SÉANCE DU 2e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (JEUDI 18 SEPTEMBRE 1794) - N° 35 259 trouve le dangereux et scélérat Dominique Allier [trop fameux Dominique Allier, frère de celui qui a été exécuté à Mende et complice de Charrier] (55). Une nouvelle Catherine Théos soufflait déjà le poison du fanatisme dans notre district ; l’ignorance avait déjà attiré auprès d’elle quelques crédules habitants des campagnes ; elle n’a pu échapper à nos recherches et vient d’être arrêtée. La garde nationale de Joyeuse n’a pas démenti, dans cette circonstance, son dévouement à la chose publique; au moment où les mouvements contre-révolutionnaires sont parvenus à sa connaissance, les citoyens qui la composent se sont présentés en masse pour voler dans les lieux où le danger aurait pu nécessiter leur présence. Un détachement de cinquante hommes est parti pour donner la chasse et arrêter quelques brigands. Tout est dans dans la plus' grande tranquillité, et nous assurons la Convention nationale que notre surveillance sera sans bornes, et que le courage des bons citoyens déjouera tous les projets des malveillants. Vive la République! {On applaudit .) Servière (56) lit ensuite la lettre écrite par Dominique Allier à Pelet de Granière, en date du 21 août; en voici l’extrait : «Après l’arrêté que nous avons pris avec nos alliés associés, tout nous présage les plus heureux succès ; nous avons donc convenu de prendre les armes au plus tôt, ce qui pourra être vers le 7 ou 8 septembre. Je t’ordonne donc, au nom de Louis XVTI, de prendre les armes et de faire préparer tes gens, de t’en procurer le plus grand nombre que tu pourras, de te rendre, au moindre signal, au lieu indiqué de la chambre verte (bois du côté de Saint-Florent), à une lieue d’Alais ; vous prendrez outre vos cartouches, armes et munitions, des vivres pour trois jours. Vous ferez observer à votre troupe le plus grand silence; vous ne marcherez que la nuit, et vous vous reposerez le jour ; prenez garde de ne pas faire des imprudences, car vous nous feriez manquer nos opérations. L’exprès vous conduira quand il lui sera ordonné ; je compte, etc. Tu communiqueras la présente à Paulin, frère de Gébelin de Vezole ; il est chez lui depuis deux jours. Je lui ai parlé, ainsi soit tranquille, il te suivra ». Pelet a un autre imprimé de la commune de..., etc. « Chabalier et Laboissière (Bonnet) sont dans la montagne qui agissent du côté de Pré-venchères, et ont des déserteurs. Le même jour, 7 ou 8, l’affaire doit éclater dans tous les points : 1° du côté de l’Aveyron, où il y en avait du parti de Charrier ; qu’à cinq heures du matin ils doivent prendre Alais ; s’emparer du fort; qu’un administrateur tenait la main, qu’en commençant ils avaient mille hommes. » (55) J. Fr., n° 724. Gazette Fr., n° 992. (56) J. Unie., n° 1760 et F. de la Républ., n° 439 attribuent la lecture de la lettre à Borie. «Nota. Pelet se retire à la Montagne de Barre pendant le jour dans une grotte vis-à-vis le pied. Pour copie conforme. Michel, secrétaire. » La Convention ordonne l’insertion de ces deux pièces au bulletin. CHATEAUNEUF-RANDON (57) : Ce n’est plus une illusion et une chimère ; les départements des montagnes et les départements méridionaux étaient l’objet d’une nouvelle contre-révolution. Depuis six mois, mes collègues et moi avons fait tout ce que notre énergie et notre prudence nous inspiraient pour la prévenir et l’étouffer dès sa naissance ; mais les derniers événements qui se sont passés ont donné aux conspirateurs de nouvelles forces. Ils ont voulu profiter de la crise où vous avez écrasé la tyrannie de Robespierre ; mais leurs efforts seront vains ; la liberté est encore sauvée dans ces départements, et les administrateurs du district de Tanargue y ont contribué trois fois par leur zèle et leur patriotisme. Je demande que vous décrétiez qu’ils ont bien mérité de la patrie. La Convention décrète la mention honorable. 35 BORIE : J’ai demeuré à peu près quatre mois dans la Lozère, et continuellement on m’instruisait qu’il se faisait des rassemblements. Les gardes nationales s’y transportaient, et plusieurs chefs en sous-ordres de Charrier ont été saisis, ainsi qu’un grand nombre de déserteurs; les révoltés ont été mis en jugement. Mais, citoyens, voulez-vous assurer pour toujours la tranquillité dans les montagnes de Lozère, de la Haute-Loire, de l’Ardèche et autres départements environnants ; je vais vous en indiquer les moyens. Le département de la Lozère est un de ceux où il y eut le moins de prêtres constitutionnels ; la presque totalité fut réfractaire et se réfugia dans les montagnes. Ils y sont maintenant déguisés sous toutes les formes, et ils fomentent continuellement. Les habitants des campagnes sont obsédés par ces hommes réprouvés. J’ai parcouru plusieurs départements, celui de la Lozère entre autres, en détail. Il n’est presque pas de chef-lieu de canton où je n’aie réuni les habitants et ils ne respirent que pour la liberté ; ceux de la Haute-Loire, le Cantal et le Gard, que je connais aussi, professent les mêmes principes ; mais partout les prêtres refluent les notions républicaines, et ce qui donne des espérances à ceux qui courent les bois et se réfugient dans les forêts, ce sont : 1° Les prêtres reclus et qui n’ont pas été déportés conformément à la loi. (57) Moniteur, XXI, 799. 260 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 2° Les prêtres en place dans les administrations ; Il y avait à Mende soixante et onze prêtres en réclusion, dont la plupart sont dans le cas de la déportation. Je les ai envoyés à la citadelle, à Nîmes. Depuis il s’est fait une seconde collection dans la maison de réclusion à Mende. J’appelle ici en témoignage les députés de la Lozère, de la Haute-Loire et de l’Ardèche. D’un autre côté, vous avez eu la force de décréter deux fois que les prêtres et les ex-no-bles seraient exclus des fonctions publiques, et chaque fois on vous a fait rapporter votre décret. Eh bien ! voilà encore de nouveaux motifs pour disséminer la malveillance. Il faut une bonne fois fixer nos idées sur les prêtres et les ex-nobles. Il faut reconnaître le principe de l’exclusion de toutes les fonctions, et admettre s’il y a lieu, à l’instant les exceptions qu’on croira justes. Déporter les prêtres qui doivent l’être d’après la loi ; exclure les autres, ainsi que les ex-nobles, des fonctions publiques : voici ma proposition (58) : Bentabole appuie la dernière proposition du préopinant (59). Sur la présentation d'un membre [Borie], la Convention nationale décrète : Article premier. - Le comité de Législation se fera rendre compte, dans le plus bref délai, de l’exécution de la loi relative à la déportation des prêtres : il surveillera cette déportation et en rendra compte à la Convention. Art. II. - Le comité de Salut public fera son rapport le primidi de la première décade, troisième année républicaine, sur l’exécution du décret qui exclut les prêtres et ex-nobles des fonctions publiques (60). 36 On fait des observations sur le danger de souffrir au sein de la République des rejetons de la famille de Capet. La Convention nationale décrète que les comités de Salut public et de Sûreté générale lui feront un rapport sous les trois jours sur la question de savoir s’il n’est pas utile de débarrasser de suite le territoire de la République des restes de la famille de Capet, dernier tyran des Français, et d’exporter sans délai tous les (58) Moniteur, XXI, 799. Gazette Fr., n° 992 ; J. Univ., n° 1760 ; J. Perlet, n° 726 ; J. Mont., n° 142 ; Mess. Soir, n° 761 ; Ann. R.F., n° 291 ; F. de la Républ., n° 439 ; J. Fr., n° 724; M.U., XLIII, 528 et 539; Rép., n° 273; Débats, n° 728, 541. (59) Ann. R.F., n° 291. F. de la Républ., n° 439 ; M. U., XLIII, 537. (60) P.-V, XLV, 326. C 318, pl. 1287, p. 17. Décret n° 10 939. Rapporteur : Borie. Moniteur, XXI, 799. individus suspects aux termes des lois révolutionnaires (61). JOURDAN (de la Nièvre) : Depuis longtemps je me demande pourquoi il existe encore au milieu de nous un point de ralliement pour l’aristocratie. La lettre que vous venez d’entendre prouve que le foetus capétien est encore ce point de ralliement. Eh quoi ! c’est lorsque douze cent mille républicains versent aux frontières leur sang pour faire triompher la liberté ; c’est alors qu’on réserve aux méchants, aux conspirateurs, un prétexte à leurs exécrables complots ? Et sans doute il en existe des complots, lorsque nous voyons des hommes prêcher dans les rues et afficher sur les murs de Paris l’insurrection contre la représentation nationale. Je demande que les comités fassent un rapport sur les membres de la Convention, tel que chacun puisse dire après : Voilà les hommes qui méritent notre confiance; voilà ceux qui en sont indignes. (On murmure) N’a-t-on pas dit hier aux Jacobins qu’il y avait dans la Convention nationale plusieurs députés indignes d’y siéger? (Plusieurs voix : C’est Vadier.) Qu’il monte à la tribune, et qu’il les nomme... [On applaudit ] (62). Je demande enfin que les comités s’occupent de présenter des mesures telles que la famille capétienne ne puisse plus nous inquiéter à l’avenir. [On applaudit de nouveau ] (63). MASSIEU : J’ai assisté hier à la séance des Jacobins : j’ai entendu, il est vrai, énoncer des opinions qui sont celles d’un membre et non de la Société; mais j’y ai entendu aussi lire des adresses pleines de témoignages d’attachement et de dévouement à la Convention, que toutes reconnaissent être le centre commun de l’opinion publique. Ces adresses ont été vivement applaudies par les Jacobins et les citoyens et citoyennes de leurs tribunes. Je suis très persuadé que la Société n’a pas d’autre intention que de se tenir toujours étroitement unie à la Convention. Oui, tel est son vœu unanime et constant. Une preuve de sa pureté, c’est que, depuis le 9 thermidor, elle exige que tous ses membres déclarent où ils étaient cette nuit-là, soit à leurs sections, soit dans les rassemblements qui faisaient à la Convention un rempart de leurs corps. Il peut se faire que des opinants se méprennent dans le choix de leurs expressions ; mais il faut distinguer l’intention d’avec un mot échappé dans la chaleur d’une discussion. DUHEM : Parmi les propositions qui ont été faites, il en est une qui mérite toute l’attention de la Convention. Et moi aussi il y a longtemps que je demande pourquoi il existe parmi nous un point de rassemblement pour l’aristocratie ; comme si un peuple qui a eu le courage de conquérir sa liberté, d’envoyer son tyran à l’échafaud, pouvait conserver encore dans son sein un rejeton, héritier présomptif (61) P.-V., XLV, 326-327. C 318, pl. 1287, p. 18. Décret n° 10 930, de la main de Duhem, rapporteur. (62) Débats, n° 728, 542. (63) Débats, n° 728, 542.