480 [Assemblée nationale. [ ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [4 octobre 1790*} communiquer ce qui m’est mandé. L’Assemblée nationale pèsera dans sa sagesse s’il ne convient pas d’en faire prévenir les municipalités et autres corps administratifs, ou de rendre elle-même un décret pour s’opposer, autant qu’il est possible, à la contagion de l’effervescence et du trouble qu’on veut éloigner de Brest, et qui se répandra peut-être subitement, par ces moyens bizarres, dans beaucoup de parties du royaume. » M. Dupont (de Nemours). Il est clair que l’As-semble générale de Saint-Domingue se constitue en Assemblée nationale et usurpe tous les pouvoirs. M. d’AurilIac. Les faits qu’on nous dénonce doivent être promptement réprimés. Je demande le renvoi au comité colonial de tout ce qui est relatif aux colonies et au comité de marine de tout ce qui concerne la marine. M. l’abbé Gouttes. Il ne suffit pas de réprimer les actes délictueux, il faut les prévenir toutes les fois que cela est possible. Je propose de charger M. le Président d’écrire à la municipalité de Brest alin qu’elle prenne les mesures nécessaires pour empêcher toute distribution de médailles. (Ce s propositions sont adoptées.) Un de MM. les secrétaires annonce qu’il a été déposé ce matin sur le bureau une pétition des mariniers, qui demandent la suppression de certains droits exigés au passage de certains ponts et pertuis de la Seine. Cette pétition est renvoyée au comité féodal. M. l’abbé Jallet, député du département des Deux-Sèvres, demande un congé de sept semaines, pour raison de santé. M. de Choiseul-d’Ailleeourt, député de la Haute-Marne, sollicite la permission de s’absenter pour un mois. M. l’abbé Flachat, député du département de Rhône-et-Loire, demande un congé de six semaines pour motif de santé. Ces congés sont accordés. M. le Président. Le comité de Constitution demande à faire un rapport sur des pétitions du district de Pau relatives à la fixation du chef-lieu du département des Basses-Pyrénées. M. Gassin, rapporteur . Des discussions se sont élevées entre les villes de Pau et celle de Navar-reins, département des Basses-Pyrénées, pour la fixation du siège d’administration. La petite ville de Navarreins est peuplée tout au plus de mille habitants; elle a pour tous établissements publics un château fort, un arsenal et un hospice de capucins; l’on n’y trouve ni poste, ni messageries, ni imprimerie. La ville de Pau, au contraire, est peuplée de quinze ou dix-huit mille âmes; elle a plusieurs édifices et établissements publics. Malgré tous ces avantages qui semblaient devoir fixer à Pau l’administration, Navarreins a sollicité la préférence, et elle lui a été accordée. Cette décision contrarie ouvertement les principes. Je les ai tant de fois invoqués sur cette matière, qu’il est inutile de les rappeler ; ce n’est pas dans des lieux comme Navarreins qu’il faut reléguer, ou plutôt exiler une assemblée administrative; on ne peut point, sans de grands inconvénients, l’isoler des regards des hommes, regards nécessaires à des dépositaires de fonctions publiques, ou pour soutenir leur émulation, ou pour surveiller leur zèle dans une carrière aussi délicate. Eloigner les administrateurs des grands théâtres, c’est les exposer au découragement et aux abus d’autori té ; il n’y a pas d’opinion publique dans les petites villes, ou s’il en existe, elle est petite comme son centre; elle restreint l’intelligence et les lumières; elle anéantit le patriotisme et le courage. On ne peut point, sans violer nos principes, la raison, ne pas fixer le siège de l’administration à Pau, dans le lieu de la naissance de Henri IV, qui sera encore le domaine de Louis XVI; la nation et le roi l’ont ainsi voulu : et c’est ainsi que l’amour du peuple réunit les bons rois, malgré l’intervalle et des temps et des lieux ; le libérateur de la nation française est présenta Pau par l’affection des habitants, comme Henri IV l’est à tous les Français par le souvenir. Voici le projet de décret que le comité de Constitution vous propose : « L’Assemblée nationale décrète : 1° que la ville de Pau est le chef-lieu de l’admioistration du département des Basses-Pyrénées ; 2° que les administrateurs élus seront tenus de s’y rendre aux termes et délais prescrits par la loi ; 3° fait défense aux électeurs de donner aucune suite aux arrêtés par eux pris, et leur enjoint de se conformer au décret sanctionné par le roi. » M. Pémartln. Le projet de décret qui vous est proposé est trop sévère pour être juste. L’Assemblée nationale doit tenir compte de l’importance de la ville de Pau, mais elle doit aussi prendre en sérieuse considération le vœu manifesté par les électeurs du département qui sont les premiers intéressés dans la question. Je proposé l’alternat entre Navarreins et Pau. (On crie : Aux voix ! aux voix !') M. d’Arraing. L’Assemblée paraît impatiente et semble déterminée à adopter le projet du comité malgré les réclamations des députés qui veulent parler contre. Je me borne donc à demander que le provisoire accordé à Navarreins par le décret du 17 février soit prorogé jusqu’à la prochaine assemblée des électeurs du département qui doit avoir lieu pour la nomination des députés au Corps législatif; laquelle assemblée sera tenue d’émettre de nouveau son vœu pour le choix du chef-lieu du département des Basses-Pyrénées. (Les deux amendements sont rejetés par la question préalable.) M. Gaultier de Biàuzat. Je vote pour que l’on improuve l’arrêté pris par les électeurs pour régler le nombre des administrateurs à prendre dans chaque district et pour que néanmoins les nominations déjà faites soient maintenues. (On demande de nouveau à aller aux voix.) Le projet de décret est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète : « 1° Que la ville de Pau est le siège de l’administration du département des Basses-Pyrénées; 2° Que les administrateurs élus par l’assemblée électorale seront tenus de s’y réunir à l’époque fixée par la loi ; elle lui fait défenses, et à toutes personnes, de donner ultérieurement aucune suite aux arrêtés par elle pris relativement à l’indem- [4 octobre 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. nité des électeurs; lui ordonne, ainsi qu’aux dits électeurs, de se conformer aux décrets sanctionnés par le roi, notamment à la disposition de l’article 4 du décret du 22 décembre dernier, sur l’organisation des assemblées administratives. » M. le Président. V ordre du jour est la suite de la discussion sur le remplacement de la gabelle. L: Assemblée a adopté hier l’article premier. Elle va avoir à se prononcer sur les bases de la répartition de l’indemnité. La base du comité était la population. M. Gaultier de Diauzat.Vos décrets du mois de mars dernier vous indiquaient deux mesures : 1° La répartition de l'impôt en remplacement de la gabelle, faite entre les départements au marc là livre de leurs impositions, tant directes qu’indirectes; 2° La division de ce même impôt entre les districts et les municipalités, aussi au marc la livre de leurs impositions, eu égard à la portion de la consommation. Au milieu de cela, M, Dupont vous propose, au nom du comité des finances, une répartition dont la population serait la base ; cette population devant, d’après son projet de décret, indiquer en chaque département la somme de contribution à laquelle il serait soumis. C’est ainsi que votre comité, ou quelques économistes qui parlent en son nom, voudraient vous faire écarter de vos principes. Je demande que la discussion soit interrompue sur le projet qui vous est soumis par M. Dupont, et que le co mité des finances soit chargé de proposer dans trois jours un décret pour l’imposition de remplacement de la gabelle et autres impôts indirects supprimés par les décrets des 14, 15, 18, 20, 21 et 22 mars dernier, en conservant la proportion de la consommation, arrêtée par les décrets, et qu’à cet effet les états de consommation soient imprimés et distribués avant le projet de décret, avant la discussion. M. Prévôt présente les articles suivants : 1° que la répartition de ce que chacune des anciennes provinces sujettes au droit de gabelles doit supporter dans les 40 millions , sera faite au marc la livre de ce que chacune d’elles payait, relativement à sa consommation et au prix du sel; 2° que les directoires de chacune desdites provinces feront une masse du montant des impositions directes, réelles et personnelles, et des impositions sur les consommations perçues à l’entrée des villes, et répartiront la somme de leur cotisation au marc la livre sur cette masse; 3° que la portion de ladite somme, supportée sur les impositions directes, sera ajoutée par un simple émargement sur les rôles en la présente année; 4° quant à la portion supportée par les consommations, elle sera divisée entre toutes les villes, dans la proportion de ce que chacune d’elles consommait de sel, et du prix qu’il s’y vendait; et les municipalités desdites villes proposeront le mode qu’elles jugeront le plus convenable pour l’acquit de celte portion, conformément à ce qui est réglé par le décret du 22 mars dernier, sanctionné lé 5 avril suivant. M. Cliasset. Je me charge de prouver que si la consommation était prise pour base la province ‘de Beaujolais payerait, pour le remplacement de la gabelle, autant que pour sa taille, sa capitation et autres impôts subsidiaires, et cela 431 parce que les habitants des provinces voisines ont toujours été dans l’usage de venir s’y approvisionner, le minot de sel n’y ayant jamais valu moins de 45 livres, au lieu qu’il coûtait ailleurs 55 et 57 livres. M. Chantairc. C’est au nom de la Lorraine et des Trois-Evêchés que je parle. La consommation et la population seraient pour ces provinces des bases également injustes; car l’Alsace et la Suisse s’y fournissaient de sel et on ne peut leur faire payer en raison du commerce qu’elles faisaient de cette denrée. M. Bouttcvillc-Dniuctz. Je demande l’ajournement et le renvoi au comité pour un nouvel examen. M. Régnant! (de Salnt-Iean-dÀngêly). J’appuie l’ajournement et je demande que les membres de l’Assemblée qui ont présenté des projets et des vues opposés au comité, aient à se concerter avec lui afin que nous ayons une décision unique. (L’ajournement à vendredi prochain est mis aux voix et prononcé.) La discussion est ouverte sur le titre III de la suite des règlements proposés par le comité ecclésiastique, sur les ordres religieux et les ehanoi-nesses séculières (l). M. Treilhard, rapporteur, donne lecture de l’art. 1er. « Art. 1er. Toutes chanoinesses dont les revenus n’excèdent pas la somme de 600 livres n’éprouveront aucune réduction; celles dont les revenus excèdent ladite somme auront : 1° 600 livres; 2° la moitié du surplus, pourvu que le tout n’excède pas la somme de 1,200 livres. » M. de Dortan. Je propose d’ajouter à l’énoncé du titre 11 l:et des chanoinesses régulières qui vivaient séparément. (Cet amendement, consenti par le rapporteur, est adopté.) M. du Châtelet Le minimum de 600 livres est dérisoire; je propose de le fixer à 700 livres. Cet amendement me parait tellement juste que je me dispenserai d’entrer dans aucune explication, confiant dans la justice de l’Assemblée. (L’amendement est mis aux voix et adopté.) M. Prugnoii. Je propose de fixer le maximum des chanoinesses à 1,500 livres; plusieurs considérations militent en faveur de cet amendement. On ne peut ranger dans la même classe le traitement des chanoinesses et des religieuses ; le traitement des religieuses est, pour ainsi dire, un impôt mis sur la nation parce qu’elles sont pauvres, tandis que jusqu’ici les chanoinesses étaient riches. Songez qu’elles sont toutes victimes du régime féodal qui extiéiédait les tilles nobles et qu’elles ne trouveront plus de ressources fians leurs familles à cause de l’extinction du régime féodal. Consultez donc ici, comme vous l’avez fait partout ailleurs, les habitudes, les besoins. Si vous êtes les représentants de la nation, vous êtes aussi les représentants de sa dignité, de sa justice. (1) Voyez le projet de décret proposé par M.Treilhard, dans la séance du 8 septembre 1780, Archives parlementaires, t. XVIII (lre série), p. 650.