[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1791. 237 veuillent continuer à la défendre chez leurs alliés. M. Rewbell. Je ne crois pas que ce soit le moment de s’occuper de ces capitulations. Ce sera au pouvoir exécutif, lorsqu’il sera eu pleine activité, à faire des négociations. Car comment feriez-vous en ce moment faire les négociations? Nous n’avons pas d’ambassadeurs, si ce n’est M. Yérac, patriote qui nVst pas chaud, et un secrétaire de légation, auquel les Etats ne donneraient pas sans doute la confiance nécessaire pour le succès de cette négociation. Dans ce moment-ci, il y a encore une autre difficulté. Le conseil de Berne a envoyé des troupes dans le pays de Vaud ; on dit que c’est pour punir les habitants d’avoir célébré l’anniversaire de la Révolution française. Tuutes ces circonstances ne sont pas favorables aux négociations dont il s’agit, je pense donc que la motion de M, Merlin doit être ajournée. M. Merlin. Je retire ma proposition quant à présent. M. Voulland. Messieurs, c’est au nom du département du Gard que je viens prier l’Assemblée de se faire rendre compte du résultat de la mission des commissaires conciliateurs envoyés à Avignon) il est essentiel de s’assurer de l’usage que ces commissaires font de l’au-orité que leur a donnée votre décret. Ils s’en servent pour faire marcher une grande partie des gardes nationales des départements voisins et pour renvoyer les troupes de ligne que le ministre avait envoyées dans ie Gomlal. Ce déplacement de gardes nationales ne peut qu’occasionner de grands frais et nuire à la levée des corps volontaires ordonnés par l’Assemblée pour la défense des frontières ; il occasionne des plaintes de la part des départements, il affaiblit la force publique dont les administrateurs ont tant besoin en ce moment et il en peut résulter des suites dangereuses pour les départements méridionaux. Je demande, en conséquence, que le comité diplomatique nous rende compte au premier jour de cet objet. M. Merlin, ex-président , remplace M. Alexandre de Beauharnais au fauteuil. L’ordre du jour est un rapport sur la dénonciation faite à V Assemblée nationale par les habitants de Brie-Comte-Robert , contre la détention de quelques-uns de leurs concitoyens. M. Mugnet de ÜVanthon, au nom du comité des rapports. Messieurs, on vous a dénoncé l’administration du département de Seine-et-Marne et la conduite d’un détachement des chasseurs de Hainaut, en garnison à Brie-Gomte-Robert. Les citoyens de cette ville vous ont adressé des réclamations sur la conduite qi’ont tenue le directoire du département et la municipalité, à la suite des troubles qui ont eu lieu aux mois de janvier et d’avril derniers. Il vous ont dit que leur amour pour la liberté leur a seul occasionné ces malheurs; qu’ils ont été victimes de leur zèle et de leur patriotisme; qu’ils sont invioia-blement attachés à la Constitution. Ils se sont plaints d’être livrés à l’arbitraire de la municipalité et aux excès d’une force publique oppressive. Ils ont réclamé les principes de la liberté individuelle, et ils se sont plaints de ce qu’on a enlevé de nuit des citoyens de leurs foyers pour les traîner dans des prisons malsaines où ils gémissent depuis B mois. « Venez au secours, vous disent-ils dans leurs pétitions, de ces malheureuses victimes prêtes à ex: ire r dans leurs cachots ; l’une d’elles a déjà payé le tribut à la nature, disons plus, au désespoir; les autres ont déjà appelé la religion à leur secours, au bord de la tombe où ils implorent en vain le secours des lois ; les malversations des corps administratifs, une municipalité contre-révolutionnaire, un tribunal du nombre de ceux qui, longtemps dans la capitale, ont fait trembler L s patriotes, une ville livrée à toutes les fureurs d’une soldatesque effrénée, dont les chefs n’ont cessé de conspirer contre la Révolution, des citoyens forcés de déserter leurs foyers pour échapper à l’oppression, tels sont, ajoutent-ils, les faits que nous dénonçons à votre justice. » Un membre de cette Assemblée a appuyé ce3 plaintes; il a réclamé les droits sacrés de la liberté individuelle qu’il croyait avoir été violée et il vous a demandé vengeance des chasseurs de Hainaut. G’est au nom du comité des rapports que je vais vous rendre compte de cette affaire. Par un décret du mois de juin 1790, vous avez accordé que toutes les compagnies bourgeoises, sous quelque dénomination qu’elles existassent, se réuniraient à la garde nationale. Vous avez accordé pour celte réunion un mois de délai, et vous avez permis à ces compagnies de suspendre leurs drapeaux dans la principale église du lieu. La garde nationale de Brie-Gomte-Robert s’opposa à ce qu’une compagnie, établie dans cette ville, sous le nom de compagnie du Bon-Dieu, parce qu’elle était destinée à accompagner les processions, suspendît son drapeau dans l’église. Les citoyens de cette compagnie furent même obligés de se sauver à Melun. Le directoire du département, en conformité d’un avis du comité des rapports, envoya 2 commissaires pour faire exécuter la loi. Ces commissaires partirent avec un détachement de la garde nationale de Melun. Ils entrèrent à Brie suivis de 7 hommes seulement pour porter le drapeau à l’église Ce ne fut qu'avec la plus gran le peine, et en courant le plus grand danger, qu’ils parvinrent à le susprendre à un endroit obscur de la voûte. Ils furent poursuivis et obligés de se retirer sur-le-champ à Melun. Vous décrétâtes que la force publique serait envoyée à Brie, et qu’il serait informé contre les auteurs de cette première sédition. Une procédure a été instruite en conséquence, et il en est résulté des décrets d’ajournement personnel contre 7 ou 8 particuliers. Telle est, Messieurs, la conduite du département dans ces premiers troubles. Le 20 du mois d’avril, une rixe survenue entre un chasseur et un citoyen, donna lieu à une scène dans la ville de Brie. On ignore quel a été l’agresseur, la procédure l’apprendra; mais on profita de cette circonstance pour faire sonner le tocsin, battre la générale sans avoir reçu aucun ordre. Le maire, qui en est instruit, donne des ordres pour faire cesser le tocsin, mais inutilement. Alors il se rend à l’hôtel de ville avec son écharpe, suivi des officiers municipaux. Il requiert les gardes nationales, les troupes de ligne qui étalent composées des chasseurs du Hainaut et d’un détachement du régiment de Flandre, de se rendre en armes devant l’hôtel de ville, pour y attendre une nouvelle réquisition. IL apprend la Cause du désordre ; il annonce aux 238 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1791.] citoyens qu’il est inutile de battre la générale; que si un chasseur insuite un citoyen, il doit être puni , et qu’on ne peut compter sur lui pour obtenir une éclatante justice. Les citoyens disent qu’ils ne demandent pas la punition du chasseur, mais qu’ils sollicitent le renvoi du détachement de Hainaut. Le maire résiste longtemps; les officiers municipaux ne veulent point céder à ces clameurs populaires; on environne l'hôtel de ville, on les couche en joue, on les menace, et ils ne durent peut-être leur sûreté qu’à quelques soldats de Flandre qui empêchaient que l’hôtel de ville ne fût forcé. Enfin, on se porte vers les chasseurs qui immobiles, sur place, ne répondirent rien aux injures ni aux menaces qu’on leur prodiguait, Le maire et Jes officiers municipaux craignant enfin que cette scène ne devînt funeste, cédèrent à la réquisition des citoyens, et donnèrent un ordre qui enjoignait au déiachement de Ilai-naut de partir sur-le-champ pour Melun. Ils obéirent aussitôt et se rendirent à Melun, où ils rendirent compte aux administrateurs de tous ces faits. Je dois ajouter que le détachement de Flandre s’était réuni aux gardes nationales et aux citoyens pour demander le renvoi du détachement du Hainaut. Cette circonstance est essentielle à vous proposer. Le directoire du département de S ine-et-Marne envoya des commissaires à Brie pour s’assurer de l’exactitude des faits; ils donnèrent des ordres, après en avoir communiqué avec le ministre, pour faire retirer le déiachement de Flandre qui y était, parce qu’une partie du détachement ayant désobéi à la loi, ayant manqué à la discipline et participé à une insurrection dans la ville, ils crurent qu’il était prudent de l’éloigner ; en même temps ils renvoyèrent le détachement de Hainaut, que la violence seule avait exclu, et ils l’augmentèrent jusqu’au nombre de 100 hommes ; ils chargèrent le procureur général syndic de dénoncer ces nouveaux troubles à l’accusateur public. La plainte fut rendue. Information prise, il en est résulté des décrets de prise de corps contre 7 ou 8 particuliers détenus. Vous devez penser, Messieurs, que d’après les détails que j’ai eu l’honneur de vous présenter, il n’était pas facile de mettre à exécution ces décrets de prise de corps contre les principaux auteurs des troubles, dans une ville où l’insurrection s’était si souvent manifestée. Le tribunal crut devoir prendre des précautions. Il requit les chasseurs du Hainaut de prêter main-forte à la justice; ils ont obéi. En conséquence, les individus ont été arrêtés chez eux, la nuit, et transférés à Melun. Ces prisonniers vous ont dit, Messieurs, qu’ils avaient été jetés dans des cachots, et que deux étaient déjà morts des mauvais traitements qu’ils avaient reçus. Ils ont ajouté que le département de Seine-et-Marne n’avait jamais pris aucune délibération pour assurer la salubrité des prisons. A cet égard, je dois assurer l’Assemblée que je suis muni de huit délibérations du département de Melun, dans lesquelles ils ont nommé des commissaires pour visiter les prisons. Ces commissaires ont pris des attestations des détenus, qui déclarent qu’ils n’ont qu’à se louer des soins et de la nourriture qui leur ont été donnés par le concierge, et n’ont à se plaindre que de la fraîcheur d> s lieux où ils sont renfermés. Tels sont, Messieurs, les faits qui résultent des pièces. Observez encore que ces personnes sont couchées sur des matelas, avec draps et couvertures. Vous êtes-vous sans doute étonnés, après la lecture que je viens de vous faire, de ne trouver aucune trace des attentats dont on vous a rendu plainte. Nous avons longtemps attendu les preuves, nous les avons cherchées, nous avons vu au contraire que les chasseurs du Hainaut n’avaient fait qu’obéir à des réquisitions, j’ose dire très justes; qu’insultés, menacés par des citoyens sans doute égarés, ces chasseurs n’ont pas repoussé les menaces. D’après ces considérations, votre comité a pensé que le patriotisme de notre collègue avait été égaré, en épousant la querelle des citoyens de Brie avec plus de chaleur que d’examen. Nous avons cru cependant, Messieurs, que nous ne devions pas vous présenter un projet de décret sévère contre ces citoyens qui vous ont fait des dénonciations dénuées de vérité ; mais comme cette dénonciation a été solennelle, et qu’elle a entravé la marche du département de Seine-et-Marne, nous avons pensé que vous lui deviez une sorte de réparation suffisante. En conséquence, nous vous proposons d’approuver la conduite du directoire du département de Seine-et-Marne, ainsi que celle du détachement des chasseurs, et de déclarer, au surplus, qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la dénonciation présentée. M. Président. M. Robespierre a la parole. (Murmures.) M. Robespierre. Je ne crois point faire une démarche qui puisse déplaire à l’Assemblée en venant proposer des observations contre le rapport du comité. Messieurs, un grand nombre de citoyens de la ville de Brie-Gomte-Robert, au nombre desquels je voyais le procureur de la commune et un officier municipal m’ont présenté un mémoire portant dénonciation d’une multitude de vexations faites, si elles étaient vraies, pour exciter l’indignation de tous les honnêtes gens. Ils m’ont prié de faire parvenir leurs plaintes à l’Assemblée nationale et d’accélérer la décision de cette affaire ; je l’ai fait. Lorsque j’ai présenté, de leur part, cette dénonciation à l’Assemblée, je me suis borné à en demander le renvoi au comité des rapports. Là a fini ma mission, et j’ose attester la bonne foi de tous ceux qui m’entendent, je n’ai fait que ce qui convenait au devoir d’un représentant de la nation. Je ne répondrai pas aux inculpations qu’on a faites à cette occasion contre mon caractère et mes principes. J’attends ma justification du temps et de la probité de l’Assemblée nationale. J’en viens à l’examen du rapport du comité. Le comité a d’abord pensé que l’Assemblée nationale devait faire plus que de prononcer sa propre opinion sur le fond de l’affaire ; qu’elle devait aller jusqu’à approuver formellement la conduite du directoire de Melun et des chasseurs de Hainaut; je présente une observation qui prouve, sans réplique, qu’il est impossible d’adopter ce système. Il suffit pour cela de se rappeler que la cause est pendante à un tribunal ; j’en conclus qu’il est impossible que l’Assemblée nationale préjuge elle-même, dès ce moment, le fond de cette affaire, en approuvant la conduite de l’une des parties. Un membre : Ce n’est pas là la question. M. Robespierre. On fait une objection à la*