432 [Assemblé* tt&tiooals.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 avril 1791*] toutes les sociétés des amis de la Constitution ; qu’ils ne pourront être membres de celles établies dans les lieux où ils sont en garnison ou en quartier, mais qu’il leur est accordé la liberté d’y assister aux heures qui ne sont pas destinées à des appels, à des exercices ou à d’autres parties du service militaire, enfin dans tous les moments dont les fonctions de leur état leur laissent le libre exercice. » ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voixl aux voix! M. d’André. Je demande à faire Une motion d’ordre, fille consiste à ce que le rapport et le projet de décret qui viennent de vous être lus soient imprimés, distribués et ajournés à dimanche. Plusieurs membres à gauche : Aux voix ! aux voix! M. Prieur. Je demande à répondre à la motion d’ordre de M. d’André. Je m’interdirai toute personnalité. M. d’André. Je conjure l’Assemblée de vouloir bien se dépouiller de tout esprit de parti et de m’écouter jusqu’à la fin. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! M. d’André. Je remarquerai tout d’abord qu’il est hors de propos de crier : aux voix ! quand on commence à discuter une question. J’observerai ensuite que ce qu’ou avait mis à l’ordre du jour était le rapport de l’événement arrivé à Wissem-bourg, et non pas la question qui vient de vous être pré.-entée par vos comités. Le décret qui vous est proposé renferme un principe très extraordinaire; il nous dit que les officiers et les soldats pourront aller dans les sooiétésdes amis de la Constitution. Or, Messieurs, cette question est une question constitutionnelle; car... (Murmures prolongés à l'extrême gauche.) Monsieur le Président, si nous avons à combattre les amis de la Constitution ou de la société, il faut compter les voix. (Murmures.) Un grand nombre de membres se lèvent et interrompent l’opinant. M. d’André. Monsieur le Président, imposez silence à ces Messieurs, et je ne dirai rien. Je disais que le décret qui vous est présenté contient un principe extraordinaire, car il dit que les officiers, les sous-officiers et les soldats pourront aller dans les sociétés des amis de la Constitution. Mais à quel caractère reconnaît-on ces sociétés? Un membre : Venez-y, voüb le saurez. M. d’André. A Paris, par exemple, faudra-t-il rechercher et examiner, parmi tous les clubs qui existent, quels sont ceux qui sont ou ne sont pas amis de la Constitution ?... Un membre à gauche : Ils sont connus. M. d’André... ou bien le titre seul d’amis de la Constitution qu’ils auront pris sera-t-il suffisant? On me dit ; les sociétés des amis de la Constitution sont connues. — Sans doute, mais n’y a-t-il pas d’autres sociétés ; le club des Cordeliers, par exemple, se dit aussi ami de la Constitution; la Société fraternelle, les Amis de la liberté se disent aussi amis de la Constitution (Murmures.); toutes les sociétés particulières, tous les clubs qui s’établissent peuvent prendre le titre d’amis de la Constitution et n’en avoir cependant pas le caractère; car vous avez déjà des exemples de sociétés qui n’ont pas pris l’esprit du titre qu’elles s’étaient donné. Ainsi l’exposé du décret du comité ne saurait être adopté tel qu’il vous est présenté ; il faut que ce décret soit ajourné pour être mûrement examiné. Et qu’on ne croie pas que cette question ne soit pas constitutionnelle. N’y aurait-il pas du danger pour la Constitution à faire entrer les troupes dans ces sociétés particulières qui ne sont pas publiques et dans lesquelles on n’admet pas tout îe monde? Si tous les citoyens étaient indifféremment admis dans les sociétés dont on vous parle, la question serait toute différente et il n’y aurait pas de difficulté ; mais on fait des scrutins; on y admet, on en exclut des membres selon le résultat de ces scrutins ; et� dans ces conditions, l’admission des troupes devient une chose très dangereuse. (Murmures.) Eh! ne croyez pas, Messieurs, qu’il faille tout à fait être sans courage pour attaquer une opinion comme celle-ci. (Murmures à gauche ; applaudissements au centre.) Soyons bien en garde, Messieurs, contre tout ce qui vous est proposé sur les sociétés. Craignez de leur accorder la moindre force légale ; craignez que les clubs ne deviennent trop puissants. (Murmures et applaudissements.) Je dis, Monsieur le Président, que si l’on avait été prévenu que la question qui vous est soumise dût être aujourd’hui à l’ordre du jour, nous aurions apporté à la discussion une préparation plus pure et un plus grand développement des idées qui ne peuvent que se présenter rapidement à une imagination qui les conçoit pour la première fois; il serait très possible, en adoptant le système proposé par vos comités de faire passer toute l’autorité du royaume, toute la Constitution qui se forme, sous un titre ou sous un autre. (Murmures.) M. Malouet. 11 ne faut pas dire : Cela est possible ; cela est, cela est déjà fait. M. d’André. D’après les considérations importantes que je viens de présenter, il me semble impossible que l’on veuille ouvrir sur-le-champ la discussion. Il faut du temps pour se recueillir; le comité lui-même en a eu pour sa rédaction. Il faut que les personnes qui croient voir dans le projet de décret quelque germe qui pourrait être nuisible à la Constitution ait la faculté de s’en assurer et je ne vois aucune espèce de motif qui puisse faire rejeter ma proposition. Je supplie donc tous les membres de cette Assemblée d’écarter de cette question tout esprit de parti, de faire cesser tout acharnement ; je demande qu’on nous laisse le temps d’examiner et c’est pour cela que je propose l’impression du rapport et du projet de décret et l’ajournement à dimanche. Plusieurs membres : Aux voix l'ajournement ! M. Alexandre de Ifceanharnais, rapporteur. Les observations de M. d’André sé divisent naturellement en deux parties. Les nues sur te 423 [Assemblé* nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [39 ayril 1791,1 foDd de la question ; je n’y répondrai pas parce que plusieurs personnes ont déjà demandé la parole» Les autres ont rapport à l’énoncé de l’ordre du jour: et je suis bien étonné que ce soit précisément un des membres les plus exacts aux séanoes de l’Assemblée qui ait fait cette méprise. Il y a environ 8 jours que l’Assemblée a reçu deux lettres: l’une de M. Uuportail, et L’autre de M. Kellermann. Toutes deux avaient pour objet d’inviter l’Assemblée à dissiper les doutes qui s’étaient élevés parmi les officiers et les soldats sur la question ae savoir si les soldats pouvaient assister aux séances des sociétés des amis de la Constitution. C’est là ce qui a été renvoyé à vos comités, c’est là ce qui devait faire l’objet de mon rapport ; c’est de cela que je vous ai occupé. J’ai donc eu raison de demander pour cela la parole à M. le Président. Les 4 comités dont je suis l’organe ne présentent donc pas seulement leur opinion individuelle dans le décret dont je viens de vous donner lecture, mais aussi le vœu du ministre de la guerre et celui de M. Kellermann, commandant en Alsace. M. Prieur. M. d’André nous a demandé d’écarter de là discussion tout esprit de parti. Je remarquerai tout d’abord que cette observation ne saurait me regarder personnellement; car jamais pareil esprit n’est entré dans mon cœur et je prouverai peut-être que lui-même n’a pas suivi le conseil qu’il nous donne. Il a cherché à vous engager dans la question de savoir s’il peut y avoir des sociétés des amis de la Constitution. ( Murmures .) Il vous a dit positivement que ces sociétés contenaient comme des germes de corporations qui pourraient porter atteinte à la Constitution. Je réponds à M. d’André que l’objet des sociétés des amis de la Constitution est au contraire de la maintenir dans toute l'étendue du royaume ; (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)... Un membre à droite : Cela n’est pas vrai. M. Prienr... je réponds que leurs fonctions principales. . . M. d’André. Qu’est-ce que des fonctions ? M. Prieur... que les principales des fonctions qu’elles se sont imposées sont d’éclairer le peuple français sur ses vrais intérêts, de fortifier les agents de la Constitution pour réprimer les factieux qhi s’opposent à son établissement et cherchent a la renverser. ( Applaudissements .) Je dis que les hommes, les sociétés qui ne seraient pas pénétrés du plus profond respect pour la Constitution, pour fa loi, pour toutes les autorités constitutionnelles auraient seuls le caractère d’ennemis de la Constitution. Un autre objet non moins intéressant de ces sociétés, c’est de surveiller tous ceux qui, sous le masque du patriotisme, voudraient miner sourdement la Constitution ; c’est de dénoncer (Applaudissements.)... c'est de dénoncer tous ceux qui intriguent contre elle et qui veulent lui porter atteinte ; et si M. d’André a pu vous dire qu’il y avait du courage à défendre l’opinion qu’il a soutenue, je dis, moi, qu’il n'y en a pas moins à se déclarer hautement membre des sociétés des amis de la Constitution, depuis qu’on cherche à tourner contre elles l’opinion publique, à les faire passer pour des corporations de factieux alors qu’elles ne sont composées que des hommes les plus dévoués au salut de la Constitution, des partisans les plus zélés de la Révolution, d’hommes qui sont les esclaves de la loi, les ennemis de tous les tyrans de quelque genre qu’ils soient, à quelque rang qu’ils appartiennent. Oui, Messieurs, voila ce que. sont les amis de la Constitution; et, si la loi n’a pas le droit d’interdire à des citoyens la faculté de se rassembler, sous l’autorisation de la municipalité, je dis qu’elle n’a pas le droit de leur interdire la faculté de veiller sur leurs intérêts et de traiter entre eux de leurs affaires. Quant à la seconde partie de l’opinion du préopinant, de quoi s’agit-il ? Elle se rapporte à la garnison de Wissembourg ; elle consiste à savoir si des soldats amis de la liberté peuvent aller avec la plus grande subordination dans des sociétés particulières où ils n’entendent autre chose que la lecture des lois et les conseils de la soumission à ces mêmes lois. (Murmures à droite.) On dit que ccs sociétés sont fermées; mais elles sont publiques au contraire. Un membre à droite : Cela n’est pas vrai. M. Prienr, Tout le monde sait que les séances sont publiques, et je demande quel danger il peut y avoir à laisser aller des soldats dans des séances publiques. Quelle différence y a-t-il, en effet, Messieurs, entre ces sociétés et celles qui se tiendraient en plein champ et où les citoyens iraient discuter leurs intérêtscommuns? Aucune, sans doute. Si elles se tenaient en plein air, pourriez-vous empêcher les soldata d’y aller et d’y entendre la lecture des lois. Non? Eh bien, les autres sont de même. Il ne peut donc y avoir lieu à ajournement lorsqu’il ne s’agit que de déclarer un principe incontestable, qui ne saurait être un problème dans l’esprit d’aucun des membres de cette Assemblée, et de ne pas perdre le précieux fruit du rapport qui vient d’être fuit. Je demande en conséquence la question préalable sur la proposition d’ajournement et l’admission du projet de décret qui vous est proposé par vos comités. M. de La Rochefoucauld-Liancourt. 11 serait vraiment regrettable, Messieurs, que nous perdions notre temps en déclamations et en attaques scandaleuses les uns contre les autres» (Murmures.) M. Prieur. Je n’ai attaqué personne. M. de l»a Rochefoucauld-liiancourt» Je ne vous attaque point, Messieurs, je veux dire seulement une chose qui ne sera contestée par personne : Les amis de la Constitution sont tous ceuxquiaimentla Constitution telle qu’elle existe, qui veulent qu'elle soit fermement établie et maintenue; ceux-là, au contraire, qui veulent y ajouter ou en retrancher quelque chose en sont les seuls ennemis. Ce sont des factieux. J'entre maintenant dans la question, la motion d’ajournement. Cette question n’est pas si simpleqUe l’on pense» Vous pouvez rendre selon les circonstances un décret quelconque, mais il n’en est pas moins vrai que votre décision peut compromettre la discipline de l’armée entière. (Murmures.) M. Charles de Lameth. Au contraire. M. de La Rochefoucauld-IJancotirt. Je dis, Messieurs, que votre décision peut compro- 424 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 avril 1791.) mettre la discipline de l’armée et, avec cette discipline, le maintien de la Constitution. J’ai d’ailleurs demandé la parole sur le fond de la question ; quand elle viendra en discussion, je prouverai ce que je viens d’avancer. Vous voulez le bien, Messieurs, ajournez donc à dimanche prochain une mesure qui a besoin d’être réfléchie et combinée. M. de NoaMes. Je demande la parole sur la motion d’ordre proposée par M. d’André. M. d’André vous a présenté deux ordres de considérations sur la question qui vous est soumise: 1° il vous a fait sentir ou il a voulu vous faire sentir la nécessité de l’ajournement ; 2° il a traité, peut-être imparfaitement, au moins l’a-t-il avoué ainsi, le fond même de la question sous quelque rapport. En ce qui concerne la première partie de cette motion, nous ne craignons pas que l’Assemblée s’éclaire et qu’elle examine la question avec la plusgrandeexactitudeetle plus grand intérêt; car, plus on mettra de scrupules à cet examen, et plus on reconnaîtra la sagesse des dispositions de vos comités, plus on se convaincra que ces dispositions sont propres à établir la discipline, la subordination des soldats envers leurs officiers et la subordination des officiers envers la loi. Certes, Messieurs, j’aime autant la discipline que qui que ce soit ( Mumures à droite; vifs applaudissements à gauche) ..... Oui, Messieurs, et je défie quiconque connaît ma conduite militaire de me contredire sur ce point. La preuve de ce que j’avance mVst acquise par la discipline constante qui a été maintenue dans le corps que j’ai l’honneur de commander. Il est soumis à la loi, il lui a toujours été soumis et pourquoi, Messieurs, parce que je lui commande au nom de la loi et jamais qu’au nom de la loi; je l’abandonnerais de suite s’il pouvait s’en écarter dans une seule circonstance et je n’imaginerais pas pouvoir le commander un seul instant, si je n’étais pas décidé à le défendre contre tous les ennemis du dehors et du dedans qui voudraient l’attaquer. ( Applaudissements .) 11 conviendrait en effet, Messieurs, que tous les officiers qui ne respectent pas la Constitution, je dis plus qui n’aiment pas la Constitution, qui ne sont pas décidés à inspirer ces sentiments à tous les hommes qu’ils commandent, renonçassent au service militaire... ( Vifs applaudissements.) M. Prieur. Bravo ! M. de IVoailles... Oui, car, sans cela, s’ils ne professent pas hautement ces principes, ils répandront des inquiétudes dans le peuple. Ces inquiétudes gagneront les soldats, et c’est là le germe de toutes les insurrections de l’armée. Messieurs, si vous voulez établir la discipline dans l’armée, je dis plus, si vous voulez éviter les mouvements qu’excitent les craintes, les inquiétudes des opinions diverses des officiers sur les soldats et des soldats sur les officiers, ouvrez-leur les sociétés ; je ne dis pas seulement celles qui portent le titre d’amis de la Constitution, mais toutes les sociétés indistinctement. ( Vifs applaudissements.) Ouvrez-leur la porte de toutes les sociétés possibles et soyez bien certains du choix éclairé qu’ils feront. Partout où l’on professera des sentiments de liberté et de patriotisme, partout où l’on inspirera la subordination, le respect pour les lois et pour la discipline, les soldats s’y rendront en foule. Partout, au contraire, où l’on professera d’autres principes, où l’on manifestera de l’irrévérence pour les lois, pour l’Assemblée nationale, pour les corps administratifs, pour le pouvoir exécutif et pour ses agents, ces mêmes soldats n’y verrontque des ennemis de la Constitution et on ne les y trouvera pas. Je dis en outre qu’il y aurait le plus grand danger pour la discipline de fermer aux soldats les portes des sociétés patriotiques, car cette mesure ranimerait toutes les inquiétudes du peuple et surtout celles qui se sont manifestées sur les frontières où déjà les esprits sont assez agités par les circonstances. On dira aux soldats qu’on ne veut pas les éclairer sur leurs devoirs, qu’on ne veut pas les fixer sur leurs droits constitutionnels. Et bientôt ils méconnaîtront une loi qu’on leur dérobera sans cesse; ils finiraient par aller dans des sociétés particulières et secrètes où l’on ne professerait pas toujours la morale publique que l’on trouve dans les grandes sociétés. J’avoue que je ne connais pas de moyen plus propre à exposer les soldats aux instigations particulières et à la séduction que de les éloigner des instructions qu’ils trouveront dans les sociétés publiques. Je demande si, dans le temps qui reste entre les exercices et les appels on a l’intention de donner la lecture des décrets de l’Assemblée nationale, on a l’intention de dire aux soldats qui désirent les entendre, que les décrets leur sont profitables; que l’Assemblée nationale a amélioré leur sort; qu’elle a décrété l’égalité entre tous les individus; qu’il est intéressant qu’ils soient tous liés à la nation entière; qu’ils soient prêts à la défendre; qu’ils n’écoutent pas les suggestions particulières. Je demande de quels moyens on se servira pour empêcher les soldats de s’y rendre. Pour moi, je n’en connais point. Cependant, Messieurs, il est important de décider promptement cette question, parce qu’il n’y a pas en ce moment une seule ville de l’ancienne Alsace, et M. le Président doit le savoir, puisqu’il est de cette province, où les soldats ne soient admis dans les sociétés des amis de la Constitution, et où ils n’y reçoivent des instructions utiles ; et cependant aucune plainte n’est encore parvenue contre eux. Si vous n’adoptez pas le projet de décret qui vous est proposé, si vous vous opposez à ce qui est demandé pour les militaires par vos comités, on les en fera sortir; ils croiront que ce sont leurs officiers qui ont voulu leur imposer leur volonté et les priver de cet avantage. Cette croyance excitera les animosités les plus dangereuses et vous verrez des insurrections continuelles entre les chefs et leurs subordonnés. Le seul moyen de faire obéir les soldats, c’est de leur faire voir clairement, par la connaissance de la loi, les raisons pour lesquelles on exige d’eux cette obéissance. Il est donc instant que vous décidiez la question qui vous est soumise; c’est pourquoi je demande la question préalable sur l’ajournement. (Applaudissements.) M. de Tracy. Je demande la parole. M. Vernier . Je fais la motion qu’on aille aux voix sur l'amendement qui consiste à retrancher de l'article ces mots : « dans les sociétés des amis de la Constitution » et d’y substituer ceux-ci : [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 avril 1791.1 Afâ « dam les sociétés dont les séances sont publiques. » ( Applaudissements à gauche.) M. de Traey. J’insiste pour avoir la parole ; Je demande à poser la question parce que M. de Noailles l’a totalement dénaturée. M. le Président rappelle l’état de la délibération. M. Lueag. Le premier objet à décider c’est l’ajournement. Je demande la question préalable sur la demande d’ajournement. M. de Toulongeon. L’ajournement proposé me paraît d'autant plus nécessaire que le projet de vos comités contient deux grandes questions que vous ne pouvez pas trancher aussi rapidement. La première est de savoir quels sont les droits politiques des soldats engagés; or vous avez déjà, par un décret, décidé que dans les assemblées primaires les soldats en garnison ne pourraient pas voter. (Murmures.) M. de Tracy. Monsieur le Président, mettez aux voix l’ajournement, ou bien permettez-moi de parler sur le fond et de poser la question. M. de Toulonseon. La seconde question que vous avez à décider est de la plus grande importance. Il s’agit desavoir si, outre les corps organisés par la loi, la loi consacrera l’existence d’autres corps qui ne seraient pas organisés par elle. (Murmures.) Je demande donc l’ajournement de la question à dimanche. M. Charles de Lameth et plusieurs membres : La question préalable 1 Un grand nombre de membres demandent que la discussion soit fermée sur la motion d’ordre. (L’Assemblée ferme la discussion.) Plusieurs membres : La question préalable sur l’ajournement! M. Alexandre de Beauharnais, rapporteur... (Murmures.) M. de Lachèze. La discussion est fermée. Plusieurs membres : Laissez parler ! M. d’Estourmel. Je demande que M. le rapporteur soit entendu; il veut vous éclairer. Voix diverses : Non ! non ! — Aux voix î aux voix! — Il faut entendre M. le rapporteur; M. le Prégident. Je vais consulter l’Assemblée. (L’Assemblée décide que M. le rapporteur sera entendu.) M. Alexandre de Beauharnaig, rapporteur. La demande d’ajournement qui a été faite est sans doute fondée sur des motifs très louables, puisqu’elle a pour objet d’éclairer l’Assemblée et de former son opinion sur une matière qui est, en effet, très importante; mais je représente que les motifs sur lesquels M. de Touiongeon a appuyé sa demande ne sont nullement raisonnables, car il a dit qu’il s’agissait de déterminer quel est l’exercice des droits politiques des| soldats. Or il ne s’agit pas ici de savoir quels sont les droits politiques des soldats, mais de déterminer quel usage ils peuvent faire des moments de liberté que leur laisse l’exercice de leurs fonctions militaires. Il ne s’agit que de cela et absolument que de cela. Evidemment si un soldat a le droit de pouvoir s’arrêter sur une place publique, d’y entendre les propos qui sont tenus par un nomme qui est monté sur des tréteaux ; si un soldat a le droit d’entrer dans un cabaret, dans un café, de lire les papiers publics, s’il ne manque pas aux appels, aux exercices, s’il est servilement soumis à tous les ordres qui lui sont donnés par les chefs, il doit pouvoir employer ses moments à s’instruire et même à apprendre les lois militaires puisque c’est par elles qu’il peut connaître, qu’il peut obtenir justice. (Applaudissements.) J’ajoute un mot sur l’ajournement, c’est que M.Kellermann et M. Duportail, dans leurs lettres, représentent qu’il est infiniment urgent de lever tous les doutes à cet égard, et pensent que les soldats peuvent assister à toutes les réunions publiques. (Applaudissements.) Le ministre de la guerre, dont je viens de parler, annonce qu’il existe malheureusement beaucoup de fermentation dans un grand nombre de garnisons et que cette fermentation a pour principe l’avidité avec laquelle les soldats se portent dans tous les lieux où on peut les instruire sur vos travaux, et l’opposition que leurs officiers mettent à ce désir. 11 est donc pressant de statuer sur cet objet; ainsi l’ajournement n’esl pas admissible. Il me semble d’ailleurs que si l’on se sert, dans le décret, d’une expression générale qui comprenne toutes les sociétés, il ne présentera plus de difficultés et ne sera plus susceptible d’ajournement. J’admets donc l’amendement tendant à substituer aux mots : ■ dans toutes les sociétés des amis de la Constitution » ceux-ci : •• dans toutes les sociétés publiques » et je propose la rédaction suivante : « L’Assemblée nationale, considérant que tous les devoirs de tous les individus qui font partie de la force publique ne sauraient être incompatibles avec les droits qu’ils ont comme citoyens, quand l’exercice de ces droits ne trouble point l’ordre indispensable au maintien de la discipline et ne porte aucune atteinte à la subordination ; « Déclare que les officiers, sous-officiers et soldats de toutes les armes peuvent être reçus dans toutes les sociétés publiques ; qu’ils ne pourront être membres de celles établies dans les lieux où ils sont en garnison ou en quartier, mais qu’il leur est accordé la liberté d’y assister aux heures qui ne sont pas destinées à des appels, à des exercices ou à d’autres parties du service militaire; enfin dans tous les moments dont les fonctions de leur état leur laisse le libre exercice. » M. Le Chapelier. Je demande à parler sur la rédaction. Plusieurs membres : Aux voix la question préalable sur l’ajournement I M. le Prégident. Je consulte l’Assemblée sur la question préalable proposée sur la demande d’ajournement. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement.) M. d’Egtourmel. Le vœu de tout bon citoyen 4fS (AtsemhÜfe nationale.) ARCHIVES PARlÆKElSTÀIfiÊS . {29 fenil MéL] doit être de maintenir la Constitution, de porter l’obéissance la plus parfaite aux décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. Nous avons tous prêté le serment d’obéir à la nation, à la loi et au roi, de soutenir de tout notre pouvoir la Constitution ; et si ce serment n’eût pas été prêté, il serait dans tous les cœurs, parce qu’il tient à l’ordre et que le maintien de l’ordre est le vœu de tout bon citoyen. Mais si ces sociétés, dites deB amis de la Constitution, au lieu de suivre ces maximes, se permettaient dediscuter la valeur et la conséquence des lois et le degré d’autorité qu’elles méritent, de quel danger ne serait-il pas d’envoyer les soldats dans ces sociétés? Le choc des opinions fait naître la lumièré, mais il est subordonné à la loi. Le jour môme où la loi est portée, tout citoyen doit lui obéir sans réserve et s’interdire toute discussion. (Murmures.) Vous avez décrété que les sociétés particulières ne pourraient entretenir aucune correspondance avec les régiments. Or quel est l’objet d’une correspondance? C’est de prendre l’élixir d’une délibération et de le transmettre à un particulier ou à un corps ; dans ce sens l’assistance est une correspondance. Votre décret vous interdit donc d’ouvrir la porte des sociétés aux soldats de l’armée. Pour lever, dans ce moment, tout obstacle au décret qui vous est proposé, on a substitué aux mots d’amis de la Constitution ceux de toutes les sociétés publiques. Mais, Messieurs, ne perdons pas de vue que dans tout le royaume comme dans les capitales, toutes sociétés publiques qui ne sont pas celles des amis de la Constitution ne sont pas véritablement autorisées ou éprouvent journellement des obstacles. M. Gaultier-Blanzat. Il n’y a pas de mal à cela. (Rires.) M. d’Estourmel. J’entends dire à M. Gaultier-Biauzat qu'il n’y a pas de mal à cela. (Rires.) IL lui serait difficile de le prouver. (Rires.) Mais de ce que M. Biauzat n’a pas répondu, je conclus de là qu’il y a du mal à cela. (Rires.) Si vous voulez permettre aux soldats d'assister à ces assemblées, je ne sais pas pourquoi vous ne prescririez pas qu'ils y seraient conduits eu ordre par leurs officiers, comme cela se pratique dans plusieurs autres circonstances (Rires.) et je crois que, quand les soldats verront leurs officiers v aller avec eux, ils seront pénétrés de la fausseté d'nne idée qui ne s’est que trop propagée: que les officiers n'étaient pas les amis de la Constitution. (Murmures.) Je demande que, en adoptant le projet que le comité vous propose, l’Assemblée veuille bien inviter toutes les sociétés publiques à se renfermer purement et simplement aaus la lecture des décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. (Rires.) Je demande que les sociétés publiques soient invitées, quant aux décrets rendus, à de simples lectures sans réflexions. (Rires.) Une voix à gauche : Est-ce que l’on peut supporter des inepties de cette foroe-là? M, Prieur. Nous demandons le résumé de l’opinant. M. Ee Chapelier. L’ajournement qui vous était proposé nravait été demandé que parce que la rédaction de M. le rapporteur paraissait imparfaite; la seconde rédaction qü’U vous propose ne me paraît pas meilleure que la preïnière. Il faut pour décider cette question Be reporter à vos principes. Certes les soldats, les sous-officiers et les officiers, quand ils ont rempli tous les devoirs de leur état, quand ils sont hors de leur service, ont absolument là même liberté, les mêmes droits que tous les autres citoyens. Ils peuvent, comme eux, non seulement assister aux réunions des différentes sociétés qui se réunissent paisiblement dans la ville où ils sont en garnison; mais encore ils peuvent être membres de ces sociétés; ils sont strictement dans les termes de la loi. Le projet de décret leur refuse ce dernier droit. Je propose une rédaction beaucoup plus simple et qui me paraît devoir tout concilier. La voici : « L’Assemblée nationale déclare que les officiers, sous-officiers et soldats de toutes les armes, hors le temps de leur service militaire, des appels, des exercices et de toutes les fonctions de leur état, peuvent, jusqu’à l’heure de la retraite, assister, comme tous les autres citoyens, aux séances des sociétés qui s’assemblent paisiblement et sans armes, dans les lieux où ils sont en garnison ou en quartier. » (Applaudissements.) Plusieurs membres demandent la priorité pour cette rédaction. M. de Tracy. De toutes les rédactions celte de M. Le Chapelier me paraît la meilleure. Elle n’est susceptible d’aucune objection dans des circonstances paisibles et normales ; elle ne présente alors aucun inconvénient. Mais dans les circonstances orageuses où nous nous trouvons (Murmures.)... Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! fermez la discussion 1 (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Alexandre de Beanharnais, rapporteur. Voici la rédaction de M. Le Chapelier que j’adopte : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de Constitution, militaire, des recherches et des rapports, déclare que les officiers, sous-otfieiers et soldats de toutes les armes, hors le temps de leur service militaire, des appels, des exercices et de toutes les fonctions de leui* état, peuvent, jusqu’à l’heure de la retraite, assister, comme tous les autres citoyens, aux séances des sociétés qui s’assemblent paisiblement et sans armes, dans les lieux où ils sont en garnison ou eu quartier. » Plusieurs membres : Sans armes? Un grand nombre dé membres. Oui! oui! (L’Assemblée adopte la rédaction de M. Le Chapelier.) (Applaudissements.) L’ordre du jour est la discussion de la motion de M. Rabaud-Saint-Etienne sur la création de petits assignats (1). M. Pétion de Villeneuve. Avant de commencer la discussion, je demande la permission à l’Assemblée de lui donner lecture d’une pétition d’un grand nombre de citoyens, marchands-fabricants et manufacturiers de la ville et des faubourgs de Paris, qui réclament la création de petite assignats comme un bienfait. Ce mémoire (1) Voyez ci-dessus, séance du 26 avril 1791, p. 345 et suiv.