SÉANCE DU 3 FLORÉAL AN II (22 AVRIL 1794) - N° 33 157 culièrement à celui qui rend les nègres à leurs droits. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [. Société républicaine de Bayle, s.d.] (2). « Représentants d’un peuple souverain, Aux cris de la patrie en danger, les vertueux et braves sans-culottes ruraux des communes de Bazolles et La Collancelle ont volés, les uns à la frontière pour terrasser les vils suppôts de la tyrannie; et les autres qui ne pouvaient abandonner leurs travaux agricoles, se sont réunis en Société populaire. Depuis que cette société est fondée, elle a prêché la morale, et tonné contre le fanatisme et la superstition qu’allumaient des scélérats de prêtres, même après avoir abjuré leurs fonctions, dans quelques âmes pusillanimes. Les officiers municipaux de la commune de La Collancelle, excellents républicains, éprouvèrent il y a quelques temps la violence de ces âmes fanatisées, lorsqu’ils voulurent livrer à la monnaie nationale les hochets du mensonge et de l’hypocrisie. Leur vie qui fut en danger, pour un instant, les contraignit, d’abandonner leur projet patriotique; mais qu’ils exécuteraient encore avec empressement s’ils y étaient autorisés. Les serments, citoyens représentants, que nous avons proféré du fond de notre âme, de défendre l’empire de la liberté et de l’égalité, nous ont suggéré décadi 20 ventôse, d’ouvrir une souscription en bas, chemises et souliers pour nos braves frères d’armes, et d’encourager l’exploitation du salpêtre. Quelques membres de cette Société se disposent déjà à cette intéressante manipulation, et bientôt ils offriront à la République, la foudre vengeresse de la liberté. Cette Société ne limite pas là son patriotisme et ses bienfaits. Elle vole au secours de l’indigent. Elle a célébré la reprise immémorable de Toulon. Elle se dispose à replanter avec une pompe fraternelle l’arbre de la liberté, et elle applaudit au décret qui donne de nouveaux enfants à la patrie, de nouveaux frères aux républicains, en délivrant de l’esclavage les hommes de couleur. Mais ne faudrait-il pas, citoyens représentants, pour la prospérité publique et l’amélioration de l’agriculture, pour graver dans tous les cœurs d’une manière accélératrice, les principes de. la liberté et de la saine morale, que vous rendissiez un décret qui obligerait le peuple à se livrer, au moins tous les décadis, à son instruction politique, par la lecture qui lui serait faite des décrets et des nouvelles. Ce décret effacerait de sa mémoire, par des effets progressifs, les maximes sacerdotales mensongères, et lui procurerait en même temps le repos dû à ses travaux décadaires. O République française, chef-d’œuvre de la nature ! Et toi liberté qui nous fait goûter les douceurs de l’égalité en nous soustrayant de la rage tyranicide ! Ne finit ton triomphe qu’avec la destruction entière de tes pervers ennemis. Soutiens l’ardeur belliqueuse de 25 millions d’hommes qui sont armés pour ta défense. La (1) P.V., XXXVI, 51. B*", 3 flor. (2) C 303, pl. 1100, p. 2. victoire couronnera leurs travaux, et la génération future t’encensera sur les autels qu’ils auront élevés à ta gloire. Et vous, représentants, restez à votre poste. Continuez vos travaux austères et lumineux. Continuez de bien mériter de la patrie et de la souveraineté du peuple. Vive la République ! Vive la Sainte Montagne ! » Chageau (présid.), Penot, Bellon, Lelaurin, Bu-vaux, Joanin, Chepemier, Cornu, Cornu le jeune, Rolland, Morache, Pot, Blondeau, Gue-neau, Châtré, Defer, Collot, Dechaux, Char-ner, Nazeret [et 3 signatures illisibles]. 33 Les membres du conseil général d’Orbec envoient les détails d’une fête qu’ils ont célébrée à l’occasion du même décret. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [ Orbec , 15 germ. II. Au présid. de la Conv.] (2). « Nous te faisons passer les pièces de la fête civique que nous avons célébrée dans notre commune, en réjouissance du décret qui a aboli l’esclavage des nègres; nous te prions de les faire connaître à la Convention, elle y verra des preuves de l’attachement inviolable que nous avons juré à la Montagne. Nous nous reposons sur ton patriotisme. S. et F. » Viel père, Courtin, Daufresne, Dauge, Otton, Dumoncel, Deshayes, Belliève [et 4 signatures illisibles] . [Extrait du reg. des délibérations de la Comm.; 10 germ. II]. « Le conseil général de la commune d’Orbec étant assemblé en la maison commune sur les 11 heures du matin, pour la célébration de la fête civique qui doit avoir lieu ce jourd’hui, relative à l’abolition de l’esclavage des hommes de couleur, sont entrés les membres du tribunal de paix, du Comité de surveillance, des anciens députés de la Société populaire et montagnarde de cette commune, qui tous ont été invités à assister à la fête. Etant ainsi réunis, le cortège a descendu et mêlé sa voix à celle du bataillon de la garde nationale, auquel s’étaient joints les gendarmes nationaux pour répéter les cris de vive la République, vive la Montagne, vive la liberté et l’égalité ! Le cortège étant entré au centre du bataillon, il a été conduit au temple de la Raison. Et à son arrivée, les citoyens de tout âge et de tout sexe qui s’y étaient rendus, ont fait entendre les cris de Vive la Montagne ! Le cortège ayant pris place, il a été donné lecture par le maire du décret humain qui abolit l’esclavage des nègres. Cette lecture a été terminée par les cris redoublés : Vive la liberté et l’égalité. Il a été ensuite prononcé par le juge de paix (1) P.V., XXXVI, 52. Bin, 3 flor. (1er suppl.); J. Sablier, n° 1276. (2) F17 101(P, pl. 4. SÉANCE DU 3 FLORÉAL AN II (22 AVRIL 1794) - N° 33 157 culièrement à celui qui rend les nègres à leurs droits. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [. Société républicaine de Bayle, s.d.] (2). « Représentants d’un peuple souverain, Aux cris de la patrie en danger, les vertueux et braves sans-culottes ruraux des communes de Bazolles et La Collancelle ont volés, les uns à la frontière pour terrasser les vils suppôts de la tyrannie; et les autres qui ne pouvaient abandonner leurs travaux agricoles, se sont réunis en Société populaire. Depuis que cette société est fondée, elle a prêché la morale, et tonné contre le fanatisme et la superstition qu’allumaient des scélérats de prêtres, même après avoir abjuré leurs fonctions, dans quelques âmes pusillanimes. Les officiers municipaux de la commune de La Collancelle, excellents républicains, éprouvèrent il y a quelques temps la violence de ces âmes fanatisées, lorsqu’ils voulurent livrer à la monnaie nationale les hochets du mensonge et de l’hypocrisie. Leur vie qui fut en danger, pour un instant, les contraignit, d’abandonner leur projet patriotique; mais qu’ils exécuteraient encore avec empressement s’ils y étaient autorisés. Les serments, citoyens représentants, que nous avons proféré du fond de notre âme, de défendre l’empire de la liberté et de l’égalité, nous ont suggéré décadi 20 ventôse, d’ouvrir une souscription en bas, chemises et souliers pour nos braves frères d’armes, et d’encourager l’exploitation du salpêtre. Quelques membres de cette Société se disposent déjà à cette intéressante manipulation, et bientôt ils offriront à la République, la foudre vengeresse de la liberté. Cette Société ne limite pas là son patriotisme et ses bienfaits. Elle vole au secours de l’indigent. Elle a célébré la reprise immémorable de Toulon. Elle se dispose à replanter avec une pompe fraternelle l’arbre de la liberté, et elle applaudit au décret qui donne de nouveaux enfants à la patrie, de nouveaux frères aux républicains, en délivrant de l’esclavage les hommes de couleur. Mais ne faudrait-il pas, citoyens représentants, pour la prospérité publique et l’amélioration de l’agriculture, pour graver dans tous les cœurs d’une manière accélératrice, les principes de. la liberté et de la saine morale, que vous rendissiez un décret qui obligerait le peuple à se livrer, au moins tous les décadis, à son instruction politique, par la lecture qui lui serait faite des décrets et des nouvelles. Ce décret effacerait de sa mémoire, par des effets progressifs, les maximes sacerdotales mensongères, et lui procurerait en même temps le repos dû à ses travaux décadaires. O République française, chef-d’œuvre de la nature ! Et toi liberté qui nous fait goûter les douceurs de l’égalité en nous soustrayant de la rage tyranicide ! Ne finit ton triomphe qu’avec la destruction entière de tes pervers ennemis. Soutiens l’ardeur belliqueuse de 25 millions d’hommes qui sont armés pour ta défense. La (1) P.V., XXXVI, 51. B*", 3 flor. (2) C 303, pl. 1100, p. 2. victoire couronnera leurs travaux, et la génération future t’encensera sur les autels qu’ils auront élevés à ta gloire. Et vous, représentants, restez à votre poste. Continuez vos travaux austères et lumineux. Continuez de bien mériter de la patrie et de la souveraineté du peuple. Vive la République ! Vive la Sainte Montagne ! » Chageau (présid.), Penot, Bellon, Lelaurin, Bu-vaux, Joanin, Chepemier, Cornu, Cornu le jeune, Rolland, Morache, Pot, Blondeau, Gue-neau, Châtré, Defer, Collot, Dechaux, Char-ner, Nazeret [et 3 signatures illisibles]. 33 Les membres du conseil général d’Orbec envoient les détails d’une fête qu’ils ont célébrée à l’occasion du même décret. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [ Orbec , 15 germ. II. Au présid. de la Conv.] (2). « Nous te faisons passer les pièces de la fête civique que nous avons célébrée dans notre commune, en réjouissance du décret qui a aboli l’esclavage des nègres; nous te prions de les faire connaître à la Convention, elle y verra des preuves de l’attachement inviolable que nous avons juré à la Montagne. Nous nous reposons sur ton patriotisme. S. et F. » Viel père, Courtin, Daufresne, Dauge, Otton, Dumoncel, Deshayes, Belliève [et 4 signatures illisibles] . [Extrait du reg. des délibérations de la Comm.; 10 germ. II]. « Le conseil général de la commune d’Orbec étant assemblé en la maison commune sur les 11 heures du matin, pour la célébration de la fête civique qui doit avoir lieu ce jourd’hui, relative à l’abolition de l’esclavage des hommes de couleur, sont entrés les membres du tribunal de paix, du Comité de surveillance, des anciens députés de la Société populaire et montagnarde de cette commune, qui tous ont été invités à assister à la fête. Etant ainsi réunis, le cortège a descendu et mêlé sa voix à celle du bataillon de la garde nationale, auquel s’étaient joints les gendarmes nationaux pour répéter les cris de vive la République, vive la Montagne, vive la liberté et l’égalité ! Le cortège étant entré au centre du bataillon, il a été conduit au temple de la Raison. Et à son arrivée, les citoyens de tout âge et de tout sexe qui s’y étaient rendus, ont fait entendre les cris de Vive la Montagne ! Le cortège ayant pris place, il a été donné lecture par le maire du décret humain qui abolit l’esclavage des nègres. Cette lecture a été terminée par les cris redoublés : Vive la liberté et l’égalité. Il a été ensuite prononcé par le juge de paix (1) P.V., XXXVI, 52. Bin, 3 flor. (1er suppl.); J. Sablier, n° 1276. (2) F17 101(P, pl. 4. 158 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE un discours analogue à la fête et qui lui a mérité les applaudissements de l’assemblée. Ce discours fini, le citoyen Courtin, officier municipal, a chanté une chanson patriotique de sa composition, qui lui a également mérité des applaudissements. A la demande de l’assemblée, il a encore chanté une autre chanson qu’il avait composée sur la fête de l’inauguration du temple de la Raison, ce qui a fait naître la gaieté dans tous les cœurs et déterminé des danses qui manifestaient la joie que des hommes libres éprouvent, quand il s’agit de la liberté de leurs semblables. D’autres chansons patriotiques ont encore été chantées et toutes ayant été terminées par le refrain charmant : Vive la République, vive la Montagne, vive la liberté et l’égalité, le cortège a été reconduit dans le même ordre à la maison commune. Et, sur la motion d’un membre, l’assemblée a arrêté qu’une expédition de la présente, avec copie du discours du citoyen Dumoncel et de la chanson composée par le cn Courtin, seront envoyées à la Convention nationale, à laquelle il sera présenté une adresse pour la féliciter du décret bienfaisant qu’elle a rendu en faveur des hommes de couleur, ce qui a été signé, après lecture faite. » P.c.c. Maire et secrétaire (signatures illisibles). [Discours du Cn Dumoncel ]. « Citoyens, Le jeu de la nature, qui s’est amusée à faire des hommes noirs sur une partie du globe avait enfanté bien des systèmes. Les anatomistes ont disputé longtemps sans se mettre d’accord, mais du moins leurs disputes et leurs erreurs ne compromirent point les droits de l’humanité. Il en a été bien autrement des théologiens, accoutumés à faire tourner tout au profit de cette puissance formidable avec laquelle ils faisaient trembler le genre humain. Ils dénaturèrent l’ouvrage simple de la nature, ils supposèrent artificieusement que les jeux étaient des prodiges surnaturels et que les variétés étaient des miracles faits exprès. Abusant de la crédulité des peuples, ils vinrent à bout à force de mensonges, de leur faire croire que s’il existait une race d’hommes noirs, c’était pour venger le fratricide commis par le fils du premier homme, ils débitèrent que c’était de Caïn que les nègres étaient descendus. Voilà, citoyen, le précis de ce que l’histoire nous apprend de l’origine de l’esclavage des nègres. L’armateur égoïste profita de cette absurdité et sacrifiant à un vil intérêt les droits sacrés de l’humanité, il s’accoutuma à croire lui-même que les nègres n’étaient que des hommes froidement assis sur son comptoir. Il régla, la plume à la main, le nombre d’attentats qu’il pourrait commettre impunément sur les Côtes de la Guinée, il calcula ce que lui coûterait chaque nègre, à quel prix reviendrait la chaîne avec laquelle il le garotterait sur son vaisseau, combien il achèterait le fouet avec lequel il le forcerait à lui donner ses sueurs, de quel revenu lui serait chaque goutte de sang dont le nègre arroserait son habitation et si la négresse lui rapporterait plus par les travaux de ses mains que par le travail de l’enfantement... Vous frémissez, citoyens, je n’en suis point surpris; toutes les atrocités commises pour le commerce des nègres ont toujours révolté les amis de l’humanité. Aussi un d’eux n’a-t-il pas balancé à dire que l’armateur qui appareillait pour la traite des nègres était un Cartouche qui, assis au pied d’un arbre dans une forêt, calculait la recette et la dépense de son heureux brigandage. Selon cet écrivain célèbre, le voleur attaque, prend l’argent et viole les institutions sociales et l’armateur prend la personne même et viole la nature. En effet, citoyens, le droit de l’esclavage n’était-il pas celui de commettre tous les crimes et quiconque voudrait le justifier mérite, ainsi que l’a dit le même écrivain, de la part du philosophe un silence plein de mépris, et de la part du nègre, un coup de poignard. Pour renverser l’édifice de l’esclavage des nègres, étayé par deux puissances formidables, celle des préjugés et celle de l’intérêt, pour faire cesser un trafic infâme et criminel d’hommes convertis en vils troupeaux, tous les philosophes s’étaient réunis en vain, et comment auraient-ils pu réussir, ils avaient porté la cause de l’humanité au tribunal des rois, eux qui prennent plaisir à se jouer du reste des humains, eux qui regardent leur puissance comme le droit d’un brigandage heureux et l’obéissance de leurs sujets comme une surprise faite à l’ignorance... Heureusement nous n’avons plus à les craindre, ces monstres qui buvaient le sang du peuple dans des coupes d’or. La terre de la liberté en est purgée pour toujours. La cause de l’humanité a été plaidée au tribunal de la raison et l’humanité a gagné sa cause. Grâces immortelles vous en soient rendues, ô Législateurs, ô vous qui croiriez n’avoir point rempli votre mission, si vous saviez qu’il y eut un seul homme qui dut son malheur à votre indifférence. Vous aviez proclamé les droits de l’homme, mais ce n’était pas assez pour vous; vous aviez enseveli tous les débris du trône, mais ce n’était pas encore assez pour vous ! Vous avez dit : de quel droit un homme peut-il faire esclave à un autre homme ? Hâtons -nous de substituer à l’aveugle férocité de nos pères les lumières de la Raison et les sentiments de la nature. Il existe au-delà des mers des hommes esclaves parce que la nature a pris plaisir à noircir leur peau, mais ces hommes n’ont-ils pas un cœur semblable au nôtre, fait pour la liberté et pour le bonheur ? Rendons-les heureux, brisons leurs chaînes, ne souffrons pas qu’ils soient plus longtemps victimes des préjugés et de l’avarice. De quel poids peut être dans la balance de l’humanité un commerce qui n’a que l’injustice pour base et que le luxe pour objet. Renonçons à la traite des nègres, voilà ce que vous avez dit, Législateurs immortels, et les fers des nègres ont été brisés. Ils bénissent à présent votre mémoire. Le premier usage qu’ils ont fait de leurs mains libres a sans doute été de les élever vers la France, en s’écriant dans l’épanchement de leur cœur : Ne serons -nous jamais assez heureux pour voir des hommes qui aiment tant leurs semblables ! Ah, quelle douleur ils eussent eue, si vous eussiez été les victimes des Catilina modernes ! Mais pourquoi troubler la fête de l’humanité par une image effrayante, Citoyens, nos représentants ont sauvé la patrie, ils ont évité le poignard des assassins, nous sommes heureux, 158 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE un discours analogue à la fête et qui lui a mérité les applaudissements de l’assemblée. Ce discours fini, le citoyen Courtin, officier municipal, a chanté une chanson patriotique de sa composition, qui lui a également mérité des applaudissements. A la demande de l’assemblée, il a encore chanté une autre chanson qu’il avait composée sur la fête de l’inauguration du temple de la Raison, ce qui a fait naître la gaieté dans tous les cœurs et déterminé des danses qui manifestaient la joie que des hommes libres éprouvent, quand il s’agit de la liberté de leurs semblables. D’autres chansons patriotiques ont encore été chantées et toutes ayant été terminées par le refrain charmant : Vive la République, vive la Montagne, vive la liberté et l’égalité, le cortège a été reconduit dans le même ordre à la maison commune. Et, sur la motion d’un membre, l’assemblée a arrêté qu’une expédition de la présente, avec copie du discours du citoyen Dumoncel et de la chanson composée par le cn Courtin, seront envoyées à la Convention nationale, à laquelle il sera présenté une adresse pour la féliciter du décret bienfaisant qu’elle a rendu en faveur des hommes de couleur, ce qui a été signé, après lecture faite. » P.c.c. Maire et secrétaire (signatures illisibles). [Discours du Cn Dumoncel ]. « Citoyens, Le jeu de la nature, qui s’est amusée à faire des hommes noirs sur une partie du globe avait enfanté bien des systèmes. Les anatomistes ont disputé longtemps sans se mettre d’accord, mais du moins leurs disputes et leurs erreurs ne compromirent point les droits de l’humanité. Il en a été bien autrement des théologiens, accoutumés à faire tourner tout au profit de cette puissance formidable avec laquelle ils faisaient trembler le genre humain. Ils dénaturèrent l’ouvrage simple de la nature, ils supposèrent artificieusement que les jeux étaient des prodiges surnaturels et que les variétés étaient des miracles faits exprès. Abusant de la crédulité des peuples, ils vinrent à bout à force de mensonges, de leur faire croire que s’il existait une race d’hommes noirs, c’était pour venger le fratricide commis par le fils du premier homme, ils débitèrent que c’était de Caïn que les nègres étaient descendus. Voilà, citoyen, le précis de ce que l’histoire nous apprend de l’origine de l’esclavage des nègres. L’armateur égoïste profita de cette absurdité et sacrifiant à un vil intérêt les droits sacrés de l’humanité, il s’accoutuma à croire lui-même que les nègres n’étaient que des hommes froidement assis sur son comptoir. Il régla, la plume à la main, le nombre d’attentats qu’il pourrait commettre impunément sur les Côtes de la Guinée, il calcula ce que lui coûterait chaque nègre, à quel prix reviendrait la chaîne avec laquelle il le garotterait sur son vaisseau, combien il achèterait le fouet avec lequel il le forcerait à lui donner ses sueurs, de quel revenu lui serait chaque goutte de sang dont le nègre arroserait son habitation et si la négresse lui rapporterait plus par les travaux de ses mains que par le travail de l’enfantement... Vous frémissez, citoyens, je n’en suis point surpris; toutes les atrocités commises pour le commerce des nègres ont toujours révolté les amis de l’humanité. Aussi un d’eux n’a-t-il pas balancé à dire que l’armateur qui appareillait pour la traite des nègres était un Cartouche qui, assis au pied d’un arbre dans une forêt, calculait la recette et la dépense de son heureux brigandage. Selon cet écrivain célèbre, le voleur attaque, prend l’argent et viole les institutions sociales et l’armateur prend la personne même et viole la nature. En effet, citoyens, le droit de l’esclavage n’était-il pas celui de commettre tous les crimes et quiconque voudrait le justifier mérite, ainsi que l’a dit le même écrivain, de la part du philosophe un silence plein de mépris, et de la part du nègre, un coup de poignard. Pour renverser l’édifice de l’esclavage des nègres, étayé par deux puissances formidables, celle des préjugés et celle de l’intérêt, pour faire cesser un trafic infâme et criminel d’hommes convertis en vils troupeaux, tous les philosophes s’étaient réunis en vain, et comment auraient-ils pu réussir, ils avaient porté la cause de l’humanité au tribunal des rois, eux qui prennent plaisir à se jouer du reste des humains, eux qui regardent leur puissance comme le droit d’un brigandage heureux et l’obéissance de leurs sujets comme une surprise faite à l’ignorance... Heureusement nous n’avons plus à les craindre, ces monstres qui buvaient le sang du peuple dans des coupes d’or. La terre de la liberté en est purgée pour toujours. La cause de l’humanité a été plaidée au tribunal de la raison et l’humanité a gagné sa cause. Grâces immortelles vous en soient rendues, ô Législateurs, ô vous qui croiriez n’avoir point rempli votre mission, si vous saviez qu’il y eut un seul homme qui dut son malheur à votre indifférence. Vous aviez proclamé les droits de l’homme, mais ce n’était pas assez pour vous; vous aviez enseveli tous les débris du trône, mais ce n’était pas encore assez pour vous ! Vous avez dit : de quel droit un homme peut-il faire esclave à un autre homme ? Hâtons -nous de substituer à l’aveugle férocité de nos pères les lumières de la Raison et les sentiments de la nature. Il existe au-delà des mers des hommes esclaves parce que la nature a pris plaisir à noircir leur peau, mais ces hommes n’ont-ils pas un cœur semblable au nôtre, fait pour la liberté et pour le bonheur ? Rendons-les heureux, brisons leurs chaînes, ne souffrons pas qu’ils soient plus longtemps victimes des préjugés et de l’avarice. De quel poids peut être dans la balance de l’humanité un commerce qui n’a que l’injustice pour base et que le luxe pour objet. Renonçons à la traite des nègres, voilà ce que vous avez dit, Législateurs immortels, et les fers des nègres ont été brisés. Ils bénissent à présent votre mémoire. Le premier usage qu’ils ont fait de leurs mains libres a sans doute été de les élever vers la France, en s’écriant dans l’épanchement de leur cœur : Ne serons -nous jamais assez heureux pour voir des hommes qui aiment tant leurs semblables ! Ah, quelle douleur ils eussent eue, si vous eussiez été les victimes des Catilina modernes ! Mais pourquoi troubler la fête de l’humanité par une image effrayante, Citoyens, nos représentants ont sauvé la patrie, ils ont évité le poignard des assassins, nous sommes heureux, SÉANCE DU 3 FLORÉAL AN II (22 AVRIL 1794) - Nos 34 A 39 159 ne pensons qu’à répéter mille et mille fois Vive la République, vive la Montagne, vive l’égalité. » 34 L’agent national du district de Digne annonce que des biens d’émigrés, estimés 238,546 livres, ont été vendus 398,507 liv., et que 283 marcs d’argenterie extraits de la ci-devant église de la même ville sont maintenant à la disposition de la Convention; il joint à sa lettre l’état des effets déposés dans les magasins militaires par diverses communes et sociétés du district; la vertueuse prodigalité avec laquelle ces dons ont été offerts, est un témoignage éclatant et authentique du patriotisme des habitans de cette contrée (1). [Digne, 8 vent. II] (2) . « Citoyens représentants, J’ai fait parvenir dans son temps à l’administration des domaines nationaux, les bordereaux de vente des biens des émigrés, qui ont eu lieu durant les mois de nivôse et pluviôse derniers. Ces bordereaux présentent les résultats suivants : Estimé : 238 546 liv.; vente : 398 507 liv.; bénéfice : 159 961 liv. Les ventes seront continuées avec toute l’activité qui pourra dépendre de l’administration du district. Le concours des acquéreurs des biens de ces messieurs a prouvé, et prouvera, j’ose en répondre, toujours plus, que les habitants du district de Digne ne croient point aux revenants. 283 marcs d’argent extraits de la ci-devant paroisse de Digne, devenue le temple de la Raison, sont à la disposition de la Convention nationale. J’espère qu’ils ne se présenteront pas seuls à la monnaie et qu’ils n’attendront pas longtemps la compagnie de quelques autres marcs. Les prêtres sont penauds, les peuples s’éclairent et bientôt toutes les églises seront désargentées et dédorées. Les dons de différentes sociétés et communes ont orné notre magasin militaire des dons suivants : 1 374 chemises, 104 draps de lit, 41 nappes, 537 serviettes, 1 paillasse, 8 paires de bas, 114 paires de souliers, 5 quintaux de vieux linge. Nous attendons de nouveaux envois. Plus de 1 200 hommes de la première réquisition sont à leur poste, encadrés, embrigadés. Au delà de 800, ont été habillés, armés et équi-piés au complet par le district; çà ira; vive la Montagne, vive la République ! S. et F. » Castellac. (1) P.V., XXXVI, 52. Bln, 3 flor.; J. Sablier, n° 1274; Mon., XX, 295; J. Perlet, n° 579; Audit, nat. n° 583. (2) C 301, pl. 1077, p. 5. 35 Les administrateurs du district de Chinon-la-Montagne (1) écrivent qu’un domaine national qui, l’année dernière, alloit être adjugé pour 4,630 livres, a été porté cette année à 9,435 livres. Le dernier bien d’émigré, estimé dans le même district 2,890 liv., a été adjugé pour 11,600 livres. Insertion au bulletin (2). 36 Le maire de la commune de Castelnau, district de la Caune, annonce à la Convention que les citoyens de cette commune ont offert à la patrie 192 livres, 190 chemises, 125 paires de souliers, et un grand nombre d’autres effets (3). 37 Les administrateurs du district de Montaigu écrivent qu’un bien d’émigré, estimé 11,600 livres, a été vendu 37,025 livres; les ventes s’éloignent rarement de cette proportion (4). 38 Un secrétaire lit le procès-verbal de la séance du premier floréal. La rédaction est adoptée (5). 39 Les administrateurs du département de Police font passer l’état des détenus, montant à 6,737 individus (6). (1) Château-Chinon, Nièvre. (2) P.V., XXXVI, 52. Bin, 3 flor.; Mon., XX, 295; Audit, nat., n° 583; J. Paris, n° 479; J. Perlet, n° 579. (3) P.V., XXXVI, 52. Tarn. (4) P.V., XXXVI, 52. Bin, 3 flor.; Mon., XX, 295; M.U., XXXIX, 59; Audit, nat., n° 583; J. Perlet, n° 579. Vendée. (5) P.V., XXXVI, 52. (6) P.V., XXXVI, 52. Bin, 3 flor. SÉANCE DU 3 FLORÉAL AN II (22 AVRIL 1794) - Nos 34 A 39 159 ne pensons qu’à répéter mille et mille fois Vive la République, vive la Montagne, vive l’égalité. » 34 L’agent national du district de Digne annonce que des biens d’émigrés, estimés 238,546 livres, ont été vendus 398,507 liv., et que 283 marcs d’argenterie extraits de la ci-devant église de la même ville sont maintenant à la disposition de la Convention; il joint à sa lettre l’état des effets déposés dans les magasins militaires par diverses communes et sociétés du district; la vertueuse prodigalité avec laquelle ces dons ont été offerts, est un témoignage éclatant et authentique du patriotisme des habitans de cette contrée (1). [Digne, 8 vent. II] (2) . « Citoyens représentants, J’ai fait parvenir dans son temps à l’administration des domaines nationaux, les bordereaux de vente des biens des émigrés, qui ont eu lieu durant les mois de nivôse et pluviôse derniers. Ces bordereaux présentent les résultats suivants : Estimé : 238 546 liv.; vente : 398 507 liv.; bénéfice : 159 961 liv. Les ventes seront continuées avec toute l’activité qui pourra dépendre de l’administration du district. Le concours des acquéreurs des biens de ces messieurs a prouvé, et prouvera, j’ose en répondre, toujours plus, que les habitants du district de Digne ne croient point aux revenants. 283 marcs d’argent extraits de la ci-devant paroisse de Digne, devenue le temple de la Raison, sont à la disposition de la Convention nationale. J’espère qu’ils ne se présenteront pas seuls à la monnaie et qu’ils n’attendront pas longtemps la compagnie de quelques autres marcs. Les prêtres sont penauds, les peuples s’éclairent et bientôt toutes les églises seront désargentées et dédorées. Les dons de différentes sociétés et communes ont orné notre magasin militaire des dons suivants : 1 374 chemises, 104 draps de lit, 41 nappes, 537 serviettes, 1 paillasse, 8 paires de bas, 114 paires de souliers, 5 quintaux de vieux linge. Nous attendons de nouveaux envois. Plus de 1 200 hommes de la première réquisition sont à leur poste, encadrés, embrigadés. Au delà de 800, ont été habillés, armés et équi-piés au complet par le district; çà ira; vive la Montagne, vive la République ! S. et F. » Castellac. (1) P.V., XXXVI, 52. Bln, 3 flor.; J. Sablier, n° 1274; Mon., XX, 295; J. Perlet, n° 579; Audit, nat. n° 583. (2) C 301, pl. 1077, p. 5. 35 Les administrateurs du district de Chinon-la-Montagne (1) écrivent qu’un domaine national qui, l’année dernière, alloit être adjugé pour 4,630 livres, a été porté cette année à 9,435 livres. Le dernier bien d’émigré, estimé dans le même district 2,890 liv., a été adjugé pour 11,600 livres. Insertion au bulletin (2). 36 Le maire de la commune de Castelnau, district de la Caune, annonce à la Convention que les citoyens de cette commune ont offert à la patrie 192 livres, 190 chemises, 125 paires de souliers, et un grand nombre d’autres effets (3). 37 Les administrateurs du district de Montaigu écrivent qu’un bien d’émigré, estimé 11,600 livres, a été vendu 37,025 livres; les ventes s’éloignent rarement de cette proportion (4). 38 Un secrétaire lit le procès-verbal de la séance du premier floréal. La rédaction est adoptée (5). 39 Les administrateurs du département de Police font passer l’état des détenus, montant à 6,737 individus (6). (1) Château-Chinon, Nièvre. (2) P.V., XXXVI, 52. Bin, 3 flor.; Mon., XX, 295; Audit, nat., n° 583; J. Paris, n° 479; J. Perlet, n° 579. (3) P.V., XXXVI, 52. Tarn. (4) P.V., XXXVI, 52. Bin, 3 flor.; Mon., XX, 295; M.U., XXXIX, 59; Audit, nat., n° 583; J. Perlet, n° 579. Vendée. (5) P.V., XXXVI, 52. (6) P.V., XXXVI, 52. Bin, 3 flor.