[Assemblée nationale.] conçois pas d’après cela, à moins qu’on ne veuille révoquer le décret sur le recrutement des barrières de l'intérieur, qu’on s’oppose à une taxe à la sortie de nos vins proportionnelle à leur valeur. Les vignerons du canton de Bordeaux sont sous la férule des marchands de vins qui en fixent le prix. Ici ce ne sont pas les cultivateurs, ce sont les marchands de vins qui vous font de pareilles réclamations ; j’appuie le projet du comité. ( Applaudissements d'un côté ; interruptions de Vautre.) M. le Président. Le premier domaine d’une assemblée délibérante, c’est la liberté de contradiction. Plusieurs membres demandent à fermer la discussion. (L’Assemblée décide que la discussion est fermée.) M. Bouttevillc-Dumetz. Je demande la questiou préalable. M. lie Chapelier. Sur quoi porte la question préalable ? Est-ce sur le projet du comité, qui propose d’établir des droits, ou sur la proposition de M. Nairac, qui ne veut pas de droits sur les vins? c’est sur celle-ci qu’il faut invoquer la question préalable; car si cet amendement destructif du projet du comité passait, alors l’agriculture... ( Interruptions .) M. Boutteville-Dumetz. Je demande la question préalable sur la proposition de M. Nairac. Il s’agit de savoir s’il y aura ou non des droits Bur les vins à la sortie du royaume. M. Dauchy, rapporteur. L’article que vous discutez est le plus diflicile dans le tarif des traites, à cause de la différence de nos vins français. Si leurs besoins n’étaient pas extrêmes, peut-être ne vous aurions-nou3 point proposé cet impôt : mais je dois vous dire qu’il est entré pour 2 millions dans la balance de notre recette. M. Prieur. Ce fait change l’état de la question. Plusieurs membres demandent à aller aux voix. L’Assemblée décrète le principe suivant : « Les vins seront imposés à la sortie du royaume. » M. de Noailles. D’après ce qu’a dit M. Nairac, je demande une diminution sur les droits proposés dans le tarif du comité. D’après le dire des députés du Lot-et-Garonne, s’il y a des vins dans ce pays qui montent à 1,200 ou à 2,000 livres le tonneau, il y en a qui ne valent pas 90 livres. M. Goupilleau. Ce tarif n’est pas proportionné pour être décrété dans ce moment-ci ; il propose le même prix pour les départements de la Charente et de la Vendée ; il est constant, et j’en appelle à tous ceux qui connaissent le pays, que les vins du département de la Vendée sont inférieurs à ceux du comté nantais. M. de Custine. L’Assemblée a déclaré qu’il y aurait un droit de sortie sur tous les vins; mais elle se gardera bien, sans doute, d’adopter les bases du comité. Elles sont au désavantage du royaume ; car il est certain que plus on exporte de marchandises d’un pays, plus on y attire les {31 janvier 1791.J j 597 richesses et le numéraire. Il faut donc favoriser autant qu’il est en nous l’exportation. D’ailleurs, en retour de vos marchandises, des vins de Bordeaux et autres, l’étranger nous donne de ses productions; c’est surtout sur ces objets qu’il faut faire supporter l’impôt. Vous arriverez, par là, à la même recette. Je demande donc que les droits proposés par le comité soient réduits à moitié pour les vins qui sortiront par mer du royaume. M. de Cernon. Je soutiens que ce droit ne peut être qu’uniforme : s’il était gradué, comment constateriez-vous que le vin qui se présente à une frontière, pour en sortir, doit payer l’impôt que vous aurez tarifé pour le département de la Marne, plutôt que l’impôt du département de la Meuse? Ce serait, dites-vous, sur la déclaration; mais elle peut être fautive, et l’intérêt la rendra vicieuse. Le tarif uniforme ôte toute espèce d’inconvénient. Je conclus donc à ce que le droit soit uniforme et fixé d’après la valeur moyenne des vins. M. Garat. Quel que soit le produit de l’impôt que vous établirez sur l’exportation des vins, cet impôt, comme tous les autres, doit être réparti avec justice; et il le serait d’une manière horriblement injuste, si le tarif était uniforme. Le tarif gradué, vous a-t-on dit, serait vexateur : cette qualification est incertaine ; mais il n’est point du tout incertain que de l’uniformité résulterait la plus horrible des inégalités. Quoi I il y a dans le département de Bordeaux des tonneaux de vins de 2,000 livres, de 1,000 livres, de 500 livres, et vous voulez que le tonneau de vin de 2,000 livres ne paye pas plus que celui de 150 livres? Plusieurs membres demandent le renvoi de la discussion à demain. (Le renvoi à demain est décrété.) M. le Président. Avant l’ordre du jour de demain, qui sera la continuation de la discussion sur le tarif des traites et ensuite sur les jurés, le comité de judicature fera un rapport sur la liquidation individuelle des offices. (La séance est levée à trois heures et demie.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 JANVIER 1791. SIXIÈME RAPPORT (1). DU COMITÉ DE MENDICITÉ sur la répression de la mendicité. — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale). Titre Iw De la répression de la mendicité. La liberté, ce vœu constant de la nature, suppose nécessairement dans les hommes quelques facultés propres à leur assurer cette première indépendance qui constitue leurs droits. (1) Le 5* rapport a été inséré dans le tome XVIII, p. 473 et suiv, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 898 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (31 janvier 1791.] Assujettis à des besoins indispensables pour tous, il fallait à tous les moyens d’y suffire. Ce moyen est le travail, source unique de toute existence. L’homme isolé devait périr, ou tous faire pour lui-même. Il a apporté dans la société, et ses besoins et ses droits; et il n’a pu étendre ceux-ci que par la réciprocité des devoirs, qui unit les hommes rassemblés en société, et à laquelle il a pris l’engagement de concourir. Les hommes rassemblés ont donc pu dite : Travaillons les uns pour les autres ; mais certainement aucun n’a pu prendre l’engagement de travailler gratuitement, et comme par corvée, pour tous ceux qui, n’ayant ni fonds, ni avances, se refuseraient au travail. Une pareille convention serait destructive de la société et de la liberté. L’homme sans avances ne pouvant subsister sans travail, qu’au préjudice de quelqu’un, peut donc être contraint au travail, par la nature même du pacte social, fondé sur l’utilité réciproque de tous les membres de la société. La répression de cet homme qui, sans rien posséder, voudrait vivre sans travailler, n’est donc qu’une suite de la convention qu’il a faite lui-même en se mettant en société, et à laquelle il ne peut manquer, sans mettre les autres en souffrance. Elle ne blesse donc pas les droits de l’homme; elle les maintient. Sans doute, à considérer l’action de mendier uniquement en elle-même, et sans égard à ses conséquences, elle pourrait ne paraître qu’un exercice très simple de la liberté que chaque individu a d’agir à son gré, et comme il l’entend, pourvu qu’il ne porte aucune atteinte à la liberté d’aucun antre. Le mendiant qui sollicite la charité des passants, n’oblige pas les passants, à l’assister; il ne prétend obtenir d’eux qu’en les intéressant par sa misère. S’il n’obtient rien, ou s’il n’obtient qu’incom-plètement, il a fait un mauvais calcul; il eût pu, en travaillant, en faire un meilleur : mais il était le maître de courir la chance dont il est victime. La mendicité, ainsi considérée, ne pourrait être ni réprimée, ni gênée. Mais la législation ne peut voir d’une manière isolée les actions des membres qui composent la société; ce sont leurs conséquences qui les rendent réellement bonnes ou mauvaises, licites ou à défendre. L’homme qui préfère la mendicité au travail, met sa subsistance au hasard; et ce malheur en est déjà un grand pour la société. Mais que le métier de mendiant fournisse, ou non, une subsistance certaine à celui qui l’exerce, toujours enlève-t-il des bras au travail; et ce mal est déjà plus grand pour l’Etat. L’homme qui exercece métier semble dire au milieu de la société : Je veux vivre oisif; cédez-moi gratuitement une por-I tion de votre propriété ; travaillez pour moi : proposition antisociale sous tous les rapports; car celui qui consommeet ne reproduit pas, absorbe la subsistance d’un homme utile : i ar la richesse d’un Empire n’existant que par ses produits, prend sa source dans le nombre de ses habitants laborieux. En ne faisant rien pour l’utilité commune, le mendiant qui pourrait travailler, non seulement appauvrit la société par son oisiveté, il l’inquiète encore par l’incertitude où il se trouve de satisfaire à ses propres besoins. Gomme le moyen de la mendicité est alors le seul qu’il ait pour vivre, s'il lui manque, il doit être bien près d’en chercher de plus certains encore, et de plus dangereux. Commandé par la faim, il est en � guerre avec tout ce qui l’environne, et la société est exposée aux entreprises du besoin, qui doit vouloir impérieusement se satisfaire. Get état de fainéantise et de vagabondage, conduisant nécessairement au désordre et au crime, et les propageant, est donc véritablement un délit social, il doit donc être supprimé, et l’homme qui l’exerce, être puni à autant de titres que tous ceux qui troublent, par d’autres délits plus ou moins graves, l’ordre public. Cette punition ne contrarie pas plus l’exercice des droits de l’homme, que la punition d’un fripon ou d’un assassin : car la liberté individuelle et civile ne peut-être que la faculté de faire librement toutes les actions qui ne compromettent, ni l’intérêt général, ni l’intérêt légitime d’un autre. Qu’on ne dise pas qu’un homme riche a le droit de donner son superflu à un être nuisible à la société, puis-qu’alors cet homme se met en association de malveillance contre la chose publique. Il est incontestable que si tous tes propriétaires avaient résolu de consumer dans les flammes les denrées qui ne leur sont pas nécessaires, ils se rendraient coupables d’une conspiration contre l’humanité. Celui qui donne à un vagabond conspire donc contre une partie de la société, comme le vagabond, en recevant gratuitement, conspire contre l’individu qu’il force à travailler pour lui. Il est inutile de répéter ici, que, pour que cette vérité soit tout entière applicable à la mendicité, il faut que la mendiant ait pu se procurer du travail. Sans cette condition, la répression serait à son tour une injustice, par conséquent un crime commis par la société; et le comité de mendicité ne déshonorerait pas, par une telle proposition, son travail aux yeux de l’Assemblée. Si, comme il n’est pas douteux, l’intérêt de la société, et même les véritables principes de liberté et de propriété ordonnent la répression de la mendicité, il ne faut que chercher à l’établir sur les mêmes bases qui doivent être constamment celles de toute institution sociale. L’homme qui, mendiant, cherche à obtenir de de la société sa subsistance par une industrie pernicieuse, manque, ainsi qu’il en est convenu, au premier devoir imposé par la société. U fuit le travail; il doit y être ramené par tous les moyens qui peuvent lui en faire connaître les avantages. Ce délit est plus ou moins grave, et selon l’espèce de l’homme qui le commet, et selon sa récidive, et selon les circonstances qui l’accompagnent; mais la punition qui le réprime, différente par sa vérité, doit avoir toujours le même but, de rendre le coupable meilleur, et d’en faire un homme utile à la société. Le mendiant domicilié doit être considéré comme commettant un délit envers la société auquel un moment d’erreur, de paresse, de fainéantise l’ont porté, mais auquel il ne l’a pas été par nécessité, puisque ayant domicile il est appelé de droit aux secours de la municipalité, district ou départementauxquelsilappartient, aux secours volontaires de ses concitoyens, qui, s’ils le connaissent honnête et laborieux, ne le laisseront pas dans le besoin absolu. Le mendiant étranger ne peut être considéré que comme commettant un délit avec nécessité, puisque les secours du lieu où il se trouve ne Jui appartiennent jpas de droit; qu’il n’est connu de personne, et que son état actuel fait préjuger contre son amour du travail et contre ses mœurs ; ainsi l’administration peut dire au premier ; Retournez dans vos foyers [Assamblée natlonala.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {81 janvier 1791.) 599 et offrez-vous aux travaux ouverts de toutes parts ; cherchez à vous en procurer : et elle ne peut dire au second que : Quittez ce lieu où personne ne vous doit rien, où nulle maison ne doit vous recevoir, et où vous ne vous êtes pas procuré du travail. De cette position différente, il résulte que la loi, avec le même principe de bonté, le même but d’amélioration pour l’un et l’autre de ces hommes, doit les traiter différemment ; elle doit renvoyer le domicilié à la censure de ses parents, de ses concitoyens, de la police municipale de son village, aux moyens qu’il y trouvera de reprendre son travail; elle doit faire arrêter l’autre pour connaître s’il a des 'ressources, quelles elles sont, lui en assurer de momentanées jusqu’à ce que connaissant le lieu qui a le devoir de le nourrir, il y soit renvoyé s’il est domicilié français, ou éconduit du royaume s’il est étranger; elle préserve ainsi le lieu où cet homme est arrêté du danger que doit toujours faire craindre celui dont la subsistance n’est pas assurée, et qui ne cherche plus à se la procurer par son travail. L’exercice du droit d’arrêter un mendiant est donc non seulement un devoir de police, mais il est aussi un acte de bienfaisance, puisqu’il est suivi du secours à l’homme qui n’a pas de quoi vivre, qu’il lui donne, par l’habitude du travail auquel il le soumet, le moyen de subsister. Cet homme ainsi assisté est renvoyé dans le lieu soumis à la sur-veillance de ses concitoyens, où il a le droit aux secours ordonnés par la Constitution. Si l’homme qui a domicile est cependant repris en mendicité, si l’ascendant de la paresse et le penchant au vagabondage l’entraînent au même délit, malgré tous les moyens qui lui sont donnés de devenir un bon citoyen, il devient sans doute plus coupable; et selon qu’il récidive plus ou moins, selon qu’il résiste plus opiniâtrement aux moyens successivement plus rigoureux employés dans la vue de son propre intérêt et de l’intérêt public pour le ramener a l’ordre, il devient plus dangereux; enfin il doit être confondu avec les hommes qui, mendiants de profession, vagabonds sans domicile, ont tellement contracté l’habitude du vagabondage, qu’ils ne peuvent laisser à la société aucun espoir d’amendement, et qu’ils ne lui offrent que des motifs d’effroi. Ainsi, l’homme renvoyé à son domicile plus ou moins de fois, averti, et par cette première répression et par la voix paternelle de sa municipalité, du délit qu’il commet et du danger moral qu'il court en se vouant à la mendicité doit, s’il est repris mendiant, être plus fortement réprimé; c’est alors que la loi, ayant toujours en vue de son amendement, doit ordonner qu'il soit pendant un certain temps enfermé dans une maison de correction, que là son bien-être dépende de son travail, pour lui en faire, par son propre intérêt, reprendre l’habitude, et lui rendre le moyen de n’êtreplusun sujet dangereux pour la société. Ces mesures doivent être ordonnées par la loi autant de fois qu’elles peuvent être espérées salutaires; mais comme les heureux succès en deviennent à chaque récidive moins probables, les moyens doivent être plus fortement employés et la détention rendue plus longue. Ce n’est pas ici le moment d’occuper l’Assemblée de la législation des maisons de correction ; un rapport succinct, mais particulier, traitera cet objet : nous nous bornerons seulement àdireque cette législation nous semblera bien remplir son objet principal, si elle rend le travail, la mesure du sort plus ou moins doux de celui qui est détenu pour avoir péché envers la société par le manque de travail ; si elle n’autorise la liberté du détenu qu’en le pourvoyant d’une somme qui, pouvant, sans de nouveaux secours, le faire arriver dans sa municipalité ou dans un lieu où il pourra trouver du travail, le préserve de la nécessité de reprendre l’état qui a motivé sa détention; si elle écarte autant que possible du régime de ces maisons l’arbitraire dans Je traitement des détenus; si elle en éloigne soigneusement tout sujet de méfiance, et si elle rend la justice, la mesure unique et évidente de toutes les peines et de toutes les douceurs. Mais si les détentions répétées dans ces maisons, leur plus grande durée successive n’ont pu détruire l’esprit de fainéantise ; si l’homme détenu retourne toujours à l’état de vagabondage chaque fois qu’il est mis en liberté; si même, pendant le temps de sa détention, il s’obstine à ne point se livrer au travail, il ôte à la société tout espoir de sa correction, il devient pour elle un sujet dangereux, et elle doit pourvoir à s’en préserver. Au nombre de ces hommes contre le danger desquels la société doit opposer une forte puissance, il faut ranger ceux qui, sans aveu, sans asile, se réunissant par attroupement, mendient avec menace et insolence, et ne se sont ménagé d’autre ressource que leur misère et leur effronterie : ces hordes de vagabonds, qui parcourent les villages, sont le fléau le plus redoutable des campagnes, menaçant les fermiers d’incendier leur maison s’ils se refusent à les nourrir et â leur donner asile. Us assurent l’impunité de leur délit par l’impudence altière de leur demande. La terreur qu’ils inspirent à ces paisibles cultivateurs est telle que rien ne peut déterminer ceux-ci à les dénoncer, et l’expérience les confirme dans cette funeste prudence ; car celui qui la brave, voit bientôt ses bâtiments et ses granges en cendres (1). La législation ancienne prononçait, ainsi que nous l’avons rappelé, le bannissement, la peine du fouet, du carcan, des galères, contre les mendiants vagabonds. Quoique dans l’ordre nouveau cette mendicité invétérée soit sans doute plus coupable qu’elle ne l’était dans l’ancien, parce qu’elle résistera à toute la bienfaisance, à toute la prévoyance delaloi, la Constitution actuelle nepeut cependant admettre des châtiments d’esclaves, des peines sans objet qui, tuant moralement l’homme qui la subit, ferme son âme au repentir comme à l’espoir. Bannir du royaume un homme dangereux, c’est pour un Etat se rendre coupable envers se$ voisins des crimes qu’il y va commettre avec d’autant plus de vraisemblance qu'il a moins de ressources ; c’est d’ailleurs, pour ainsi dire, trafiquer de crimes, car le bannissement est réciproque ; c’est enfin une peine bientôt illusoire, tant de moyens restent à l’homme banni de rentrer dans le pays qui l’a chassé. Flétrir un homme, le frapper dsinfamie et le laisser dans la société, c’est d’abord exposer cette société aux (1) « Des calculs certains fopt voir que, dans une « division faisant à peu près le sixième du royaume, « la maréchaussée arrête, année commune, 1,656 vaga « bonds ; ce qui donnerait par année, toutes choses « égales d’ailleurs, 9,539 individus qui troublent l’ordre « public ; la certitude que plus de la moitié des vaga-« bonds échappent au châtiment de la loi, et que, de « ces corps de brigands répandus dans le royaume, qui « tourmentent les campagnes, et ne sont décelés que « par le mal qu’ils font, est cependant effrayante, et « appelle l’attention et la sévérité des législateurs. » 600 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.] dangers des vices reconnus de cet homme avili ; c’est même encore ne pas conserver la vie à ces hommes, à qui il ne reste que le crime pour subsister. L’enfermer pour toute sa vie, c’est le condamner au désespoir, c’est charger enfin le Trésor public de dépenses qui seraient considérables si cette peine était commune, et il est permis à un Etat de calculer les dépenses qu’il fait pour des sujets dangereux, dont il ne peut jamais espérer d’utilité. Les lumières sont trop étendues aujourd’hui, la morale est trop reconnue la base nécessaire de tout gouvernement, pour que les punitions même des crimes n’en reçoivent pas l’empreinte et ne tournent pas encore, s’il est possible, à l’avantage de l’homme puni. Ces considérations nous font penser que la transportation au delà des mers est la peine extrême qui doit atteindre les mendiants reconnus incorrigibles et dangereux. On ne prétendra pas, sans doute, qu’un Etat n’a pas le droit de transporter dans des contrées éloignées, ceux de ses membres qu’il ne peut, sans danger, conserver dans son sein. La moindre réflexion détruirait le doute à cet égard. Peut-être pourrait-on demander si la société a droit, pour quelque crime que ce soit, d’ordonner la mort d’un ae ses membres, d’abréger des jours dont la nature avait fixé le terme, enfin d’ôter l’existence à un homme ? Peut-être pourrait-on demander si un Etat a le droit, s’il peut avec quelque moralité repousser chez des voisins, les hommes que leurs vices ont montré dangereux, et infester ainsi les Etats qui l’environnent de tous les crimes qu’il a rejetés de son sein? Mais s’il ne peut pas être mis en doute qu’un Etat doive préserver tous ses habitants des dangers et de la contagion des crimes, peut-il être douteux qu’il puisse employer le moyen le plus juste, à la fois le plus sûr et le plus doux pour arriver à cette fin? Et la transportation réunit tous ces caractères. En effet, elle préserve la société de la contagion et du danger du crime, puisqu’elle enlève d’au milieu d’elle celui de qui elle pouvait les craindre. Elle ôte à celui-ci tout moyen de revenir dans le pays d’où il est rejeté, puisque des distances immenses l’en séparent, et elle ne donne à aucun peuple le danger des effets des vices qui ont mérité sa condamnation. Enfin, ce genre de peine ajoute à ces précieuses conditions, celle de laisser toujours à l’homme , quoique transporté sur des terres étrangères, dans l'usage de la liberté, de ses droits ; de ne pas dégrader son existence, ni par des viles flétrissures, ni par des chaînes honteuses, ni par une captivité sans bornes, et de lui présenter encore le moyen de revenir au bien, moyen qu’il n’aurait ni la facilité, ni le courage d’employer, s’il restait au milieu des témoins de ses délits et de sa condamnation ; mais moyen dont un nouveau climat, dont la nécessité du travail changeant ses idées, le renouvelant pour ainsi dire à ses propres yeux, peut luidpnner la faculté de profiter, et qui lui promet, s’il en profite, une entière régénération, la jouissance de tous les droits qu’il avait mérité de perdre. % Il faut, à toutes les conditions de la vie, une fin. Celle de l’homme que les sages avis, les bons exemples et les corrections successives, n’ont pas qétourné de la route du crime, doit être l’expulsion de la société, que ses crimes mettent en danger. Le mode le plus sûr, le plus doux d’opérer cette expulsion, est donc le mode préférable pour un gouvernement sage, dont la jurisprudence criminelle a pour base la plus entière sévérité pour le crime, sa répression la plus absolue, et la douceur pour le criminel, compatible avec ses principes. Tous ces principes précieux à consulter dans la législation des peines, s’accordent donc ppur nous autoriser à proposer que la transportation au delà des mers soit la peine des mendiants vagabonds, qui, sans état, sans famille, sans ressources , se refusant à tout travail, portant dans les campagnes la terreur et le désordre, ne vivant que de vols, doivent être enlevés du sein de la société qu’ils menacent. C’est dans le rapport seul de la mendicité qu’il nous appartient de considérer la transportation dont peut-être le comité, chargé de la réformation du code crimiuel, pourra indiquer un utile usage pour certains crimes. Nous dirons seulement que c’est dans un délit comme celui de la mendicité, qu’il semble que les cautions devraient être acceptées , et qu’un citoyen domicilié et solvable devrait avoir le droit de tirer de la maison de répression, et même de soustraire à la peine de transportation le mendiant domicilié et arrêté sans cause aggravante, pour lequel il s’engagerait de payer une certaine somme, s’il était repris en mendicité; car la mendicité n’étant coupable que parce qu’elle charge la société de la subsistance d’un homme qui ne veut pas s’en procurer par le travail, cesse de l’être si quelqu un s’engage de pourvoir à la subsistance de cet individu. Nous ajouterons enfin que si, comme nous le croyons, l’Assemblée admet pour les mendiants qu’aucune correction n’aura pu ramener au travail, le principe de la transportation, elle devra ultérieurement examiner le moyen d’en rendre l’exécution de toute l’utilité possible à l’Etat, c’est-à-dire la moins dispendieuse, la plus saine, la plus profitable sous les rapports de culture et de commerce, sans que l’établissement ou la prospérité de la colonie qui en naîtra, puisse troubler l’ordre politique de l’Europe. PROJET DE DÉCRET. Art. l*r. Tout homme trouvé mendiant dans des villes, villages, ou sur des chemins, sera arrêté par les gardes ou la gendarmerie nationale, et conduit au juge de paix du canton ou à l’officier de gendarmerie nationale le plus voisin. Art. 2. Le juge de paix ou l’officier de la gendarmerie nationale interrogera le mendiant et constatera le délit. Art. 3. Seront réputés mendiants ceux ou celles qui seront convaincus d’avoir demandé de l’argent ou du pain dans les rues ou voies publiques à plusieurs personnes, dans la même journée. Art. 4. Seront réputées circonstances aggravantes de l’état de mendicité , de ne pouvoir justifier d’aucun domicile : 1° de mendier en troupe ; 2° d’être porteur d’armes offensives ; 3° d’être muni de faux certificats d’incendie, de grêle, de faux congés de soldats ou matelots ; 4» de déguiser son nom et son lieu de naissance ou de domicile ; 5° de contrefaire des infirmités ; 6e d’être flétri ; 7° d’être coureur de pèlerinage, sans être porteur de certificat en bonne forme de la municipalité de naissance ou {Assemblée nationale, 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {31 janvier 1791. J 601 de domicile ; 8» de pénétrer dans les maisons et d’y demander avec empire et menace. Art. 5. Si le mendiant arrêté est domicilié du canton district, ou département; qu’il n’ait point encore été arrêté et qu’il ne se trouve, dans son état actuel de mendicité, aucune circonstance qui l’aggrave, il sera renvoyé avec un passeport au lieu de son domicile, après qu’il lui aura été fait, par l’ofticier devant qui il sera traduit, lecture de la loi contre la mendicité. Art, 6. La copie du procès-verbal d’arrestation du mendiant renvoyé à son domicile sera envoyée par l’officier de police au directoire du district, qui en rendra compte au département ; les directoires du district et département en tiendront note ; l’ofticier de police , de son côté, inscrira le nom du mendiant; il en rendra compte au lieutenant-colonel de gendarmerie de chaque département, et le greffier en donnera avis à la municipalité du lieu de domicile du mendiant. Art. 7. Si le mendiant n’est pas du canton, district ou département, et que cependant il annonce un domicile, il sera mis dans la maison d’arrêt et il en sera donné avis au lieu de son domicile, pour ensuite, sur la réponse de la municipalité, être mis en liberté et renvoyé chez lui. Art. 8. Néanmoins, le mendiant domicilié dans un autre département que celui où il aurait été arrêté ne pourra être mis en liberté que lorsque sa municipalité ou sa famille, en attestant qu’il y est domicilié, et non repris de justice, assurera la somme nécessaire pour son retour, à raison de 2 sous par lieue, ou que lui-même pourra réaliser cette somme par son travail ou par tout autre moyen. Art. 9. Au défaut de cette somme, ou d’aucune réponse parvenue dans un temps suffisant, le mendiant, quoique reconnu domicilié dans un autre département, sera gardé seulement en état d’arrêt, pendant l’espace de trois mois, dans la maison de correction, d’où il pourra cependant sortir, sans autre condition que celle de fournir la somme exigée. Art. 10. La seconde fois qu’un mendiant domicilié sera arrêté, il sera, par l’ordre du tribunal du juge de paix , et, sur l’appel, par le tribunal de district, condamné à une détention de trois mois dans la maison de correction du département. Il en sera donné avis au département où cet homme est domicilié, et par lui au district et à sa municipalité. Art. 11. La troisième fois qu’un domicilié sera arrêté, il sera condamné à 6 mois de maison de correction. Art. 12. La quatrième fois qu’un mendiant domicilié sera arrêté, il sera condamné à 1 an de maison de correction. Art. 13. Toutes les fois qu’une des circonstances aggravantes mentionnées en l’article 4, se réunira aux causes simples d’arrestation du mendiant, n’eût-il pas encore été arrêté pour ce fait, il sera condamné à une détention d’une année, selon les circonstances, dans la maison de correction. Art. 14. Pendant la détention du mendiant, sur le rapport du gardien, la conduite de cet homme sera examinée par le juge de paix et le comité de surveillance. Le séjour, ordonné parles articles précédents, pourra être diminué, selon qu’il donnera plus ou moins d’espoir de devenir laborieux et de pouvoir gagner sa vie, ainsi qu’il sera expliqué dans les règlements pour les maisons de correction. Le jugement favorable sera, sur le rapport du comité de surveillance, rendu par le tribunal du district. Art. 15. Tous les jugements qui ordonneront l’arrestation d’un mendiant, sa détention, la prolongation, ou la diminution de sa peine, seront rendus publics dans le département. Artr 16. Un mendiant domicilié ou non pourra être mis jusqu’à 3 fois dans les maisons de correction, sans encourir une peine plus grave que de demeurer plus longtemps la seconde ou la première, et la troisième que la seconde : néanmoins tout mendiant arrêté pour la première ou seconde fois qui, se trouvant avoir dans son état de mendicité, des causes aggravantes, aura été, en vertu de l’article 13, condamné à 1 an de maison de correction, sera, s’il est repris encore, traité comme s’il avait été mis 3 fois dans la maison de correction. Art. 17. Tout citoyen domicilié et solvable, qui, répondant de la conduite ultérieure d’un mendiant détenu dans une maison de correction, s’engagerait à payer la somme de 50 livres, si cet homme était repris mendiant, pourra s’adresser au tribunal du district dans le ressort duquel est la maison de correction où cet homme sera détenu, et obtiendra sa liberté, si elle est, par le tribunal du district et sur le rapport du comité de surveillance, jugée sans inconvénient. Art. 18. Cette faculté sera réservée autant de fois qu’un homme sera condamné à une détention dans la maison de correction. Art. 19. Ces sommes seront versées par le cautionnant dans la caisse du district, sur preuves constatées que l’homme cautionné est arrêté pour récidives dans quelques lieux que ce soit du royaume. Art. 20. Si un mendiant arrêté, soit pour cause simple de mendicité, soit pour celle accompagnée de circonstances aggravantes, se trouvait accusé ou violemment soupçonné de crime, il serait traduit devant le tribunal criminel. Art. 21. Tout mendiant renfermé 3 fois dans la maison de correction, sera, s’il est repris encore mendiant, condamné à la transportation. A cet effet, il sera mis dans les prisons publiques, et son jugement de transportation sera rendu par le tribunal du district, sur le vu des preuves qui constateront que cet homme aura déjà été 3 fois détenu, ou, qu’étant non domicilié, il se refuse obstinément à tout travail. Art. 22. Le terme le plus court pour la transportation prononcée pour les mendiants, sera do 8 années. Art. 23. Le terme de la transportation pourra néanmoins être abrégé, en raison de grands services rendus par un transporté, ou d’une conduite laborieuse et bonne dans le lieu de la transportation, par les formes et dans les cas indiqués dans la loi sur la transportation. Art. 24. La peine de transportation pourra toutefois être remise, une première fois, d’après la demande de la municipalité du district et département dont l’homme serait domicilié ; dans lequel cas sa peine serait changée en une année de plus de détention dans la maison de correction. Titre II. Des maisons de correction. L’auteur de l’immortel ouvrage Des délits et des peines a dit qu’ora ne peut pas appeler juste , c'est-à-dire nécessaire , la punition d'un crime, tant que les lois n'ont pas employé pour le prévenir, fJ02 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1T01.J lès meilleurs moyens que Vétat des choses et des circonstances peuvent permettre. Voilà l’éternelle vérité qui nous a guidés lorsque nous avons cru ne devoir proposer à votre sévérité aucune peine pour la répression de la mendicité qu’après avoir présenté à votre humanité et à votre justice des moyens de secourir l’indigence dans les divers âges et les diverses circonstances de la vie, où le travail était rendu impossible à celui qui ne pouvait subsister sans travailler. C'est encore cette éternelle vérité qui nous a guidés dans les vues que nous venons soumettre sur les maisons de correction, qui, étant la première peine de ce délit dont il importe à la société d’opérer la destruction, doit encore être considérée comme un moyen d’amendement pour le coupable, comme un avertissement salutaire par lequel il devra être préservé de la peine plus grave, de la peine dernière de la mendicité : la transportation. Nous ne serons sans doute contredits par personne de cette Assemblée, quand nous dirons que les dépôts de mendicité, actuellement existants en France, ne nous ont présenté l’application d’aucun des principes de justice, d’encouragement au travail, d’excitation au bien, que nous croyons devoir servir de base aux règlements des maisons de correction. Avidité des préposés de ces maisons, traitements durs et arbitraires pour les détenus, insouciance sur leur sort fuiur, sur leur amendement, sur leur conduite, sur leur santé ; oisiveté presque totale de ceux-ci, pratique de tous les vices, mépris et avilissement de l’humanité : tel est le tableau lidèle de presque tous les dépôts de mendicité, dont quelques-uns cependant offrent un régime meilleur et plus humain, mais dont il n’est aucun qui n’afflige l’âme de l’homme sensible qui gémit de voir souffrir et dégrader son semblable, et du moraliste qui veut trouver dans la punition un moyen, au moins probable, de retour au bien, pour celui qui la subit. Les dépôts, au nombre de 34, coûtaient annuellement 1,353,894 livres. Sur cette somme, celle de 185,153 livres payait les préposés de toutes les classes. 6,650 individus, hommes, femmes et enfants, étaient déienus dans ces maisons, et la totalité de ces déienus produisait annuellement environ 90,000 livres de travail, c’est-à-dire un peu plus de 13 livres par individu. Il est inutile d’observer que, dans cette somme générale, les maisons mieux conduites donnaient une plus grande proportion de produit. Il n’est pas hors de propos peut-être d’observer en passant, qu’un relevé exact de ces maisons, fait depuis 1768, c’est-à-dire pour le cours de 22 années, donne un nombre de 230,000 individus détenus, dont la mortalité était d’un cinquième, c’est-à-dire de 46,000, et que la dépense s’en est, pendant ce temps, élevée à 29,700,000 livres. Ce résultat horrible de dépense et de mortalité peut être utilement comparé avec celui que fourniraient les calculs les moins favorables de la transportation. Le peu d’intelligence des administrateurs pour procurer de l’ouvrage à ces maisons, le peu d’intérêt qu’avaient les détenus à travailler ou à rester oisifs, produisait cette absence, on ne peut dire totale, de travail, et entretenait ainsi ce principe de vice et de corruption dans les dépôts où il devenait le régime habituel. Les recherches qu’a faites votre comité sur les maisons de correction des différents Etats de l’Europe, lui ont fait voir un ordre de choses sans doute meilleur; mais il n’a trouvé dans aucun un modèle à vous présenter. Ainsi, ou traitement habituellement dur, ou punition cruelle, ou nourriture insuffisante, ou nullité de travail, ou mélange des criminels de toute espèce, ou administration intérieure mauvaise, ou dépense immodérée; il n’est aucun de ces établissements qui ne renferme plusieurs de ces vices qu’il e9t de votre intention d’écarter de ceux que vous voulez faire pour la répression de la mendicité. Profitant donc de ce que nos diverses recherches nous ont fait voir de détails utiles à nos maisons de correction, nous les avons ramenés aux principes communs de justice et d’intérêt public, et nous en soumettons ici l’ensemble à votre examen. Le nombre des individus détenus annuellement jusqu’ici pour cause de mendicité, ne s’élevant qu’à 7,000 environ, nous aurions pu ne vous proposer qu’une maison de correction pour deux départements. Mais ignorant si vous ne ferez pas usage de ces maisons pour d’autres délits que celui de la mendicité; assurés que, malgré la très grande augmentation du nombre de ces maisons, l’économie de leur administration, l’activité du travail qui y serait établi rendraient suffisantes pour leur entretien les sommes que coûtent aujourd’hui les dépôts de mendicité, nous avons préféré vous proposer l’établissement d’une de ces maisons par département; les législatures suivantes ayant d’ailleurs la faculté de les réduire, si la nécessité d’un aussi grand nombre n’est pas démontrée par l’expérience. Le goût du travail et l’habitude à eu contracter devant être le but de l’établissement de ces maisons, il est nécessaire que le traitement y soit différent pour le laborieux et pour le paresseux, et c’est le travail qui doit faire lui-même la mesure de ce traitement. Ainsi une nourriture suffisante, mais exactement suffisante, sera celle que la maison devra fournir au détenu : c’est bien assurément ce que lui doit l'Etat; son travail y ajoutera. Son bien-être dépendra donc de lui-même, et déterminé au travail par ce puissant motif, par ce motif de tous les jours, déterminé encore par l’espoir, et d’abréger sa détention, et de se mé-nager quelque économie au moment de sa liberté, il rompra par la nécessité son habitude d’oisiveté et de fainéantise, et il retrouvera, dans ce seul moyeu qu’il aura d’améliorer son sort comme détenu, le moyen certain encore de préserver le reste de sa vie de ce vice pour lequel il est arrêté, et dans lequel l’entretient le régime actuel des dépôts de mendicité. Cette habitude de travail à laquelle il fallut ployer ces détenus nous a semblé nécessiter l’établissement de plusieurs espèces d’ateliers, soit dans l’intérieur de ces maisons, soit au dehors dans les environs, afin que les raisons de faiblesse, d’inaptitude, etc., ne puissent être pour aucun un prétexte plausible de s’y refuser, et qu’ils puissent tous y trouver l’emploi et l’entretien de leurs forces. C’est aux directeurs de ces maisons, au comité de surveillance, au directoire des départements, à consulter les localités, les besoins du pays, ses débouchés, pour se fixer sur le choix des ouvrages à établir dans ces maisons. Mais il est encore, pour la vente de ces ouvrages, une grande considération dont l’intérêt public fait un devoir de ne pas s’écarter; il faut que le travail de ces détenus, pouvant être fait à meilleur marché que celui des ouvriers du dehors, ne Duise pas, par une vente à plus bas prix, à l’industrie de ceux-ci. Sans celte nécessaire attention, les détenus continueraient, dans leur dé- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 janvier 1791.] AQ3 tention, de mettre à contribution la classe précieuse des hommes laborieux, comme ils le faisaient avant leur détention par la mendicité, et d’une manière bien plus dangereuse encore. C’est dans cette intention que nous avons cru devoir vous proposer de proscrire les ventes en détail , dans le pays, du produit de la main-d’œuvre de ces-maisons. Quant au prix du travail, qui, sans doute, doit être toujours à la tâche, nous avons pensé qu’il devait être évalué comme celui de tout autre travail; mais que la division de ce salaire devait être calculée de manière : 1° Que le détenu n’en retirât pas le même avantage que s’il était en liberté; 2° que la maison en retirât une partie de ses frais. Ainsi, en prélevant sur les premiers produits du travail la somme modique à laquelle est évalué le pain que reçoit le détenu, nous remplissons ces deux conditions. Il est obligé, s’il veut améliorer son sort, de travailler pour un plus grand gain; et les frais de cette première nourriture prélevés, ce qui lui reste peut sensiblement augmenter son bien-être, mais ne lui produit pas une somme égale à celle qu’il aurait s’il travaillait chez lui : ce qui est évidemment juste, parce qu’il faut que la détention soit regardée comme un mal, et que la comparaison du sort d’un homme laborieux dans son village, ou laborieux dans la maison de correction, soit toujours au désavantage de celui-ci. Mais, si la privation de la liberté est politiquement nécessaire à faire sentir au détenu, dans les rapports du salaire de son travail, de la police intérieure, de la gêne habituelle à laquelle il doit être soumis, la justice la plus entière doit être la règle invariable de ces maisons. Le tarif des salaires, le décompte des ouvriers, le code de discipline, les peines prononcées en conséquence, tout doit être rendu public, tout doit être clair pour chacun d’eux jusqu’à l’évidence. La justice est de tous les lieux, de tous les temps et de tous les états ; elle est toujours un devoir strict et un moyen d’un succès tôt ou tard infaillible. C’est l’éternelle raison à laquelle il faut que tout cède, et qui ramène tout à elle. L’esprit de douceur et de fermeté doit régner dans ces maisons et les conduire. L’arbitraire, la dureté avec lesquelles les détenus sont souvent traités, les irrite, les avilit à leurs propres yeux, et les confirme dans le vice dont, au contraire, toutes ces institutions doivent tendre à les tirer. Il faut des consolations aux malheureux, des exhortations à ceux dont l’amendement est à espérer, des paroles d’encouragement à certains détenus, à certains coupables, qui souvent ne reviennent pas au bien, parce qu’ils s’en croient indignes, et qu’ils n’en trouvent pas la force en eux seuls. Ce genre de remède moral doit être familièrement distribué, selon les caractères et les circonstances; il faut pour ainsi dire les en environner. Ce ne sont pas de longs discours dont il faut les entretenir; un mot, une phrase dite à propos, un ensemble de conduite dirigée à cette intention dans le chef de la maison, ramèneront au bien, au travail, bien plus efficacement que l’arbitraire et la dureté. On a souvent remarqué que cette classe de détenus, composée d’hommes brutaux, féroces même souvent en apparence, accoutumés aux paroles dures, était incomparablement plus imposée par un extérieur froid, un silence soutenu, un maintien sévère, que par des reproches injurieux et même par des coups. Nous avons pensé que ce genre de peine devait être proscrit ou borné au moins, ainsi que les fers, aux cas de révolte, de complot. Hors ces cas, très rares si la vigilance des préposés est toujours en activité, nous avons cru que les punitions devaient être bornées à un travail sans salaire, et forcé par sa nature pour les détenus qui se refuseraient à tout travail dans les ateliers, et à la retraite plus ou moins prolongée dans des chambres où des individus, livrés a la solitude entière, recevraient ou non, comme adoucissement, des moyens de travailler. Nous avons cru ces seules peines nécessaires pour entretenir l’ordre dans la maison et l’activité dans le travail ; et quoique nous pensions que le choix des directeurs de ces maisons doive être fait parmi des hommes honnêtes, d’un caractère éprouvé, et qui aient reçu quelque éducation, nous avons cru ne devoir les laisser que provisoirement maîtres des punitions, et seule-m