206 [Assemblée nationale.] vier, un paquet qui contenait, dit-on, le manifeste par lequel le peuple brabançon se déclarait indépendant. Sa Majesté jugea alors qu’il n’était ni de sa justice, ni de sa prudence, ni de sa dignité, d’accueillir une semblable démarche. Elle m’ordonna de renvoyer le paquet sans l’ouvrir et d’informer l’Assemblée nationale, par l’organe de son président, de la détermination qu’elle avait prise à cet égard. Deux particuliers brabançons, s’annonçant comme députés des Etats belgiques, m’ont témoigné, jeudi dernier, le désir de me remettre, au nom de leurs commettants, une lettre que je n’ai pu recevoir sans prendre les ordres du roi. Sa Majesté a jugé que les circonstances qui avaient déterminé son premier refus au mois de janvier, subsistant dans toute leur force, elle ne devait pas autoriser son ministre à recevoir la lettre qui lui était adressée. Sa Majesté a même observé que les événements survenus depuis cette époque, ainsi que l’état actuel des choses dans l’intérieur même des Pays-Bas, lui présentaient de nouveanx motifs de ne pas s’écarter du plan de conduite qu’elle avait précédemment adopté. Le roi m’a ordonné, Monsieur le Président, de vous faire part de sa détermination, afin que vous puissiez la portera la connaissance de l’Assemblée nationale. J’ai l’honneur d’être avec respect, etc. Signé : LE COMTE DE Montmorin. Après la lecture de cette lettre M. le marquis de Lafayette demande la parole. M. le Président. Il m’a été également remis deux lettres adressées : l’une à l’Assemblée nationale, l’autre à moi-même. Ni l’une ni l’autre n’ont été ouvertes. M. de Lafayette. Il n’est aucun Français, aucun ami de la liberté qui ne doive au peuple de Belgique des vœux et des éloges. Mais on doit, au sujet des lettres dont il s’agit, examiner deux choses. A qui sont-elles adressées, et par qui? Elles sont écrites au corps constituant de France par un congrès que je respecte, mais qui ne paraît pas avoir tous les caractères qui émanent de la puissance souveraine du peuple. Toute corporation, tout despote, en s’agitant, ne fera que hâter la révolution qui l’attend, et qui doit opérer sa ruine. N’en doutons pas, la liberté reprendra ses droits sur les hommes. Renvoyons au roi la détermination que demande la circonstance actuelle: le roi des Français, restaurateur de la liberté, ne nous égarera pas. — Je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, ayant pris connaissance d’une lettre adressée à son président, par M. de Montmorin, et instruite des circonstances et de l’état actuel du Brabant, où le congrès ne paraît pas avoir le caractère de la puissance qui émane du peuple, déclare ne pouvoir mieux faire que de s’en rapporter à la sagesse du roi. » (M.Pétion de Villeneuve demande la parole; on veut aller sur-le-champ aux voix.) M. de Noailles. Le point de la question est de savoir si nous abandonnerons la constitution et les finances. Je propose de répondre qu’occupés sans relâche d’assurer la liberté par la constitution, nous ne pouvons nous occuper d’aucun objet étranger quant à présent. (Après de longues et tumulteuses agitations, l’Assemblée ordonne que l’on passe à l’ordre du jour.) [17 mars 1790.] La suite de la discussion du projet de décret sur le plan de la commune de Paris , concernant la vente des biens domaniaux et ecclésiastiques est reprise. M. le marquis de Montesquieu. J’avais hier demandé la parole pour répondre à ce que M. Duport a opposé au projet du bureau de la ville et au rapport du comité. Je ne contredirai nas ce qu’il a dit des inconvénients d’une administration collective ; cependant je n’adopterai point les conséquences qu’il tire de ses raisonnnements. Par qui peuvent être administrés les biens du clergé avant qu’ils soient vendus, si ce n’est par une administration commune? Et assurément on ne pourrait mieux choisir pour confier un soin de cette importance. Les officiers municipaux auront pour garants les vertus auxquelles ils doiyeut leur installation, et la surveillance de leurs concitoyens; il n’y aura nul risque pour la sûreté des assignats et pour les intérêts qui y seront affectés ; ainsi une administration commune pour les biens à vendre est inévitable ; ainsi les craintes qu’on a manifestées sont injurieuses et peu fondées. M. Duport veut que l’on vende tout ce qui est à vendre, et qu’on fasse publier et afficher incessamment ces ventes : assurément ce moyen serait dangereux. Les affiches n’amèneraient personne aux enchères; la concurrence lapins défavorable aurait lieu, non celle des acheteurs, ruais celle des vendeurs : le numéraire disparaîtrait plutôt que de reparaître. M. Duport demande que nous connaissions l’étendue de nos besoins et de noire recette. Le déficit est connu : la masse des dépenses l’est également : en 17yl nous serons au pair. . . Il rie s’agit pas de raisonner sur des idées de perfection, il faut aller promptement au but; il faut assurer la liberté en prenant tous les moyens de subvenir aux besoins présents, et d’éviter les événements qui pourraient la compromettre. L’opération proposée offre de grands avantages : quand les biens dont vous ordonnez la vente seront délivrés aux municipalités, ils leur appartiendront entièrement ; tout doute disparaîtra ; l’hypothèque sera libre ; elle se trouvera aux mains de tout le monde, la voie s’aplanira pour arriver sans inquiétude à l’année 1791, terme assuré de l’ordre dans les finances et de la régénération publique : mais les jours s’écoulent pendant que les heures même sont d’un prix inestimable, atteignons la fin de cette année, et l’Etat sera sauvé, et la constitution est consolidée ; n’abandonnons pas cette grande entreprise, puisqu’il est démontré que les obstacles qui vous arrêtent encore sont désormais les seuls que vous ayiez à combattre. (Ou demande à aller aux voix.) M. Saborde de Méréville. J’ai demandé la parole sur la contexture du plan, dont les inconvénients n’ont pas encore été mis sous les yeux de l’Assemblée. On cherchera longtemps le but de celte opération sans le trouver, si ce n’est que la caisse d’escompte, ne pouvant faire ses paiements au mois de juillet, a besoin d’une grande ressource. Vous proposez-vous de rétablir l’ordre dans les finances? Eb bien ! vous manquez votre objet. Voulez-vous secourir l’Etat? Vous' secourrez seulement la caisse d’escompte. Voulez-vous diminuer et faire cesser la circulation des billets? Vous augmentez le nombre de ces effets, vous perpétuez cette circulation. Toute circulation de papier forcé est un grand mal ; nous n’avons pas ARCHIVES PARLEMENTAIRES.