[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (9 novembre 1790.) 335 * barre de l’Assemblée du Corps législatif, et lui « présentera l’état des jugements rendus, à côté « de chacun desquels sera la notice abrégée de « l’affaire, et le texte de la loi qui aura décidé « la cassation. « Un greffier sera établi auprès du tribunal de « cassation ; il sera nommé par les membres de « ce tribunal; il choisira des commis qui feront « le service auprès des sections et du bureau, « et qui prêteront serment ; il ne sera révocable « que pour prévarication jugée. « L’installation du tribunal de cassation sera « faite par deux commissaires du Corps légis-« latif et deux commissaires du roi, qui recevront « le serment individuel de tous les membres du « tribunal, d’êtres fidèles à la nation, à la loi et « au roi, et de remplir avec exactitude les fonc-« tions qui leur sont confiées. Ce serment sera « lu par l'un des commissaires du Corps légis-« latif, et chacun des membres du tribunal de « cassation, debout dans le parquet, prononcera : « Je le jure. « Provisoirement et jusqu’à ce qu’il ait été au-« trement statué, le règlement qui fixait la forme « de procéder au conseil des parties, sera exécuté « au tribunalde cassation, à 1 exception des points « auxquels il pourrait être déroge parle présent « décret. « Le conseil des parties est supprimé, et il « cessera ses fonctions le jour que le tribunal de « cassation aura été installé. » Ces articles sont à conserver. Dans tous, un seul intérêt est oublié; c'est l’intérêt du pauvre : la nécessité de consigner l’amende peut l’écarter du tribunal : cette consignation est la dette de la nation même ; il faut qu’elle se place en quelque sorte à l’entrée du sanctuaire, et qu’elle dise: laissez entrer le pauvre sans payer, je réponds pour lui. Il est besoin d’un autre article qui assure aux parties que leurs demandes seront jugées dans l'ordre où elles les auront formées, en n’accordant de préférence qu’aux seules affaires criminelles sur les affaires civiles. Il est juste enfin de déterminer les qualités qui seront exigées pour occuper la place ne ministre de la justice. Ce n’est pas sous les portiques de la faveur que l’on doit se former à l’exercice d’un ministère qui n’est pas fait pour la connaître : il faut apporter à cette place les trésors d’une lente méditation : ce ministère est le premier pontife de la justice, et il doit avoir cousacré une portion de sa vie au culte des lois. PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. Le tribunal de cassation tiendra ses séances auprès du Corps législatif. Art. 2. Ce tribunal sera unique et composé de 83 juges qui siégeront en une même chambre, sauf à augmenter ce nombre après îa Constitution, qui sera décrétée pour les colonies. Art. 3. Les fonctions du tribunal de cassation seront : 1° de pronoucer sur toutes les demandes en cassation contre les jugements rendus eu dernier ressort, et seront désormais ces moyens de requête civile, considérés comme ouvertures à cassation; 2° De juger les contestations de compétence entre les tribunaux; 3° De statuer sur les demandes en renvoi d’un tribunal à un autre, pour cause de suspicion, d’alliance on de parenté, laquelle demande pourra être formée dans ce dernier cas, si l’une des parties a daus le tribunal, trois parents, ou alliés aux degrés prohibés par les lois; 4° De prononcer sur les demandes de prise à partie, formées contre un tribunal entier, ou contre un commissaire du roi ; 5° De juger la conduite et les prévarications d’un tribunal, de quelques-uns des juges qui le composent ; 6° De statuer sur les demandes en contrariétés d’arrêts rendus entre les mêmes parties pour le même objet et sur les mêmes moyens, soit que ces arrêts aient été rendus en même cour ou dans des tribunaux différents ; 7° De prononcer sur les demandes en révision des jugements en matière criminelle. Art. 4. Toutes les affaires actuellement pendantes dans les différents départements, commissions et bureaux du conseil, ainsi que les demandes en entérinement de requête civile, indécises dans les cours supérieures au moment de leur suppression, sont renvoyées à la cour de cassation, et lesdites demandes en entérinement de requêtes civiles, converties en demandes en cassation. Art. 5. Les 83 juges de la cour de cassation en nommeront 20 d’entre eux par la voie du sort, pour former un bureau où seront communiquées les requêtes des parties. Ce bureau sera renouvelé tous les six mois et par la même voie. Art. 6. Aucune demande ne pourra être rapportée au tribunal assemblé, qu’elle n’ait été préalablement communiquée au bureau des requêtes. Art. 7. La communication ordonnée par l’article précédent n’ayant pour objet qu’une discussion préparatoire, le bureau ne pourra, en aucun cas, rendre de jugement pour admettre ou pour rejeter une demande. Elles seront toutes portées à la chambre assemblée, et la simple majorité des voix formera la décision. Art. 8. A l’exception des requêtes en révision qui seront toujours expédiées les premières, et cependant entre elles dans l’ordre de leur présentation, toutes les autres demandes seront communiquées au bureau des requêtes, et passeront au tribunal de cassation à tour de rôle, et sans aucune distinction, ni préférence. Art. 9. Les membres composant le bureau des requêtes se joindront au tribunal pour juger en commun. Art. 10. Les rapports seront faits publiquement en présence des parties ou de leurs défenseurs, ou eux dûment avertis; à l’effet de quoi on affichera successivement dans la salle des séances toutes les affaires, quinze jours au moins avant leur rapport. Art. 11. Le demandeur en cassation ou son défenseur pourront seuls prendre la parole après le rapport. Il en sera de même du défendeur et de son avocat, quand le rapport sera fait sur une instance contradictoire. Mais, dans tous les cas, les parties et leurs défenseurs se borneront à de simples observations sur le rapport. Il sera libre aux juges, après les avoir entendues, de se retirer en particulier pour recueillir leurs opinions. Cette forme sera celle de tous les tribunaux dn royaume. Art. 12. Le tribunal ne pourra rendre jugement qu’au nombre de quarante juges, et seront tenus les juges présents de signer les minutes de leurs décisions. 336 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 novembre 1790.] Art. 13. L’intitulé du jugement portera toujours, avec le nom des parties, l’objet de leur demande, et le dispositif contiendra le texte de la loi ou des lois sur lesquelles la décision sera appuyée. Art. 14. Le ministre du roi, chargé du département de l’administration de la justice, sera président du tribunal de cassation, et y aura voix délibérative et prépondérante, en cas de partage; mais il n’aura point entrée au bureau des requêtes. Art. 15. Si le ministre du roi n’est pas présent, le plus ancien d’âge présidera : les autres membres du tribunal se placeront sans distinction et sans aucune préséance entre eux. Art. 16. Si le ministre du roi est instruit qu’un tribunal, quelques-uns des juges ou un commissaire du roi mettent de la négligence dans l’exercice de leurs fonctions, qu’ils tiennent nue conduite contraire à l’honneur et à la dignité des tribunaux, à la bonne administration delà justice et à l’intérêt des justiciables, il donnera connaissance au tribunal de cassation des faits qui lui auront été dénoncés et des preuves qui lui eu auront été remises. Le tribunal pourra demander au directoire du district, des renseignements sur ces faits ; et, s’ils sont vraisemblables et de nature à mériter quelque reproche, il pourra, après les avoir communiqués aux juges ou au commissaire du roi inculpés, et avoir mis ces officiers en mesure d’y répondre et de se justifier de l’avis du tribunal, et suivant la gravité des cas, prononcer contre eux des injonctions, ordonner qu’elles seront inscrites sur les registres des tribunaux, ou affichées dans le lieu de leur résidence, condamner à des amendes, même suspendre de ses fondions un juge ou un commissaire du roi, pour un temps qui n’excédera pas trois mois. Cette suspension entraînera la perte des honoraires, lesquels seront employés à salarier celui qui remplacera le juge ou le commissaire du roi, contre lequel la suspension aura été prononcée. Art. 17. Il ne sera rien innové aux délais fixés our se pourvoir en cassation, tant pour les ballants du royaume, que pour les coions, les communautés et les mineurs. Toute partie qui, après l’expiration de ces délais, prétendra être dans le cas de se pourvoir en cassation, pourra, en connaissance de cause, être relevée du laps de temps, sur la requête qu’elle présentera à cet effet, laquelle sera jointe à la demande en cassation, et contiendra ses moyens de relief. Art. 18. Dans le cas où il aurait été rendu un jugement qui paraîtrait évidemment contraire aux lois, et contre lequel cependant aucune des parties n’aurait réclamé dans le délai fixé, le ministre du roi, après ce délai expiré, en donnera connaissance au tribunal, s’il est prouvé que les formes et les lois ont été violées. Le jugement sera cassé sans que les parties puissent s’en prévaloir pour éluder les dispositions de ce jugement, lequel vaudra transaction pour elles. Art. 19. Le tribunal de cassation pourra, en connaissance de cause, ordonner que ces jugement soient imprimés et inscrits sur les registres du tribunal dont la décision sera cassée. Art. 20. Chaque année tous les membres du tribunal de cassation seront admis à ta barre de l’Assemblée du Corps législatif, et lui présenteront l’état des jugements rendus, à côté de chacun desquels sera la notice abrégée de l’affaire, et le texte de la loi qui aura décidé la cassation. Art. 21. Un greffier sera établi près du tribunal de cassation ; il sera nommé au scrutin et à la majorité absolue par les membres de ce tribunal ; il choisira des commis qui feront le service ainsi que lui, et qui prêteront serment; il sera tenu de donner un cautionnement de 20,000 livres, et ne pourra être destitué que pour prévarication jugée. Art. 22. L’installation du tribunal de cassation sera faite par deux commissaires du Corps législatif et deux commissaires du roi, qui recevront le serment individuel de tous les membres du tribunal, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de remplir exactement toutes les fonctions qui leur seront confiées : ce serment sera lu par l’un des commissaires du Corps législatif ; et chacun des membres du tribunal de cassation, debout dans le parquet, prononcera : Je le jure. Art. 23. Provisoirement et jusqu’à ce qu’il ait été autrement ordonné, le règlement qui fixait ta forme de procéder an conseil des parties, sera exécuté au tribunal de cassation, à l’exception des points auxquels il est dérogé par le présent décret. Art. 24. Seront néanmoins dispensés des consignations d’amende, prescrites par ce règlement, ceux dont la pauvreté sera certifiée par le procureur-syndic du district de leur domicile ; et le certificat de pauvreté, délivré par ce procureur-syndic, vaudra quittance de consignation. Art. 25. Le conseil des parties est supprimé, et il cessera ses fonctions le jour où le tribunal de cassation aura été installé. Art. 26. L’oftice de chancelier de France est aussi supprimé, et nui ne pourra être choisi pour ministre de la justice qu’il n’ait été, pendant vingt ans, juge ou homme de loi. (L’Assemblée ordonne l’impression du discours et du projet de décret de M. Prugnon.) M. Robespierre. Quel est l’objet de l’institution d’un tribunal de cassation? Yoilà la première question et peut-être la seule que vous ayez à juger. Les tribunaux sont établis pour décider les contestations entre citoyens et citoyens; là finit le pouvoir judiciaire , là commence l’autorité de la cour de cassation. C’est sur l’intérêt général, c’est sur le maintien de la loi et de l'autorité législative que la cour de cassation doit prononcer. Le pouvoir législatif n’établissant que la loi générale, dont la force dépend de l’exacte observation, si les magistrats pouvaient y susbtituer leur volonté propre, ils seraient législateurs. Il est donc nécessaire d’avoir une surveillance qui ramène les tribunaux aux principes de législation. Ce pouvoir de surveillance fera-t-il partie du pouvoir judiciaire ? Non, puisque c’est le pouvoir judiciaire qu’on surveille. .Sera-ce le pouvoir exécutif? Non, il deviendrait maître de la loi. Sera-ce enfin un pouvoir different des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ? Non ; je n’en connais pas quatre dans la Constitution. Ce droit de surveillance est donc une dépendance du pouvoir iégislatif. En effet, selon les principes authentiquement reconnus, c’est au législateur à interpréter la loi qu’il a faite: dans l’ancien régime même ce principe était consacré. Je passe à l’examen rapide des bases et de l’esprit du plan du comité. Tout projet dont le résultat livre une institution à l’influence ministérielle doit être rejeté. Tout le système qu’on vous propose se réduit à une cascade d’élections qui se termine par le choix du ministre et par le jeu toujours désastreux des intrigues de cour. Gomment peut-on vous proposer de donner au