160 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 17931 Suit la lettre des administrateurs du district de Saint-Omer (1). Les administrateurs du district de Saint-Omer , à la Convention nationale. « Saint-Omer, le 9e jour de la première décade du 2e mois de l’an II de la République française, une et indi¬ visible. « Citoyens législateurs, « Nous vous envoyons quelques exemplaires de l’ordre d’une fête patriotique que nous devons célébrer demain. Cette fête est une suite natu¬ relle de vos travaux. Continuez, citoyens légis¬ lateurs, continuez à bien mériter de la patrie. Vous avez détruit les rois, pourquoi épargneriez-vous les prêtres? « Vous recevrez en même temps une adresse à laquelle nous vous prions de prêter la plus grande attention. « Salut et fraternité. « C. Dacquin; Bailly; Delaleau; Bultel; Coffin, 'procureur syndic; Honoré Vallé; A. -J. Turlure. » Fête patriotique pour le premier jour de repos du 2e mois de l’an second de la République une et indivisible (2). Les fêtes sont dans la navigation de la vie, ce que sont les îles au milieu de la mer. L’auteur de la nature a, d’une main aussi sage que pré¬ voyante, élevé les unes au-dessus de l’immensité des eaux, pour que les passagers pussent en tout temps y trouver un lieu de repos. Le magistrat attentif aux besoins, tant physiques que moraux de ses concitoyens, doit leur offrir, dans l’institution des autres, des occasions de se délasser de leurs travaux. Cette vérité bien sentie a fait naître aux administrateurs du district de Saint-Omer l’idée de donner à leurs concitoyens, une fête patriotique, qui ne sera sans doute que le prélude de beaucoup d’autres. Il est, chez un peuple libre, des époques qu’il serait criminel de ne pas consacrer d’une manière éclatante. Telle est, sans contredit, celle où nous commençons à ne dater notre existence que du commencement de la Répu¬ blique. Le décret qui le veut ainsi, en bannis¬ sant de notre souvenir les pieuses folies de nos pères, va rendre à la saine raison tout son empire. Les jours de l’année ne seront plus ( 1 ) Archives nationales, carton C 279, dossier 750. (2) Archives nationales, carton C 279, dossier 750. marqués par des fêtes qui ne regardent que les sectateurs d’un culte particulier, dont l’intolé¬ rance avait augmenté en proportion des privilèges qu’on leur avait sottement accordés. Des actions qui intéressent tout le genre humain rempliront le nouveau calendrier. Là, sera gravée en caractères de feu, la journée du 10 août, où la cour vit échouer ses complots populicides. Là, revivra pour toujours celle du 21 janvier, où le dernier de nos tyrans porta sa tête sur l’écha¬ faud. Là, se perpétuera le souvenir de l’époque à jamais mémorable des 31 mai, 1er et 2 juin, où le fédéralisme fut vaincu par les efforts redoublés d’un peuple vertueux. Les citoyens qui auront travaillé pour le bônheur de l’humanité, rem¬ placeront tant de sots personnages qui ont fui dans des déserts, tandis que la nature les invitait à l’amour de leurs semblables. Chaque exemple de vertu et de courage offrira une fête à célébrer, et le dernier de chaque décade sera le dimanche du républicain. Les administrateurs du district, citoyens, ont cru qu’ils ne sauraient donner trop de solennité à l’inauguration du nouveau calendrier. Déjà les républicains d’Arras, toujours hâtifs dans l’expression de leurs sentiments, les ont devancés, l’ensemble majestueux de la fête qu’ils ont célébrée les a frappés, ils en ont adopté le projet, et nous ont chargés de la mettre à exécution. Pour nous acquitter de cette mission avec plus de facilité, nous avons cru qu’il était important de publier le programme suivant, dans lequel chaque citoyen apprendra et le rôle dont il est chargé, et le local où ceux de son âge se rassembleront. Ordre du cortège. Comme dans la fête d’Arras, et « pour indiquer aussi que la force armée précède toujours un peuple libre » différents corps militaires précé¬ deront le cortège. Suivront douze groupes représentant les douze mois de l’année : tous les citoyens sont invités à les composer, ils n’y seront distingués que par les âges; l’artisan et le fonctionnaire public y seront confondus, et pour faire sentir davantage l’égahté qui doit régner dans la fête, ce dernier y portera les insignes des fonctions dont la société s’honore, et celui-là les instru¬ ments de la profession qu’il exerce. Le tableau suivant indiquera, à chaque citoyen des deux sexes, le groupe auquel il doit appartenir selon son âge, le local dans lequel il doit se rendre le jour de la fête, et le commis¬ saire chargé de la composition et de la conduite de leur groupe. « TABLEAU. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J2 brumaire an il 161 1 J : (2 novembre 1793 GROUPES. | COMMISSAIRES. LIEUX DE RASSEMBLEMENT. AGE DES CITOYENS ET CITOYENNES QUI DOIVENT COMPOSER LES GROUPES. 1" Dupont, notable. Cathédrale, nef droite. Enfants des deux sexes de 7 à 12 ans. 2* Marteau. Id. nef gauche. Jeunes gens, de 12 à 18 — 3» Defrance. Hôpital général, salle des filles. Jeunes filles, de 18 à 25 — 4» Nicolle. Id. salle des garçons. Jeunes gens mariés, de 18 à 25 — S* Hémart. Aux ci-devant frères ignorantins. Citoyens des deux sexes de 30 à 35 — 6* Deldicques. Salle droite au-dessus du poids de la ville. Id. de 30 à 35 — 7* Orner Masse. ' Id. salle gauche. Id. de 35 à 40 — - 8* Allart. Saint-Sépulcre, nef droite. Id. de 40 à 45 — 9* Yanechout. Id. nef gauche. Id. de 45 à 50 — 10“ Lienard. Hôpital Saint-Jean. Id. de 50 à 60 — 11“ Dupuis. Évêché. Id. de 60 à 70 — 12“ Butay. Halle. Id. de 70 à 80 — Un groupe de vieillards de plus de 80 ans suivra, représentant les jours complémentaires. Le plus âgé de tous, représentant le jour de la révolution, sera placé sur un char de triomphe, traîné par 12 jeunes gens de 12 jusqu’à 18 ans et de 25 à 30, plusieurs enfants seront à ses pieds, pour indiquer qu’à la suite d’une année en vient une autre, etc. Une jeune fille sera aussi placée sur le char pour indiquer que les deux sexes doivent con¬ courir au soulagement de la vieillesse. Suivront : 1° l’acte constitutionnel, précédé d’un chœur de musiciens et de jeunes enfants qui sèmeront des fleurs sur son passage. 2° La statue de la liberté, devant laquelle seront 3 bannières à la romaine. L’une avec ces mots : 14 juillet, et au-dessous, mort au despo¬ tisme. L’autre avec ces mots : 10 août, et au-dessous, mort au royalisme. La 3 e avec ces mots : 31 mai, 2 et B juin, et au-dessous, mort au fédéralisme. Autour de la statue sont quatre jeunes filles, représentant les quatre saisons de l’année. La lre avec un étendard et ces mots : O liberté, tu es belle comme le printemps. La 2e avec cette inscription : Tu es bienfai¬ sante comme l’été. La 3e avec celle-ci : O liberté, tu es féconde comme V automne. La 4e avec cette légende : Tu es terrible comme l’hiver. La statue est portée par des citoyens en costume républicain, petite veste, pantalon et bonnet rouge. Les vétérans en masse terminent le cortège. Ordre de la marche. Le jour de la fête, au premier son de la cloche, vers la huitième heure, les citoyens partent de chez eux et se rendent à leurs groupes respectifs. lte SÉRIE. T. EXXVlII, Les commissaires les y rangent deux à deux sur six de front et les conduisent au second son des cloches sur la place, où des poteaux avec des inscriptions leur indiqueront la place qu’ils y doivent occuper. A neuf heures précises, le cortège part, et suit les mêmes rues que celui du 10 août. Chaque commissaire reste, pendant la marche et pendant la fête, à la tête de son groupe, pour y maintenir l’ordre et la décence que la majesté . de la fête exige de tous les citoyens. Le commissaire du district et l’inspecteur général veillent sur l’ensemble du cortège. Ordre de la fête. Le cortège arrivé, on pose contre l’arbre et sur son piédestal la statue de la liberté; à ses pieds, l’acte constitutionnel. Sur une estrade élevée est une table sur laquelle est servi un repas frugal et simple comme la nature. Des jeunes filles vont chercher le doyen des vieillards et ceux qui représentent les jours complémentaires, les conduisent à cette table, les y font placer, et, placées elles-mêmes derrière leurs sièges, leur servent tout ce dont ils ont besoin. Le peuple assiste à ce repas en expiation de l’honneur que l’on rendait jadis aux rois, en s’extasiant de leur voir remplir cette fonction naturelle (fête d’Arras). A chaque fois que les vieillards boivent, ils portent une santé républicaine, et les groupes y répondent par des cris de Vive la République! Le repas fini, le doyen des vieillards se lève et porte une dernière santé à la liberté de tous les peuples. Alors deux des jeunes filles brûlent des parfums, apportent au vieillard le livre de la Constitution, il le soulève d’une main respec¬ tueuse et le présente au peuple en disant : 11 îM [ConV&nticffï a&tidh&îe.j AftCBIVM MMJtËNÏÀlàÉS* I fno“re itm* « qii’iî échappe à la faux du temps coifitnë à la rage des despotes, et que les générations futures bénissent celle-ci de leur avoir légué ce monu¬ ment de leür bonheur. » Il remet ensuite le livre entre les mains des jeunes filles, pose une main dessus, iève l’autre ëfi l’air et continue : « Renou vêlons ici le ser¬ ment de rester à jamais unis contre les tyrans, d’aimer, de professer, de défendre jusqu’au dernier soupir, la liberté, l’égalité, l’unité, l’indivisibilité de la République. » Tous les groupes répètent : J e le jure. Alors lp vieillard baise respectueusement lë livre de la Constitution, le nouvel évangile des Français, êt tous les citoyens, à ce signal, se donnent le Baiser fraternel. Le canon tonne, les chapeaux sont en l’air, Uhe musique guerrière se fait entendre, des cris d’allégreSSe së font entendre de toutes parts, ët la fête se termine par des danses patriotiques. La fête sera terminée par l’autodafé des hochets du fanatisme et des préjugés, ët pour fendre un dernier hommage à la raison, quelques H-devant prêtres philosophes y brûleront leurs brevets de polichinelles. : L’administrateur du district commissaire de là fête, A. J. Turlure, Alexandre Allent, inspecteur général. Les administrateurs du district, lecture faite du projet de fête ci-dessus, en ordonnent l’im¬ pression, la distribution et l’ëxécutioü pour le premier jour de repos de ce deuxième mois. Ëh directoire, le 6ë jour de la lré décade du second mois de l’an II de la République une êt indivisible. Decqtje, président; Delaleau, Honoré Yallé, Dacquin, LegRakd, CarpehtieR, Bailly, Bültel, PARcœtJR, Leclercq, Yogue, Ficlet, A. -J. Turlure, Paleart et Cofein, procureur syndic1, Blanchet, secrétaire. Le soir, des amateurs patriotes joueront pouf le peuple “dans l’éghse du ci-devant collège fran¬ çais : BRTJTUS suivi du Départ des volontàïüés villageois. Adresse à la Convention nationale, présentée par A.-J. TuflurUi à la Société êtes Montagnards de Saint-Omer, et adoptée par elle le 1er jour de la lre décade du 2e mois de Van II de la Mépubligue une et indivisible (1); « Représentants, « Un grand crime vient d’êtrë commis, de vils esclaves ont porté leurs mains sacrilèges sur un représentant du peuple, et lfii ont fait subir le Supplice réservé naguère aux grands scélérats. « Cet excès d’audace excite dans le cœur des Français la soif de la vengeance. Eh quoi ! Ce n’est poiht assez pour les tyrans de l’Europe de faire une guerre injuste à un peuple vertueux? il faut aujourd’hui qu’ils l’assassinent dans lâ péf sonne de ses représentants ! Ce n’est point (1) Archives nationales, carton G 279, dossier 750. assez qu’ils aient conjuré la perte de la îibërtê, il faut encore que ceux qui s’en sont déclarés les défenseurs deviennent les victimes de leur fuféuf insensée ! Ce n’est point assez que des milliers de soldats, combattant pour la défense dë leurs droits, expirent sur le champ dë bataille, il faut encore que leurs magistrats, qui ne pren* nent d’ autres armes que celles de la persuasion; tombent égorgés sous les coups des lâches qui en craignent la salutaire influence. « Peuple de safis-cUlottes, pourras-tü Cohtênir les flots de la colère que soulève ce nouvel oü-tiage? Ah ! représentants, l’horreur qu’inspife un tel forfait ne laisse plus, dans le cœùr dû républicain, aucune place au sentiment de là pitié. Il ën coûte aux âmes sensibles et boflnei d’éteindre cette lumière céleste qui rejailli! contre le cœur humain et y fait naître la généro1 sitê. Mais ceux qui, par leur férocité brutale, së rangent au-dessous même des bêtes fauves, n’oflt plus de droit à la bienfaisance de l’homme, dont ils avilissent le caractère et le nom. Il faut Vengef la nature quand elle est outragée dans un de seS plus parfaits ouvrages. « Mais la vengeanëe d’un peuple libre doit être [terrible; elie doit épouvanter les 'esclaves qui lui ont insulté; ët laisser dans leur âme une impression assez forte pour qu’aucun d’eux. dans la suite, ne paraisse qu’en tremblant devant un républicain. « L’arrestation de quelques Anglais, repré¬ sentants, est incapable d’apaiser les mânes de Beauvais. La voix de son sang së .fait encore entendre... Poursuivez ies Occasions, nous dit-elle, vengez-moi, vengez-vous... Qui pour¬ rait à cette voix ne pas reconnaître un père de la patrie?... . . Qui Serait sourd à ce signal de vengeance ?... Qui n’armerait son bras ? . . . Qui ne plongerait dans le sein d’un Anglais le premier instrument qui tomberait sous sa main?..; Mais la fureur nous égare peut-être? Pardonnez, représentants, à. des républicains que tant d’outrages ont aigri. Une solde pensée nous occupe aujourd’hui, c’est celle de. nous Venger enfin, et de nous venger d’une maniéré éclatante; Suivre nos premiers mouvements, nous en con¬ venons, ce serait nous rendre aussi criminels que nos ënnemis. Un assassinat ne doit point être puni par un autre assassinat. Nous détestons trop les esclaves pour ne pas craindre de leur ressembler. Si nous n’écoutions que la rage qu’excite en nous la douleur, demain les Anglais auraient vécu, et leur territoire ne, serait plus qu’ttn vaste désert; Mais il est une règle de justice qui émane de la divinité même et qui est le propre de l’homme libre dont toutes les affec¬ tions se dirigent vers la vertu.. Il faut que le crime soit puni, mais il faut qu’il le soft au nom de la loi : c’est par des actes d’équité, que .le républicain doit se Venger des injustices de l’esclave abruti. , « C’est à vous, représentants, qu’il appartient d’imprimer ce caractère dë justice à nos projets de vengeance. Secondez nos efforts, légalisez nos Coups, divinisez notre fureur. Essayez d’abord de rappeler les esclaves d’Angleterre à des senti¬ ments équitables. Dites-leur, au nom du peuple souverain, que s’ils veulent conserver une place sur la vaste étendue du globe, il faut qu’ils nous livrent les scélérats qui ont lâchement ôté la vie à l’un de nos représentants. Ils ne vous répondront pas ou ils Vous refuseront. Eh bien! Vous leur déclarerez alors que le jour delà Vèfiféânëë fie peut être différé, que le beau-