tous les pouvoirs qui concourent à maintenir la liberté. Le citoyen vraiment patriote est celui qui s’empresse d’acquitter les impositions publiques et qui concourt ainsi, autant qu’il est en lui, à la prospérité nationale. Je crois que l’Assemblée rendra un décret fort sage, en disant seulement que nul ne pourra être admis à exercer les fonctions, soit dans le Corps législatif, soit dans le corps administratif et judiciaire, sans justifier par une quittance du 16 août 1791 •] payement de tous les termes échus de la contribution. Le décret est simple, il n’est que l’exigence de ce qui est un devoir (Applaudissements.) M. Dauchy. Il me paraît nécessaire que tout homme donne la preuve "qu’il a acquitté sa contribution sans laquelle il n’y aurait point de puissance publique. Je crois cependant que la proposition de M. Bouche, si elle était décrétée, dans les termes généraux où elle est présentée, renfermerait de nombreux inconvénients, qu’elle serait d’une application très difficile et amènerait des lenteurs dans le� élections. Sans m’opposer au fond même de la motion, ne serait-il pas possible de n’exiger la justification du payement de la contribution que dans le lieu du domicile du candidat illigible. Si vous n’adoptez pas cette restriction, on pourra toujours dire à un particulier qui présenterait sa quittance d’imposition, vous avez encore des biens dans un autre endroit; dès lors, des difficultés surgissent et si nous allons au-delà, si nous exigeons toutes les quittances d’impositions, je crois que nous manquons notre but. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angèly) . J’adopte l’amendement de M. Dauchy. M. Moreau (de Tours). La mesure proposée par M. Bouche est aussi sévère que le décret du marc d’argent. M. Bouche. D’après les observations qui viennent d’être présentées par M. Dauchy, je consens au renvoi de la rédaction de ma motion au comité : je demande cependant, que dans le moment même, vous veuillez bien décréter le principe. (L’Assemblée, consultée, adopte les propositions de M. Bouche et de M. Dauchy et en renvoie la rédaction au comité de Constitution pour la rapporter dans le plus court délai.) M, de Broglie, au nom du comité militaire. Messieurs, voire comité militaire m’a chargé d’avoir l’honneur de vous rendre compte de plusieurs objets relatifs au corps du génie , et de vous proposer à cet égard différentes dispositions. Je vais vous expliquer ce dont il s’agit, et je vous demande la permission de présenter successivement les mesures qui font l’objet du projet de décret que votre comité vous propose. La réformation du corps du génie a réduit à 300 le nombre des officiers ingénieurs. Cette réduction a été promptement obtenue par les retraites, conformément à la loi du 15 décembre 1790 : mais depuis celte époque la destitution de quelques-uns des officiers de ce corps, les démissions données par plusieurs autres ont successivement réduit le nombre des officiers du génie au-dessous de 300. Jamais ils ne furent plus nécessaires qu’en ce moment; jamais on n’a eu un plus véritable besoin de les employer tous. 11 faut donc remplacer ceux qui manque»’, et pour cela, en attendant l’admission au service, il est indispensable d’organiser provisoirement l’école du génie : il est nécessaire de les autoriser provisoirement à faire les reprises des examens antérieurs depuis plus de deux années. Cette disposition est d’autant plus convenable, ue la réunion ordonnée par la loi du 27 avril ernier, l’examen au concours, l'admission aux écoles des deux corps de l’artillerie et du génie ne peut avoir son plein effet que lorsqu’il existera un cours d’instruction applicable aux deux services. Les jeunes gens qui s’y destinent dans ce ARCHIVES PARLEMENTAIRES.