280 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PAR porterai garant pour mes concitoyens ; je me met-1 trai en otage, et je suis assuré que leur patriotisme s’élèvera bientôt au-dessus des intrigues que l’on a mises en œuvre. (On applaudit.) M. lie Couteulx. Je suis de la même section du comité des finances que M. l’abbé Maury, et je regrette beaucoup qu’il n’y soit pas encore venu. M. l’abbé Maury. Depuis que le comité a décrété, à l’unanimité, pour deux milliards d’assignats, j’ai cru qu’il n’était pas prudent d’y aller, et je n’y suis pas retourné. M. lie Couteulx. Je n’ai pas voulu inculper M. l’abbé Maurv; j’ai voulu dire que, s’il était venu au comité, il aurait vu des mémoires de M. Lambert, il en aurait vu des corps administratifs; il en connaîtrait les faits. M. Lambert nous a fait beaucoup de dénonciations. Nous avons indiqué les décrets dont l’exécution devait être suivie avec rigueur; nous ne pouvions faire davantage : Je pouvoir exécutif a la force en main. Mais il est certains faits que l’Assemblée nationale n’avait pu prévoir et qui nous mettent dans de grands embarras. Aux environs de Péronne, un curé, nommé Levasseur, a prêché l’insurrection à ses paroissiens, il a dit au prône qu’il ne fallait pas payer les impositions. Armez-vous , mes frères, a-t-il dit, contre ces coquins de commis, et je me mettrai à votre tête; armez-vous contre les officiers municipaux, contre le maire, qui soutient les perceptions, et je me mettrai à votre tête. Nous avons cru n’avoir rien de mieux à faire que de renvoyer au comité des recherches cette dénonciation faite par M. Lambert. (On applaudit.) M. Etienne Chevalier. Et moi aussi je viens dénoncer un receveur général. L’Assemblée doit se ressouvenir qu’il y a quelques mois M. Lambert a dénoncé Je maire d’Argenteuil ; vérification faite, on a vu que les rôles de perception de cette commune sont en règle; ce qui vient à l’appui de ce qu’a ditM.de Lameth, et prouve que les receveurs ne comptent pas de leur recette, et, par ce retard de comptabilité, M. Lambert croit qu’on ne perçoit pas. Il est un très grand nombre de curés qui, par un silence coupable et servile, lisent seulement les décrets, sans user des moyens précieux que leur donnent leur caractère et la confiance du citoyen pour engager les contribuables à remplir le plus sacré des devoirs. (Il s' élève beaucoup de murmures dans la partie droite.) M. de Cazalès. Je demande que l’opinant soit rappelé à l’ordre. M. de Foucault. Il faut revenir à la question, et nommer un comité par les dénonciations de cette nature. Je reviens à la province de Guienne : il est aisé à ceux qui payaient autrefois la gabelle de payer leurs impôts; mais nous, qui ne sommes pas soulagés des impôts indirects, si nous sommes en retard, nous sommes encore à votre taux. M. Lebrun, rapporteur. J’en viens au Trésor •public. A ce mot vous pressentez des besoins; et en effet nous vous avons annoncé quels seraient nos besoins dans les trois derniers mois de cette année, et un état par aperçu de la rente et de la dépense jusqu’au 1er janvier 1791 est sous vos yeux. La second époque des besoins prévus est arri-EMENTAIRES. [5 novembre 1790. J vée, et cependant ce n'est pas un besoin urgent, un besoin de tout à l’heure que je viens vous déclarer ; la prévoyance avait été plus loin que la réalité : quelques dépenses n’ont point été faites, d’autres seront payées plus tard, quelques fonds inattendus ont grossi la recette. Au 1er de ce mois, il y avait en caisse 22,057,377 livres. De cette somme, 8 millions sont en écus, et votre prudence vous défend d’y toucher; le reste est en effet en assignats, en billets décaissé; ce reste est entamé depuis quatre jours, et vous savez comment marche la dépense. Il faut donc s’occuper de renouveler ce fonds; il faut s’en occuper à l’avance, s’en occuper dès aujourd’hui. Vous ne pouvez le donner qœen assignats, et il est nécessaire que le trésorier de l’extraordinaire, qui doit les fournir, presse les signatures pour suffire aux échanges que le public sollicite et aux besoins du service. Nous vous avions annoncé pour novembre un déficit de 52 millions, mais le compte effectif ne donne qu'un déficit de 48 millions; ce ne sera donc que 48 millions que nous vous demanderons. Nous vous supplions de les décréter tout à la fois pour ne pas vous fatiguer de ces éternelles propositions qui harcèlent l’opinion publique et multiplient de vaines inquiétudes. S’il y a trop, le trop sera un fonds d’avance pour le mois de décembre. Je vous dois quelques détails sur la recette et la dépense d’octobre. L’élat est dans mes mains, et dès aujourd’hui il sera livré à l’impression ; mais vous accorderez peut-être quelque intérêt aux observations et aux rapprochements que je vais vous soumettre. La recette est composée de trente articles. Les recettes générales : nous vous en avions annoncé pour le mois d’octobre, 13,650,000 livres; malheureusement il a fallu rembourer 3,086,640 livres de rescriptions qui n’ont point été acquittées dans les provinces. Ce vide a été en partie compensé par 1,039,540 livres de rescriptions déjà remboursées par le Trésor public, mais qui, depuis, ont été acquittées par les receveurs généraux par qui elles avaient été souscrites. Vous savez que les rescriptions ne sont point chapitres de recettes dans les états de mois. Toutes ont été négociées; le produit en a été absorbé par la dépense passée, et ce n’est que pour notre malheur qu’elles se remontrent au Trésor public, puisqu’il faut les y rembourser aux porteurs. La ferme générale a donné les 2,800;000 livres qu'on nous avait promis ; la régie générale, 200,000 livres de moins ; la régie des domaines, 65,000 livres de moins aussi. La ferme des postes a été plus heureuse; elle a fourni 138,000 livres de plus qu’on n’en avait attendu, et la loterie royale, 200,000 livres. La Flandre maritime n’avait point été comptée; elle a pourtant rendu 100,000 livres, mais les messageries, les affinages, rien. Les impositions des pays d’Etats, n’ont été que de 28,000 livres au-dessous de leur fixation prévue, et la caisse du commerce de 9,000 livres. Les impositions pour les fortifications des villes avaient été portées pour mémoire; vous les trouverez ici pour 690,000 livres. Le bénéfice de la monnaie était nul dans l’aperçu ; il est de 100,000 livres dans l’état effectif. Des recettes dont il faut vous parler et que vous n’attendiez pas, c’est 1,185,000 livres dans le département de laguerre, produit de reprises sur d’anciens exercices, de reliquats de compte, de ventes d’effets appartenant à la nation ; c’est dans le département de la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 novembre 1790. j 28 i marine 822,500 livres, pour veDle d’effets hors de service qui étaient dans les magasins des ports ; c’est 662,000 livres, résultant de la vente des grains et farines. Il y a eu en 1787, 1788, 1789, des achats de grains et de farines pour 740 millions; 26 millions sont rentrés; le reste est à recouvrer; il y aura des pertes, de grandes pertes dans cette partie. Plusieurs achats ont été trop chers, les ventes plus désavantageuses encore que les achats; et dans les troubles des derniers mois de 1789, il y a eu des pillages, des enlèvements, des désordres et delà confusion. Il reste en nature 2,226,888 quintaux de farine, 204,834 quintaux de seigle, 83,528 de farine, 24,000 d’orge. Votre comité vous rendra bientôt un compte détaillé de la situation actuelle de cette épineuse comptabilité. Une recette nouvelle encore, c’est 521,805 livres pour intérêts des assignats, dont on a tenu compte au Trésor public. La caisse de l’extraordinaire devait fournir en octobre 4,340,000 livres, acompte du premier tiers de la contribution patriotique ; elle n’a versé que 2,500,000 livres: c’est 1,800,000 livres à rejeter sur la recette de novembre. Je laisse d’autres mêmes objets dont l’état imprimé vous offrira le détail. La dépense est composée de 62 articles, formant ensemble la somme de 74,700,000 livres : 25 millions pour les rentes et intérêts de la dette; 2,600,000 livres pour les pensions; environ 2 millions de remboursement de divers capitaux; 5,644,500 livres d’anticipations éteintes; 3,086,600 livres de rescriptions remboursées; 548,000 livres de billets du trésorier de Bretagne, échus et non payés; plus de 10 millions de livres à la marine; prêsde 10 millions delivres à la guerre; 2,500,000 livres d’achats de matières d’or et d’argent dans l’étranger; 354,000 livres pour achats 'de numéraire. Ce dernier article m’avertit de recommander à votre zèle et à votre fermeté les caisses des départements et des districts; quelques directoires de départements se sont fait une trop haute idée de leurs devoirs et de leurs droits. Si vous n’y prenez garde, ils voudront disposer en maîtres des recettes publiques ; déjà ils s’en croient les modérateurs et les arbitres. Le numéraire qu’y versent les impôts, ils le regardent comme la propriété de la ville où ils résident. C’est par grâce qu’ils en laissent ou plutôt qu’ils en accordent quelques parties au besoin du service.au payement des troupes, à la solde des matelots. Ils y substituent des assignats et vantent leur patriotisme et leur modératiou. Il faut arrêter de bonne heure ces écarts du zèle et ces premières erreurs de l’administration. Je ne vous parle point des autres articles de dépense ; la plupart ont plus d’une fois paru sous vos yeux, et tous vous seront présentés dans le compte. Yoici le projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que la caisse de l’extraordinaire prêtera au Trésor public la somme de 48 millions, pour le service du mois de novembre, en assignats créés le 15 avril dernier, et que le Trésor public rétablira cette somme en nouveaux assignats, aussitôt qu’ils seront fabriqués. » M. Le Déist-Botidoux. Je demande qu’on nous présente et qu’on fasse imprimer le détail des fournitures de blé pour justifier de cette dépense qu’on fait mooter à 74 millions. Je déclare que, suivant des témoignages certains, en Bretagne la fourniture de 1789 n’a coûté que 25 louis. M. Lebrun. Je suis prêt à vous présenter cet état; si vous le voulez, il va être sur-le-champ imprimé. (Le projet de décret, présenté au nom du comité des finances est adopté.) La séance est levée à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du samedi s novembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Lanjuinais, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il est adopté. M. Démeanier, rapporteur du comité de Constitution, Messieurs, les élections des juges sont faites partout. Lorsqu’ils ne peuvent accepter ou qu’ils donnent leur démission, les suppléants doivent prendre leur place; mais lorsque l’élection est nulle ou irrégulière, le comité croit que les électeurs doivent se rassembler pour faire un autre choix. Il pense également que les directoires de département doivent juger la validité de ces élections jusqu’à ce que vous en ayez autrement ordonné. C’est dans cet esprit qu’il m’a chargé de vous soumettre un projet de décret. M. Rewbell. C’est à l’Assemblée nationale à statuer sur les contestations qui peuvent naître de l’élection des juges. Ne faudra-t-il pas qu’elles y arrivent en définitive, lorsque les décisions des directoires seront attaquées? M. Démeunier. Est-ce bien sérieusement que le préopinant vous propose d’attirer ici ces sortes de contestations, tandis qu’on se plaint journellement des affaires particulières qui arrêtent la marche de la Constitution? Le comité ne s’est point occupé de ce qui regarde les commissaires du roi, parce que les cinq juges suffisent pour juger la validité de leur nomination. M. Brostaret propose un amendement tendant à ce que les électeurs ne soient pas rassemblés pour de nouvelles élections. M. Démeunier. Je dois avertir l’Assemblée que le comité de Constitution a des plaintes à faire contre M. le garde des sceaux, qui, dans une lettre qu’il a écrite aux assemblées de districts, s’est permis de déléguer aux présidents de districts le soin de vérifier la condition d’éligibilité des nouveaux juges. 'L’Assemblée a décrété constitutionnellement que le roi u’aurait aucune part à l’élection des juges; les commissions en~ voyées par M. le garde des sceaux sont donc la violation des limites établies par la Constitution. (Voy. ce document annexé à la séance du 12 novembre.) Plusieurs membres s'écrient : Il est pris sur le fait, il doit être puni. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.