154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE naire pour le roulage, sous prétexte de défaut de déclaration et d’affiche. Ce citoyen se pourvoit à la Convention pour faire prononcer la cassation de cette saisie. Nous avons pensé que, dans l’ordre hiérarchique, c’était au directeur du juré d’accusation à casser un semblable procès-verbal. Nous avons donc cru qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur cette pétition. Cependant, pour qu’à l’avenir on ne saisisse point les marchandises qui sont expédiées, et qu’on n’entrave pas ainsi le commerce, nous avons cru qu’il fallait déclarer, par un article précis, que les citoyens qui font le roulage ne sont pas compris, pour les marchandises qu’ils ont en transit, dans la loi du 12 germinal, parmi ceux qui sont assujettis à la déclaration et à l’affiche. Voici le projet de décret (90). Le même rapporteur [OUDOT] propose et la Convention décrète : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la lettre de la commission du Commerce et approvisionnemens de la République, relative à la pétition d’Antoine-François Bricard, entrepreneur et commissionnaire de roulage, qui se plaint de ce que le commissaire aux accapare-mens de la section des Amis-de-la Patrie a fait une saisie de différentes marchandises adressées chez lui pour les faire parvenir à leur destination, sous prétexte qu’il n’en avoit point fait de déclaration, conformément à la loi du 12 germinal; Considérant que les entrepreneurs de messagerie, les commissionnaires qui font le roulage ne sont point assujétis à la déclaration ni à l’affiche prescrites par la loi du 12 germinal, pour les marchandises qu'ils expédient, mais qu'il est nécessaire de ne laisser aucun doute sur ce point; Considérant, d’ailleurs, que dans l’ordre hiérarchique des pouvoirs, c’est au directeur du juré d’accusation à casser une saisie qui auroit été faite sans être fondée sur une disposition précise de la loi, décrète : Article premier. - Il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition d'Antoine-François Bricard. Art. II. - Les commissionnaires et entrepreneurs du roulage ne sont point compris dans la loi du 12 germinal, parmi ceux qui sont assujétis à faire la déclaration et l'affiche des marchandises déposées chez eux en transit (91). (90) Moniteur, XXII, 112; Débats, n° 738, 104-105. (91) P.-V., XLVI, 167-168. C 320, pl. 1328, p. 28, minute de la main de Oudot, rapporteur. Moniteur, XXII, 112; Débats, ti 738, 105; J. Fr., n“ 735; M. U., XLIV, 139. 62 Un secrétaire donne lecture d’une lettre du représentant du peuple Sautereau, relative au général Tuncq; il instruit la Convention que les corps constitués l’ont fait sortir de Rouen, sous prétexte qu’étant destitué, il n’est qu’à 18 lieues de Paris. Sur la motion d’un membre, la Convention décrète le renvoi de la lettre aux comités de Salut public et de Sûreté générale pour examiner les motifs de destitution, et l’insertion au bulletin (92). On donne lecture d’une lettre du représentant du peuple, à Rouen, qui annonce que le général Tuncq, mis en liberté après une longue détention, s’était, aux termes de la loi qui ordonne aux officiers destitués de se retirer à vingt lieues de Paris, réfugié avec sa femme et ses enfants dans la chaumière de sa mère. Une modique rente de 400 livres, que possède cette mère, était la seule ressource de toute cette famille. Tuncq vient d’être obligé de quitter cette retraite, parce que la municipalité lui a prouvé qu’elle n’était distante de Paris que de dix-huit lieues et demie. Ce brave militaire, qui a rendu de si grands services dans la Vendée, est maintenant en proie à tous les besoins, sans asile et sans ressources (93). THIBAULT : J’ai vu Tuncq; il n’est pas un républicain dont le cœur ne fut vivement ému, s’il voyoit à quelle extrémité cet officier est réduit : on le chasse de partout, et cela sur les plus futiles prétextes; il n’a été destitué dans le temps, que parce qu’on vouloit mettre Rossignol à sa place; on l’a dénoncé ici, mais on n’a jamais produit contre lui les preuves qu’on avoit annoncées ; je demande que le comité de Salut public examine la conduite de ce général, et ensuite, si ce comité pense qu’il puisse encore servir la République, qu’il lui soit donné de l’emploi (94). 63 Un membre donne des renseignemens sur la guerre de la Vendée, et désigne Carrier comme ayant permis des atrocités. Carrier monte à la tribune, et, après avoir donné des explications pour repousser les inculpations, il annonce qu’il a son rapport prêt, qu’il va livrer à l’impression, à moins que l’assemblée ne désire l’entendre à l’instant. Il ajoute qu'on y verra qu’il est à l’abri de reproches. (92) P.-V., XLVI, 168. (93) Moniteur, XXII, 113. (94) Débats, n° 738, 106. Résumé dans Ann. R. F., n° 9; Ann. Patr., n° 637 ; C. Eg., n° 772; F. de la Républ., n” 9; Gazette Fr., n° 1002, 1003; J. Fr., n" 734; J. Paris, n° 9; J. Per-let, n” 736; Mess. Soir, n 772; M. U., XLIV, 123; Rép., n° 9. SÉANCE DU 8 VENDÉMIAIRE AN III (29 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 155 Plusieurs membres donnent des rensei-gnemens sur ce qui s’est passé dans la Vendée. Ils désignent le général Turreau comme ayant commis et permis des atrocités. On remarque qu’à cette époque Carrier étoit rentré à la Convention. Les officiers municipaux ont été, ajoute-t-on, fusillés en écharpe; des horreurs ont été commises (95). LOFFICIAL (96) : Il est une grande vérité, c’est qu’on a destitué, incarcéré tous les généraux qui travailloient à finir la guerre de la Vendée, et l’on a conservé tous ceux qui ne son-geoient qu’à la perpétuer, des scélérats qui vio-loient des femmes mortes. Mouvement d’horreur. Le temps de tout dire est arrivé. Cette queue a été réorganisée par les mêmes scélérats ; une amnistie avoit été accordée ; peu de temps après on la révoqua pour forcer les habitans de ces départemens à reprendre les armes, et pour affamer Paris : car ces départemens qui pouvoient fournir une quantité immense de bestiaux, ne fournissent plus rien. Je vais vous rapporter un fait qui fait frémir la nature. Montez à la tribune, crie-t-on. L’opinant monte à la tribune, et continue : Carrier, après une espèce d’amnistie, avoit invité ces hommes à venir déposer les armes; huit cents vinrent les déposer en effet; que fit Carrier? il les fit fusiller. Vif mouvement d’indignation. Carrier se présente à la tribune. Il s’élève de violents murmures. L’opinant continue : Une femme avoit été amenée à Carrier, elle fut fusillée. Elle pouvoit être coupable, je n’en sais rien ; mais elle avoit deux enfans, l’un âgé de trois ans, l’autre de vingt mois. On délibéra sur le sort de ces enfans; le résultat de la délibération fut qu’ils n’oublieroient jamais le traitement fait à leur mère, que c’étoit des serpens que l’on nouriroit; ils eurent le sort de leur mère. L’assemblée manifeste un mouvement d’horreur. J’ai voulu faire connoître tous les faits au comité de Salut public, on n’a pas voulu m’écouter. Une voix : On n’écoutoit personne. L’opinant reprend : Oui, c’est pour affamer Paris, qu’on a perpétué cette guerre qu’on au-roit pu finir dans un mois. Il faut enfin que la Convention tienne d’une main ferme les rênes du gouvernement; qu’elle examine la conduite de son ancien comité de gouvernement (97). [On m’a traité de contre-révolutionnaire, de protecteur des brigands, parce que je voulais empêcher la continuation d’une guerre qui affamera Paris, d’une guerre qu’on aurait pu finir en un mois si on l’eût voulu; mais, lorsqu’on voyait qu’un général marchait droit au but, on le destituait sur le champ de bataille. Exami-(95) P.V., XLVI, 168. (96) D’après J. Paris, n° 9 ; J. Perlet, n° 736. Nous suivons pour cette discussion les Débats, n° 738 et le Moniteur, XXII, 113-118. (97) Débats, n” 738, 106-107. nez la conduite de tous ceux qui ont dirigé cette guerre, et vous verrez que la plupart sont coupables] (98). CARRIER : Je n’ignore pas les calomnies que de vils pamphlétaires ont répandues sur mon compte, et je m’apprête à y répondre par un mémoire que je vais livrer à l’impression, et qui contient le compte exact de ma conduite et des arrêtés que j’ai pris avec plus de vingt de mes collègues, qui tous ont été témoins de mes actions dans la Vendée. Si vous voulez me permettre de prendre la parole sur-le-champ, je vous prouverai que j’avais terminé la guerre de la Vendée (Murmures), et toute l’armée vous attestera qu’il n’y avait plus que 300 brigands lorsque je la quittai. J’en appelle à mon collègue Merlin [de Thionville]. Qu’il dise si plus de vingt communes ne sont pas venues à Mon-taigu, où nous étions, si je ne les ai pas traitées avec toute la douceur fraternelle, et si je ne leur ai pas fait délivrer du pain et du vin. On parle d’une femme qui est venue chez moi et que j’ai fait périr. Si le fait est prouvé, je porte ma tête sur l’échafaud (99). [On parle d’une femme et de deux enfans égorgés par mes ordres : si le fait est vrai, je demande à porter ma tête sur l’échafaud] (100). Une voix : On en prouvera bien d’autres. CARRIER : J’ai donné appui et protection aux communes quand elles venaient se rendre ; mais ensuite, quand nos soldats pénétraient en petit nombre dans ces communes, elles les égorgeaient. Lorsque la division du Nord est venue dans la Vendée, je lui avais ordonné de se porter sur l’armée de Charette; au lieu de cela elle marcha sur plusieurs communes qui ne remuaient pas. Il y a huit mois qu’il n’y avait pas de chouans, et qu’il n’y avait pas plus de 300 brigands; et aujourd’hui il y en a plus de 30 000 qui ont égorgé tout un bataillon de Paris (101). [Aujourd’hui les rebelles reparoissent : nous avions un camp à La Rouillère, les brigands l’ont attaqué depuis peu de jours, y ont égorgé 600 de nos défenseurs, un bataillon entier de Paris, et massacré tout ce qui suivait le camp, sans distinction. De là, ils se sont portés dans un village, y ont immolé les soldats dans les hôpitaux, et sont maintenant aux portes de Nantes] (102). LE COINTRE : Que Carrier livre son mémoire à l’impression, et qu’il ne nous fasse pas de ces images... Plusieurs voix : Non, non (103). CARRIER : Voilà ce qui a grossi la Vendée. Les brigands... sont aux portes de Nantes; ils ont surpris un petit camp que nous avions de ce côté, et ils ont tout égorgé; ils sont entrés (98) Moniteur, XXII, 113. (99) Moniteur, XXII, 113. (100) Rép., n” 9. (101) Moniteur, XXII, 113. (102) Rép., n" 9. (103) Moniteur, XXII, 113. 156 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE dans un de nos hôpitaux, et ont massacré tous les malades. Les chouans, qui étoient réduits à presque rien, occupent une grande étendue de pays aujourd’hui. Du côté de Nantes, Rennes, etc., tous les jours ils égorgent impitoyablement : pas un seul voyageur ne peut passer dans ce pays, qu’il ne soit massacré (104). Quant aux faits de brigands péris dans la Loire, que direz-vous quand vous saurez que la vérité est entièrement opposée à ce que l’on a avancé? la voici : quand les brigands voulurent tenter de repasser la Loire sous Nantes, j’avois fait ôter toutes les embarcations, pour leur interdire ce passage et disposer des chaloupes canonnières; ce sont ces chaloupes canonnières qui en précipitèrent dans le fleuve cinq ou six mille qui voulurent tenter ce passage (105). [Il est vrai que des brigands ont péri dans la Loire, mais ce fut lorsqu’ils voulurent la passer à Ancenis. Nos chaloupes canonnières ont brisé leurs radeaux et leurs toues, et ils sont tombés plus de 6 000 dans la Loire. Il arriva encore la même chose lorsqu’ils voulurent passer cette rivière au-dessous de Nantes, car les mesures que j’ai prises les empêchèrent de pénétrer dans le Morbihan] (106). Les arrêtés pris par Turreau et par moi vous attesteront aussi que nous avions expressément défendu de mettre en jugement les jeunes brigands de 12 à 16 ans : j’en délivrai beaucoup, et je les remis aux hôpitaux, où un grand nombre d’entre eux vivent encore ; beaucoup sont morts, il est vrai, mais c’est par suite d’une maladie contagieuse pareille à celle appelée la preussienne, et qui, comme on sait, a régné dans l’armée des brigands (107). [Quant aux enfants, il existe un arrêté signé de Bouchotte, Turreau et de moi, qui défend de les traduire en jugement, et ordonne de les livrer aux bons citoyens qui voudront s’en charger. Il y en a beaucoup dans les différents hôpitaux de Nantes, quoiqu’il en soit mort aussi une assez grande quantité, car il régnait parmi eux une maladie semblable à celle qui a fait périr tant de Prussiens dans les plaines de Champagne ; maladie dont notre collègue Prieur a lui-même failh mourir] (108). On verra dans mon mémoire comment je re-poussse les inculpations qui me sont faites, et quels sont les services que j’ai rendus, car c’est moi qui ai empêché la prise de Granville et d’Angers, en y envoyant en toute dihgence les munitions et les choses dont ces deux places manquaient pour se défendre. MERLIN (de Thionville) : Je dois répondre à l’interpellation qui m’a été faite. Lorsque j’étais à Montaigu, et que certains généraux dont les brigandages sont connus parvinrent, par leurs intrigues avec Bouchotte, à faire destituer ceux qui servaient bien la patrie, Carrier (104) Débats, n°738, 107. Le Moniteur ajoute : La ville de Monperlet a été entièrement massacrée. (105) Débats, n° 738, 108. (106) Moniteur, XXII, 113. (107) Débats, n° 738, 108. (108) Moniteur, XXII, 114. arriva. Il vit une vingtaine de communes que j’avais ramenées au giron de la République; elles m’avaient promis de ne plus suivre les brigands, s’ils venaient pour les faire marcher. Je fus rappelé aussitôt après l’affaire d’Ancenis, et ces hommes qui avaient tenu leur promesse et qui avaient même combattu les brigands avec l’armée de la République, ont été égorgés par elle. Je ne sais par quel ordre, mais je sais que si j’avais été député près de cette armée, ou même dans un département voisin, on n’aurait pas égorgé impunément sous mes yeux, quoique je n’eusse pas signé l’arrêté qui accordait l’amnistie. [Carrier s’écrie que c’est le général Turreau qui a commandé ce massacre. Un membre commence la lecture d’une lettre qu’il vient de recevoir. Nous sommes infestés de brigands, y est-il dit, envoyez-nous des troupes fraîches. On interrompt le lecteur, et la lettre est renvoyée au comité de Salut public] (109) Le tableau que Carrier vient de vous faire est exagéré. Je sais que la Vendée se grossit de tous les hommes à qui l’on fait craindre le retour du système de Robespierre; mais je sais aussi que le comité de Salut public, bien instruit, prend des mesures pour terminer bientôt cette guerre, qui n’est pas alarmante pour la liberté. Applaudissements. La liberté planera bientôt sur toutes les têtes, pour la consolation du peuple et l’efïroi des coupables (110). [Il est vrai que depuis qu’on parle de ramener le règne de l’injustice et de la barbarie, la Vendée s’est grossie de tous les hommes qu’on menace de la déportation et du retour de l’épouvantable système de Robespierre...] (111) DU ROY : J’étois au comité de Salut public ces jours derniers, quand Carrier se présenta, et manifesta sa sensibilité des inculpations qu’on fait circuler contre lui, et fit part de l’intention où il étoit de faire imprimer un mémoire pour sa justification. Il dit qu’il comptoit insérer dans ce rapport un tableau de l’état actuel de la Vendée ; il prétendoit avoir des ren-seignemens sûrs qui lui étoient fournis par ses correspondans, d’où il résultoit que cet état étoit très alarmant. Le comité, qui me parut aussi bien instruit que Carrier, prétendoit au contraire que cet état n’étoit nullement alarmant. Carrier enfin demanda conseil au comité, pour savoir s’il devoit ou non, dire dans son rapport ce qu’il savoit relativement à cette guerre. Je pris la parole. Puisque tu demandes un avis, lui dis-je, voici le mien : l’état actuel de la Vendée n’a rien de commun avec le temps où tu y étois; tu es accusé, démontre ton innocence, borne-toi là, le reste ne te regarde pas. On applaudit. Carrier s’étoit rendu à cet avis; et je m’étonne qu’aujourd’hui, au lieu de répondre d’une manière concluante aux reproches qu’on lui fait, il se soit borné à jeter des alarmes (109) Ann. Patr., n°637. (110) Moniteur, XXII, 114. (111) Débats, n° 738, 108. SÉANCE DU 8 VENDÉMIAIRE AN III (29 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 157 dans le sein de cette assemblée : le comité de Salut public sait son devoir, et s’il étoit besoin d’éveiller votre sollicitude, il le feroit (112). CARRIER : J’ai promis de me justifier complètement. Je déclare qu’il n’est jamais venu chez moi ni femme ni enfants de brigands, et j’ai toujours défendu qu’on mît en jugement les jeunes brigands de 12 à 16 ans. MAIGNEN (113) : L’état de la Vendée n’est point alarmant pour la République; mais des hommes couverts de sang, des hommes dont les crimes sont restés impunis, ont organisé la guerre de la Vendée. Le premier de ces hommes est Turreau, général en chef. Il y a un an que Laignelot et Lequinio avaient réduit les brigands à 300 hommes. Charette était abandonné de tous les cultivateurs, et il n’avait plus que quelques prêtres et quelques nobles. A cette époque, Turreau divisa l’armée en douze colonnes, qui, au heu de poursuivre les restes de l’armée de Charette, ont pénétré dans le pays par douze points différents, et ont égorgé les malheureux qui étaient dans leurs foyers ou qui cultivaient leurs champs. Le pillage fut la récompense de ces troupes, parmi lesquelles il y en avait beaucoup de l’armée révolutionnaire. Sous les yeux de quels représentants pensez-vous que tout cela se passait? On fait beaucoup de reproches à Hentz et Francastel. On souffrait que les soldats missent au bout de leurs baïonnettes des enfants d’un ou deux mois. On frémit d’horreur. Il faut rendre justice à quelques-uns de nos collègues; ils avaient très sagement ordonné qu’on transportât les grains sur les derrières de l’armée. Carrier était alors à Nantes. Les chefs des divisions faisaient prendre toutes les voitures et tous les chevaux du pays où ils pénétraient, et ils voulaient ensuite forcer les habitants à transporter les grains sur les derrières de l’armée. Ces malheureux ne pouvaient point obéir, puisqu’ils n’avaient plus ni voitures ni chevaux; alors on faisait brûler les grains, et fusiller les officiers municipaux en écharpe. Mouvement d’horreur. Carrier était rentré dans la Convention à cette époque, et il n’y avait plus alors à l’armée que Turreau, Hentz et Francastel. Ces deux derniers approuvèrent la conduite du général Turreau. Vous vous rappelez, citoyens, que celui-ci vous écrivit que deux ou trois colonnes avaient tué cinq ou six mille brigands ; savez-vous comment cela se fit? Le voici : on avait ordonné à plusieurs communes de se réunir sur un seul point, et lorsqu’elles furent rassemblées, Turreau fit fusiller sans distinction d’âge ni de sexe. L’assemblée manifeste la plus grande indignation. [Carrier désavoue le fait qui lui est imputé par Maignen, et attribue les massacres qui ont eu lieu à la cruauté des habitans qui ont égorgé un grand nombre de volontaires] (114). (112) Débats, n° 738, 108-109. (113) J. Paris, n° 9; J. Perlet, n” 736; Rép., n° 9. (114) J. Paris, n” 9. Il n’entre pas dans ma pensée d’inculper mes collègues; mais je dis que plusieurs ont été trompés ; je l’ai dit au comité de Salut public ; il ne m’a pas écouté... Plusieurs voix : Il n’écoutait personne. MAIGNEN : Des membres ont même eu l’imprudence de m’appeler protecteur des brigands... Plusieurs voix : Nommez-les. MAIGNEN : Ils ne sont pas ici. J’en appelle à Carnot, qui dira qu’ils m’ont traité d’imposteur et de modéré. Aujourd’hui l’on se trompe encore sur l’état de la Vendée. Les brigands actuels ne sont pas des gens sans aveu. Les cultivateurs vous tendent les bras de toutes parts : ces malheureux marchent quelquefois, mais ce n’est que lorsqu’ils y sont forcés par les brigands, qui leur mettent le couteau sous la gorge. Le véritable noyau de l’armée catholique actuelle est composé de prêtres, de nobles, de faux-sauniers, de héros de 500 livres, qui y sont passés avec les déserteurs, que Carra avait formés en compagnies, pour combattre les brigands. Ce noyau de trois à quatre mille hommes ne fait marcher les cultivateurs qu’avec beaucoup de peine, et ceux-ci se cachent la nuit dans les bois pour leur échapper. Le comité de Salut public a pris des mesures sages pour terminer cette guerre, et j’espère qu’avant peu nous en verrons la fin. Je demande que le comité nous donne les noms de tous les chefs qui commandent la Vendée, et l’on verra quelle est la conduite qu’ils y ont tenue; vous verrez parmi eux un nommé Huchet, qui a violé, massacré et fait fusiller les femmes, après en avoir joui (115). [Ce que je demande, c’est que votre comité de Salut public vous présente la liste des chefs de division qui se sont rendus coupables ; de ces scélérats dont quelques-uns ont eu la scélératesse de faire fusiller des femmes, après avoir assouvi sur elles leur brutale passion]. Indignation (116). LAIGNELOT : On est heureux de pouvoir soulager son cœur, lorsqu’il est navré par le souvenir de tant d’abominations et de cruautés. Je connais la guerre de Vendée; je sais quels en ont été tous les ressorts. Lorsque j’étais à Rochefort, avec mon collègue Lequinio, on vous disait ici que la Vendée n’existait plus, tandis qu’elle était alors de la plus grande force. C’est peut-être un trait de génie des Vendéens que d’avoir traversé la Loire au nombre de 60 mille hommes, tandis qu’ils laissaient encore une nombreuse armée dans le Marais. A cette époque les Anglais devaient faire une descente à Port-Malo, et les brigands leur auraient donné la main. On m’envoya dans ce temps à la Vendée ; on faisait alors le siège de Noirmoutier qu’on employait pour accroître cette guerre et pour la (115) Moniteur, XXII, 114. (116) Débats, n" 738, 110. 158 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE perpétuer. On affectait de répandre qu’on transplanterait tous les habitants de ce pays, et qu’on partagerait les terres à d’autres. Je connaissais dans la Vendée des hommes vraiment patriotes qu’on a ainsi réduits au désespoir. [Une des causes du mal, c’est qu’aux sociétés populaires, on affectoit de dire qu’on ne vouloit pas laisser un seul homme dans ces départements, qu’on y appellerait les patriotes des autres contrées de la République, et qu’on alloit partager les terres] (117). Je ne pouvais concevoir pourquoi on laissait exister ce chancre politique ; je le dis à Barère qui me répondit : on nous prête une bien monstrueuse politique. Une voix : Cela me fut dit aussi par Saint-Just (118). [Un membre cite un propos qui lui fut tenu par Robespierre et Saint-Just, qui indiquoit cette même politique, et qui le força à leur répondre qu’ils étoient des scélérats] (119). LAIGNELOT : Je parlai dans la société populaire de Fontenay-le-Peuple ; je ramenai tous les hommes qu’on avait égarés, et je les disposai à marcher contre Charette. Alors la Vendée était éteinte. Je reçus l’ordre de me rendre à Brest ; je passai par Les Sables ; et lorsque je fus à Challans j’appris que Charette était à Ma-checoul. Par une fausse manœuvre, on avait dégarni ce côté, et on lui avait permis l’entrée de cette ville, où il égorgea beaucoup de patriotes. Enfin on emporta Noirmoutier. Charette fut attaqué dans Machecoul et il y fut battu. Son armée n’était plus composée alors que de 700 femmes et 2 500 hommes qui n’avaient ni fusils, ni canons, ni munitions; ils ne tiraient que quelques coups de fusil en marchant pour tâcher d’opérer, non pas leur retraite, mais leur fuite. Sur la route de Machecoul je rencontrai une colonne de 10 000 hommes qui venaient de l’armée du Nord, et qui brûlaient du désir d’aller exterminer les restes de l’armée de Charette qui était près de rendre le dernier soupir. Au lieu de cela, on lui fit prendre une autre marche. Je partis pour Brest, et je conservai encore des correspondances dans la Vendée. Elles m’apprirent que les habitants se plaignaient de Carrier. Il envoyait chercher dans les campagnes des grains pour alimenter Nantes. Ses commissaires se conduisaient d’une manière très dure, et ils répétaient aux habitants que Carrier avait dit qu’il ne devait par y avoir un grain de blé là où il ne devait pas exister un homme. Ces commissaires ont signé ce fait, et je l’ai écrit chez moi. De là le soulèvement des habitants de ce pays; de là l’accroissement de la guerre, de là enfin sa continuation. Je revins à Paris avec mon collègue Lequi-nio. Le comité de Salut public nous demanda des moyens de terminer cette guerre; nous lui (117) Rép., n" 9. (118) Moniteur, XXII, 115. (119) Débats, n” 739, 113. dîmes qu’il fallait y envoyer des représentants sévères, mais justes et humains; qu’il ne fallait pas toujours tuer, mais éclairer. Carnot nous dit : cela est dans mon cœur, mais Hentz et Francastel, qui sont à Nantes, pensent qu’il faut brûler et dévaster, et qu’il n’y a pas d’autre moyen de détruire la Vendée. Nous offrîment, Lequinio et moi, d’aller là, de parler à ce peuple et de lui faire entendre justice de la cause contre laquelle on l’avait prévenu. Pendant que le comité était en suspens pour le parti qu’il devait prendre, il arriva un courrier qui annonça que les représentants du peuple avaient ordonné le brûlement de soixante communes ; et ces soixante communes sont peut-être les plus patriotes de toute la République : ce sont celles situées dans le Marais, qui s’étend depuis Fontenay-le-Peuple jusqu’aux Sables, et jamais ces hommes-là n’ont souffert un brigand chez eux. Le comité indigné expédia aussitôt un courrier à Nantes, pour suspendre l’exécution de l’arrêté des représentants ; mais le courrier arriva trop tard, on avait déjà brûlé deux communes et 60 tonneaux de grains. Eh bien, ces braves gens qu’on assassinait ainsi, qu’on brûlait, qu’on pillait, dont on violait les femmes, disaient : ce n’est pas la Convention qui ordonne tout cela. Vifs applaudissements. Nous ne voulons pas le croire. Nous voulons vivre et mourir républicains, ajoutaient-ils. Ils se sont retirés dans les bois et s’y sont bâti des cabanes, en attendant que leurs maisons fussent rétablies. Hentz et Francastel arrivèrent alors à Paris, et me dirent qu’il n’existait plus de Vendée. - Pourquoi y a-t-il encore une armée de 80 000 hommes? répondis-je. Le comité m’envoyait contre les chouans ; Francastel assura qu’il n’y en avait plus, et me dit : tu verras à Nantes notre collègue Prieur ’ qui te dira la même chose que nous. Je ne fus pas à Nantes, et je ne sus pas comment pensait Prieur; mais je trouvai dans la chouannerie une guerre très ardente, très bien organisée, une guerre qui avait des ramifications dans la Mayenne, dans la Sarthe et dans tous les départements voisins; enfin une guerre soudoyée par le gouvernement anglais, ainsi que nous l’a appris le portefeuille trouvé de Puisaye, l’un des généraux rebelles. J’ai eu le bonheur de couper tous ces fils, mais je n’ai point eu assez de troupes pour empêcher qu’il n’y eût des patriotes égorgés. On a dit que Dubois-Crancé avait organisé la guerre civile dans ce pays, et moi j’atteste que si Dubois-Crancé n’y fût point passé vous auriez eu à soutenir une guerre très active, une guerre qui se serait alimentée de tous les jeunes gens de la première réquisition que Dubois-Crancé a fait partir au nombre de 40 000. On applaudit. Robespierre avait des intelligences partout; il donnait des places pour tuer les patriotes. Nous avons trouvé un papier qui disait : il arrivera ce mois-ci un événement extraordinaire, les Anglais tenteront une descente, les brigands se porteront à Nantes, dans le Morbihan; en effet Robespierre tâcha d’exécuter son dessein criminel, mais il fut écrasé, et le même jour, SÉANCE DU 8 VENDÉMIAIRE AN III (29 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 159 9 thermidor, les brigands se lèvent partout et partout ils sont battus (120). [Cependant il n’est point douteux qu’un vaste plan de conjuration ait été formé. Le portefeuille de Puisaye, général en chef des chouans, est tombé en nos mains, a dévoilé cette trame entretenue et ourdie par l’Angleterre et les princes. C’est dans le mois de thermidor que devoit éclater cette conjuration : elle coïncidoit avec celle de Robespierre. Les prisons dévoient être ouvertes à Dinan et à... La générale devoit battre partout, et les émigrés dévoient débarquer entre Cancale et Port-Malo, mais malgré une surveillance active, plusieurs venus de Jersey y ont débarqué] (121). [Le 9 thermidor, la générale fut battue à Laval, et toutes les troupes des Chouans se levèrent en même temps et le même jour] (122). [Quand aux émigrés, il en arrive d’Angleterre entre Cancale et Port-Malo, et malgré la fréquence des patrouilles, il est impossible de l’empêcher; ce qui vous prouvera l’intelligence de Robespierre avec les rebelles, c’est que le 9 thermidor on a battu la générale dans les communes révoltées; c’est qu’à Dinan les prisonniers anglois ont ouvert les portes de leurs prisons...] (123) Je vous assure qu’avec 15 000 hommes de bonnes troupes vous verrez bientôt la fin de la Vendée : envoyez-y avec cela des hommes probes, vertueux et humains; des hommes qui ne se laissent ni égarer, ni corrompre, et vous serez bientôt exempts de toute inquiétude. Robespierre tenait dans sa main toutes les sociétés populaires, car ce sont toujours quelques intrigants qui les mènent partout ; et lorsqu’un représentant arrivait dans une ville il allait à la société populaire ; il lui demandait de lui indiquer des hommes probes en qui il pût placer sa confiance : on lui donnait des intrigants, des fripons, des gens qui ont commis les plus grandes atrocités. Le peuple savait tout cela, mais le peuple n’avait pas la force de parler et d’éclairer son représentant sur les choix qu’on lui faisait faire. Il faudrait aussi renouveler entièrement toutes les autorités constituées de ce pays, car elles ne sont composées que de brigands, de voleurs, d’intrigants, qui ont aussi usurpé la confiance. Il faut enfin mettre la justice à l’ordre du jour dans ces contrées ; si vous ne prenez ce parti, vous n’en finirez jamais. On applaudit (124). [On a aussi, dit l’opinant, accusé Dubois-Crancé, et Dubois-Crancé a rendu les plus grands services, en faisant partir les jeunes gens de la première réquisition, qui grossissaient la Vendée. L’opinant termine par assurer que les vrais moyens de terminer la guerre du la Vendée, c’est d’y envoyer quinze mille hommes disciplinés, et des représentons fermes, justes, probes et humains (vifs applaudisse-(120) Moniteur, XXII, 115. (121) J. Fr., n° 735. (122) Débats, n° 739, 114. (123) Rép., n" 9. (124) Moniteur, XXII, 116. mens) ; et surtout d’employer les voies de la persuasion pour ramener les habitans égarés et abusés...] (125) CARNOT : D’après l’explication que vient de donner Laignelot, je n’ai qu’un mot à ajouter sur ce que dit Maignen. Deux systèmes ont été proposés au comité de Salut public ; le premier, pour terminer la guerre de la Vendée par la force des armes; le second, d’employer la douceur pour ramener les esprits, et c’était le mien. C’a toujours été avec douleur que j’ai soutenu, vis-à-vis de mes collègues qui venaient me parler de la Vendée et des moyens de finir cette guerre, une opinion contraire à la mienne ; mais c’était celle de la majorité du comité. J’ai plusieurs fois tenté de faire changer de système au comité, mais inutilement. Il est un autre fait. Le général Huchet fut dénoncé au comité de Salut public pour des cruautés qu’il avait exercées dans la Vendée ; et par suite de cette dénonciation mis en état d’arrestation : arrivé au comité de Salut public, Robespierre le défendit, et il fut renvoyé à l’armée avec un grade supérieur, que je fus obligé de signer, malgré mon opposition. Tout le monde connaît la haine que me portaient Robespierre et Saint-Just : après leur chute, je fis adopter au comité des mesures moins rigoureuses, la députation de la Vendée peut l’attester. Ce fut moi qui fis marcher 10 000 hommes bien disciplinés de l’armée du Nord : ce moyen me parut nécessaire pour terminer cette malheureuse guerre. MERLIN (de Thionville) : Tant que le plan de Carnot a été suivi, nous avons été victorieux dans la Vendée; quand on a tué et volé, nous avons été battus. CARNOT : Je dois dire, pour tranquilliser la République sur les suites de cette guerre, que des représentants du peuple, envoyés dans la Vendée, sont chargés de mettre à exécution les arrêtés du comité de Salut public, et que la guerre touche à sa fin. Il y a dans la Vendée 60 000 hommes, c’est plus qu’il ne faut pour détruire les brigands; dans l’armée des Côtes de Brest, 73 000 hommes empêchent les Anglais de faire une descente sur notre territoire; 18 mille hommes composent l’armée des Côtes de Cherbourg : au reste, le meilleur moyen de finir cette guerre est peut-être la discussion qui vient d’avoir lieu, car elle prouve à la France que la justice est vraiment à l’ordre du jour dans la Convention nationale. DUQUESNOY : Non seulement le général dont a parlé Carnot était soutenu au comité de Salut pubhc, mais Turreau l’était aussi ; lorsque nous le dénonçâmes, Robespierre le défendit. Cependant, il est la seule cause de la retraite des bons généraux, qui, disaient-ils, ne voulaient pas combattre avec un coquin. On demande, de toutes parts, l’arrestation du général Turreau (126). (125) Débats, n 739, 115. (126) Moniteur, XXII, 116. 160 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [DU ROY dit que Robespierre soutenait Tur-reau ainsi que Huchet] (127). LEQUINIO : Robespierre a empêché qu’on fit à la tribune de la Convention le rapport de ce qui se passait dans la Vendée; cinq ou six généraux ont organisé cette guerre; quelques-uns de nos collègues ont pensé qu’il était politique de laisser courir le bruit qu’elle était terminée; mais la séance d’aujourd’hui, en faisant connaître de grandes vérités, est une victoire remportée sur les brigands. Il y a quatre mois je vins ici avec un mémoire dans lequel je faisais connaître ce qui avait amené cette guerre, et les moyens de la finir. Je présentai mon mémoire au comité de Salut public ; Carnot fut frappé des grandes vérités qu’il contenait ; cependant Robespierre les étouffa et empêcha l’exécution des mesures que je proposais. Citoyens, plusieurs moyens vous restent pour terminer cette malheureuse guerre. La persuasion n’a pas encore été employée ; il faut à la force joindre la douceur ; il faut que vos représentants se popularisent et aillent dans les communes éclairer le peuple. Je demande que la Convention me permette de faire imprimer le mémoire que j’ai déposé au comité de Salut public. DELAUNAY : Avant que cette discussion finisse, je dois faire connaître à la Convention une lettre qui lui prouvera qu’avec de la clémence et de la douceur on terminera cette guerre. La voici, c’est un membre de la société populaire de Saumur qui écrit (128). CARRIER : Citoyens, vous n’avez pas perdu de vue sans doute que toutes ces atrocités dont on vient de parler ont été commises depuis mon départ... Murmures. On demande à nouveau l’arrestation du général Turreau. BILLAUD-VARENNE : Citoyens, la vérité est que le système du comité de Salut public a toujours été contraire aux mesures de rigueur... Violents murmures. [A la tribune, crie-t-on. Billaud monte à la tribune; il continue (129)] : Pour bien juger la conduite du comité, il faut vous rappeler qu’au moment de sa formation la Vendée était forte de 100 000 hommes, et qu’il fallait combattre les rebelles avec vigueur... Oui, s’écrient plusieurs membres, mais non les égorger. Je ne parle pas ici d’égorgement, jamais vous ne trouverez une pareille mesure dans les arrêtés du comité. Plusieurs délibérations relatives à la Vendée ont eu lieu dans le comité de Salut public, en présence des députés de ce département; ils peuvent dire si l’on n’a pas toujours repoussé avec horreur les mesures... DELAUNAY : C’est faux. (127) Débats, n 739, 115. (128) Le Procès-Verbal place cette lecture en fin de séance. Voir plus loin, n° 69. (129) Débats, n“ 739. CLAUZEL : Carnot vient de dire la vérité BILLAUD-VARENNE : Voici un fait que Carnot ne démentira pas. C’est que quand le comité de Salut public a été instruit que, contre son vœu, Turreau commettait des infamies dans la Vendée, sa destitution a été demandée ; nous n’avons pu l’obtenir que quand Robespierre a cessé de venir au comité. Plusieurs voix : Il fallait en instruire la Convention. BILLAUD-VARENNE : Je viens de citer un fait positif, Carnot peut s’expliquer. CARNOT : Je dois à la justice de dire que Billaud a constamment été opposé au système de Robespierre; qu’il a demandé l’arrestation de Rossignol, et qu’il a beaucoup contribué à nous désiller les yeux sur la guerre de Vendée. Applaudissements unanimes. BILLAUD-VARENNE : La vérité est encore que c’est contre le vœu du comité que Turreau se trouve encore en fonction : la Convention nationale, qui a mis la justice à l’ordre du jour, doit se lever en masse pour le décréter d’arrestation. On applaudit. MERLIN (de Thionville) : La Convention nationale doit être instruite de tout. Je demande que la correspondance des représentants du peuple avec le comité de Salut public, celle des généraux, et les rapports faits à cette tribune sur la Vendée, soient imprimés. On applaudit. Cette proposition est adoptée. DU ROY : Il ne faut pas que cette séance, si utile pour la République, soit infructueuse pour la justice distributive; je demande l’arrestation de Turreau. Un membre : Il y a environ dix mois j’ai déposé au comité de Salut public une dénonciation des autorités constituées de Parthenay, dans laquelle on accusait le général Grignon d’avoir fait fusiller une municipalité en écharpe, qui venait fraterniser avec l’armée. Cette dénonciation porte aussi que ce Grignon a fait fusiller le père et le fils, qui venaient lui demander justice contre quelques soldats qui avaient violé la fille et la sœur de ces citoyens. Je demande son arrestation, ainsi que celle de Huchet et de Turreau (130). [Goupilleau observe que Huchet est dans ce moment au Tribunal révolutionnaire. Sur l’observation de Richard que Turreau est dans ce moment à Belle-Isle, il est décrété qu’un courrier extraordinaire y portera le décret d’arrestation] (131). On demande aussi l’arrestation du général Carpentier. ALQUIER : Je demande à faire connaître à l’Assemblée un fait contre le général Turreau, qui est maintenant dans l’armée des Côtes-de-Brest; le voici : Turreau a chargé Dodun, aide (130) Moniteur, XXII, 117-118. (131) J. Fr., n” 735. SÉANCE DU 8 VENDÉMIAIRE AN III (29 SEPTEMBRE 1794) - N08 64-65 161 de camp du général Moulins, d’un ordre ainsi conçu : « Le général Moulins se portera avec la colonne gauche sur Mortagne, fera désarmer et égorger, sans distinction d’âge et de sexe, tout ce qui se trouvera sur son passage ». Un mouvement d’horreur se manifeste dans toute l’assemblée. Aux voix l’arrestation de Turreau ! s’écrie-t-on de toutes parts. On demande aussi 1’arrestation des généraux Huchet et Grignon. L’Assemblée la décrète. On demande que les décrets que la Convention vient de rendre soient expédiés sur-le-champ et envoyés par des courriers extraordinaires. Cette proposition est adoptée (132). La Convention nationale décrète que le général Turreau sera mis en arrestation, et que le comité de Salut public enverra le décret par un courrier extraordinaire (133). 64 Un membre demande que la Convention décrète aussi d’arrestation le général Carpentier. Cette proposition est admise comme il suit : La Convention nationale décrète que le général Carpentier sera mis en arrestation (134). BODIN (135) : Citoyens, si vous voulez finir la guerre de la Vendée, il faut rétablir l’ordre dans les troupes, et pour cela il faut avoir des généraux fermes et probes. Il n’existe aucune discipline dans l’armée; on vous a parlé du camp de la Rivière qui a été forcé : eh bien! apprenez, citoyens, que tandis que les brigands attaquaient ce camp les officiers étaient à se divertir à Nantes. Je demande l’arrestation de Huchet... Plusieurs voix : Elle est décrétée. Je demande aussi celle du général Carpentier, ci-devant curé de Saumur; cet homme a commis des horreurs qui ont obligé les habitants des Sables d’Olonne de se retirer dans les bois; ils ne sont rentrés dans leurs foyers que quand Carpentier n’était plus dans ce pays. L’arrestation du général Carpentier est décrétée (136). (132) Moniteur, XXII, 117-118; Débats, n° 739; Ann. R. F., n“ 8, 9 ; Ann. Patr., n° 637 ; C. Eg., n° 773 ; Gazette Fr., n° 1003 ; J. Fr., n° 735; J. Paris, n° 9; J. Perlet, n” 736; J. Univ., n° 1770; Mess. Soir, n 773; M. U., XLIV, 124; Rép., n' 9. (133) P. V., XLVI, 169. C 320, pl. 1329, p. 30. Décret pris sur le rapport de Laignelot d’après C* II 21, p. 3. (134) P. V., XLVI, 169. (135) Rép., n" 9. (136) Moniteur, XXII, 118. Un membre donne des renseignemens sur la conduite de Carpentier, et demande le rapport du décret et le renvoi au comité de Salut public, pour examiner les plaintes contre lui. La Convention rapporte le décret d’arrestation, et renvoie au comité de Salut public, pour examiner les plaintes portées contre Carpentier (137). LAIGNELOT : Je dois dire ce que j’ai vu de Carpentier à l’affaire du Mans ; il s’est battu en brave homme, et il a les principes d’un vrai républicain. Je demande le rapport du décret que la Convention vient de rendre, et le renvoi au comité de Sûreté générale. Cette proposition est adoptée (138). 65 OUDOT : Le citoyen Susanne et la citoyenne Letellier, veuve Banastre, résidants ordinairement à Rouen, et retirés à Montagne-du-Bon-Air, en exécution de la loi des 25 et 27 germinal, comptaient faire prononcer leur mariage, dont la pubbcation a été faite à Rouen; mais l’officier pubbc de cette dernière commune n’a pas voulu faire ce mariage, sans attendre qu’ils eussent acquis une nouvelle résidence. Les pétionnaires demandent dans quel lieu ils doivent conclure leur mariage. Abraham Vanbonn, née à Amsterdam, demeurante à Paris, a présenté une pétition qui a le même objet. Il y a encore un grand nombre d’individus qui sont dans ce cas; et, pour éviter d’occuper l’Assemblée de toutes les réclamations particulières, votre comité vous propose le projet de décret suivant (139). Un rapporteur du comité de Législation propose et la Convention nationale décrète : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation, décrète ce qui suit : Article premier. - Les comités de Surveillance de Paris et des places frontières et maritimes, pourront autoriser les personnes qui sont sorties en exécution de la loi du 27 germinal, à y rentrer pour faire prononcer leur mariage ou leur divorce, lorsqu’elles justifieront, par un certificat de la municipalité du lieu où elles ont demeuré depuis cette loi, qu’elles n’y ont occasionné aucun trouble. Art. II. - Ces personnes seront tenues de justifier aux comités de surveillance que l’objet de leur rentrée est de faire pro-(137) P.-V., XLVI, 169. C 320, pl. 1329, p. 33. Décret pris sur le rapport de Laignelot d’après C* II 21, p. 3. (138) Moniteur, XXII, 118; Débats, n° 739, 117. (139) Moniteur, XXII, 112; Débats, nc 738, 104-104.