SÉANCE DU 3 VENDÉMIAIRE AN III (24 SEPTEMBRE 1794) - N° 47 27 47 Un membre [FOURCROY], au nom du comité de Salut public, annonce que la France n’a plus d’ennemis sur son territoire; que Bellegarde est rentré au pouvoir de la République; que la garnison espagnole s’est rendue à discrétion, en soumettant son sort à la générosité française ; qu’il se trouve dans cette place plus de soixante bouches à feu et quarante milliers de poudre (83). FOURCROY : La France n’a plus d’ennemis sur son territoire, Bellegarde est rendu à la Ré-publique. (Vifs applaudissements). Voici les lettres : [Le général en chef Dugommier à la Convention nationale, du quartier général de Bellegarde, le 2? jour sans-culottide ] (84) Citoyens Représentants, L’armée des Pyrénées-Orientales vient de mettre le sceau aux triomphes de la République sur son territoire, entièrement purgé de ses ennemis ; Bellegarde est à nous ; c’est le fruit d’un blocus opiniâtre et sévère qui a forcé la garnison de se rendre à discrétion, en soumettant son sort à la générosité française. Bellegarde est intact, et dans cet état d’intégrité notre frontière se trouve toute protégée aux frais des Espagnols. Cette place nous donne plus de 60 bouches à feu et 40 milliers de poudre. Salut et fraternité. Le général en chef, Dugommier. [Les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales à la Convention nationale, du fort de Bellegarde, le 2? sans-culot-tide an II] (85) Bellegarde vient d’être restitué à la République ; tout s’est rendu à discrétion : les hordes espagnoles, campées non loin de nous, peuvent voir le drapeau tricolore flotter sur cette forteresse. La reddition de Bellegarde est le fruit de la constance de l’armée des Pyrénées-Orientales, et surtout de la valeur qu’elle a déployée dans la journée du 26 thermidor. C’est à vous, citoyens collègues, qu’il appartient d’exprimer à son égard la reconnaissance nationale. Vous avez donné à la place de Condé le nom (83) P.V., XLVI, 60. (84) Moniteur, XXII, 62 ; Débats, n° 733, 38-39 ; Ann. Patr., n” 632; J. Fr., n° 729; J. Paris, n° 4 ; J. Mont., n° 148; J. Per-let, n” 731; J. Univ., n' 1765; M. U., XLIV, 51-52; résumé dans Ann. R. F., n" 3; C. Eg., n” 767; F. de la Républ., n° 4; Gazette Fr., n° 997; Mess. Soir, n“ 767; Rép., n” 4. (85) Moniteur, XXII, 62; Débats, n° 733, 39. de Nord-Libre ; nous donnons provisoirement à celle-ci le nom de Midi-Libre, en attendant que vous ayez définitivement vous-mêmes statué sur cette nouvelle dénomination. Le général en chef doit vous faire parvenir copie des articles qui lui furent proposés hier par le commandant de la place, copie de la réponse par lui faite, et copie de la lettre par laquelle le commandant de la place s’est rendu à discrétion. Il a été trouvé 68 bouches à feu sur les remparts, et dans les magasins 40 milliers de poudre et beaucoup de fusils; nous vous enverrons les détails au premier jour. La garnison était encore composée de 1 000 hommes ; ils n’avaient point de drapeaux, mais nous vous en ferons passer, au premier jour, 25 ou 30 qui ont été pris à Collioure, Saint-Elme, Port-Vendre et à l’affaire du Boulon. Salut et fraternité. Delbrel, représentant du peuple. Voici la lettre que le général Dugommier a écrite au commandant du fort de Bellegarde, lorsque celui-ci offrait de lui rendre la place avec capitulation : [Copie de la lettre écrite par le général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales au commandant du fort de Bellegarde, du quartier-général de Bellegarde, le 2? sans-culottide an II)] (86) Je ne peux accepter aucune de tes propositions. La garnison se rendra à discrétion : elle attendra son sort de la générosité française. Dugommier. [Copie de la réponse du commandant du fort de Bellegarde au général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales, le 18 septembre 1794] A la réplique que tu me fais, je réponds être d’accord avec ce que tu proposes et ce que tu offres. Le marquis De Vallesantoro, commandant espagnol de la place de Bellegarde. Pour copie conforme, Dugommier, général en chef. Ces heureuses nouvelles sont reçues au milieu des plus vifs applaudissemens ; elles donnent lieu au décret suivant : La Convention nationale décrète : Article premier. - L’armée des Pyrénées-Orientales ne cesse de bien mériter de la patrie. Art. II. - Le fort de Bellegarde portera désormais le nom de Sud-Libre. (86) Moniteur, XXII, 62; Débats, n“ 733, 39-40. 28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Art. III. - L’évacuation entière du territoire de la République sera célébrée par une fête décadi prochain. Le comité d’instruction publique est chargé de régler le mode d’exécution de cette fête. Art. IV. - La nouvelle de la reddition de Bellegarde sera envoyée à toutes les armées; le télégraphe la transmettra sur-le-champ à l’armée du Nord (87). 48 La parole est rendue aux pétitionnaires. Une députation de la société populaire de Belley, département de l’Ain, peint avec énergie l’oppression sous laquelle trente-trois individus ont fait gémir depuis dix mois ce département ; elle les accuse de calomnies, de vols et des crimes les plus odieux; elle applaudit à la conduite du représentant Boisset, qui a brisé les fers des patriotes, et ordonné l’incarcération des scélérats qui les opprimoient; elle invite la Convention nationale à porter un œil sévère sur le département de l’Ain, et à le venger de ses tyrans. La Convention nationale décrète l’insertion de l’adresse au bulletin, et le renvoi au comité de Sûreté générale (88). Le Peuple réuni en masse et la société populaire et républicaine de Belley, chef-lieu de district, département de l’Ain, à la Convention nationale (89). Citoyens Représentans, Seroit-il vrai que l’audace des intrigans, des complices d’Hébert et de Robespierre, qui opprimoient le département de l’Ain, et le prépa-roient depuis 10 mois à recevoir le joug de sang de ces nouveaux Catilina ; seroit-il vrai que leur audace s’agite encore du fond des prisons où votre vertueux délégué, le représentant Bois-set, s’est hâté de l’enchaîner pour assurer la liberté publique! Seroit-il vrai qu’après avoir étouffé pendant dix mois, les cris d’une foule de patriotes, les scélérats soient parvenus, après quelques jours de détention, à circonvenir déjà votre comité de Sûreté générale par leurs calomnies ordinaires, arme qui doit avoir perdu sa force sous l’empire de la vertu que vous venez de nous assurer. C’est avec la vérité que nous combattons la calomnie ; c’est à la justice de nos représentans (87) P.V., XLVI, 60-61. Moniteur, XXII, 62 ; Débats, n” 733, 40; Ann. Patr., n° 632; Ann. R. F., n° 3; C. Eg., n” 767; F. de la Républ., n' 4; Mess. Soir, n° 767; Gazette Fr., n° 997; J. Fr., n 729; J. Mont., n° 148; J. Paris, n° 4; J. Perlet, n° 731; J. Univ., n" 1765; M. U., XLIV, 43; Rép., n° 4. (88) P.-V., XLVI, 61. Ann. R. F., n” 3 -, F. de la Républ., n“ 4; Mess. Soir, n 767 ; Gazette Fr., n° 997 ; J. Mont., n° 149; J. Paris, n° 4; J. Perlet, n° 731; M. U., XLIV, 43-44. (89) Bull., 5 vend, (suppl.). M. U., XLIV, 115-116. à la rechercher et à l’entendre de la bouche d’un peuple libre qui ne veut ni aristocrates ni tyrans. Ecoutez donc ce peuple, qui ne jouit de la liberté que depuis peu de jours, et qui veut la conserver et mourir pour elle. Il s’est levé tout entier pour secouer le joug; la représentation nationale a secondé ce juste effort; peut-il craindre de sa part un mouvement rétrograde? Ils ont osé, les scélérats, se revêtir encore du masque du patriotisme, qui, pour nous, leur est arraché depuis longtemps. Ils ont osé se dire Républicains, et persécutés au nombre de cent dans les prisons du tribunal criminel : ils ont imaginé des supplices et des bourreaux, pour attirer sur eux la commisération de votre comité. Eh bien! citoyens représentans, trente-trois seulement ont été atteints, non par la justice de Boisset, mais par le peuple en masse qui de-mandoit vengeance, et on ne leur a préparé d’autre tribunal que celui de votre justice suprême. Mais votre justice frémira à la vue des crimes dont ils se sont couverts. Abus de pouvoirs, la terreur répandue partout, vols de toute espèce, exportation du numéraire à l’étranger, asyle donné aux rebelles de Lyon, connivence avec les émigrés, faux préparés de concert pour leur assurer des certificats de résidence, immoralité profonde, avilissement de la Convention nationale dans la personne de ses représentans, incarcérations arbitraires, surtout de ceux qui osent porter jusqu’à vous les plaintes de l’innocence opprimée, menaces d’égorger tous les détenus; tel est en substance le tableau des crimes contre lesquels le peuple de Belley s’indigne, et dont votre sage délégué, le représentant Boisset, veut assurer le châtiment. Mettez dans la balance ces forfaits avec les trente-trois individus qui en sont prévenus; et de l’autre côté, une population de trois cent mille âmes qui demandent liberté et justice, et prononcez. Qu’ils se montrent donc les défenseurs des tyrans, que la justice nationale poursuit. Qu’ils se montrent, le peuple est là pour les convaincre avec les preuves matérielles des délits; mais qu’ils n’aillent pas circonvenir vos comités par des impostures. Le crime seul se cache, la vertu marche toujours le front découvert. Vertueux représentans, impassibles comme la loi qui émane de vous, approfondissez avec le sang-froid de la sagesse cette question qui nous intéresse tous, le bonheur du département de l’Ain tout entier, ou le triomphe des scélérats qui l’asservissoient. Jettez un coup-d’œil sévère sur cette portion de la République; ar-rachez-la pour toujours au malheur et au désespoir; vous nous avez promis la justice, vous nous la devez : c’est la justice seule que nous demandons. Vive la République! vive la Convention. Suivent trois pages de signatures. GOULY demande le renvoi au comité de Sûreté générale et l’insertion au Bulletin. Il se fonde sur ce qu’on se plait dans toutes les tri-