60 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Nous finissons, fidelles représentants, par vous prier de nous envoyer vos bulletins qui nous apprendront la vérité. Il y a quelque temps qu’on nous les a envoyés une fois, et ils nous firent un grand plaisir. Nous sommes, avec les sentiments du plus parfait attachement et de la plus vive recon-noissence, les sans-culottes composant la société régénérée des montagnards de Requista, district de Sauveterre, département de l’Avei-ron. Martin {secret.), Alexandre Pougenq ( présid .), Prouvé {secret.). [LOUCHET : Je demande la mention honorable de l’adresse et des dons patriotiques, et l’insertion au bulletin. Cette proposition est adoptée (1)]. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi aux comités des finances et des dépêches. (2) 9 La société populaire d’Auxerre (3) dénonce à la Convention un tableau, ayant pour titre Police générale, qui paroît être l’ouvrage de Robespierre et de ses complices, par lequel on charge les agens nationaux de district de décider quels sont les citoyens qui, dans les autorités constituées, et même dans les sociétés populaires, sont les plus remarqués, et soumet en quelque sorte les autorités constituées et les sociétés populaires à la surveillance immédiate de ces agens (4). [Au nom de la société populaire d’Auxerre, VILLETARD prend la parole pour exposer les faits (5)]. [La sté popul. d’Auxerre, à la Conv.; Auxerre, 21 mess. II {sic)] (6) Mandataires du peuple, Nous vous dénonçons un arrêté qui paroît être l’ouvrage des conjurés que vous venez de détruire. L’explosion des complots n’est que le résultat de crimes longtemps combinés. Les conspirateurs tombent, mais il reste après eux à réparer le mal qu’ils ont fait. Dans un tableau ayant pour titre Police générale, on charge les agens nationaux de district de décider souverainement quels sont les citoyens qui, dans les autorités constituées, même dans les sociétés populaires, sont les plus remarqués. Qui nous assure que l’influence des vertus, l’exaltation républicaine ne seront pas (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 494; Débats, n° 693, 476-477. (2) P.V., XLIII, 216. (3) Yonne. (4) P.V., XLIII, 216. (5) J.Fr. , n° 690; Audit, nat. , n° 690; Rép. , n° 238. (6) C 316, pl. 1266, p. 84; Moniteur (réimpr.), XXI, 497; M.U., XLII, 461-462; J. S. -Culottes, n°547; J. Perlet, n°692. confondues, dans ce tableau, avec l’influence criminelle de l’intrigue ? Nous ne croyons pas à l’infaillibilité des hommes, et un agent national est un homme. Notre inquiétude est grande, parce que notre patriotisme est grand. Nous pensons que donner à un seul individu l’initiative sur les consciences de 60 000 autres, c’est ressusciter le despotisme. Il nous paroît également étrange de voir les sociétés populaires surveillées par un seul homme, elles dont le principal caractère est de surveiller toute la République. Si l’on se rappelle qu’en même temps qu’arrivait ce tableau, des citoyens de la faction se répandaient partout, et signalant sous le nom général d’Hébertistes les plus chauds amis du peuple, disaient hautement : ce sont des instruments dont on se sert en révolution, mais qu’il est temps de jetter au feu : ils notaient les victimes dont leurs maîtres devaient boire le sang; si on considère enfin que la plus grande attention est appellée, dans ce tableau sur les nobles, et que les prêtres sont oubliés, on reconnaîtra facilement l’ouvrage de Robespierre, et tout se réunira pour légitimer l’inquiétude que nous manifestons. Elle peut être mal fondée, mais notre caractère nous fait un devoir de déposer dans le sein de la Convention tout ce qui paroît tenir au complot dont elle vient si glorieusement de triompher. Continuez, citoyens législateurs, de poursuivre inexorablement l’aristocratie et de défendre les patriotes opprimés. S’il existoit encore parmi vous des hommes à double emploi, purgez-en la République : elle doit être aussi épurée que le coeur des patriotes. Les membres de la société populaire d’Auxerre : Mouttet {présid.), Couturo {secrét.) [et environ 110 autres signatures]. [On applaudit ] VILLETARD. Ajoute que les suppôts des tyrans se répandoient dans les départements pour vexer les patriotes énergiques. Je demande, [dit-il], le renvoi de cette dénonciation aux deux comités (1). TURREAU : La dénonciation portée au sein de la Convention par la société populaire d’Auxerre mérite toute son attention. L’arrêté qui lui est dénoncé est un acte positif du despotisme où voulait arriver Caligula-Robes-pierre; c’est sur son rapport qu’il a été pris par le comité de salut public. Il investit, dans cet arrêté, les agents nationaux d’une surveillance immédiate sur les institutions publiques, sur les sociétés populaires, premières surveillantes de toutes les autorités; sur les hommes, sur les choses, sur la pensée, aussi chère à l’homme que la liberté. En un mot, dans cet arrêté dictatorial, les agents nationaux deviennent les premiers ministres de Capet-Robespierre. On y remarque particulièrement sa tendre complaisance pour les prêtres : il n’appelle sur eux aucune surveillance, il la reporte tout entière sur les (1) J.Fr., n° 690. SÉANCE DU 27 THERMIDOR AN II (14 AOÛT 1794) - N° 10 61 nobles, quoiqu’il sût bien que ces premiers étaient depuis longtemps leurs aînés en scélératesse. Mais il avait besoin d’eux pour empêcher que le trône de sang sur lequel ce théocrate ambitieux voulait s’asseoir, ne devint aussi promptement pour lui le marchepied de l’échafaud. Je demande que la Convention nationale renvoie cette dénonciation aux comités de salut public et de sûreté générale réunis, qui, sous 3 jours au plus tard, lui feront un rapport sur cet arrêté. Cette proposition est adoptée (1). Sur la motion d’un membre [TURREAU], cette dénonciation, ensemble le tableau dont il s’agit, sont renvoyés aux comités de salut public et de sûreté générale réunis, pour faire un rapport sous 3 jours sur cet arrêté (2). 10 Les administrateurs du département des Côtes-du-Nord font passer à la Convention nationale une adresse qu’ils ont faite à leurs concitoyens pour les inviter à faire les frais d’un bâtiment de guerre. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de salut public (3). [Les administrateurs du départ1 des Côtes-du-Nord, à la Conu.; Port-Brieux, 9 therm. II] (4) Représentants de la nation, Nos concitoyens désireroient offrir à la République un bâtiment de guerre. Nous avons cru devoir leur donner un point de réunion; nous leur envoyons donc l’adresse ci-jointe; nous prendrons tous les moyens de facilité propres à assurer le succès de nos voeux; nous ne manquerons pas de vous instruire des résultats, mais, quelqu’ils soient, nous espérons toujours que nos efforts obtiendront la récompense précieuse de votre approbation. S. et F. F. Saulnier Hautiere, M. Le Nee, Goueffic, Hello, T. Prigent. Les administrateurs du département des Côtes-du-Nord à leurs concitoyens. Frères et amis, La République triomphante nous assure la gloire et le bonheur; tous les efforts des tyrans coalisés, des ennemis intérieurs viennent se briser contre l’énergie de la montagne, l’activité du comité de salut public et le courage invincible de nos guerriers; pour soutenir leur ouvrage, les sacrifices que nous pouvons faire sont bien légers; en est-il d’un prix égal au sang de nos défenseurs ? Les esclaves de Georges viennent d’éprouver la valeur de nos marains; Pitt a frémi de rage en voyant entrer dans nos ports le convoi de (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 498; Débats, n° 693, 478-479. (2) P.V., XLIII, 216. Rapport de Turreau. Décret n° 10 402. (3) P.V., XLIII, 216-217. B,n , 1er fruct. (4) C 313, pl. 1250, p. 55, 56. subsistances et déjouer ainsi ses horribles combinaisons sur la famine qu’il vouloit joindre à son sistème affreux d’assassinats. Ne cessons de demander à la Convention qu’elle abaisse l’orgueil de l’Angleterre, votons toujours l’anéantissement de cette Carthage moderne. Que sa marine disparoisse devant le pavillon tricolore : c’est le moyen d’assurer aux mers la liberté que la France a conquise! Offrons à la République, à cette mère bienfaisante qui nous assure tant de jouissance, le produit de tous nos moyens pour augmenter ses forces navales. Cotisons-nous chacun en raison de nos facultés pour faire construire un vaisseau de guerre. Que sur le champ il soit à cet effet ouvert dans chaque commune un registre de souscriptions; chaque citoyen s’empressera d’offrir, suivant ses moyens, le tribut de son patriotisme. Les registres seront arrêtés le 15 fructidor, et le produit des souscriptions versé de suite dans les caisses de districts. Chaque municipalité remettra dans les 3 jours suivants, à l’administration de son district, la liste des souscripteurs et du montant des souscriptions. Les administrations de district les feront parvenir dans le même délai à l’administration du département, qui les rendra publiques par la voie de l’impression. Qu’il sera doux pour nous, frères et amis, de donner cette nouvelle preuve de notre attachement à la chose publique. Nous comptons sur le zèle des sociétés populaires; c’est de leur sein que sortira l'impulsion capable d’assurer le succès de notre projet. Nos armées triomphantes aux Alpes et aux Pyrénées, sur le Rhin et dans la Belgique, n’ont-elles pas des émules de leur gloire dans nos armées navales ? Quel sublime exemple de dévouement héroïque ne laisse pas l’équipage du vengeur qui aime mieux s’ensevelir sous les flots, que d’abandonner un vaisseau aux perfides ennemis de la liberté! Fournissons de nouveaux moyens de victoire aux braves marins dont un grand nombre est sorti de nos communes. Déjà les patriotes des Côtes-du-Nord avoient, malgré les entraves des ministres et avant le décret de la déportation, arrêté les manoeuvres des réfractaires et poursuivi leur fanatisme imposteur; ils ont fourni le*ur contingent au recrutement de l’armée, sans éprouver aucune des secousses violentes qui ont agité les départements voisins; ils se sont levés en masse pour repousser les brigands de la Vendée, et ils ont concouru à préserver leur territoire des horreurs de ces bandes sanguinaires; ils voyent aux champs de l’honneur tous les jeunes gens de première réquisition; sans calculer leurs propres besoins, ils se sont empressés de fournir les subsistances qui ont été requises pour les armées et les grandes communes des autres départements; ils n’ont plus aucuns prêtres et ils n’en remercient que mieux l’Eternel de leur avoir conservé la liberté et l’égalité, sources de toutes les vertus; qu’ils parviennent à remplir la souscription ouverte, ils auront encore l’avantage d’avoir concouru à l’affermissement de la République par la destruction de la marine anglaise, et l’approbation de nos représentants sera pour eux la récompense la plus flateuse.