38 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1791.] M. le Président, lisant : « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous envoyer deux arrêtés du corps municipal, des 9 et 1Ü de ce mois, ainsi que les procès-verbaux du directoire du département, relatifs aux personnes arrêtées au château des Tuileries Je 28 février dernier. « La municipalité de Paris a pensé que, dans une affaire de cette importance, c'était à l’Assemblée nationale de se prononcer. « Je suis avec respect, etc. « Signé : BAILLY. » M. Duquesnoy. Gela ne regarde pas l’Assemblée; à l’ordre du jour ! M. de Mirabeau. Je demande, Messieurs, si un tribunal est investi, de l’affaire? Si aucun tri • bunal n’en est investi , je demande qu’on nous dise catégoriquement que! est le motif de cette négligence. Et si un tribunal est investi de l’affaire, pourquoi nous est-elle renvoyée ? Voilà ce que je demande. M. Duport. On demande s’il y a un tribunal investi de c. Lie affaire; je sais qu’il y en a un et l’affaire ne nous regarde pas. Et quand même il n’y aurait pas de tribunal investi, cela ne nous regarderait pas encore, car il faut se pourvoir au tribunal competent. Je demande, en conséquence, qu’il soit dit que l’on passe à l’ordre du jour, simplement parce qu'on ne doit jamais oublier les lois et que nous ne devons pas les rappeler à tout moment. ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOAILLES. Séance du samedi 12 mars 1791, au matin ( 1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances de jeudi matin et de vendredi, qui sont adoptés. Un membre: Messieurs, la députation que vous avez chargée de se rendre chez le roi est allée hier soir au château. La reine est venue sur-le-champ et lui a dit que Sa Majesté se trouvait extrêmement faible; qu’avant-hier elle n’avait pu être levée que trois quarts d’heure; que le roi s’était couché hier à 7 heures ; qu’il n'y avait pas eu de sang dans les crachats et que les symptômes de la maladie, prenant un aspect favorable, donnaient les meilleures espérances. ( Applaudissements .) Al. le Président. Voici, Messieurs, le bulletin de ce matin : « Samedi 12 mars 1791, huit heures du matin. « La lièvre a diminué hier sensiblement. Il n’y a pas eu de redoublement le soir. Le roi a été levé [tendant plusieurs tu ures dans la journée. La toux a été rare, les crachats mû' s et cuits. La bile a coulé avec facilita Les urines sont toujours chargées, et en petite quantité. Le sommeil de cette nuit a été souvent interrompu par la toux. « Signé: Le Monnier, La Servolle, Vicq-d’Azyr? Andouillé, Loustoneau. » M. Ilébrard, secrétaire , donne lecture d’une note adressée à M. le Président par le ministre des affaires étrangères ; elle est ainsi conçue : « M. de Monimorin a l’honneur d’envoyer à M. le président de l’Assemblée nationale trois actes de prestation désarment ; <' Le premier, de M. Aubert, agent de la nation à Varsovie ; « Le deuxième, de AL Bonneau, correspondant des affaires étrangères en Pologne ; « Le troisième, de M. Moissormi r, commis de M. Genet, chargé des affaires de France à Saint-Pétersbourg. « I! ne manque plus que le serment de M. de Ghoiseut-Gouflier, ambassadeur du roi à la Porte ottomane et de touies les personnes attachées à son ambassade. Aussitôt qu’ils seront parvenus à M. de Montmorin, il s’empressera de les faire passer à AI. le Président. » M. Bouche. Il y a environ six semaines que le prétendu serment de M. le cardinal de Bernis fut envoyé à l’Assemblée nationale qui, avec raison, n’en fut pas contente; il fut décrété quece serment serait renvoyé au ministre des affaires étrangères. C’était sans doute pour que le ministre avisât aux moyens d’instruire M. le cardinal de Bernis que son serment devait être rédigé d’une autre manière. Nous n’avons point su ce que le ministre a fait à ce sujet ; il est important que nous le sachions, parce que si M. le cardinal deBernis refuse de prêter son serment purement et simplement, M. le cardinal de Bernis se déclare dès lors un mauvais citoyen et un ministre infidèle et il y a lieu alors de le destituer. ( Murmures à droite.) M. d’André. Le même jour où vous renvoyâtes ce serment au ministre des affaires étrangères, celui-ci le renvoya à M. deBernis conformément à votre décret, en le sommant de s’expliquer d’une façon catégorique et de dire s’il entend, ou non, prêter son serment sans aucune restriction. Il est très possible que M. de Bernis, dont on attend la réponse demain, enverra son serment comme on le lui a prescrit, pur et simple ; ainsi, lundi, je crois que nous pourrons rendre compte à l’Assemblée du succès des démarches du ministre à cet égard. Il est très vraisemblableque M. de Bernis ne prêtera pas son serment ; mais il est assuré que, si ra réponse ri’est pas satisfai-sante, le jour même où elle sera arrivée, il sera remplacé. AL Bouche. Je suis satisfait de cette explication. Je demande, d’autre part, que les ministres soient chargés, chacun daus son département, de fournir à l’Assemblée un état de tous les chargés d’affaires ou agents de la France dans les quatre parties do globe. Get état contiendrait le nom (tes fonctionnaires, le montant de leurs émoluments, la nature ue leurs fonctions et la durée de leurs services; je crois que daus le nombre il y en a (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 39 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1791.) beaucoup d'inutiles et l’entretien de ces agents coûte une somme trop considérable à la nation. Plusieurs membres ; L’ordre du jour ! M. Bouche. L’ordre du jour le plus pressant est de savoir à qui et pourquoi nous payons. Il y a un grand nombre d’agents dont les fonctions sont sans utilité; leur réduction serait également avantageuse pour la simplification des opérations et pour la décharge du Trésor public. M. d’André. Les agents nationaux se divisent en agents publics et en agents privés. En ce qui concerne les agents privés, je pense que, surtout dans un état de crise, il est impossible, sans courir les plus grands dangers, de les faire connaître Ions. Quant aux agents publics, l’état en est fait et a été communiqué depuis longtemps à l’Assemblée; il est complet, il est sous vos yeux et vous pouvez l’examiner. A l’egard de la dépense, vous avez alloué pour cet objet une somme de 6,300,000 livres, somme que le mini tre ne peut excéder, quel que soit le nombre des agents. Àinfi, à cet egard, il ne peut se glisser dans le département des affaires étrangères aucune espèce d’abus; le ministre et le comité diplomatique sont parfaitement en règle. Je demande l’ordre du jour. M. Bouche paraît de nouveau à la tribune. (. Murmures prolongés .) Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix! L’ordre du jour I (L’Assemblée , consultée , décrète l’ordre du jour.) M. le Président. Le mauvais état de la santé du roi m’a empêché, depuis le commencement de sa maladie, de me présenter à la sanction mais j’espère que le mieux-être actuel de Sa Majesté me permettra de m’v présenter ce soir même. Voici, Messieurs, le nom des membres de la députation qui ont été désignés pour se rendre aujourd’hui chez le roi. Ce sont: MM. Bouron, l’abbé Loi lier, Dupré, Mougins de Roquefort, Grangier, Lambert de Frondeville. L’ordre du jour est un rapport des comités des domaines et de la marine sur les biens affectés et à affecter au service de la marine . M. de Curt, au nom des comités des domaines et de la marine. Messieurs, la marine réclame, our ie service de ses différents ports, quelques iens nationaux absolument nécessaires à la sûreté politique et à l’arrondissem< nt des ports et arsenaux. Ces biens siiués, à Brest, Rochefort, Toulon, Bordeaux et Cherbourg, ne sont pas d’une très grande valeur; mais leur réunion aux dépendances de ces ports, sollicitée depuis longtemps par la localité, et toujours éludée par la résistance qui ten. it à la nature des biens ecclésiastiques, présente des avantages inappréciables. Il suffirait, pour s’en convaincre, dejeter un coup d’œil sur les plans qui ont été fournis à vos comités de la marine et des domaines; mais il est dans vos principes d’approfondir toutes les opérations qui vous sont proposées, et vos comités doivent toujours prévenir les doutes qui pourraient s’élever sur les dispositions qu’ils vous présentent. C’est pour remplir ces deux objets, Messieurs, que je vais parcourir avec vous les différents ports du royaume, et fixer votre attention sur chaque terrain, sur chaque établissement, devenus natioaaux, destinés par la nature des choses à être affectés au service de la marine. BREST. Ou s’étonne encore de voir au milieu d’un port, qui renferme les deux tiers des forces navales de l’Etat, des établissements étrangers à la marine. Aucune puissance maritime ne fournit un pareil exemple. Toutes ont eu la politique d’isoler leurs ports, d’en termer l’enceinte, et de n’eu laisser dominer l’intérieur que par le canon établi pour le protéger. A Brest, c’est un couvent de capucins qui domine les établissements destinés au service de la flotte. Ce couvent est situé sur une montagne de roc, qui, s’avançant dans le [tort, vient se terminer au-dessus des quais, occupés d’un côté par les fonderies, tes forges, les bureaux, les m gasins, les différents ateliers; et de l’autre par les chantiers de construction. De toutes les parties de ce couvent et de ses dépendances, on distingue jusqu’aux moindres détails des opérations qui se font dans l’arsenal et dans le port, où d’ailleurs rien n’empêche de pénétrer. On voudrait en vain former une enceinte; tous les édifices appuient sur le rocher, et cet inconvénient laisserait des craintes éternelles sur les incendies, trop souvent projetés par cotte politique affreuse pour qui tout moyen est bon, pourvu qu’il tende à l’affaiblissement d’une nation rivale. Quoique ces considérations ne laissent aucun doute sur la nécessité d’attacher à l’arsenal de Brest un terrain qui le commande et qui eu facilite l’entrée du côté de la ville, je ne dois pas omettre les raisons d’humanité qui provoquent aussi celte réunion. Le port de Brest est encaissé. L’air humide qu’on y re-pire donne souvent des inquiétudes pour los épidémies qui peuvent d’ailleurs se communiquer à lavil’e.Dans les temps de guerre, dans ces temps malheureux de rassemblement de troupes, d’ouvriers et de matelots, les maladies y deviennent plus fréquentes, et l’on ne sait où placer les hommes pour éviter la contagion. Ces malheurs ne seront plus à craindre, dès l’instant où le couvent des capucins sera une dépendance des établissements du port de Brest. Placé sur un rocher très élevé, 1 air y est toujours pur, et assure d'heureuses convalescences. En attendant qu'on puisse augmenter l’emplacement ne l’arsenal, par des excavations qui en changeraient la température, le couvent servira d’asile aux malades; usage le plus digne et le plus respectable qu’on puisse faire d’un lieu consacré au service divin par la religion de nos pères. Après des motifs aussi puissants, Messieurs, que servirait de vous entretenir de quelques détails qui militent aussi en faveur de la réunion du couvent des capucins et de ses dépendances. Il vaut mieux chercher à Rochefort quels sont les biens qui peuvent être utiles au service delà marine. ROCHEFORT. Dans le nombre des biens nationaux qui se