SÉNÉCHAUSSÉE DU PÉRIGORD. CAHIER Des plqpnjes et doléances de l'ordr-e du clergé delà sénéchaussée du Périgord-êfà&n. dons n’avons pu, jusqn’à ce jour, pops proou-ref ca�a�içr qui manque aux. Archives de l'Empire. Lps archives de la préfecture de la Djordpgne possèdent le procès-verbal des eéanççs de l’ordrè du clergé ; mais ce document, qui constate un désaccord marqué entre l’évêque de Périgueux et son clergé, n’est point suivi du cahier. CAHIER Des réclamations de l'ordre de la noblesse des sénéchaussées du Périgord, assemblé en vertu des lettres de convocation de Sa Majesté , du 24 janvier 1789, suivi du mandat spècial donné à tous les députés de l'ordre de la noblesse des trois sénéchaussées du Périgord aux Etats généraux de ladite année (1). RÉCLAMATIONS De l'ordre de la noblesse des trois sénéchaussées du Périgord. ■ Si l’honneur, qui guida toujours la noblesse française, exposa mille fois la vie et la liberté de nos ancêtres dans ces combats qui décidèrent souvent du sort du trône et du monarque, le patriotisme, non moins actif dans ses impulsions, nous commande aujourd’hui de guérir les plaies qu’ont envenimées cent soixante ans de silence, Foppression du gouvernement et l’oubli de nos droits. Le souvenir de ce que nous fumes, la perspective de ce que nous pouvons encore devenir, et la reconnaissance due aux louables intentions d’un monarque dont les vertus personnelles soutiennent seules dans ce moment la chose publique, raniment notre courage pour correspondre au désir qu’il témoigne de se rapprocher de son peuple. Nous commencerons par déclarer formellement, que sans l’amour dont nous sommes pénétrés pour la personne de Louis XVI, sans la considération respectueuse que nous portons à l’auguste sang des Bourbons, l’édifice monstrueux de la dette amoncelée par la cupidité et la profusion des ministres, croulerait en entier, sans qu’il fût de notre devoir d’en prévenir la chute. Que cet aveu soit une leçon mémorable, et que les rois apprennent enfin que le cœur de leurs sujets leur offrira toujours plus de ressources que les intrigues ou les agiotages de leurs ministres. L’administration actuelle n’est qu’une perpétuité de contraventions à nos droits. Unedéfinitiou claire et précise des Etals généraux, de leurs pouvoirs relatifs à la législation et à l’impôt, en fera la démonstration. Les Etats libres et généraux du royaume ne sont (lï Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. tels que lorsque la convocation en a été faite dans les formes anciennes, lorsque les députés qui les composent sont nommés par un choix libre sous tous les rapports, meme pour leur nombre, et lorsque les Etats provinciaux ont délibéré avec toute la liberté due à des peuples francs, appelés à sanctionner ou à rejeter toutes les modifications ou innovations que le monarque veut proposer pour l’amélioration delà chose publique. Toute puissance législative réside dans la nation réunie à son monarque, d’où il résulte qu’aucune loi ne peut recevoir de sanction que dans les Etats généraux. L’impôt n’est légal que lorsque les Etats libres et généraux du royaume ont consenti son établissement, déterminé sa quotité et limité sa durée. Alors les Etats ont le droit de nommer des commissaires pour la répartition équitable et proportionnelle de cet impôt sur les provinces, pour l’exactitude de la recette générale, et pour la fidélité de l’emploi qui aura été déterminé d’avance. Les� Etats provinciaux ont dans leur ressort les mêmes droits, relativement à la répartition, la perception de l’impôt et l’emploi de la portion de cet impôt qui aura été consacrée à i’administration particulière de leur province. L’évidence de ces principes, et leur conformité avec l’aveu de Sa Majesté, autorise l’ordre de la noblesse à interdire à ses députés toutes délibérations avant l’arrêté de la charte des privilèges constitutifs de la nation, dont les principaux articles sont : Art. 1er. La monarchie héréditaire, le corps politique divisé en trois ordres : clergé, noblesse et tiers-état. Art. 2. Le droit de décider de la régence, dévolu exclusivement aux Etats généraux, qui, à cet effet, doivent s’assembler extraordinairement. Art. 3. Le vœu par ordre, avec égalité d’influence aux assemblées de la nation, soit réunie en corps, soit en Etats particuliers ; les Etats particuliers convoqués et organisés de la manière déterminée par la nation. Art. 4. Le veto conservé à chaque ordre, pour maintenir la balance des pouvoirs. Art. 5. La liberté individuelle; suppression des lettres de cachet, des évocations, des commissions, des commitiimus, des lettres de surséance, etc., etc.; le droit d’être jugé par les tribunaux dont on ressort. Art. 6. Propriété en tout genre respectée, tous les privilèges, droits honorifiques et utiles, compris dans les propriétés, ainsi que les capitulations des provinces et des villes qui ne portent point atteinte au bien général. Art. 7. Droit d’octroyer l’impôt, exclusivement conservé aux Etats généraux, ainsi que leur répartition proportionnelle entre les provinces; confier aux Etats particuliers ou provinciaux le droit de répartir, percevoir et verser l’impôt dans le trésor de la nation. Art. 8. Retour périodique des Etals généraux tous les quatre ans; la première tenue d’Etats, après la prochaine, fixée cependant à deux ans ; [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Périgord.] 339 l’intervalle entre les tenues d’Etats généraux; mesure de la durée de l’impôt. Toute prorogalion de l’impôt interdite. Les Etats généraux fixeront une imposition pour avoir lieu, le cas de guerre arrivant, avant leur retour périodique. Art. 9. Les ministres sujets à la comptabilité envers la nation. Art. 10. Le pouvoir exécutif au Roi seul. Quant au pouvoir législatif (la charte exceptée, ainsi que tout ce qui pourrait y porter atteinte directement ou indirectement), s’en rapportera la sagesse des Etats généraux. Art. 11. Les parlements dépositaires des lois portées par la nation, chargés de leur promulgation et exécution , autorisés à poursuivre comme concussionnaire toute personne quelconque employée à lever un impôt non consenti ou expiré. Art. 12. Les mêmes cours chargées de la vérification, promulgation et exécution des lois prononcées par le pouvoir législatif qu’auraient accordées les Etats généraux. La noblesse désire fortement l’obtention de tous les articles de cette charte : dans le cas où, sur quelques-uns, ses députés ne pourraient obtenir la majorité des suffrages, il leur est formellement enjoint de faire leurs protestations, d’en demander acte, et cependant, pour ne pas interrompre le cours des opérations des Etats, de ne point se retirer. Ge préliminaire indispensablement rempli, l’ordre de la noblesse déclare formellement, et de la manière la plus authentique, que sa volonté est de contribuer, avec les deux autres ordres con-curemment et en même proportion, aux charges pécuniaires, se réservant expressément, et avec la même authenticité, tous ses autres droits, honneurs, prérogatives, préséances et distinctions, quels qu’ils puissent être. L’intérêt général du royaume ayant nécessité la demande de la charte, le soulagement des peuples ayant déterminé l’abandon des prérogatives pécuniaires, l’attachement particulier de la noblesse pour sa province motive son vœu pour le rétablissement des Etats particuliers au Périgord, sauf aux Etats généraux à statuer sur la forme qui s’accordera le mieux avec les intérêts de la province. Qu’ils soient absolument séparés de la Guienne et de toute autre province voisine, et seulement composés des trois sénéchaussées de Péri gueux, Sarlat et Bergerac, et de toutes les parties qui en ont été distraites et qui sollicitent leur réunion; enfin que ces Etats du Périgord s’assemblent alternativement dans chacune des villes capitales de ces trois sénéchaussées. Passant aux objets de l’utilité publique, la noblesse réclame : Qu’il soit prononcé par les Etats généraux sur le droit des colonies à y députer des représentants. Que les cultivateurs, cette partie la plus nombreuse et la plus intéressante du tiers-état, forment au moins la moitié des représentants de cet ordre aux Etats généraux et particuliers. Qu’il soit avisé à un règlement qui, respectant autant qu’il serait possible la liberté des citoyens et la population des campagnes, ii’assujetlisse*aux classes de la marine que ceux qui n’ont absolument d’autre profession que la conduite des bateaux sur les rivières complètement navigables. Que les Etats provinciaux soient chargés de tout ce qui a rapport à la confection des chemins, ponts, chaussées, navigation des rivières, canaux et autres ouvrages publics; et que Sa Majesté soit suppliée d’ordonner que les troupes soient employées à ces travaux, afin de conserver pour ceux des campagnes le plus de bras possible. _ Qu’elle soit également suppliée de fixer invariablement la constitution et l’organisation de l’armée conséquemment au génie national : la noblesse ne peut dissimuler à Sa Majesté, que les systèmes destructifs et les variations continuelles dans les opérations des ministres, ont excité un mécontentement et un dégoût universels ; l’esprit de corps, seul capable de produire de grandes choses; est affaibli. Elle propose, pour le faire revivre, que les lieutenances colonelles soient rendues dans chaque corps à l’ancienneté, que le commandement des régiments de grenadiers royaux, ceux de l’état-major et provinciaux, ceux de chasseurs à pied et à cheval, soient destinés à ranimer le zèle, récompenser les talents et couronner les belles actions. Que chaque officier entrant au service connaisse la retraite affectée à chaque grade, après un certain nombre d’années ; et que Sa Majesté porte une loi qui ne laisse d’arbitraire, à cet égard, que la récompense à y ajouter ponr le mérite personnel de l’officier, sur laquelle le fisc ne pourra prétendre de retenue qu’autant qu’elle excéderait 3,000 livres. Que la personne des députés, soit aux Etats généraux, soit aux Etats particuliers, et les membres de leurs commissions intermédiaires, soient déclarés inviolables. Que Sa Majesté soit suppliée de ne plus accorder de survivances : les grâces, ainsi rendues par le fait héréditaires, ôtent à sa justice les moyens de récompenser le mérite personnel et détruisent l’émulation. Que le secret des lettres soit scrupuleusement respecté. Que toute liberté soit accordée à la presse, sou3 la condition de la signature de l’auteur et de l’imprimeur, et du dépôt du manuscrit. Que les offices sans exercice conférant la noblesse soient supprimés; qu’elle ne puisse s’acquérir que par les charges de haute magistrature, en activité nécessaire, par les armes et par le mérite personnel, sur le rapport des Etats particuliers aux Etats généraux et le prononcé du souverain. Qu’il soit érigé dans chaque province un bureau composé d’un nombre déterminé de gentilshommes pour la recherche des faux nobles depuis 1666, et des usurpateurs des qualités, titres et dignités de baron, comte, marquis, etc. Qu’il soit établi à Paris un tribunal, pour la vérification de la noblesse, afin qu’elle ne dépende pas du jugement d’un seul homme. Que la noblesse jouisse dans tout le royaume, comme dans la Bretagne, de la faculté de dormir sans déroger, en se livrant au commerce. Que la noblesse ait seule le droit de port d’armes, sauf les restrictions de l’ordonnance dé 1679. Que dans chaque sénéchaussée il soit fondé Une maison d’éducation suffisamment dotée, soit des biens des maisons religieuses dépeuplées, soit autrement, pour que l’instruction y soit complète, et que le.prix de la pension dès élèves soit proportionné aux facultés dû gros des habitants. Q-u’il soit aussi fondé dans la province du Périgord des chapitres pour les demoiselles nobles. Que les établissements de la maison dé Saint-Gyr et des écoles militaires soient ramenés rigoureusement à leur objet, etque les Etats provinciaux soient chargés de la vérification des titres et de la fortune des familles qui y solliciteront des placés, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Périgord.] 340 [États gén. 1789. Cahiers.] Que, dans chaque chef-lieu de sénéchaussée, il soit formé uu dépôt public, où les notaires seront tenus de déposer une expédition de tous leurs actes. Qu’à chaque siège de sénéchaussée soit attaché un bureau chargé de faire obtenir justice aux malheureux qui seraient dans l'impossibilité de se la procurer. Que tous les différends du peuple pour injures, rixes sans effusion du sang, procès où il ne s’agira que d’une somme de 50 livres et au-dessous, puissent être définitivement terminés par le juge ou officier de police du lieu, assisté de quatre notables au choix des parties. Que le prêt à jour ne soit plus réputé usuraire, y ayant toujours un risque réel, dès que l’argent passe d’une main dans l’autre, condition qui, selon les casuistes, légitime l’intérêt. Que les banqueroutiers soient sévèrement recherchés et punis corporellement. Que les Etats généraux prennent en considération l’accroissement monstrueux de la ville de Paris et les dépenses infi nies que coûtent au trésor public sa police et son approvisionnement : limites à fixer aux autres grandes villes du royaume qui épuisent la population des campagnes; la pluralité des bénéfices; l’emploi des fonds de la caisse des économats ; enfin le Concordat, qui n’a jamais reçu dans le royaume une sanction libre et par conséquent légale. Que l’ordre du clergé prononce la suppression possible des fêtes, y ayant, dans les différents diocèses, de grandes variétés à cet égard. Que tout privilège local qui gêne le commerce et 1 exportation des denrées territoriales soit supprimé, comme attentatoire au respect dû aux propriétés. Que les villes rentrent dans le droit naturel de nommer leurs officiers municipaux. Que l’emploi de leurs revenus soit surveillé par les commissions intermédiaires et les comptes rendus aux Etals de la province. Qu’il soit établi dans les villes des bureaux de charité et des ateliers dans les campagnes, sous l’inspection des commissions intermédiaires, à la faveur desquels la mendicité soit entièrement proscrite, et les pauvres nourris et employés dans leurs paroisses. Qu’il soit disposé des berceaux commodes pour l’exposition des enfants, afin que ceux qui sont chargés de les y déposer, n’ayant plus à craindre d’être poursuivis, ne compromettent pas la vie de ces infortunés. Que, par la connaissance exacte que les Etats généraux acquerront de la situation et de l’emploi des finances, ils prononcent sur les appointements attachés à des commissions sans exercice utile ; sur les pensions accordées sans proportion avec les services rendus ; sur l’accumulation des grâces et faveurs pécuniaires dans les mômes familles ; enfin sur les acquits de comptant, dont Sa Majesté sera suppliée de s’interdire à jamais la générosité, comme portant un désordre réel dans l’équilibre nécessaire entre la recette et la dépense. Que les domainesde lacouronne soient déclarés aliénables et vendus pour l’extinction d’une partie de la dette, les forêts toutefois exceptées; elles seront régies par les Etats provinciaux qui seront comptables de leurs revenus. Les maisons royales et leurs parcs seront conservés pour Jes plaisirs de Sa Majesté, et non compris dans la vente des domaines, excepté toutefois celles dont l’éloignement l’empêche de jouir, lesquelles seront cédées aux plus offrants et derniers enchérisseurs. Qu’il soit fait révision de tous les domaines cédés et de tous échanges faits depuis trente ans. Les droits de contrôle et insinuation excitent, à juste titre, les réclamations de la noblesse; elle demande qu’ils soient perçus d’après un tarif clair, simple et à portée de tout le monde, dressé de manière qu’il soit proportionné à la somme portée par l’acte, et que les moindres sommes soient comparativement moins taxées que les plus fortes; que, pour éviter les fausses liquidations, un seul acte ne puisse renfermer qu’une seule clause engendrant des droits; que le délai pour la répétition des droits mal perçus soit aussi limité que celui accordé pour la réclamation des droits forcés; et qu’entin, les successions directes, les constitutions dotales des pères aux enfants, les actes de partage de famille soient réputés actes simples, comme dérivant du droit naturel et sujets au simple droit. Que les intérêts des emprunts faits par Sa Majesté soient réduits au taux de la loi. Que le dividende de toute compagnie pourvue de lettres patentes soit soumis au même impôt que les biens-fonds. Que toutes les corporations de négociants et marchands soient abonnées à un impôt proportionné à l’importance de leur commerce, étant juste que la nation qui contribue constamment aux frais de protection et d’encouragement du commerce, en soit indemnisée. Que tout homme qui, n’ayant aucune propriété, n’a de ressources que dans ses bras, soit exempt de tout impôt. L’ordre de la noblesse termine le cahier de ses réclamations par quelques observations importantes dans les circonstances présentes. Les Etats ne peuvent être libres et généraux qu’aulant que les membres de tous les ordres qui ont concouru dans leurs provinces à la rédaction des cahiers et à la nomination des députés, ont joui de toute la liberté qui, par le droit et par le fait, a toujours été une prérogative commune à chacun des trois ordres. Les anciennes lettres de convocation n’ont déterminé le nombre des députés de chaque sénéchaussée que par une simple considération de police, relative au local où les Etats généraux doivent se rassembler. Mais dans le fait, jamais les provinces ni les ordres ne se sont astreints à l’exécution rigoureuse d’une pareille disposition , et avant de la donner comme une loi, il aurait fallu que les Etals généraux l’eussent consentie. L’ordre de la noblesse s’étant toujours maintenu dans le droit d’élire son président à l’assemblée des trois Etats, et n’y ayant jamais dérogé dans le fait, réclame expressément contre l’article 41 du règlement. Le Koi, en hypothéquant aux créanciers de l’Etat les revenus de l’Etat pour gages de leurs actions, n’a pu considérer que la masse des propriétés qui, par leur nature, sont ostensibles, permanentes et misissables. En partant de ce principe, sans lequel aucun capitaliste n’aurait pu raisonnablement contier ses fonds au monarque, il résulte que les propriétaires des fonds ostensibles, permanents et saisissables peuvent seuls garantir d’une manière certaine la liquidation de la dette de l’Etat : donc le ministre a été induit en erreur en appelant aux délibérations de l’assemblée qui doit statuer sur les moyens de combler le déficitj tous ceux qui, n’étant pas compris dans l’ordre ni les privilèges de la noblesse, ne tenant à aucune corporation, n’ayant de fortune que leur portefeuille, peuvent. d’un moment à l’autre, par leur [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Périgord.] 344 émigration, priver l’Etat de la rétribution annuelle qu’ils lui doivent, et qui est le gage de ses créanciers. Rédigé par les commissaires de l’ordre de la no-blesœ, signé, etc. Lu et approuvé dans l’assemblée générale de la noblesse, du 23 mars 1789; et ont signé sans distinction de rang, et sans tirer sur ce à conséquence. Signé, etc. MANDAT SPÉCIAL Donné à MM. les députés de l'ordre de la noblesse des trois sénéchaussées du Périgord aux Etats généraux, convoqués à Versailles le 27 avril 1789. Nous, commissaires nommés par nos sénéchaussées respectives , composant la province du Périgord, spécialement autorisés pour la rédaction du mandat et des pouvoirs à donner à l’effet de proposer, remontrer, aviser et consentir, par MM. le comte de Laroque, le marquis de Fou-eauld de Larimaldie et le marquis de Verteillac, députés de l’ordre de la noblesse aux Etats généraux députés à Versailles le 27 avril prochain, par les lettres de convocation de Sa Majesté, du 24 janvier dernier, après avoir mûrement délibéré sur l’exercice de ces pouvoirs, leur enjoignons : De ne laisser porter aucune atteinte aux articles fondamentaux de la constitution française, établis dans notre définition des Etats libres et généraux, et de leurs pouvoirs relatifs à la législation et à l’impôt; à cet effet, de considérer d’abord si ces Etats sont libres-, si la liberté des provinces a été respectée, ou si elles ont consenti provisoirement quelques modifications; déclarer qu’à notre égard nous regardons la lettre de convocation illégale dans quelques-unes de ses dispositions, et le règlement y annexé, nul ; et que la députation que nous en avons faite n’est que l’effet de notre libre volonté, et non en vertu dudit règlement, contre lequel nous avons protesté et protestons. Considérer ensuite que le concours de toutes les provinces est d’absolue nécessité pour constituer les Etats généraux; mais au cas que quelques-unes se soient dispensées d’y députer, alors nos représentants s’en référeront àla délibération prise dans leur ordre, sur la validité des motifs de leur absence, et sur l’effet qui doit en résulter. Considérant ensuite qu’il est impossible de juger éventuellement de l’ordre adopté par les Etats généraux pour les objets qu’ils traiteront, nous leur laissons la liberté de délibérer; mais ils ne pourront consentir qu’après l’obtention de la charte. Conséquemment au principe que nous avons établi, nous enjoignons à nos députés de ne consentir aucune délibération par tête, conjointement avec un ou avec deux ordres; et dans le cas où l’on voudrait les y contraindre, nous leur ordonnons formellement de se retirer, après avoir signifié leurs protestations, et de s’absenter des Etats jusqu’au retour de la délibération par ordre, ne voulant que, dans aucune circonstance, ni en vertu d’aucune autorité, pas même celle de la majorité dans notre ordre, ils dérogent par le fait à l’exercice du droit de délibérer et voter séparément. Dans le cas où les trois ordres consentiraient à former des bureaux composés indistinctement des membres de l’assemblée générale, pour vérifier tous les objets de finances, nos députés pourront concourir à cette vérification avec les membres des trois ordres qui seront dans les bureaux; mais ils ne délibéreront sur ces objets et sur tout autre, que dans leur ordre et dans leur chambre. Eu supposant que cette charte, rédigée sur les principes fondamentaux que nous regardons comme les bases de la constitution (et au maintien desquelles nous lions impérativement nos députés), ne comprît pas tous les articles dont nous l’avons composée, nous leur enjoignons de protester contre le refus qui leur en sera fait, et de demander acte de leurs protestations sans se retirer. Nos représentants sont autorisés à déclarer que la réserve des privilèges utiles et honorifiques que nous faisons expressément à l’article 6 de la charte, comprennent nécessairement la prestation en argent représentative de toutes charges personnelles à laquelle la noblesse n’a jamais été assujettie, mais que nous consentons cependant à contribuer à l’impôt représentatif de la corvée applicable à la confection et entretien des grands chemins : ils maintiendront le privilège de la noblesse, de n’être soumise à d’autre charge personnelle que celle du ban et arrière-ban. Nos députés maintiendront, avec toute la dignité de leur origine, l'égalité essentielle de la noblesse, qui ne peut être distinguée en plusieurs classes. Nous nous honorons de considérer les princes du sang comme les premiers de notre ordre; nous reconnaissons au parlement les fonctions de la pairie, mais nous n’en reconnaîtrons jamais la prééminence, encore moins les prétentions. Quant aux princes étrangers, leur mérite personnel est la seule mesure des égards que nous leur devons; ainsi nos représentants s’opposeront soigneusement à toute préséance qui pourrait compromettre dans la chambre de notre ordre la dignité et l’égalité de la noblesse française. Les droits de la nation étant reconnus, l’obtention de la charte en ayant assuré la possession pour l’avenir, et notre vœu étant clairement exprimé, nous pensons avoir suffisamment posé les limites dans lesquelles nous entendons circonscrire les pouvoirs de nos députés. En conséquence, nous leur donnons tout pouvoir, à l’effet de proposer et remontrer tout ce dont nous les avons chargés dans nos cahiers; aviser, conjointement avec les autres députés de notre ordre, tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus et l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, et consentir relativement aux instructions que nous leur avons données, et auxquelles ils se conformeront exactement. Qu’ils présentent à la France attentive le témoignage de notre amour pour le monarque, de notre attachement pour la constitution, et que la concorde adoucisse les sacrifices que la générosité va s’empresser de faire. Fait et arrêté par les commissaires de l’ordre de la noblesse, à Périgueux, ce 26 mars 1789. Signé le comte de Saint-Astier ; le vicomte Lacropte de Bourzac; le marquis deRastignac; le comte de Saint-Exupère; le vicomte de Peyraud; de Bacalan ; de Laurière ; de Chapelle.