[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ilO juillet 1791.] (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) La partie droite est dans une vive agitation. M. Dufraisse-Dnehey. Il n’y a point de règlement quand il s’agit de la personne sacrée du roi. Il n’y a que des factieux qui puissent s’opposer... A gauche : A l’ordre ! à l’ordre ! M. de Faucigny-Lucinge. Oui, nous ne sommes ici que puur le roi, que pour le défendre. Quand il en sera temps nous parlerons. M. Bnfraisse-Duchey. Sans doute ! certainement. A gauche : A l’Abbaye ! M. Dufraisse-Duchey. Eh bien ! envoyez-moi à l’Abbaye. M. le Président. L’Assemblée yient de passer à l’ordre du jour, vous n’avez pas la parole. MM. de Fanclgny-Lueinge , de Montlo-sier, Dufraisse-Duehey, au milieu du bruit. Nous la prenons, Monsieur, nous voulons la prendre ! A gauche : A l’ordre ! à l’ordre ! M. le Président. Si vous continuez, Messieurs, je vais prendre les ordres de l’Assemblée contre vous. M. Malouet. Je demande s’il est permis d’aller chez le roi?... M. Favie. Non, Monsieur. M. Malouet. Et de quel droit? Je demande quelle autorité peut m’empêcher d’aller chez le roi. (Bruit.) A gauche : Non ! non ! M. Malouet. Je veux y aller, moi ! M. de Montlosier. Je demande que M. de La Fayette soit mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite.... M. Populus. Monsieur le Président, je demande qu’on lui impose silence au nom de l’Assemblée. M. de llontlosier... Je demande qu’il soit responsable sur sa tête des outrages qu’il fait subir au roi et à la reine par ses satellites. . .. A gauche .- A l’ordre l à l’ordre l M. le Président. Monsieur Muguet, vous avez la parole, je vous prie de, la prendre. M. Muguet de Han thon. Messieurs, je suis chargé... M. de Montlosier... Je me réserve de le* pour* suivre par toutes les voies de droit quand il en sera temps... 111 M. 1© Président. Vous n’avez pas la parole, Monsieur. M. de Montlosier... Il est indécent que l’on mette des sentinelles jusque sur les toits. M. Boussion. Monsieur le Président, prenez les ordres de l’Assemblée, et si M. de Montlosier ne s'y soumet pas... (Bruit.) M. le Président. Je vais prendre les ordres de l’Assemblée pour savoir si vous aurez la parole; Monsieur, mettez-vous à l’ordre. Je consulte l’Assemblée. (L’Assemblée décide que M. de Montlosier n’aura pas la parole.) M. de Montlosier. C’est une infamie que de ne pouvoir pas délibérer! La voilà cette liberté nationale !... (Le calme se rétablit.) M. Muguet de Manthou, au nom du comité des rapports, présente un projet de décret relatif au secret et à l'inviolabilité des lettres, et dit : Messieurs, je suis cha gé, par le comité des rapports, de vous présenter un projet de décret qu’il a cru indispensable pour remédier à divers inconvénients nés des précautions excessives que quelques départements et quelques municipalités ont cru devoir prendre dans les circonstances présentes. Lorsque la nouvelle du départ du roi est parvenue sur les frontières, on a cru devoir arrêter tous les courriers. La correspondance des particuliers, dans plusieurs lieux, a été soumise à l’inspection des olficiers municipaux et des corps administratifs. Nous avons senti que cette faute pouvait être excusée parles circonstances; que,, dans un moment d’alarme générale, on pouvait user de précautions extraodinaires, mais que ces précautions devaient cesser, du moment que l’Assemblée avait arrêté des dispositions pour la sûreté et la défense de l’Etat; que d’ailleurs vous aviez annoncé d’une manière si positive le respect qui est dû aux lettres et à leur inviolabilité, que nous devons nous empresser de recommander ce secret et cette inviolabilité aux différents corps administratifs. Nous avons cru devoir prévenir dans le considérant toutes les différentes manières dont on avait pu poiter atteinte au secret d s lettres. Comme l’Assemblée avait également renvoyé au comité des recherches l’ouverture de plusieurs let res, nous avons cru qu’il ne nous était pas permis d’improuver ce qui avait pu être fait par les directoires, parce qu'en cela le péril imminent pouvait tout excuser. D’après cela voici le projet de décret qui a été' concerté avec le minis re de l’intérieur : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité des rapports, considérant que les précautions qu’elle a ordonnées pour la sûreté de l’Etat, par son décret du 21 juin dernier, ont été exagérées en plusieurs lieux; que, par l’effet d’un zèle inconsidéré, des corps administratifs et des municipalités avaient cru pouvoir, eu conséquence, soumettre à leur surveillance et à leurs recherches la correspondance des particuliers; que l’arrestation qui a été faite en plusi urs villes des courriers des malles, les dépôts forcés de leurs paquets en autres lieux qu’aux bureaux auxquels ils étaient destinés; les perquisitions faites chez les directeurs des postes, la vériffea- 112 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |il juillet 1791.J [Assemblée nationale.] tion dos lettres, les sursis ordonnés à leur distri but ion ne peuvent qu’int. rrompre les relations commerciales, et sont autant d'abus qu’il est indispensable d’arrêter; que ces moyi ns illégaux, qui ne peuvent être tolérés que da s un moment d’alarme universelle et dans un péril imminent, ne peuvent être plus longtemps employés d’après les mesures qui ont été arrêtées pour la sûreté et la défense de l'Empire; décrète qu’il est enjoint aux corps administr.difs dei-umiller l’exécution du décret du 10 août 1790 concernant le secret et l’inviolabilité des lettres, et de se conformer aux dispositions de l’article 10 du titre des attributions faisant partie du décret du 26 du même mois d’août, qui défend a >x corps administra ifs et aux tribunaux d’ordonner aucun changement dans le service des postes. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président donne lecture d’une lettre des administrateurs du département de Paris qui préviennent MM. les députés de l’Àssemb ée que la cérémonie de la translation des restes de Voltaire nuis. lien demain lundi à 8 heures du matin et les invite à se réunir à l’hôtel d’Ortnesson, près de l’Arsenal, d’où ils pourront joindre la marche commodément. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETH. Séance du lundi 11 juillet 1791 (l). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires annonce le retour de MM. de Bousmurd de Chantereinc, député du département de la Meuse, et Mourot, député du département des Basses-Pyrénées, qui étaient absents par congé. M. le Président fait donner h cture d’une lettre de M. Boussieux , peintre , qui, n’ayant pas de fortune à offrir à la patrie et voulant servir la Fiance, fait hommage à l’Assemblée d’un tableau allégorique de sa composition, qu’il intitule: « La France sacrifiant à la raison ». Sa santé ne lui permettant pas de jouir de l’avantage de présenter lui-même son œuvre, il demande à se faire suppléer par sa fille, et il désire que cela soit à l’époque glorieuse du 14 juillet. (L’Assemblée reçoit avec applaudissements l’hommage du talent*et du patriotisme deM. Boussieux, et ariête que sa fille sera admi.e à la barre, à la séance du 14, au soir.) M. le Président fait lecture d’une lettre de M. Pastoret , procureur général du département de Paris ; il prévient l’Assemblée que le mauvais temps force le département à remettre à demain la cérémonie de la translation des restes de Voltaire. M. Camus, au nom des commissaires nommés pour l'examen de V organisation de la caisse de l' extraordinaire et des commissaires nommés pour surveiller ladite caisse, réunis. Messieurs, conformément à vos ordres (I), les commi-saires chargés de l’examen de l’organisation de la cuisse de l’extraordinaire et les commissaires changés delà surveillance de ladite caisse, nous nous sommes assemblés hier, et voici le projet de décret que nous avons arrêté de concert : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses commissaires nommés pour l’examen de l’organisation de la caisse de l'extraordinaire, et de ses commissaires nommés pour surveiller ladite caisse, réunis, décrète : Art. 1er. « Les bureaux de l’administration de la caisse de l'extraordinaire, sous le commissaire administrateur, seront composés chacun d’un premier commis; et sous celui-ci, des commis et expéditionnaires, dont le nombre et les appointements seront déterminés par le commissaire administrateur, aux conditions portées pur les articles suivants. Art. 2. « Le commissaire administrateur ne pourra donner à aucun de ses premiers commis plus de 8,000 livres par an, soit en appointements, soit en gratifications; il ne pourra donner à aucun commis moins de 1,800 livres, ni à aucun expéditionnaire moins de 1,200 livres par an en appointements fixes. Art. 3. « H sera remis au commissaire administrateur: 1° pour les appointements des commis et les gages des garçons de bureaux, une somme de 30,8331. 6 s. 8 d . p i r mois (370,000 livres par an); 2° pour les menus entretiens des commis, pour l’eutre-tien et frais des bureaux, papier, bois, lumière, etc.; pour l’entretien, frais et gages des deux portiers de l’hôtel, la paye des Suisses qui gardent l’entrée du bureau des payements, le feu des corps de garde placés dans la cour de l’Iiôtel, une somme de 3,750 livres par mois (45,000 livres par an), eu ce, non compris les frais d’impression, poste, messageries, envois des registres dans les districts; 3° pour son traitement personnel, la somme de 2,083 1. 6 s. 8 d. par mois (25,000 livres par an), lesdites trois sommes faisant ensemble 36,666 1. 13 s. 4 d. par mois (440,000 livras par au). Art. 4. « Sur la somme annuelle de 370,003 livres destinée aux appointements des commis et gages des garçons de bureau, le commissaire administrateur pourra distribuer eu appointements fixts seulement celle de 360,000 livres, et réserver celle de 10,000 livres pour distribuer en gratifications aux commis qui, dans l’année, auront montré plus de zèle, de talent et d’assiduité. Art. 5. « La somme de 36,666 1. 13 s. 4 d. sera délivrée au commissaire administrateur pour chaque mois, à partir du 1er avril dernier, déduction faite des acomptes qu’il a reçus jusqu’à ce moment. Art. 6. « Quant aux dépenses et appointements antérieurs au 1er aviil dernier, il sera remis au commissaire administrateur : 1° pour le travail du sieur Godefroy en 1790, une somme de 4,000 li-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (1) Yoy. ci-dessus, séance du 10 juillet 1791, page 110.