{Assemblée natiouale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 mai 1790.] 705 Extrait d'une lettre de Marseille. Un détachement de 200 hommes, ayant le mot d’ordre, est entré dans la citadelle de Marseille, lanuit du 17 au 18 de ce mois : il est monté tout de suite au donjon et s’en est emparé avant la levée du pont. Ce détachement avait les outils nécessaires pour une démolition et a procédé sur-le-champ à l’ouvrage. Le gouverneur du fort en a donné avis aux officiers municipaux leur observant la convenance d’attendre les ordres du gouvernement et de suspendre une démolition qu’il serait aussi aisé d’effectuer quinze jours plus tard. Les officiers municipaux se rendirent à la citadelle dans la journée du 18 et firent retirer les ouvriers, mais après le départ de la municipalité, ils recommencèrent le travail en plus grand nombre qu’auparavant. A 7 heures du soir, quelques officiers municipaux vinrent à la citadelle dire que le conseil général avait décidé que la démolition devait être continuée, ce qui se fît jusqu’à la nuit. Au point du jour, le 19, les ouvriers ont repris le travail ; les uns disent que le projet est de détruire les embrasures qui regardent la ville, en conservant celles qui regardent la mer. La besogne, en ce cas-là, serait faite en cinq ou six jours. D’autres prétendent qu’il est question de démolir la citadelle et le fort Saint-Jean et d’en vendre les matériaux. Le même jour 19, deux officiers municipaux sont venus signifier au commandant du fort une délibération du conseil de la ville, qui les autorise â y faire l’inventaire des effets des magasins. Il a été sommé d’y assister avec le commandant de l’artillerie, et de signer ce qu’ils ont fait. Ledit jour une compagnie du régiment de Vexin a chassé son sergent-major, qu’il a fallu faire évader pour sauver sa vie. Deuxième lettre. Paris, le 27 mai 1790. Monsieur le président, Le roi a chargé M. le comte de Montmorin d’annoncer à l’Assemblée nationale, le 14 de ce mois, que les armements de plusieurs puissances maritimes de l’Europe, l’obligeaient, pour le maintien même de la paix et pour la protection de notre commerce, d’ordonner l’armement d’une escadre. Elle sera composée de 14 vaisseaux de guerre, d’un nombre égal de frégates et d’autant de bâtiments légers ou de moindre force. Ce ministre a exposé, de plus, que des fonds extraordinaires seraient nécessaires au département de la marine, pour l’exécution de cette mesure, dont l’Assemblée nationale a voté qu’il serait fait des remercîments au roi. Sa Majesté m’ordonne de vous adresser l’état : 1° des premiers frais qu’occasionneront l’armement même des bâtiments, la levée des équipages, la conduite des matelots, etc.; 2° de la dépense fixe par mois, que nécessitera l’entretien de l’escadre armée. Je joins à cette lettre un tableau succint, qui indique le montant de ces dépenses. Je suis prêt à donner tous les détails qui seront demandés. Je suis avec respect, Monsieur le président, votre très humble et obéissant serviteur. Signé : LA LUZERNE. Etat des frais d' armement de 14 vaisseaux, 14 frégates, \ corvettes, 6 avisos, 2 flûtes et iaabarres dont V équipement vient d'être ordonne par Sa Majesté. GÀBARRES. Lorient ..... | L’Espérance. Rochefort. . . I La Truite. SOMMAIRE. Les dépenses courantes, montent pour un mois ordinaire à.. 1,067,845 liv. A ajouter, pour la dépense préalable à payer une fois seulement. 968,200 liv. Total de la dépense du premier mois ................. ... ....... 2,036.045 liv. 45 lr* Série. T. XV. 706 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 mai 1790.] Nota. Il sera nécessaire de donner, sur cette somme totale, celle de 500,001) livres en espèces, pour la dépense des conduites et solde des équipages et appointements des officiers embarqués. Signé : La Luzerne. M. le marquis de Vaudreuil demande la parole. On réclame l’ordre du jour. M. Defermon. Il y a de la division dans le comité de la marine; les membres qui le composent n’ont pu s’accorder sur aucun des projets qu’ils devaient présenter. Je demande qu’il soit nommé six ou douze commissaires qui prendront connaissance du travail de ce comité. Un plan ne doit être présenté qu’après avoir été discuté par des personnes qui puissent se concilier. M. le comte de Virieu. Il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la proposition de M. Defermon. Le rapport particulier queM. de Vaudreuil présente a été fait d’accord entre tous les membres du comité. M. le marquis de Vaudreuil. Yous avez applaudi aux sages précautions prises par le roi au sujet des armements des puissances voisines; il est de votre prudence de lever tous les obstacles qui pourraient s’opposer à l’exécution de ces mesures. Le classement des gens de mer forme une partie distincte de l’organisation de la marine : il est nécessaire de prendre sans délai un parti à ce sujet, si l’on craint la désobéissance des .matelots dans les circonstances présentes, où elle pourrait être infiniment dangereuse. Le comité de marine demande que vous ajourniez la question des classes à lundi prochain, soit pour décréter au fond, soit pour décider provisoirement que la police des classes aura lieu comme ci-devant. M. de Montcalm-Gozon. On pourrait, sans inconvénient, ordonner aujourd’hui l’exécution Ïirovisoire des anciennes ordonnances, afin que es armements puissent avoir lieu. M. Malonet. J’ai l’honneur de vous observer qu’il n’y a plus de division dans votre comité au sujet des classes. L’objection qui a été faite lors du premier rapport portait sur les officiers de marine marchande. Cette objection est décidée par les articles de la Constitution : le projet de classement ne les soumet pas à servir comme matelots, mais bien comme volontaires ou officiers 3ur les vaisseaux du roi. Quant aux principes de l’administration de la marine, nous ne nous sommes pas accordés ; mais cela exigera seulement une plus grande discussion. Je ne m’oppose pas à ce qu’on nous donne six ou douze adjoints, mais je demande qu’on décrète que provisoirement la police des classes aura lieu comme par le passé. L’Assemblée décrète presque unanimement « que provisoirement les levées de matelots se feront suivant les ordonnances, comme par le passé. » , M. d’André. Quelques membres de l’Assemblée demandent que la lettre relative à la ville de Marseille soit renvoyée au comité des rapports ; vous avez entendu qu’on démolit les forts ..... M. Castellanet. Non; ce ne sont que les batteries qui donnent sur la ville. M. d’André. Je ne veux pas dire autre chose et je demande qu’on rende compte incessamment de celte affaire à l’Assemblée, et qu’on indique un jour fixe pour ce rapport. M. Salle. Le comité attend des pièces qui sont encore nécessaires. M. Dupont (de Nemours). Quand il est arrivé un fait sur lequel il n’y a aucun doute, quand ce fait est une violation des décrets, il me semble que l’Assemblée nationale ne peut voir cette conduite avec indifférence. Son devoir est de conserver les propriétés nationales ; ce devoir est plus impérieux encore quand il s’agit de propriétés nécessaires ù la sûreté publique. La citadelle de Marseille appartient à la nation; elle n’appartient pas plus à cette ville que les citadelles de Lille ou de Strasbourg ; il faut donc manifester une haute improbation ; il faut mander à la barre les officiers municipaux de la ville de Marseille; il faut que les représentants de la nation annoncent qu’ils veilleront avec sollicitude à la conservation des fortifications destinées à couvrir nos frontières et à défendre nos ports. Je demande donc qu’avec promptitude, mais avec toute la dignité qui convient à l’Assemblée nationale, il soit pris une détermination. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit violente; mais nous pouvons, du sein de notre Assemblée, ordonner que la ville de Marseille, qui n’obéit point à nos décisions, sera privée des avantages dont elle jouissait à l’ombre de nos décrets. M. Castellanet. Lorsque le décret que vous avez rendu est arrivé à Marseille, la municipalité délibérait pour s’occuper de son exécution. C’est en ce moment que le peuple s’est porté au fort. M. de Sinéti. L’Assemblée ne peut peut-être pas improuver sur-le-champ la ville de Marseille : la municipalité a député ici deux de ses officiers ; il faut les entendre. M. Fréteau. L’Assemblée ne peut tarder à prendre un parti. Il en coûterait des millions pour rétablir en deux mois ce qui aurait été démoli en quatre jours. U ne s’agit pas de donner tort à quelqu’un, ni de prendre des mesureshostiles contre un peuple qui, s’il a fait du mal, ne l’a fait que parce qu’il était égaré; il faut remédier sur-le-champ à ce mal. U y a ici des députés de Marseille, nous pouvons les entendre demain matin. Ne perdons pas un moment quand il s’agit d’un objet qui intéresse notre défense, qui touche la France entière et nos alliés. Je pense donc qu’avaut d’examiner le fond de l’affaire il faut décréter que la démolition sera suspendue. M. le marquis de Foucault. Il est un fait certain ; des citoyens très actifs détruisent les défenses d’une ville. On doit décréter sur-le-champ l’improbation de toutes voies de fait. M. Pétion de Villeneuve. La lettre qui nous a été lue ne donne auèune espèce de détails ; je ne pense donc pas qu’on puisse accueillir la proposition de M. de Foucault; j’adopte celle de M. Fréteau. M. de Cazalès. Il est très évident que la ville de Marseille a désobéi au décret par lequel vous avez ordonné la remise des fortsaux troupes du roi ;