442 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790. adopte la question préalable sur les amendements et sanctionne le décret du comité qui est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : « 1° Que le bourg de la Guillotière appartiendra à la ville de Lyon ; « 2° Que le comité de constitution proposera incessamment son avis sur les demandes que le bourg de la Guillotière a subsidiairement formées dans le cas auquel il serait décidé qu’il ferait partie de la ville de Lyon, pour y être statué ce qu’il appartiendra. » III. M. Dupont (de Nemours) fait le rapport de la division du département d’Aunis et de Saintonge. Il dit que quelques habitants de la ville de Bar-bezieux demandent d’être réunis au département de Saintonge, mais le comité trouve plus utile qu’elle demeure dans celui de l’Angoumois. Quant au chef-lieu du déparlement, trois villes y prétendent, Saintes, La Rochelle et Saint-Jean-d’Angély. Après avoir exposé, avec une grande clarté, les motifs qui rendent faciles à concilier les prétentions de ces villes, le rapporteur propose un décret au nom du comité de constitution. M. Alquier représente fortement que la ville de La Rochelle, plus puissante, plus peuplée, plus riche, mérite d’être préférée comme chef-lieu ; que cette ville est en possession d’être le siège de l’intendance du gouvernement, d’un hôtel des monnaies et d’une sénéchaussée ; il invoque ensuite la protection que l’on doit aux villes de commerce et il finit par rappeler les traits de courage et de patriotisme donnés par les Rochelois en diverses circonstances. M. Griffon de Romagné insiste longtemps pour lire une adresse de la nouvelle municipalité de La Rochelle et un mémoire de M. Nairac, député extraordinaire de La Rochelle. Beaucoup de membres font remarquer que cela est contraire à l’ordre du travail et ne peut avoir lieu que dans les séances du soir ( voy . plus loin le Mémoire de M. Nairac). M. Regnaud (de Saint-J ean-d’ Angély) réplique que le décret proposé par le comité est conforme à l’intérêt public, tandis que La Rochelle voudrait qu’on lui sacrifiât les intérêts de la Saintonge, dont les habitants cultivateurs et pauvres ont besoin d’avoir leurs administrateurs au milieu d’eux. 11 justifie la fixation du chef-lieu du département à Saintes ou à Saint-Jean-d’Angély et conclut au rejet de la demande de M. Alquier. M. le Président met aux voix l’avis du comité, qui est décrété ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : « Que le département de Saintonge et d’Aunis sera divisé en sept districts, dont les six premiers auront pour chefs-lieux Saintes, la Rochelle, Saint-Jean-d’Angély, Rochefort, Marennes et Pons; dans le septième, les électeurs assemblés à Mont-lieu décideront si le directoire et les assemblées subséquentes y seront fixées, ou se tiendront ailleurs. « Le district de la Rochelle comprendra l’ile de Rhé, celui de Rochefort l’île d’Aix, et celui de Marennes l’île d’Oléron. « La première convocation de l’assemblée de département sera faite à Saintes, et la première session de cette assemblée et du directoire s’y tiendra. Les convocations et les sessions suivantes auront lieu successivement à La Rochelle et à Saint-Jean-l’Angely, à moins que, dans le cours de la première session, l’assemblée de département n’ait cru devoir proposer à l’Assemblée nationale une autre disposition définitive; et sous la réserve encore, dans le cas où l’alternat de l’assemblée de département ne se réaliserait pas, de fixer dans la ville de La Rochelle les établissements publics qui pourront y être placés, et particulièrement ceux qui seront les plus propres à favoriser son commerce, comme aussi d’avoir tel égard que de raison aux conventions faites entre les députés de Saintonge, et mentionnées dans le rapport du comité de constitution. » IV. M. le baron de Cernon fait un autre rapport sur la division du département du Verman-dois et du Soissonnais. M. Aubry du Rochet réclame pour La Ferté-Milon et demande qu’elle entre en partage dans la distribution des établissements à créer par la constitution. La question préalable sur l’amendement est demandée et prononcée. Le projet du comité est adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : « Que le département du Vermandois et Soissonnais est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Soissons, Laon, Saint-Quentin, Château-Thierry, provisoiremeni Guise et Chauny ; « Que les établissements du district de Guise pourront être partagés avec Vervins ; et que les électeurs du district, lors de leur première assemblée, statueront définitivement sur le choix du chef-lieu et sur la réunion ou division des différents établissements résultant de ta constitution ; « Que les électeurs du district de Chauny détermineront définitivement, lors de leur première assemblée, les chefs-lieux des différents établissements résultant de la constitution, de manière que ces établissements soient partagés, le plus également possible, entre les trois villes de Chauny, Goucy et La Fère, si toutefois le nombre de ces établissements le permet » . M. le Président fait lecture d’une lettre qui lui a été écrite par M. le comte d’Antraigues, à l’occasion du serment civique que chaque membre de l’Assemblée doit prêter. Paris, le 6 février 1790. « Monsieur le Président. « Je n’ai pu assister jeudi à la séance et prêter le serment civique, parce que je suis malade; mais je ne veux pas différer plus longtemps à prêter le serment imposé à tous les députés. « Je jure d’être fidèle à la nation, à la loi, au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi. « J’ai l’honneur de vous observer que je ne regarderai jamais comme une atteinte portée à la constitution, d’exposer dans ses discours et dans / [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] 443 ses écrits, ses opinions sur les imperfections de la constitution, afin qu’une autre législature puisse y remédier, si elle le juge convenable. « Je suis avec respect, etc. « Signé : d’ANTRAiGUES, député du Bas-Vivarais. » « Veuillez, je vous prie, faire lire ma lettre à l’Assemblée. » M. GroupIIIean. Je demande que la lettre soit renvoyée à son auteur, et qu’il lui soit annoncé que l’Assemblée ne recevra son serment qu’à la tribune. M.AValouet. Je pense que l’Assemblée doit exiger le serment civique de tous ses membres; mais je crois aussi que censurer la lettre de M. le comte d’Antraigues, ce serait porter atteinte à cette liberté d’écrire que vous avez voulu consacrer. Je crains aussi que cette censure ne fît, dans les provinces, une impression désagréable. M. le comte Charles de Lameth. Le désir que montre M. le comte d’Antraigues de prêter le serment civique sans attendre l’entier rétablisse-sement de sa santé est sans doute très louable. Les restrictions que M. d’Antraigues fait à son serment ne peuvent être que l’effet de ses scrupules et de sa sollicitude sur le sort de la chose publique. Ce député a déjà publié des opinions diamétralement opposées aux principes de l’Assemblée, et sans doute que c’est pour lui un grand besoin que d’écrire sur les objets de politique. Je crois que nous devons recevoir son serment, et lui laisser entière liberté d’écrire. La constitution a-t-elle quelque chose à craindre de la plume d’un homme qui s’est mis si souvent en contradiction avec lui-même? M. le Président. J’ai encore trois lettres à vous communiquer ; elles sont toutes trois dans les mêmes principes, et signées, l’une de M. Le Carpentier de Chailloué, la deuxième de M. le vicomte de Mirabeau, et la troisième de M. de Bou-ville. ( Voy . ces documents annexés à la séance. L’Assemblée ne statue rien sur ces lettres et passe à l’ordre du jour. M. Charles de Lameth. La commune de Soissons est fort agitée en ce moment-ci. Deux députés viennent d’arriver en grande hâte, pour réclamer contre elle une détermination du comité permanent de cette Ville, qui fixe le prix des journées de travail à 20 sous, c’est-à-dire au taux le plus élevé. Cette détermination exclut des élections à la municipalité, un grand nombre de citoyens. La raison en est simple ; le prix des journées de travail n’avait jamais été, dans cette ville, porté à plus de 12 sous. Cependant l’élection aux municipalités se-fait demain à Soissons, et je sollicite aujourd’hui de l’Assemblée un décret qui ne fixe le prix contre lequel on réclame qu’à 15 sous au plus. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette motion. M. le Président annonce que le Châtelet demande à être admis dans l’Assemblée, pour y prêter son serment civique. — L’Assemblée recevra ce soir les officiers de ce tribunal. L’ordre du jour appelle un rapport du comité des finances. M. Lebrun monte à la tribune et fait le rapport suivant de la dépense des affaires étrangères. Messieurs, votre comité des finances vous a présenté l’aperçu des réformes et des économies qu’il a jugées praticables et nécessaires, non pas un aperçu vague, sans bases positives, ouvrage de l’imagination et de l’espérance, mais un aperçu fondé sur les calculs approfondis et sur l’examen sévère de toutes les parties de la dépense. Sans doute les résultats qu’il vous a offerts peuvent éprouver encore quelque variation, parce que l’ouvrage entier de la constitution n’est pas terminé; parce que votre comité, quoique pénétré de votre esprit, n’a pas été peut-être assez heureux pour deviner toutes vos vues, pour anticiper toutes vos résolutions. Mais ses plans, encore hypothétiques dans quelques parties, ne s’écarteront toujours que d’une quantité infiniment petite de la réalité; et quelle que puisse être la différence, vous pouvez, dès aujourd’hui, vous appuyer sur une réduction de plus de cent millions dans la dépense du trésor public. Vous concevez, Messieurs, et nous vous l’avons déjà répété, que ces cent millions, retranchés à la dépense du Trésor public, ne seront pas relran-chés en entier de la dépense de la nation . Mais plus de 60 millions seront économisés même sur cette dernière dépense, et ce sera encore une grande économie que de livrer à l’administration paternelle des départements une dépense de trente ou quarante millions qui, faite autrefois par le gouvernement, se faisait souvent au hasard, souvent au gré de la faveur, toujours sans égalité, sans proportion connue, toujours avec une complication dangereuse et d’opérations et d’instruments. Du moins, Messieurs, la dépense touchera immédiatement à la recette. Le contribuable sera consolé par la certitude de voir s'employer utilement ce qu’il aura payé; du moins le malheur n’accusera plus les mains qui répandront le soulagement et les grâces; du moins la comptabilité des finances sera réduite à un petit nombre d’éléments connus de tout le monde, et on ne redoutera plus cette confusion qui a décrié les calculs et enveloppé les erreurs des ministres. Ce tableau, Messieurs, a dû vous rendre présent le gage d’une prompre restauration. Déjà elle serait opérée, si de malheureux événements n’avaient pas contrarié la marche de la liberté publique, si des changements imprévus, incalculés, mais trop nobles dans leur cause pour être condamnés dans leurs effets, n’eussent fait chanceler tout-à-coup le vieil édifice des finances, et nécessité à tout reconstruire, au lieu de tout modifier. Mais ces changements même, qui ont les dan-ers du moment, porteront sur l’avenir la plus eureuse influence. L’hydre des abus sera coupée sans retour, et tout ce que vous aurez retranché aux abus deviendra le germe d’une nouvelle prospérité. Mais nous nous tromperions, Messieurs, si, sur la foi de ces économies, nous nous exagérions la grandeur de nos ressources, et la diminution que nous pouvons opérer sur les impôts. Chaque jour accroît le vide du Trésor public; aux perceptions déjà évanouies, il faut ajouter le décroissement progressif de toutes les autres, sans aucun décroissement effectué sur les frais de recouvrement ; et les peuples, abusés d’une vaine espérance, ne croyent déjà plus à nos besoins et jouissent d’un avenir imaginaire. Il ne faut cependant pas vous le dissimuler,