[Assemblée nationale.] Ainsi, en cumulant les trois causes d’amélioration qu’on a développées : La cessation d’une exportation de numéraire de ............. . . 9,000,000 liv. L’emploi de la même somme ou environ, au profit de notre agriculture ........................ 9,000,000 L’accroissement des produits de la vente inlérieure, au moins. .. . 14,000,000 Le total de ces bonifications serait, pour la fortune publique, de ....... ....... . ............. 32,000,000 liv. Et si l’on a la prudence de n’opérer ces heureux changements qu’avec la mesure nécessaire ; si on ne marche qu’appuyé sur l’expérience; si l’on attend que des succès déjà obtenus garantissent les succès plus grands auxquels on pourra graduellement prétendre, la France jouira, avant une révolution de quelques années, de tous les avantages qu’on vient de présenter, sans convulsion, sans crise, sans que le régime du tabac éprouve aucune altération. Je me résume et je propose le décret suivant : Article 1er. La culture du tabac sera libre dans toute la France ; maL tout propriétaire qui voudra se livrer à cette culture sera tenu de faire, au directoire de son district, la déclaration de la quantité de terrain qu’il se proposera d’y consacrer. Chaque directoire de district enverra l’état de ces déclarations au directoire de son département, qui limitera l’étendue du terrain sur lequel ce genre de culture sera permis dans son ressort. Art. 2. Il sera établi, pour la fabrication et la vente du tabac, une régie nationale; cette régie aura seule le droit de le fabriquer et de le distribuer dans l’intérieur du royaume; les cultivateurs français ne pourront vendre qu’à elle seule les tabacs qu’ils récolteront, si mieux ils n’aiment les exportera l’étranger; ils se soumettront à recevoir la visite de ses préposés aux époques de la plantation et de la récolte du tabac; cette régie aura également seule le droit d’introduire, dans la consommation du royaume, les tabacs étrangers qu’elle aura fabriqués et préparés dans ses ateliers. Art. 3. Il sera incessamment statué, par l’Assemblée nationale, sur la composition et l’organisation de cette régie, sur la fixation du tarif de ses prix de vente, sur les procédés et les conditions de sa fabrication, ainsi que sur le mode des dispositions pénales qui seront nécessaires pour son maintien. M. le Président interrompt la discussion pour lire une lettre qui lui a été adressée par M. le maire de Paris. Elle est ainsi conçue : « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous prévenir que la municipalité a fait ce matin trois adjudications des biens nationaux : « La première, d’une maison rue du Faubourg-Saint-Jacques, louée 550 livres, estimée 8,100 livres, adjugée 9,950 livres; « La seconde, d’un chantier dit le Cadran-Bleu, quai Saint-Bernard, loué 3,400 livres, estimé 50,000 livres, adjugé 95,500 livres; u La troisième, d’u ne maison quai des Théatins, louée 4,200 livres, estimée 51,400 livres, adjugée 81,300 livres. « Je suis avec respect, Monsieur le président, votre très humble et très obéissant serviteur, « Bailly. » m M. I�efort, député du département du Loiret, obtient une prolongation de congé pour un mois. M. le Président annonce que le résultat du scrutin d’hier, a donné pour adjoints au comité de liquidation : M. de Mirabeau. Je demande, pour des raisons que vous sentirez aisément, le renvoi de l’article 6 au comité diplomatique. Le tabac est la base de relations commerciales très importantes. Je suppose que le comité diplomatique. aura des notions intéressantes à vous fournir sur l’introduction du tabac étra iger en feuilles, et je crois très utile que l’Assemblée l’autorise à les communiquer. M. deFoïleville. L’article 6 étant essentiellement lié au fond de la question, je demande qu’on ajourne le rapport du comité diplomitique à un jour fixe, et que cet ajournement tombe pendant le cours même de la discussion. M. Malowet. Les relations commerciales dont il s’agit ne peuvent être inconnues aux nurnbes de l’Assemblée. Un mémoire de M. Duraouiier, ministre pléni totentiaire en Amérique, donne à ce sujet des notions très précises. Je pense que chacun l’a lu, et que tout le monde a recueilli les connaissances nécessaires pou’ se décider dans cette question. Il est donc inutile de séparer l’article 6 de la discussion. M. de Mirabeau. Je n’ai pas demandé qu’on isolât cet article; mais j’ai entendu que le comité diplomatique parlerait avant que la question fût décidée. M. l’abbé Maury. Je ne m’oppose pas au renvoi au comité diplomatique. Je me borne à faire remarquer que l’article 6 sera probablement repoussé par de simples considérations commerciales, en sorte que le renvoi ne me semble pas autre chose que du temps perdu. La disposition de cet article n’est qu’un leurre qui met le commerce national aux prises avec la concurrence éirangère. Le comité diplomatique parlera s’il le veut, mais il ne faut pas interrompre l’ordre de la discussion. (L’Assemblée ne délibère pas sur la mntion de M. de Mirabeau. Il est convenu tacite n ont que le comité diplomatique prendra connaissance de l’article 6.) M. de SSroglie. En examinant la question qui nous occcupe en ce moment, je ne consulterai pas seulement l’intérêt de la ci-devant province qui m’a choisi pour un de ses représentants ; je serai surtout animé par l’intérêt gémirai de la France et par la crainte de voir imprimer la tache honteuse du régime prohibitif sur une Constitution libre. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 noyembra 1790.] 412 [Assemblée nationale.] , ARCHIVES PARLEMENTAIRES. En effet, est-ce bien à l’époque où nous nous trouvons, dont les ennemis de la évolution essaient en vain d’obscurcir la gloire ; est-ce au moment où nous avons brisé toutes les chaînes fiscales sous le poids desquelles le peuple gémissait, que l’on vient vous proposer encore d’envelopper une branche importante d’agriculture et de commerce dans des prohibitions et des entraves ? Quoi 1 vous avez aboli la gabelle, vous l’avez justement nommée l’un des plus grands fléaux c(ui aient affligé la nation pendant qu’elle était esclave; elle a cessé de l’être, et vous hésiteriez, je ne dis pas à détruire, parce qo’il l’est presque entièrement par le fait, mais à ne plus rétablir l’impôt du tabac, aussi dur, aussi vexaloire, aussi désastreux que celui dè la gabelle ! S’il pouvait vous rester quelques doutes sur l’aversion profonde du peuple pour cet affreux régime, rappelez-vous ce qui s'est passé à l’instant mémorable où la Révolution a commencé. Toutes les barrières que la ferme générale opposait à la circulation du tabac dans le royaume lurent renversées à la fois ; les lignes tracées sur la côte des Vosges furent détruites, les gardes repoussés au même moment, et les peuples de la Lorraine, du pays Messin, de la Franche-Comté, pour premier usage de leur liberté, s’empressèrent d’affranchir des liens de la fiscalité cette production devenue pour eux, par l’effet de l’habitude, un objet de nécessité première, un véritable besoin. Ce mouvement, vous le savez, ne s’est point borné à ces seules provinces ; toute la France a juré, dans ces premiers instants d’effervescence et de liberté, de ne plus souffrir le régime odieux du tabac. Croyez-vous que ce sentiment ne soit plus le même aujourd’hui, et qo’après avoir goûté, pendant plus d’une année, les douceurs de la liberté, les peuples seront ramenés sans murmures aux formes prohibitives ? Comment allier ces formes avec le libre usage, assuré par nos décrets à chaque citoyen, des produits de la terre et de son industrie? Comment l’allier avec les droits imprescriptibles de la nature, de la justice, de la raison, ces bases éternelles sur lesquelles nous avons voulu que fût établie la Constitution française ? L’un des principaux avantages du reculement des barrières aux frontières du royaume est sans doute de dégager l’intérieur de cette armée oppressive de gardes et de commis. Eh bien ! ce bienfait serait illusoire ; car il faudra conserver un grand nombre de ces commis pour le tabac seulement, l’activité de la contrebande l’exigera inévitablement. Vous serez ainsi amenés à placer une incohérence, une difformité honteuse dans le superbe plan d’administration générale que vous vous étiez formé ; et cependant, sans tous ces satellites du fisc, sans ces odieuses visites domiciliaires, où l’honnête citoyen se trouve à la merci de malfaiteurs et de malveillants qui peuvent cacher du tabac dans sa maison ou dans ses dépendances; sans ces visites domiciliaires où le citoyen est à la merci d’employés intéressés à trouver des coupables et assurés d’en pouvoir supposer impunément, la porte est ouverte de toute part à la fraude, et la prohibition est illusoire. La prospérité de l’Etat tient surtout à la richesse de l’agriculture et aux progrès du commerce; c’est leur action immédiate qui, seule, pourra nous retirer du gouffre que le despotisme j!3 novembre 1790.J avait creusé sous nos pas ; or, ce serait porter à l’un et à l’autre un coup mortel que de soustraire à l’action vivifiante de la liberté cette plante dont la culture est facile, dont l’exploitation occupe un grand nombre de bras, et dont la consommation est immense. Quand vous n’étendriez la prohibition que sur les feuilles étrangères dont le mélange est nécessaire à la fabrication du tabac indigène, cette mesure serait encore du plus grand danger. Ce serait mettre nécessairement le commerce de nos tabacs sous le joug d’une compagnie fiscale qui, peut-être forcée à quelques actes de modération extérieurs, ne serait pas moins dans un choc continuel avec les fabricants qu elle parviendrait à décourager, pour pouvoir dire ensuite que la culture du tabac n’a point réussi eu France et qu’il faut l’y proscrire. Elle établirait une concurrence redoutable dans les achats des feuilles indigènes, et les porterait à un si haut prix que les fabriques, ne pouvant plus s’en fournir, cesseraient leurs travaux. La chute des fabriques entraînerait celle des cultures, et il ne vous resterait que le regret d’avoir rendu inutile, en n’accordant pas une liberté indéfinie, ce que vous aviez cru faire d’avantageux pour la liberté. Mais cette liberté indéfinie, s’il faut en croire quelques esprits timides, aura de grands inconvénients; une culture nouvelle et attrayante en lèvera beaucoup de terrain et de bras à celle des moissons, et le blé pourrait souffrir de la préférence donnée au tabac. Cette préférence est purement imaginaire ; on donnera toujours les premiers soins à l’objet des premiers besoins. Le tabac procure à la terre une fertilité qui est toute en bénéfice, puisqu’on le plante d’ordinaire dans les terres qui sont en repos. La France a encore d’immenses terrains à défricher, les provinces les plus fertiles ont encore des landes où la culture du tabac pourrait disposer la terre à celle du blé. L’exemple de l’Alsace peut être ici d’un grand poids. Pendant la dernière guerre d’Amérique, la ferme générale y fit de grands approvisionnements ; l’or qu’elle y répandit par ses achats encouragea tellement la culture du tabac qu’elle augmenta de moitié sans que les moissons en souffrissent, mais eu défrichant des terrains jusqu’alors incultes. La Lorraine, qui n’eut pas la ressource de cette culture, défricha de même, en augmentant ses terres à blé. Ces succès sont connus ; ils peuvent devenir communs à tout l’Empire français. Permettez indéfiniment toute culture, proscrivez toute prohibition, le blé ne vous manquera jamais, on ne l’accaparera même plus. Le monopole est né de la tyrannie et du despotisme ; il décèle un gouvernement faible, il annonce le déclin des empires ; il n’est plus à craindre dans un Etat à qui ia liberté redonne toute la vigueur de la jeunesse, et l’un des bienfaits de la Constitution nouvelle sera de faire disparaître de la langue française jusqu’au mot odieux de monopole. Une autre objection, qui paraît plus spécieuse, est celle qu’on tire de la diminution du revenu qu’occasionnera la liberté de la culture et de l’imposition du tabac. Je ne répondrai point que ce revenu est injuste et odieux, qu’il pèse principalement sur le pauvre, qu’il corrompt le commerce en invitant à la contrebande ; je dirai que ce revenu ne peut plus être tel qu’on le présente, et que plusieurs calculs, qu’il serait trop long de vous exposer ici avec détail, prouvent que, sur 413 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 novembre 1790.] les 30 millions que produisait à peu près annuellement le tabac, il faut en rabattre au moins moitié; car M. Necker avoue lui-même que la vente exclusive est extrêmement difficile à rétablir, que ce revenu diminue de 800,000 livres par mois, et que les approvisionnements mêmes qui se font partout depuis un an s’opposent invinciblement à ce qu’au moins pendant deux ou trois années, la consommation au profit de la ferme puisse êire comptée par moitié; resterait donc seulement 12 ou 15 millions à remplacer, et ces 12 millions pourraient encore être réduits au moins de moitié. Le commerce vous a manifesté son vœu par l’organe de ses députés ; ils vous ont démontré que les succès du commerce, ceux de la navigation et de nos relations commerciales avec les îles exigent que vous décrétiez la libre importation des tabacs. Je me réunis à eux à cet égard ; mais je ne puis adopter leur projet lorsqu’ils , veulent grever de 10 sous par livre les feuilles de tabac étranger. Outre les inconvénients que je vous ai déjà fait apercevoir, oe droit exorbitant serait un appât trop séduisant pour la contrebande. En réduisant à 30 ou 35 livres par quintal le droit d’importation sur les feuilles étrangères, ce serait adopter une juste proportion qui ne grèverait pas trop les fabriques nationales, auxquelles ce mélange de feuilles étrangères est nécessaire, et qui, en même temps, ne fournirait néanmoins pas un trop fort aliment au commerce interlope. Par cette seule imposition, vous retrouverez, en partant des données qui vous ont été présentées par les députés du commerce, au moins 8 à 9 millions. Ce serait donc 5 ou 6 millions qu’il vous resterait à répartir sur tous les départements ; cette somme modique entre eux sera par chacun une somme de 70,000 livres. Et ce serait pour éviter cette addition presque insensible aux charges publiques que vous laisseriez subsister la plus déplorable de toutes ! Vous craignez de faire pour le tabac ce que vous avez fait pour la gabelle ; vous ne pouvez cependant pas adopter deux bases différentes, et le succès de l’une de ces suppressions pourrait vous décider en faveur de l’autre. Le peuple, qui supportait avec peine la somme'exorbitante à laquelle s’élevait cet impôt indirect, versera sans murmures, dans le Trésor public, ce que vous lui demandez pour se rédimer des vexations inhérentes à la prohibition du sel. 11 en sera de même, à plus forte raison, pour le tabac. Un peuple libre est toujours généreux, et ce serait le calomnier que de croire qu’il hésitera à payer la totalité même des 12 millions qui paraissent nécessaires pour indemniser le Trésor national; j’ignore, je l’avoue, ce que le peuple ne sacrifierait pas pour n’avoir plus à redouter ces gardes, ces commis qu’il eut toujours en horreur, pour pouvoir employer son champ à la culture qui lui conviendra le mieux, et pour donner un libre essor à son industrie. Au lieu d’étendre atout le royaume cet avantage de Inculture et de la fabrication du tabac, dont a joui jusqu’à présent la ci-devant province d’Alsace, on propose de la soumettre elle-même au joug prohibitif que l’on vient appesantir surtout l’Empire. La libre culture du tabac est une des plus grandes richesses de ce pays. La ville de Strasbourg compte au moins quarante fabriques florissantes ; une douzaine d’autres sont dispersées aux environs. Ges fabriques exportent annuellement pour 3 millions de tabac fabriqué. Vous qui voulez protéger le commerce, commencerez-vous par enlever à sa balance ces 3 millions qu’y apporteront les négociants de Strasbourg et des départements du Rhin? Si vous établissez une régie intéressée, un privilège exclusif et tout le régime odieux de la prohibition; si vous détruisez ces fabriques héréditaires, que donnerez-vous à leurs propriétaires que vos décrets auront ainsi privés de leur patrimoine? Que donnerez-vous à tant de malheureux journaliers, employés maintenant aux fabriques, et réduits par cet événement à la plus affreuse misère? Que donnerez-vous aux cultivateurs d’Alsace, qui perdraient le principal avantage de la richesse de leur sol? Injustes envers les cultivateurs, envers les journaliers, envers le3 propriétaires, comment excuserez-vous à vos propres yeux cette injustice, lorsqu’en vous l’épargnant vous épargneriez en même temps à toute la France l’un des plus odieux effets de son esclavage? Je n’ai besoin de vous rappeler ni tous les privilèges dont jouissait la ci-devant province d’Alsace, ni sa docilité ou plutôt son empressement à en faire le sacrifice, ni tout ce que, par mille raisons qui lui sont particulières, elle souffre depuis longtemps de plus que la plupart des autres anciennes provinces. Heureuse de voir ses libertés se fondre, pour ainsi dire, dans la liberté universelle de la France, elle est trop fière de faire désormais partie d’un Etat libre tout entier comme elle pour ne se pas féliciter de ses sacrifices et de ses souffrances. Les Alsaciens, Français par adoption, le sont surtout par leurs sentiments libres et fraternels; mais n’auront-ils vu luire sur la France qu’une fausse aurore de liberté? Y verront-ils subsister ce que le génie fiscal inventa de plus vexatoire? et, pour comble de malheur, se verront-ils soumis eux-mêmes à l’influence, nouvelle pour eux, de ce mauvais génie? Dans leurs illusions généreuses, ils se glorifieraient du sacrifice de leurs privilèges, et vous les en récompenseriez en ruinant leur agriculture, en détruisant leurs fabriques, en étouffant leur industriel Non, vous ne décréterez point, vous ne prononcerez point leur perte; ils ne recevront pas ce prix de leur attachement à fa Constitution, de leur soumission à vos décrets, malgré tout ce qu’on emploie sans cesse pour surprendre et pour altérer leur patriotisme ! Vous aimerez mieux répandre sur tout l’Empire l’inestimable bienfait d’une culture et d’une fabrication libres; vous en bannirez tous les suppôts et toutes les inventions du fisc, et, je dois enfin vous le dire, ce sera seulement alors que la France pourra croire à sa liberté. C’est au nom de cette sainte, de cette précieuse liberté, qui n’a jamais cessé d’être l’objet des vœux de tous les citoyens; c’est au nom de cette liberté que nous avons tous juré de recouvrer, de maintenir et de défendre; c'est au nom de cette liberté, sans laquelle la vie sera désormais insupportable à tout Français digne de ce nom, que j’ose réclamer aujourd’hui ; et si cet intérêt, le premier de tous pour les représentants du peuple, avait besoin d’être appuyé auprès devons de nouvelles considérations, je vous prierais d’observer que déjà plusieurs fois, dans cette Assemblée, ceux de ses membres qui ont le plus souvent signalé leurs regrets sur la destruction de l’ancien régime, sur la réforme des privilèges personnels, sur les progrès de notre belle Constitution, que ceux-là, dis-je, sont aussi ceux qui aujourd’hui sont les 444 [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [13 noyembre 1790.] partisans' les plus zélés du projet qui tend à replonger nos concitoyens dans les chaînes avilissantes du fisc. Cetteobservation est importante, et je ne crois nullement nécessaire de vous en présenter toutes les sinistres conséquences. Renversez ces odieux projets, détruisez ces coupables espérances. Que la liberté ri çorve aujourd’hui de ses amis un nouvel hommage, que le peuple obtienne ce nouveau bienfait. Je demande donc formellement la libre culture du tabac dans le royaume, avec la libre importation des feuilles étrangères, et le renvoi aux comités du commerce et d’agriculture, pour comprendre dans le tarif le droit dont il serait convenable de grever les feuilles à leur entrée, -pourvu que ce ne soit pas au-dessus de 30 à 35 livres par quintal. (On applaudit.) M. IÂauffmann, député d’Alsace , présente une opinion dans le même sens que le préopinant, et conclut à la liberté absolue de la -culture et de la fabrication du tabac. M. Pétion monte à la tribune. — Les mouvements du côté droit empêchent d’entendre sou discours, que M. Duval interrompt pour demander la parole. (On réclame l’ordre du jour.) M. Du val d’Lprésaesnil . Je commence par témoigner ma reconnaissance à ceux qui -respectent assez Ja justice et l'humanité pour permettre que l'opinion soit interrompue. (Il s’élève quelques murmures.) Il est digne en effet de ceux qui respectent Ja justice et l’humanité... (On demande l’ordre du jour.) Tout le monde est instruit de ce qui s’est passé hier entre M. Charles de Lameth et M.deCastries.(On demande de nouveau l’ordre du jour.) J’ai demandé la parole pour annoncer que ia maison de M. le duc de Oastries ..... (On rappelle l opinant à l’ordre.) La foule entoure .la maison 4e M. de Castrics, dans laquelle il parait .que l’on a pénétré: en dit que l’on en jette les meu'b es par la fenêtre. (Les tribunes applaudissent. — La partie gauche et la partie droite imposent silence aux tribunes . — Les membres de cette dernière partie s’élancent au milieu de la salle et restent longtemps dans une grande agitation.) M. le Président. Je rappelle aux tribunes... M. de Murinais. Les membres de l’Assemblée ' ont donné l 'exempte des applaudissements. (On entend répéter dans une grande partie de VAssemblée : C’est faux... c’est un mensonge... c’est une calomnie!...) M. le Président. Ce qui vient de se passer est très indécent .; l’Assemblée le blâme formellement. Si les tribunes recommencent, on donnera les ordres les plus sévères. M. l’abbé Maury. Je crois de mon devoir de rendre compte de ce qui vient de m’être affirmé par trois témoins oculaires. La maison de M. de Castries est environnée, les uns disent par quarante mille hommes, les autres par deux cent mille. (Il s'élève des murmures.) Je ne peux pas déterminer le nombre, mais il est assez important pour mériter l’attention de l’Assemblée nationale, dont l’autorité seule sera respectée et peut ramener ce peuple qu’on égare. Ûn attend dans la rue de Varennes un officier municipal avec son écharpe ; mais il n’approchera pas sans crainte. La brave garde nationale, qui veille avec tant de courage à la sûreté des citoyens, ne peut rien; elle a été repoussée : on a dit que, s’il y avait un coup de fusil tiré, la tête du commandant général en répondrait. Nous voilà doncf orcés à invoquer la loi que les représentants de la nation ont portée avec solennité. Je demande que l’Assemblée nationale, venant au secoursde la municipalité et delagarâe nationale, rende undécretqui défende à tous les citoyens de s’attrouper, sous peine d’être poursuivis comme criminels de lèse-nation. Je ne demande le châtiment de personne; j’invoque au contraire votre toute-puissance pour prévenir des crimes aussi fâcheux à voir commettre qu’il serait douloureux de les punir. Je demande un décret dont la force suprême trouvera le peuple sans résistance, et je propose de décider que l’Assemblée ne désemparera pas que l’attroupement ne soiit dissipé. Il faut conjurer l’orage, il faut un remède prompt : le salut de ll’Lmpire en dépend... M. ISaco de La Chapelle. Il faut aussi défendre les armes à la tribune. M. l’abbé Maury est la première cause de ce qui se passe ; je le dénonce. M. Fa bhé Maury. A Dieu ne plaise qu’aucun intérêt personnel me dirige... Je ne veux pas répondre au préopinant, je ne l’ai pas enteudu ; de plus grands intérêts m’occupent. Je l’invite à parler demain ou après le décret. M.Dnrand-MaiHan. Quelque parti que prenne l’Assembléé nationale , je ne puis improuver les motifs du préopinant. Cependant deux grandes considérations doivent vous déterminer à un examen réfléchi : 1° Vous avez décrété solennellement la loi martiale ; vous avez remis toutes les forces nécessaires entre les mains de la municipalité; 2° il s’agit d’un duel dont personne n’ignore les circonstances : je demande qu'on emploie toute ia rigueur des lois existantes contre ceux qui provoquent en duel des membres de l’Assemblée nationale ; mais il convient que vous ne preniez pas de semblables délibérations dans l’émotion où vous êtes. M. l’abbé Maury. J’apprends que l’ordre est rétabli. (On applaudit, et on entend au milieu des applaudissements ces mots ; C’était donc un piège que vous nous tendiez ?) M. le Président. Le peuple s’était emparé de la maison ; il en est sorti, et tout est calme en ce moment. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. C BASSET. Séance du .samedi 13 novembre 1790, au s.oir (i). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les Monétaires fait un énoncé des adresses ainsi qu’il suit : (1) Cette séouce est imeamplète au Moniteur.