[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j décembre* 1793 575 Fabre d’Églantine. Je demande que le décret d’arrestation que vous venez de porter soit inséré au Bulletin en ces termes : ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus, d'après le procès-verbal.) La Convention adopte cette rédaction. Un membre [Laurent Lecointre (1)] an¬ nonce qu’un courrier, venant de Givet, a été arrêté à Saint-Germain par un commissaire du conseil exécutif, qui a retenu sa dépêche. Un autre membre (2) observe qu’il a été arrêté par la municipalité de Longjumeau, et qu’il a éprouvé beaucoup de difficultés pour passer. Un autre membre se plaint également d’avoir été arrêté à Saint-Germain, par un agent du conseil exécutif, qui a même prétendu devoir signer son passe-port. Sur ces faits, on [Couthon (3)] présente diffé¬ rentes propositions, d’après lesquelles la Conven¬ tion nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « L’agent du conseil exécutif envoyé à Saint-Germain, qui a arrêté depuis peu de jours un représentant du peuple sans égard à son passe¬ port, revêtu de la signature du Président et des secrétaires de la Convention nationale, ainsi que celui qui se permit il y a un mois d’arrêter aussi à Saint-Germain une dépêche adressée à la Convention nationale par un représentant du peuple, seront mis sur-le-champ en état d’arrestation, et conduits par-devant le comité de sûreté générale, qui fera son rapport sur la conduite de ces agents dans la séance de de¬ main. Art. 2. « Le conseil exécutif sera mandé séance tenante, pour déclarer quels sont les ordres qu’il a donnés à ses agents, ou aux autorités consti¬ tuées, notamment à la municipalité de Longju¬ meau, et recevoir l’ordre de remettre dans les vingt-quatre heures au comité de Salut public la liste des agents du conseil envoyés dans les départements, ou près des armées, avec la note de leur état et profession avant la Révolution, et de l’objet de leur mission. Art. 3. « Il sera sursis au mandat de là municipalité de Longjumeau à la barre, et à toutes autres me¬ sures contre cette municipalité, jusqu’à ce que le conseil exécutif ait été entendu (4). » (1) D’après les divers journaux de l’époque. (2) Ce membre est Boursault, d’après le Journal de la Montagne ; Bergoeing, d’après le Mercure uni¬ versel et les Annales patriotiques et littéraires. (3) D’après la minute du décret qui existe aux Ar¬ chives nationales, carton G 282, dossier 795. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 276. Compte rendu du Moniteur universel (1). Lecointre. Un courrier venant de Givet est à la porte de votre salle. Un commissaire du conseil exécutif l’a arrêté à Saint-Germain, et s’est emparé de ses paquets. Cet agent est depuis un mois à Saint -Germain, où il excite chaque jour de nouvelles réclamations. Je demande que la dénonciation que je fais soit renvoyée au comité de Salut public, pour prendre des me¬ sures sévères et décisives à cet égard. Un membre. Je déclare que, passant à Saint-Germain, j’ai été arrêté par cet agent. Sur sa demande, je lui ai montré mon passeport ; mais il ne l’a pas trouvé suffisant, et s’est opposé à mon départ jusqu’à ce qu’il eût apposé un laissez passer et sa signature. Un membre. Il faut enfin porter nos regards sur ces agents dispersés dans la République, et sur les pouvoirs qu’ils exercent. J’ai été dernièrement arrêté à Longjumeau par des hommes revêtus de l’écharpe nationale, mais qui m’ont dit qu’ils ne connaissaient que les ordres du conseil exécutif, et que ces ordres leur en¬ joignaient d’arrêter tous les citoyens, même les représentants du peuple. Ils ont joint à ces obser¬ vations des formes peu respectueuses pour la représentation nationale; je les attribue surtout à des malveillants qui les entouraient, et dont le langage et le costume dévoilaient les senti¬ ments. Enfin, ils ne m’ont laissé partir que lors¬ qu’ils ont vu que je me disposais à vous envoyer le procès-verbal de mon arrestation. (La Con¬ vention montre la plus vive indignation .) Voulland. Je ne prétends point prendre la défense des agents coupables qui se sont portés à des voies de fait destructives des droits les plus précieux du peuple; je crois seulement vous exposer un fait important, et qui se lie naturel¬ lement à la discussion. Vos comités de Salut public et de sûreté générale ont été prévenus que les contre-révolutionnaires faisaient, par les courriers ordinaires ou extraordinaires, passer beaucoup d’objets qui compromettaient le Salut public, et les ordres qu’ils ont donnés sont très sévères à cet égard. Leur exécution a fait faire une découverte précieuse. Le courrier de Toulouse ayant été arrêté, on a trouvé sur lui une clef jointe à une lettre qui en désignait l’usage; un citoyen devait avec cette clef ouvrir une malle renfermant des papiers dont on ordonnait le brûlement. La malle et le eitoyen qui devait en brûler le contenu sont arrêtés. Je le répète, je ne justifie point les voies de fait dont on se plaint; mais j’ai cru devoir vous instruire d’un fait qu’il est important de ne pas confondre avec les autres objets. Charüer. Cette dénonciation mérite la plus sérieuse attention. Il est temps de faire cesser la lutte qu’on croirait voir engagée de la part du conseil exécutif provisoire et de ses agents, contre la Convention nationale. Je demande que le conseil exécutif provisoire soit mandé, (1) Moniteur universel [n° 89 du 29 frimaire (jeudi 19 décembre 1793), p. 359, col. 1]. D’autre part, voy. ci-après annexe n° 2, p. 606 le compte rendu de la même discussion d’après divers journaux. 576 [Conventton nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ V, ?.imai,:« an ” 1 1 ) \ 7 iipr*AmLvr« \ *70- Béance tenante, et qne le président de la Con¬ vention lui témoigne l’indignation que nous avons éprouvée, l’improbation que nous vouons à la conduite de ses agents, et au choix peu ré¬ fléchi qu’il en a fait, et qu’il lui rappelle la res¬ ponsabilité qui pèse sur la tête de ceux qui pro¬ voqueraient l’avilissement de la représentation nationale. Fayau. Avant de s’adresser au conseil exécu¬ tif, il faut savoir si véritablement ce sont ses agents qui se sont rendus coupables. Je demande en conséquence que les officiers municipaux de Longjumeau soient mandés à la barre pour ren¬ dre compte de leur conduite, et que l’on examine ensuite quelles mesures on devra prendre à l’é¬ gard du conseil exécutif. Plusieurs membres demandent la suppression et le rappel de tous les agents du conseil exécutif qui sont dans les départements. Un membre. Je demande que le conseil exécu¬ tif rende compte des agents qu’il a employés, et que ceux qui ont exercé ou exercent des vexations dans les départements soient traduits à la barre. Quant à la proposition de supprimer tous les agents, elle tient à des circonstances que nous pouvons ignorer, et qui exigent peut-être que nous ne l’adoptions pas. Je m’y oppose. Bourdon (de VOise). Avais-je raison de vous dire, citoyens, que le conseil exécutif provi¬ soire était une puissance monstrueuse qui, sans être avouée par le peuple, voulait cepen¬ dant rivaliser avec ses représentants; vous pou¬ vez voir maintenant si la marche des agents du ministère, dans Paris, ne coïncide pas merveil-leusemen t avec les vexations des agents du con¬ seil dans les départements ; à mes yeux du moins c’est une chose bien évidente. En voulez-vous une preuve de plus que celles qui vous ont été dénoncées; la voici : vous avez créé un. comité de Salut public que vous avez investi par votre confiance en lui de la plus grande autorité. Eh bien ! malgré toute sa puissance et ses efforts, la guerre dans la Vendée dure encore, parce qu’il a plu à un agent des bureaux de la guerre de ne pas la faire finir. Oui, il faut le dire, quelque opinion qu’ait eue ou qu’ait chacun de nos collègues, aucun de nous ne peut se dissimuler que la mort et la honte l’attendent s’il laisse périr la liberté. Il faut donc marcher rapidement à sa consolida¬ tion, et je soutiens que nous sommes contrariés, entravés par le conseil exécutif provisoire. Je ne cesserai de répéter que ces restes de la monar¬ chie que nous avons détruite s’interposent sans cesse entre nous et la liberté, et qu’il faut nous délivrer de ces intermédiaires. Je veux bien croire que, dans le nombre de ceux qui le com¬ posent, il y a d’honnêtes gens ; mais il existe dans les bureaux une coalition évidente pour détruire toute responsabilité, et opposer ainsi aux mou¬ vements que vous communiquez une force d’inertie qu’il faut détruire. Je demande que le comité de Salut public nous présente un autre mode de seconder le gouvernement révolutionnaire que par le conseil exécutif; sans cela nous ne finirons jamais la Révolution. On voudrait nous assimiler au long parlement. On tourmente les citoyens, et on jette sur nous l’odieux de ces vexations. Jamais il ne fut plus instant de donner à la Révolution son véritable cours, et de ne pas le laisser entra¬ ver ou détourner. Je demande que vous mandiez à votre barre les officiers municipaux de Longjumeau, et l’agent du Conseil exécutif qui est à Saint-Ger¬ main. Je m’oppose à ce que vous mandiez le conseil exécutif à votre barre. Cette mesure ne produi¬ rait rien. Je vous propose de décréter à la place que le conseil exécutif vous donnera la liste de ses agents, et des qualités morales ou physiques qui l’ont déterminé à les choisir. Cambon. Si vous ne voulez rien avoir et rien savoir vous n’avez qu’à décréter la dernière proposition de Bourdon. Prenez une grande mesure : punissez sévèrement tous ceux qui at¬ tentent à la représentation nationale. Pour moi, je juge que les officiers municipaux de Longjumeau et l’agent de Saint-Germain sont coupables de ce crime, et je demande leur ren¬ voi au comité de sûreté générale. Je demande en second lieu un prompt rap¬ port du comité de Salut public sur les moyens d’organiser de la manière la plus simple l’exé¬ cution du gouvernement révolutionnaire. Charlier. J’insiste sur la proposition que je vous ai faite, parce que vous devez à la nation un grand exemple. On veut vous faire distin¬ guer les agents du conseil, du conseil lui-même; et selon moi, c’est lui d’abord qui est respon¬ sable, ce sont les chefs qu’il faut frapper. J’in¬ siste donc pour que vous mandiez le conseil exé¬ cutif. Que votre président improuve les choix que l’on vous a dénoncés, et qu’il témoigne l’indignation que vous avez éprouvée. J’appuie d’ailleurs la motion de Fayau. Méaulle. Il faut renvoyer les prévenus au comité de sûreté générale; mais je veux qu’on examine avec soin si l’existence d’un conseil exécutif est compatible avec le gouvernement révolutionnaire que vous avez décrété. Pour moi, je crois que nous ne pourrons achever la révolution tant qu’il existera. Couthon. Il y a dans cette discussion plusieurs points à examiner. D’abord il faut savoir si le conseil exécutif est oui ou non nuisible à la marche de la révo¬ lution. Je ne crois pas que le moment de déci¬ der cette question soit arrivé, et j’en appuie le renvoi au comité de Salut public. Je passe aux faits particuliers qui ont été dénoncés. Un agent exécutif a arrêté un repré¬ sentant du peuple à Saint -Germain. Il n’a eu égard ni à son caractère ni au passeport dont il était muni et qu’il a exhibé. Il a cru que sa signature ajouterait un caractère à celle de votre président et de vos secrétaires. Je demande qu’il soit renvoyé au tribunal révolutionnaire; son délit est constant; il a insulté à la repré¬ sentation nationale. La conduite des officiers municipaux de Long¬ jumeau sollicite une autre mesure; ils ont pré¬ tendu avoir été autorisés à arrêter un repré¬ sentant du peuple en commission, par un ordre du conseil exécutif; ils ont évidemment méconnu leur devoir; mais le plus grand délit est commis par le conseil exécutif. Je veux savoir si la municipalité de Longjumeau a dit vrai. Pour cela, je propose de mander le conseil et de le sommer de déclarer, sur l’interpellation du pré¬ sident, s’il a donné les ordres, dont on s’est étayé; s’il est coupable, il sera puni d’une ma¬ nière éclatante. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. JJ �£0*1793 577 J’ai entendu dire que jamais on n’obtenait les listes qu’on demandait aux ministres. Eh bien ! c’est encore un crime que de n’avoir pas obéi à la loi. Il peut se faire que des motifs aient empêché l’exécution de la loi, mais il ne peutplus y en avoir quand votre président aura déclaré la volonté nationale; si, dans les 24 heures, le conseil n’obéit pas, je demanderai moi-même qu’il soit décrété d’accusation et �envoyé au tribunal révolutionnaire. D ubois-Crancé. L’embarras où l’on se trouve provient du silence de la loi sur les passeports. Couthon vient de vous proposer le renvoi de l’a¬ gent qui est à Saint-Germain au tribunal révo¬ lutionnaire; mais le tribunal ne verra point là de délit, parce que la loi ne statue rien. D’ail¬ leurs, considérez qu’il serait possible qu’un homme suspect, par exemple, prît le nom d’un représentant, et voyageât tranquillement avec un passeport qu’il serait sûr qu’on n’exami¬ nerait pas. C’est une loi qu’il faut faire sur cet objet. Couthon. On prétend qu’il n’y a pas de délit : pour moi, je soutiens qu’il y a révolte ouverte contre la loi. La proposition de Couthon, relativement au conseil exécutif, est décrétée. Couthon. Je demande, par amendement à la proposition que j’ai faite, relativement à l’agent du conseil exécutif qui est à Saint-Germain, qu’il soit préalablement traduit devant le comité de sûreté générale, qui fera aussitôt son rapport. Philippe aux. Je fais la même motion à l’égard de l’agent qui arrêta, il y a quelque temps, un paquet adressé à la Convention. Ces propositions sont décrétées. La motion de Couthon, relative à la liste des agents du conseil exécutif, est adoptée. Et quant à la proposition de supprimer le conseil exécutif provisoire, la Convention dé¬ crète que le comité de Salut public lui fera dans trois jours un rapport. Un membre du comité de Salut public présente une liste des membres proposés pour être ad¬ joints aux comités d’aliénation et des domaines réunis, sur laquelle sont inscrits les citoyens Robin, Villers, Monestier, Portier [Portiez] (de VOise), Perrin (des Vosges ), Treillard [Trei-lhard] et Eulard [Enlart]. La Convention adopte cette liste (1). Comité d’aliénation et des domaines réunis (2). Extrait du procès-verbal de la séance du dix -sept frimaire de Van second de la Bépu-blique française , une et indivisible. Le comité, conformément au décret du deux brumaire dernier, qui l’autorise à proposer au comité de Salut public une liste des membres qu’ü jugerait nécessaire de lui adjoindre pour être en état de suffire aux travaux de ce comité, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 277. (2) Archives nationales, carton C 282, dossier 795. lr* SÉRIE, T. LXXXI. arrête que cette liste sera composée de la manière suivante et adressée au comité de Salut public, en l’invitant à faire décréter le plus tôt pos¬ sible, cette adjonction qui lui est absolument nécessaire. Les citoyens ; Robin; Villers; Monestier; Portiez (de VOise); Perrin (des Vosges); Treilhard; Enlart. Collationné sur le registre des délibérations dudit comité. Paris, le 18 frimaire de l’an second de la Ré¬ publique française, une et indivisible. A. Besson, président; Piette, secrétaire. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport du comité de Salut public [Barère, rapporteur (1)], décrète que les ci¬ toyens Lefiot et Legendre se rendront sur-le-champ, en qualité de représentants du peuple. dans les départements du Cher et de la Nièvre pour y prendre toutes mesures de Salut public et y faire exécuter le décret révolutionnaire décrété le 14 de ce mois (2). » Compte rendu du Journal des Débats (3). Barère est à la tribune. Le comité, dit-il, vous a entretenus des troubles qui commen¬ çaient à se manifester dans le département du Cher, dans la Nièvre, à Coulommiers et près Court alin. A l’égard du Cher et de la Nièvre, je viens vous proposer d’envoyer deux commissaires. Barère les nomme ; la Convention les adopte. « La Convention nationale décrète qu’Allard, soi-disant commissaire civil dans le département de l’Ariège; Picot, chef de son conseil privé, le commissaire des guerres à la suite de l’armée soi-disant révolutionnaire aux ordres d’Allard, seront mis en état d’arrestation. « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [Merlin (de Douai) (4)3, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Il est enjoint aux accusateurs publics de poursuivre et faire punir, conformément à l’ar¬ ticle 6 de la section 5 du titre 1er de la deuxième partie du Code pénal, tout commissaire, agent ou délégué des représentants du peuple, du con¬ seil exécutif, du ministre de la guerre, ou autre, qui, depuis la révocation de ses pouvoirs pro¬ noncée, soit par des décrets de la Convention nationale, soit par des arrêtés du comité de Salut public, soit par toute autre autorité investie de (1) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 282, dossier 795. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 277. (3) Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 455, p. 381). (4) D’après les divers journaux de l’époque. 37