238 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.] ment si naturel à ceux qui sont les témoins des misères humaines. Il n’y a pas de pères de famille qui, sur 12 ou 20,000 liv. de renies bien liquidées, ne se croie obligé à secourir beaucoup d’infortunés. On dit que l’augmentation qu’on tous propose ne coûtera que 2 millions, et vous trouvez cela peu considérable! Vous avez raison, si vous comparez cette somme à 600 millions d’impositions; mais comparez-la aux malheurs d’un village ; elle est la contribution de trois cents villages ; elle est la contribution que paie à force de sueurs, de fatigues et de travaux, un nombre immense de citoyens, tandis que les évêques, que les fonctionnaires du peuple vivraient dans une abondance irréligieuse. Je crois donc que l’avis du comité doit être adopté. M. le marquis de Foucault. J’adopte la conclusion de M, de Gazalès ; mais, quelque traitement que l’Assemblée accorde, je la prie de se rappeler qu’à l’époque où elle a décrété que les biens du clergé seraient à la disposition de la nation, on a mis sous ses yeux les malheurs du peuple. Le comité aurait dû prouver à tous les Français que vous voulez faire une meilleure distribution des aumônes; nous devrions dire qu’une partie de ces biens appartient à la religion, que l’autre est le patrimoine des pauvres. Je demande qu’avant tout on adopte le décret que je vais proposer ; « Les biens du clergé, que l’Assemblée a décrétés être à la disposition de la nation, serviront uniquement à payer les frais du culte et de ses ministres... » {On rappelle à l'ordre du jour,) Je suis excellent patriote, et je vais le prouver; car je vais recommencer: que ferez-vous? Vous fixerez les frais du culte et de la religion, et le reste vous le vendrez... ( Une voix dit: Oui!) Ah! vous le vendrez 1 qu’on me laisse lire mon amendement... {On observe que c'est une motion.) Vous avez raison, cela vaut mieux qu’un amendement. Je vais donc achever ma motion : « ainsi qu’au soulagement et à la subsistance des « pauvres dont ces biens sont le patrimoine. » M. Durand de Maillane. Je propose de charger le comité des finances de présenter un projet de décret, dont l’objet serait de mettre à la disposition des évêques, pour exercer la charité, une partie de la valeur des biens ecclésiastiques. Plusieurs autres amendements sont encore proposés, et tous sont écartés par la question préalable. L’article 3, tel qu’il est proposé par le comité, est adopté, M. Martineau donne lecture de l’article 4 ainsi conçu : < Art. 4. Le traitement des vicaires de l’église cathédrale sera ; savoir : à Paris, pour le premier vicaire, de 8,000 livres; pour le second, de 4,000 livres ; pour tous les autres, de 3,000 livres. « Dans les villes dont la population est de 50,000 âmes et au-dessus : pour le premier vicaire, de 6,000 livres ; pour le second, de 3,000 livres ; pour tous les autres, de 2,400 livres, « Dans les villes dont la population est de moins de 50,000 âmes : pour le premier vicaire, de 3,000 livres; pour le second, de 2,400 livres ; pour les autres, de 2,000 livres. » M, Prieur. Je propose que le traitement des vicaires des églises cathédrales n’excède pas celui des curés de la ville diocésaine. M. Camus. Ce n’est pas assez que les vicaires des églises cathédrales n’aient pas un traitement plus fort que celui des curés ; les deux premiers vicaires seulement auront un traitement égal au sien. Gelui des autres doit être fixé en proportion diminutive de celui des deux premiers vicaires. M. Ce Chapelier. Je propose un traitement égal pour les vicaires des églises cathédrales et les curés et d’ajouter, en sus du traitement, des deux plus anciens vicaires, un supplément de 300 livres. M. Charles de Lameth. Je suis d’avis qu’il faut admettre une légitime supériorité dans les places ecclésiastiques et, pour la justifier, l’ancienneté d’âge proposée par M. Le Chapelier me paraît convenable : j’appuie sa motion. M. Garat P aîné. Les vicaires des églises cathédrales ayant à remplir et les fonctions curiales et celles de l’épiscopat doivent nécessairement avoir un traitement plus considérable que les curés. M. Martineau, par suite des observations qui viennent d’être faites, déclare que le comité modifie sa rédaction sur les traitements. L’article 4 est mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « Art. 4. Le traitement des vicaires des églises cathédrales sera, savoir : à Paris, pour le premier vicaire, de 6,000 livres; pour le second, de 4,000 livres; pour tous les autres vicaires, de 3,000 livres. « Dans les villes dont la population est de 50,000 âmes et au-dessus, pour le prieur-vicaire, de 4,000 livres; pour le second, de 3,000 livres; pour tous les autres, de 2,400 livres. « Dans les villes dont la population est de moins de 50,000 âmes : pour le prieur-vicaire, de 3,000 livres; pour le second, de 2,400 livres; pour tous les autres, de 2,000 livres. » M. le Président. La séance s’ouvrira demain à l’heure ordinaire, à neuf heures du matin. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M, L’ABBÉ SIEYÈS. Séance du jeudi 17 juin 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le baron de «fessé, secrétaire, donne lecture du procès-yerbal de la séance du mardi 15 juin au matin. M. l’abbé Royer, nuire secrétaire , lit le procès-verbal de la séance au soir du même jour. Il ne se produit aucune réclamation. M. Gourdan, secrétaire, donne ensuite lecture d’une lettre du président du district de Saint-(1) Cette séance est incomplète a« Moniteur, [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.] Louis-en-l’Isle, et de l’extrait d’une délibération prise par le même district, et adressée aux cinquante-neuf autres districts pour engager les citoyens à offrir des logements à MM. les députés qui doivent se rendre à Paris pour le pacte fédératif. Cette lecture est suivie de celle d’une pièce de vers par M. Sauvageot du Croisi, secrétaire-commis de l’Assemblée nationale, et d’une adresse souscrite par plusieurs citoyens de Paris, toutes deux ayant pour objet de célébrer le jour mémorable où l’Assemblée des Etats généraux a été constituée et déclarée Assemblée nationale. L’Assemblée applaudit au zèle des auteurs : Voici les vers de M. Sauvageot du Croisi C’est en ce jour heureux, pères delà patrie, Que le peuple français a reconquis ses droits; Les trois ordres rivaux de la France asservie, Devenus un grand peuple à votre voix chérie, Commençaient en ce jour l’édifice des lois. Le peuple, fatigué d’une injuste puissance, Vit en vous ses soutiens, ses zélés protecteurs : Il vous nomme à grands cris les sauveurs de la France. Les noms et les travaux de ses libérateurs Seront éternisés par sa reconnaissance. 17 juin 1790. M. Pannetier, député de Couserans , demande un congé pour aller prendre les eaux. M. Achard de ttonvouloir, député de Cou-tances, demande la même permission et pour le même motif. M. Pelabat, député de Marseille , sollicite, par l’entremise de M. Gastellanet, une prolongation de congé que l’état de sa santé rend indispensable. Ces congés sont accordés. M. le Président. L’ordre du jour appellerait d’abord »n rapport du comité des dîmes; mais comme le rapporteur, M. Ghasset, est absent pour le moment, l’Assemblée va continuer la discussion du projet de décret sur la constitution civile du clergé. Les articles 1 à 4 du titre 111, intitulé : traitement des ministres de la religion , ont été adoptés dans la séance d’bier. M. Martineau, rapporteur , donne lecture de J’article 5 qui est ainsi conçu : « Art. 5. Le traitement des curés sera, savoir : à Paris, de 6,000 livres. « Dans les villes dont la population est de plus de 50,000 âmes, de 4,000 livres. « Dans celles dont la population est de moins de 50,000 âmes, et de plus de 10,000 âmes, de 3,000 livres. « Dans les villes et bourgs dont la population est au-dessous de 10,000 âmes, et au-dessus de 3,000 âmes, de 2,400 livres. < Dans toutes les autres villes et bourgs dont la population est au-dessous de 3,000 âmes, de 2,000 livres. « Dans les campagnes, pour les paroisses où il y aura plus de deux mille âmes, de 1,800 livres; pour les paroisses où il y aura moins de deux mille âmes, et plus de mille âmes, de 1,500 livres; et pour les paroisses où il n’y aura que mille âmes ou moins, de 1,200 livres. » M. l’abbé deMarolles, curé de Saint-Quentin. Nos désirs, s’ils s’étendent jusqu’au superflu, sont 239 des désirs impies et criminels,,... Longtemps les curés ont été payés 300 livres, ensuite 500 livres, Ils ne pouvaient offrir d’autre consolation aux pauvres que le spectacle de leur misère, .... Pesez dans votre sagesse la proposition présentée par le comité, elle vous paraîtra insuffisante pour les curés des campagnes. — M. l’abbé deMarolles fait le calcul des dépenses nécessaires d’un curé, et trouve que les gages et la nourriture de ses domestiques, que son entretien personnel, les réparations locatives, l’entretien des meubles, le paiement de l’impôt, forment une somme de 1,040 livres; il reste donc à un curé, sur la somme de 1,200 livres, 160 livres pour vivre. — M. l'abbé de Marolles réclame aussi en faveur des vicaires, et conclut à ce que le minimum des curés soit de 1,500 livres. M. l’abbé Jacquemart. Après l’estime dont vous avez honoré les curés dans toutes les occasions, je ne m’attendais pas au traitement mesquin que le comité propose de leur faire. Est-ce donc à cela que devaient aboutir les promesses dont on nous avait flattés, le vœu des peuples, les réclamations de toutes les âmes sensibles, les efforts même de la philosophie ? Ouvrons nos cahiers, nous y trouverons la réclamation des peuples en faveur de ces hommes qui travaillent sans cesse, qui portent le poids de la chaleur et du jour, de ces hommes toujours consolateurs, toujours bienfaisants, ministres d’un Dieu miséricordieux et amis de tout homme souffrant ou égaré. Gomment oseront-ils prêcher la bienfaisance, quand ils ne pourront plus en donner l’exemple ? A quoi se borne votre générosité ? à réduire les neuf dixièmes descurés pour augmenter le reste de 200 livres. (Il s’ élève' des murmures). M. l’abbé Gouttes. On parle comme si l’impôt ne. devait rien coûter aux peuples. Les curés n’ont pas chargé Monsieurde présenter leurs sentiments. Ils se sont confiés à la sagesse et à la générosité de l’Assemblée nationale, et assurément ils persistent dans leur confiance. M. l’abbé Jacquemart. Le comité donne 1,500 liv. aux curés des paroisses où il y aura plus de mille âmes, et 1,200 liv. à ceux dont les paroisses ne comprendront pas ce nombre; ainsi dix âmes de plus ou de moins mettront une différence aussi considérable entre les curés. On donne 1,200 liv. à des hommes qui sont obligés de tenir maison, d’avoir un certain nombre de domestiques, pour qui l’hospitalité est un devoir rigoureux, et dont la maison doit être un centre commun. Veut-on priver de tout agrément, de toute liaison, de tout commerce, ces hommes qui sont condamnés par état à la plus affreuse solli-tude? Le père détournera son fils d’un état aussi misérable. Qu’on ne nous dise pas que des ecclésiastiques vertueux veulent peu, parce qu’ils vivent de peu; qu’ils sont les ministres d’un Dieu pauvre : ces lâches plaisanteries seraient déplacées de la part de quelques particuliers ; elles le seraient bien davantage de la part des représentants de la nation. Vous nous rappelez à la primitive Eglise ; nous vous rappellerons au temps où les fidèles abandonnaient leurs biens aux ministres du culte. Vous avez voulu nous donner l’espoir du bonheur ; sans les faveurs de la fortune, je n’en conçois pas la possibilité ...... (Tous les curés placés dans la partie gauche se lèvent.)