[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 août 1791.] 628 avis. Ils leur ont fait tenir les propos les plus absurdes et les plus atroces. Un libtlliste m’a assuré particulièrement de sou intention. M. Gaul-tu r-Biauzat vient de me faire passer le paragraphe qui me reproche d’avoir dit publiquement uue j’honorais les colonies françaises de mon mépris. Ceci est une absurdité affreuse, un mensonge impudent. J’ai dit que j’honorais de mon mépris les libellistes qui cherchaient à metire les colonies françaises qui ne sont pas méprisables, en insurrection : et je le répète, je les honore d’un profond mépris. Je ne puis en changeant la motion de M. de Tracy qu’adhérer à son avis, savoir : de demander un compte exact des mesures prises pour l’exécution du décret; et je demande que ce compte soit promptement rendu par le ministre; et, pour que ce compte soit examiné sévèrement, j’adopte aussi la seconde partie de lu motion de M. de Tracy. M. Gaultler-Bianzat. Je demande que l’addition qui a été faite soit adoptée et qu’on y ajoute que le comité sera chargé de donner son avis sur une lettre intitulée : Lettre importante à mes concitoyens , que je dépose sur le bureau. C’est uDe diatribe affreuse à la lecture de laquelle il n’était pas possible que les habitants des colonies approuvassent les décrets de l’Assemblée nationale. Plusieurs membres : Elle est signée ? M. Gaultier-Biauzat. En tête de la lettre est le nom de M. Gouy d’Arsy ; mais je crois que cj t écrit n’est pas de sa main, quoique son nom y soit; mais l’imprimé raconte si bien la vie privée de M. Gouy, que, dans le cours de la lettre, il dit « j’ai reçu une lettre de M. le maire qui me dit cela » et il raconte généralement tout ce qui s’est passé entre lui et les autres députés de la colonie. Je ne la lui impute pas celle-là. M. Moreau-Saint-lIIéry. L’Assemblée a renvoyé la lettre au comité des colonies; je demande que le comité s’explique sur le fait. M. Begnaud (de Saint-Jean-d’ Angêly). Il y a dessus, « Imprimerie nationale » et j’ai vu les épreuves de cet ouvrage imprimé, rue des Prouvâmes. Je donnerai des renseignements, si l’on veut. M. de Tracy. J’observe que le renvoi ne doit pas être fait seulement au comité colonial; mais aux comités qui ont proposé le projet de décret sur lequel on a délibéré. Ce sont les comités colonial, d’agriculture et de commerce, de marine et de Constitution. M. Begnaud (de Saint-Jean-d’ Angêly). Tout le monde sait que, lorsqu’on ordonne la réunion de plusieurs comités, jamais on ne peut les rassembler tous; ainsi je propose, pour éviter cvt inconvénient, d’adjoindre au comité colonial 12 membres. Plusieurs membres : 6 sont assez. (L’Assemblée ferme la discussion.) Les différentes propositions sont mises aux voix dans l’ordre suivant : « L’Assemblée nationale décrète : 1° Que le ministre de la marine sera tenu de rendre, sur-le-champ, compte à l’Assemblée des moyens qui ont été pris pour assurer et accélérer l’exécution du décret des 15 et 16 mai, relatif aux colonies; « 2° Qu’il sera adjoint 6 membres au comité colonial ; « 3° Que la lettre déposée sur le bureau sera renvoyée au comité colonial, ainsi que la lettre de M. Blanchelande. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la discussion des articles proposés par les comités de révision et de Constitution pour être ajoutés dans Vacte constitutionnel. M. Thonret, rapporteur. J’ai à faire à l’Assemblée, une première observation. Vous avez, Messieurs, décrété plusieurs rectifications de détail qui tombaient principalement sur la rédaction de plusieurs articles de notre projet ; vous avez aussi décrété quelques additions moius importantes que celles que nous vous présentons, et qui se rattachaient par de simples rédactions aux articles que vous avez approuvés, et dont elles font maintenant parties : ces deux objets-là vous seront présentés à la relue définitive des articles du travail. Les articles que nous vous offrons aujourd’hui sont d’un ordre plus important; ce sont des articles entiers et même des séries entières d’articles. Ainsi l’Assemblée ne doit pas croire que ce qui se trouve dans ce petit cahier complète la totalité des rectifications. Maintenant, avant de soumettre à votre délibération les articles sur la liberté individuelle, je dois rappeler à l’Assemblée qu’elle a décrété à la 7e page du projet de travail que la Constitution garantit, comme droits naturels et civils, la liberté à tout homme, d’aller, de rester, de partir sans pouvoir être arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. On fit alors une observation qui a provoqué déjà un petit changement dans l’article que je viens de lire, et cette observation était que la liberté individuelle est une chose assez importante pour ne rien laisser à l’arbitraire des législateurs sur la garantie de cette liberté; qu’ainsi il était utile que l’acte constitutionnel comprît les formes par lesquelles un homme serait arrêté, et toutes les dispositions déjà décrétées qui garantissent la liberté des hommes, et le meilleur traitement possible dans le cas de sa détention. Ces dispositions, véritablement importantes, se rattachent à merveille au chapitre de l’ordre judiciaire, où elles seraient placées. Ainsi, Messieurs, en examinant les 8 articles que les comités vous présentent sur cet objet, vous avez une loi de Vhabeas corpus plus parfaite que celle qui existe en Angleterre : en la rendant constitutionnelle, vous lui donnez toute la stabilité qui est en votre pouvoir. Les 8 premiers articles que nous vous proposons sont relatifs à la liberté individuelle, à la garantie des droits des citoyens contre les entreprises des législatures. Dans les dispositions que vous avez décrétées sur le juré, vous avez distingué la saisie d’un homme d’avec son état d’arrestation ; vous avez distingué ensuite la mise en état d'arrestation d’avec la détention, soit par prison, soit comme détention correctionnelle. Un homme saisi n’est pas en effet en état d’arrestation ;on saisit l’homme en flagrant délit, l’homme désigné par la clameur publique, l’homme violemment soupçonné, parce qu’on le trouve muni des traces matérielles d’un crime ou délit récemment commis ; on saisit en- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [22 août 1791.] 629 core un homme pour des rixes et des petits délits de police correctionnelle; c’est le premier degré qui précède l’état d’arrestatiou. Nous avons donc distingué trois cas : la saisie, la mise en état d’arrestation et la détention. Voici notre premier article : De la liberté individuelle. « Art. 1er. Nul homme ne peut être saisi que pour être conduit devant l’officier de police, et nul ne peut être mis en état d’arrestation ou détenu qu’en vertu d’un mandat des officiers de police, d’une ordonnance de prise de corps d’un tribunal, ou d’un jugement de condamnation à prison, ou détention correctionnelle. » M. Guillaume. J’ai demandé la parole pour proposer une légère addition. Vous savez, Messieurs, qu’en madère de crime de lèse-nadon et de responsabilité des ministres, le Corps législatif fait fonctions de juré; vous savez encore que le décret du Corps législatif, portant qu’il y a lieu à accusation, vaut un décret de prise de corps. Je demanderai donc que, dans la nomenclature des actes en vertu desquels un citoyen peut être arrêté, soit compris le décret du Corps législatif, portant qu’il y a lieu à accusation, soiten matière de crime de lèse-nation, soit en matière de responsabilité des ministres. M. Thouret, rapporteur. Je ne mets pas d’opposition, dans les cas où le Corps législatif est autorisé à le rendre: cela est juste. M. Moreau {de Tours). Je crois qu’il est nécessaire de sauver sans aucune réserve la contrainte par corps en matière civile ; car dire qu’on ne peut être arrêté que dans les cas exprimés dans l’article, c’est bien dire que, pour tout autre cas, on ne pourra être arrêté. Ainsi la contrainte par corps, résultant d’un acte civil, ne pourrait être exécutée. M. Thouret, rapporteur. L’article ne change rien à cet objet. L’Assemblée sentira d’ailleurs que nous avons déjà rencontré la difficulté de rendre constitutionnelle la contrainte par corps au civil; c’est cette difficulté qui a fait supprimer, d’un décret de complément du Gorps législatif, une disposition qui maintenait cette contrainte. Cependant, il y a un moyen de calmer les inquiétudes du préopinant, c’estde faire mention dans le procès-verbal que l'article ne change rien à la contrainte par corps au civil tant qu’elle subsistera. M. Moreau {de Tours). Votre procès-verbal ne fait pas loi. {Rires et exclamations.) (L’Assemblée, consultée, adopte la motion de M. Thouret.) M. Thouret, rapporteur. Voici, avec l’amendement de M. Guillaume, la rédaction de l’article premier : Art. 1er. « Nul homme ne peut être saisi que pour être conduit devant l’officier de police, et nul ne peut être mis en arrestation ou détenu qu’en vertu d’un décret d’accusation du Gorps législatif, d’un mandat des officiers de police, d’une ordonnance de prise de corps d’un tribunal, ou d’un jugement de condamnation à prison ou détention correctionnelle. » {Adopté.) Art. 2. « Tout homme saisi et conduit devant l’officier de police sera examiné sur-le-champ, ou au plus tard dans les 24 heures. « S’il résulte de l’examen qu’il n’y a aucun sujet d’inculpation contre lui, il sera remis aussitôt en liberté ; ou, s’il y a lieu de l’envoyer à la maison d’arrêt, il y sera conduit dans le plus bref délai, qui, en aucun cas, ne pourra excéder 3 jours. » M. Guillaume. Je voudrais vous proposer deux observations. La première porte sur le mot « examiné » ; il me semble que le mot « interrogé » serait mieux et aurait plus de sens ; on ne dit pas examiner un homme, mais l’interroger. Ma seconde observation porte sur la fin du second alinéa : je ne conçois pas ce que deviendra un homme conduit devant l’officier de police et qui ne sera envoyé à la maison d’arrêt qu’au bout de 3 jours. M. Thouret, rapporteur. Je réponds d’abord que l’expression « examiné », qui est dans l’article, est l’expression que vous avez décrétée. L'expression « interrogé » ne pourrait pas convenir là, quand même vous l’auriez adoptée pour la procédure criminelle ; parce qu’il ne s’agit ici que des faits de police correctionnelle, qui n’emportent pas l’interrogatoire. Je réponds ensuite que le délai de 3 jours qui est donné là est nécessaire constitutionnellement pour le maximum' du délai, dans les cas extraordinaires où l’on a besoin de ce délai pour remplir le principe constitutionnel que vous établissez. 11 ne faut pas voir simplement le cas de la saisie dans les villes ; il faut voir aussi le cas dans les districts : le saisi peut être conduit devant un juge de paix, devant un officier de gendarmerie nationale, distant de 5 à 6 lieues de l’endroit ou siège l’officier de police.' L’article porte : « Il y sera conduit dans le plus bref délai. » En sorte que la Constitution fait une nécessité de renvoyer l’homme aussitôt qu’il pourra être renvoyé, et fixe comme maximum possible que le délai ne pourra jamais excéder 3 jours. M. Pison du Galand. Je jtrouve quelque inconvénient à stipuler dans la première partie de l’article que tout homme arrêté sera examiné au plus tard dans les 24 heures ; je proposerai d’y substituer cette expression : « sera incessamment examiné ». M. Thouret, rapporteur. Avec une semblable disposition, il peut se présenter certains cas où la loi ne pourrait pas être exécutée, dans le cas, par exemple, où le juge de paix ou l’officier de police, chargés d’interroger, se trouveraient absents. Votre loi sera incomplète si, à côté de la stipulation que le détenu sera examiné sur-le-champ, vous ne prévoyez pas de cas d’exception. M. Fréteau-Saint-Jnst. J’admets le délai de 24 heures proposé pour faire examiner un citoyen arrêté, mais je demande que ce délai ne puisse être légitimé que par l’absence seule du juge du lieu de la résidence. Je demanderai, d’un autre côté, le retranchement des mots : * qui, en aucun cas, ne pourra