144 {Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I j; "iyôse an II ‘ (22 décembre 1193 n’eût atteint sa dix-huitième année que le 13 sep¬ tembre dernier; « Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Le présent décret ne sera point imprimé (1). » Suit la pétition du citoyen Antoine Des¬ pierres (2). Aux citoyens députés à la Convention nationale, à Paris. Antoine Despierres, juge de paix du canton de Saint-Julien-de-Civry, district de Charolles, département de Saône-et-Loire, vous observe que, père d’une nombreuse famille, plusieurs de ses fils sont requis pour défendre la patrie. Son zèle et celui de ses enfants pour une si grande cause, sont connus. Dès le commencement de la guerre, un d’eux s’est empressé de s’enrôler en qualité de volontaire, au mois de mars, époque du premier recrutement; le citoyen Despierres a fourni deux hommes pour aller sur les frontières repousser les ennemis de la Répu¬ blique; son empressement a été sans bornes; il a encore donné une somme de 300 livres afin de faciliter la levée du contingent de sa com¬ mune, tous ses sacrifices ne lui ont point paru douteux, bientôt il s’est vu dans le cas de les renouveler. Un décret de la Convention nationale a ordonné que tous les jeunes gens âgés de 18 ans accomplis, jusqu’à 25 rejoindraient les armées. Trois des fils de l’exposant sont requis, deux d’entre eux sont partis, qui ont été équipés par leur père, un d’eux de la taille de 5 pieds 3 pouces 6 lignes, n’a eu que 18 ans accomplis le 13 septembre, vingt-un jours après que la loi a été décrétée et cependant il n’a opposé aucune exemption pour soustraire ses bras à l’État. Le citoyen Despierres a encore présenté à la nation un cheval qui lui a coûté 700 livres, et il s’est estimé heureux de pouvoir coopérer au bien général. Mais on veut encore le priver d’un troisième, que les circonstances doivent faire exempter. Le fils du pétitionnaire est marié, et la loi n’a demandé que les jeunes gens qui ne le sont pas, il est vrai que le mariage n’a été célébré que le 16 septembre dernier, mais il était arrêté depuis très longtemps et même beaucoup avant que l’on pût prévoir le décret qui a ordonné la levée. Le but des législateurs est toujours de favoriser la population et le mariage, ce serait le manquer que de forcer ce jeune homme à par¬ tir au moment où il vient de contracter un enga¬ gement qui peut donner des défenseurs à la patrie. Le citoyen Despierres est parvenu à un âge avancé, il a des propriétés qu’il fait cultiver par ses soins; le district de Charolles l’a encore chargé de faire la division des biens des émigrés de son canton, ce qui lui donne un ouvrage immense. Dans cette position, il lui serait impossible de subvenir à toutes ces occupations si on le privait d’un fils qui partage ses travaux et qui lui est absolument indispensable. (1) Procès-verbaux de ta Convention, t. 28, p. 32. (2) Archives nationales, carton Dm 226. Le citoyen Despierres attend donc de la jus¬ tice et de l’humanité des citoyens représentants du peuple qu’ils voudront bien ordonner que son fils marié soit rayé de la liste des jeunes gens qui doivent rejoindre les armées, vu qu’il offre en remplacement le cadet de ses trois fils dont il a déjà été parlé, qui n’avait pas 18 ans accomplis lorsque le décret a été rendu lequel devait être exempt, attendu le défaut d’âge, et qui est aussi à même de servir que son frère aîné. Nous membres composant le conseil général de la commune, déclarons que tous les faits ci-dessus énoncés sont de la plus exacte vérité, et ont signé, ceux qui le savent. Mommessin, maire; Mommessin-Dumont, secrétaire; Mommessin -Desprez; Des-pibrres, procureur de la commune. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité.de législation, {Merlin, (de Douai), rapporteur ] (1) sur la pétition de Jean Duchemin, ci-devant Français, et devenu Autri¬ chien par l’effet de naturalisation de l’empereur Joseph n, du 14 avril 1782, tendant à faire décla¬ rer nul et comme non avenu un jugement du tri¬ bunal de cassation du 8 brumaire dernier, par lequel ont été annulés deux arrêts du ci-devant conseil d’Etat, des 2 décembre 1786 et 8 no¬ vembre 1788, relatif à deux jugement» de l’ami¬ rauté de l’Orient, rendus en faveur du citoyen Rouault; « Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Le présent décret ne sera point imprimé (2). » Suit la pétition de J ean -Duchemin (3). A la Convention nationale. « Citoyens législateurs, « La Constitution française, en fondant la République, une et indivisible, a dû n’admettre qu’un code uniforme de lois civiles et criminelles ; et c’est le seul qu’elle a admis (art. 85). « Elle ne devait établir qu’un seul tribunal de cassation qui maintînt ce principe fondamental et l’unité de l’action des tribunaux, et elle l’a établi (art. 98). « Il faut donc pour remplir l’objet de l’Acte constitutionnel que ce tribunal régulateur soit uniforme dans sa marche, et qu’agissant tou¬ jours dans le sens de la loi, il ne fasse jamais rien de contraire, sans quoi, loin d’être utile à la République il préparerait lui-même la des¬ truction d’un édifice qui doit être immortel. « Cependant, au grand scandale du peuple français, ce tribunal change tous les jours de système; ce qu’il fait un jour il le détruit l’autre, ou s’il ne le détruit pas, il laisse subsister dans son dépôt public des décisions contraires qui s’entrechoquent et établissent une différence entre des hommes parfaitement égaux. « On l’a vu, en effet, tantôt admettre des re-(1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 286, dossier 849. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 32. (3 Archives nationales, carton Dm 385. [Convention nationale.] •quêtes en cassation contre des décisions d’ar¬ bitres, et tantôt les rejeter, sous prétexte que ces décisions ne sont pas soumises à l’action en cassation. « Tantôt il refuse de désigner des juges à des parties dont le’ procès est définitivement jugé {sic), et tantôt il leur en désigne quoique le procès soit définitivement jugé. « On l’a vu refuser d’admettre des requêtes en cassation le jour de l’expiration du délai, et il en a admis une contre moi six ans après que ce délai était expiré. « Enfin, on l’a vu suivre le principe constitu¬ tionnel (art. 119) que le peuple français ne s'im¬ misce point dans le gouvernement des autres nations, et ne souffre pas que les autres nations s’immiscent dans le sien. Il a suivi en faveur de l’évêque de Spire, l’un des fanatiques et des tyrans coalisés contre la liberté française, en défendant à un citoyen français de réclamer la justice des tribunaux français contre ce tyran mitré, et il vient de la violer à son préjudice, en donnant aux tribunaux français le droit de juger la conduite que j’ai tenue en mer sur un vaisseau impérial que je commandais, vis-à-vis mon second lieutenant. « Il était cependant constant, et le tribunal l’a reconnu, que ce vaisseau, nommé V Autri¬ chien, appartenait à la Compagnie impériale de Trieste; qu’il avait voyagé sous pavillon neutre pendant la dernière guerre entre la France et l’Angleterre, que tout son équipage était étran¬ ger et qu’ayant l’ordre de débarquer à son retour dans le port de Trieste, il avait effectué son débarquement à Ostende. « Il était constant enfin, que le consul de France à Ostende, ayant refusé de prendre con¬ naissance de cette affaire, attendu que les par¬ ties étaient au service de l’Empire lorsque les faits qui y ont donné lieu s’étaient passés, le second lieutenant s’était pourvu devant les bourgmestres d’ Ostende, avant de se pourvoir devant les tribunaux français pour le même fait, et ces bourgmestres avaient définitivement pro¬ noncé en exécution de deux arrêts du ci-devant conseil qui leur en avait envoyé la connaissance, et que le tribunal de cassation vient d’annuler au mépris de la loi et de sa propre jurisprudence. « Le tribunal de cassation a donc jugé que les tribunaux français pouvaient faire la police des vaisseaux étrangers sur les parages étrangers; car c’est faire la police que d’examiner si elle a été bien ou mal faite en mer par les com¬ mandants. « Mais, puisque le peuple français ne veut point que les étrangers se mêlent de son gou¬ vernement ni se mêler lui-même de celui des autres, comment les juges établis par le peuple français, qui exercent en son nom une portion de sa souveraineté, peuvent-ils avoir le droit de l’exercer sur le territoire ou sur les vaisseaux étrangers? Peut-on allier cette idée bizarre que là où une nation ne peut rien, les juges de cette nation peuvent quelque chose? « Un exemple récent aurait dû, ce semble, éclairer le tribunal de cassation et l’empêcher de violer ce principe constitutionnel. « Il savait que trois officiers suisses employés au service de France, étant retournés à Soleure, leur patrie, y avaient été recherchés et arrêtés par le gouvernement de Soleure, à raison de la conduite qu’ils avaient tenue en France; qu’ils demandèrent à ce gouvernement de leur faire connaître si on leur imputait des délits commis lre SÉRIE, T. LXXXII. 145 à Soleure, et que sur la réponse qui leur fut faite qu’ils étaient arrêtés pour la conduite qu’ils avaient tenue pendant qu’ils étaient au service de France, ils réclamèrent la protection du gouvernement français contre cette violation du droit des gens, et que sur les réclamations éner¬ giques de l’agent de France à Soleure, du conseil exécutif et du Corps législatif français, le droit des gens fut respecté et les trois prisonniers mis en liberté. « Or, si le gouvernement de Soleure, ni aucun gouvernement quelconque n’ont le droit de s’immiscer dans le gouvernement français, ni de rechercher la conduite que les Soleurois ont te¬ nue en France, pourquoi le gouvernement fran¬ çais ou les tribunaux français, qui en émanent, s’immiscèrent-ils dans la conduite que les Fran¬ çais ont tenue au service de l’empire et sur un vaisseau impérial ? « Lorsque les Gardes-Valonnes d’Espagne sont de retour en France, leur patrie, et que les troupes allemandes suisses et irlandaises qui sont au service de France sont de retour dans leur pays, se permet-on d’examiner la conduite qu’elles ont tenue dans les pays étrangers où elles étaient employées? Les droits d’une nation finissant aux limites de son territoire, les tribu¬ naux peuvent-ils en avoir de plus étendus, et mettre dans leur arrondissement le territoire de l’Europe? « La prétention est absurde. Elle a cependant été admise par le tribunal de cassation contre moi qui, pourvu d’une commission de capitaine impérial signée de l’empereur Joseph II et commandant un vaisseau impérial, sous pavil¬ lon neutre, avais reçu du gouvernement impé¬ rial le pouvoir de faire la police de mon vais¬ seau, et n’étais comptable de ma conduite qu’au gouvernement seul qui m’avait investi de mes pouvoirs. Les magistrats d’ Ostende m’avaient jugé et approuvé, aucun autre ne peut donc me rejuger et me blâmer. « On a bien dit que, quoique je fusse Autri¬ chien pendant le voyage, j’étais Français avant de l’entreprendre et que je l’étais redevenu après mon retour. « Mais il ne s’agit pas de savoir ce que j’étais avant le voyage, ni ce que je suis aujourd’hui, puisque je ne suis pas recherché à raison de ce que j’ai fait en France avant ni après ce voyage sur un vaisseau étranger, mais à raison de ce que j’ai fait pendant ce voyage. Il faut donc se reporter au temps du voyage pour lequel je suis recherché, et me considérer tel que j’étais alors, et non tel que j’étais avant, ni tel que je suis. « Les Suisses de Soleure n’étaient-ils pas Suisses avant de prendre de l’emploi en France, et ne le sont-ils pas redevenus en rentrant dans leur patrie? Et si, malgré cela, le gouvernement ni les tribunaux de Soleure n’ont rien pu sur eux, les tribunaux français peuvent-ils quelque chose sur moi? « Le droit de citoyen ne se perd-il pas par la naturalisation en pays étranger et par l’accep¬ tation de fonctions émanées d’un gouvernement non populaire (art. 5 de l’Acte constitutionnel); et si ce droit précieux de citoyen français était suspendu pour moi et pour mon lieutenant pen¬ dant notre voyage, peut-il le réclamer contre moi lorsque je ne le pouvais pas contre lui? « Citoyens législateurs, le jugement du tri¬ bunal de cassation que je vous dénonce, attaque et détruit dans ses bases nos principes consti¬ tutionnels, notre législation et sa propre juris-10 ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i * ni,™se ?n ” ( 22 décembre 1793 146 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES I 2 niv6sc an il 32 décembre 1793 prudence; il tend à fédéraliser les tribunaux et les citoyens, ou à isoler les uns des autres et à détruire l’égalité politique et civile qui doit couvrir tout l’borizon de la France. Détruisez à .votre tour cet acte anticonstitutionnel et antisocial, en décrétant, conformément à. la Constitution, que les tribunaux français ne peuvent connaître d’aucun délit privé qui ait été commis, ni d’aucun fait qui se soit passé hors du territoire de la République, soit entre des Français et des étrangers, soit entre des Fran¬ çais entre eux; déclarez nuis et comme non avenus tous jugements contraires à ce principe, et vous donnerez à l’action des tribunaux l’unité sans laquelle ils ne peuvent agir dans le sens de la loi. ce Pour copie conforme à l'original D.A.C.D.P., le 9 frimaire : « Duchemin, « Maison de Strasbourg, rue Neuve-Saint-Eustache. » « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’aliénation et domaines [J uxxien Dubois, rapporteur (1)], et avoir pris connaissance de la pétition des députés de la Société montagnarde des sans-culottes d’Yvetot, du comité de surveillance et de la municipalité de la même commune, qui réclament contre un décret rendu provisoirement le 17 novembre 1792, qui accorde un privilège exclusif à la commune de Rouen, pour ses bois de chauffage, sur toutes les communes du département de la Seine-Infé¬ rieure; décrète ce qui suit : « La Convention nationale rapporte le décret provisoire du 17 novembre 1792, qui avait accordé un privilège exclusif à la commune de Rouen, pour l’approvisionnement des bois de chauffage dans les forêts du département de la Seine-Inférieure, exclusivement à toute autre commune; et, sur la pétition des habitants de ladite commune d’Yvetot, passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que tous privilèges exclusifs sont anéantis par la loi du 25 août 1789, et par les décrets des 6 et 30 juillet dernier. « Le présent décret sera inséré au « Bulle¬ tin » (2). » « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de ponts et chaussées [Moreau, rapporteur (3)], décrète ce qui suit : Art. 1«. « Sur la demande faite par le ministre de l’in¬ térieur, afin d’être autorisé à payer aux entre¬ preneurs du canal du ci-devant Nivernais la somme de 296,603 liv. 17 s. 10 d. pour solde de leurs travaux jusqu’au 1er janvier 1792, sur celle de 25 millions de livres mise à sa disposition (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 286, dossier 849. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 32. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 286, dossier 849. le 16 frimaire, la Convention nationale passe à 1 ordre du jour, motivé sur la loi du 16 frimaire, relative aux travaux publics. Art. 2. « Le ministre de l’intérieur fera passer à la Convention nationale, avant le 13 du présent mois, le compte qu’il doit rendre sur le canal du Nivernais, en exécution de l’article 3 de la loi du 6 avril 1791 (1). » Un rapporteur du comité de législation [Mer¬ lin (de Douai ) (2)] présente un projet de décret sur les changements que nécessitent dans la loi du 16 septembre 1791, concernant les jurés et la procédure criminelle, les lois émanées depuis le 10 août 1792, tant de l’Assemblée législative que de la Convention nationale. Les articles en sont décrétés comme il suit : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la nécessité de raccorder les dispositions de la loi sur les jurés et la procédure criminelle, du 16 sep¬ tembre 1791, tant avec la loi du 11 août 1792, qui abolit toute distinction de citoyens actifs et de citoyens non actifs, qu’avec les articles de la loi du 14 frimaire, qui suppriment les procureurs généraux syndics et réduisent les fonctions des administrateurs de départements, décrète ce qui suit : § 1". Des listes des jurés. Art. 1er. « La loi appelle aux fonctions de jurés tous les citoyens âgés de 25 ans accomplis. Art. 2. « Néanmoins ces fonctions sont incompatibles avec celles de représentants du peuple, de juges, d’accusateurs publics, d’officiers de police, de commissaires nationaux près les tribunaux, et d’agents nationaux près les administrations de district. « Les septuagénaires pourront s’en dispenser. Art. 3. « A l’avenir, les citoyens ne se feront plus ins¬ crire au secrétariat de leurs districts ni ailleurs pour le service de jurés. Art, 4. « Il ne sera plus formé de liste de 30 ni de 200 pour le tirage au sort des jurés d’accusation et de jugement. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 33, (2) D’après le document imprimé.