498 [Assemblée nationaie.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i«r avril 1791. des voisins du domicile de ses père et mère, qui diront qu’ils étaient regardés dans le quartier comme mari et femme; et avec cette possession de 6 mois, qui n’a pu être plus longue, attendu la mort du père, il couvrira le défaut de sa naissance du voile sacré du mariage. La dernière partie de l’article ouvre encore une porte à une foule de contestations. Mais, Messieurs, entendez-vous bien cet article? Pour moi, je ne l’entends pas. M. Lie Chapelier, rapporteur. Je le crois, car je suis persuadé que, si on l’entendait, il ne souffrirait pas la moindre difficulté. M. Martineau. 11 y a une autre question à examiner : l’enfant pourra prouver qu’il est fils de telle; mais il ne pourra peut-être pas prouver qu’il est fils de tel. (Rires.) Messieurs, c’est renverser toutes les bases sociales. Je soutiens que vous ne pouvez décréter cet article. J’en demande le renvoi à la nouvelle législature. M. Prieur. Je prétends au contraire que l’article doit être adopté et qu’il n’est qu’une conséquence des principes d’égalité établis pour tous les citoyens. Je soutiens que l’article est constitutionnel, parce que toute loi, tendant à établir l’état des citoyens, à leur rendre les droits qu’ils tiennent de la nature, ne peut être regardée que comme constitutionnelle. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (L’Assemblée décrète l’ajournement de l’article 15 à la prochaine législature.) M. Tronchet, président , reprend le fauteuil qu’il avait été obligé de quitter pendant quelques instants et où il avait été remplacé par M. Ra-baud-Saint-Etienne, ex-président. M. Le Chapelier, rapporteur. Je soumets maintenant à votre discussion l’article 16, parce que, après avoir, par l’article 2, décrété l’égalité de tous les partages, il faut que vous décrétiez de quelle manière sera exécutée cette disposition générale. Voici l’article : •' Les dispositions ci-dessus auront leur effet dans toutes les successions qui s’ouvriront après la publication du présent décret, sans préjudice des institutions contractuelles, ou autres clauses qui ont été légitimement stipulées par contrat de mariage, lesquelles seront exécutées conformément aux anciennes lois. » M. Gonpil-Préfelu. Je propose de substituer à ces mots : ou autres clauses qui ont été légitimement stipulées par contrat ae mariage, ceux-ci : ou autres clauses équivalentes. M. Defermon. Dans les coutumes où les cadets étaient partagés par viager, c’est-à-dire où l’aîné avait droit, tant qu’il vivait, de réduire le partage provisoire qu’il faisait à ses puînés à un simple viager, je demande si les partages qui ont été faits ainsi seront définitifs ou s’ils seront encore assujettis à la disposition qui était ci-devant attribuée à l’aîné, ou si les dispositions que vient de décréter l’Assemblée, qui assurent à tous les héritiers leur part héréditaire, sans égard d’aînesse ou de masculinité, ne doivent pas exclure un aîné aujourd’hui à faire le partage en viager. L’article ne dit rien de cela. Si I on ne veut pas décider maintenant, je demande que l’article soit renvoyé au comité pour nous en présenter une nouvelle rédaction. M. Martineau. Je m’oppose à cet amendement. La loi que vous faites aujourd’hui ne peut pas avoir un effet rétroactif. Ces aînés-là, Messieurs, ont été investis, à l’instant de l’ouverture de la succession, du droit de rendre le partage viager tant qu’ils vivraient. Prétendre aujourd’hui rendre ce partage-là définitif, c’est leur enlever la faculté de faire leur déclaration, c’est les dépouiller d’un droit qui leur est acquis par la loi. Ce droit, je le répète, est une propriété; ainsi je demande que l’on rejette l’amendement du préopinant. M. Andrieu. Si l’Assemblée nationale n’entend pas donner à cet article un effet rétroactif, je demande qu’après les mots, en contrats de mariage , on ajoute : ou autres actes autorisés par les lois. M. Moreau. J’appuie l’amendement de M. Andrieu. M. Ramel-Hogaret. L’article 16 contient une règle générale et une exception. La règle générale c’est que la disposition s’exécutera, à compter du jour de la publication de la loi ; et l’exception est faite en faveur des institutions contractuelles et des clauses stipulées par contrats de mariage. Je m’arrête à ces mots-ci : légitimement stipulées par contrats de mariage. Il était des clauses, et notamment dans le pays de droit écrit, qui étaient suppléées de droit dans les contrats de mariage et qui étaient tout aussi stables que celles qui y étaient expressément stipulées; j’entends parler du droit de retour. Une mère mariait sa fille et lui donnait une constitution dotale. La fille avait des enfants, venait à mourir avant ses enfants; les enfants venaient aussi à mourir, mais laissaient leur père vivant. Eh bien, en exécution du retour légal, c’était le grand-père de ces enfants qui revenait sur la constitution. Je demande par amendement qu’on ajoute après ces mots : ou autres clauses qui ont été légitiment stipulées par contrats de mariage , ceux-ci : ou qui y sont suppléées de droit. M. Mougins de Roquefort. Je demande qu’on rédige comme suit cette disposition : qui sont légitimement suppléées par contrat ou par article de mariage. Je ne crois pas qu’il soit dans l’intention de l’Assemblée d’anéantir cette forme. M. Malès. Je demande qu’on ajoute ces mots : ou autres actes faits en contemplation de mariage. M. Loys. Je demande qu’on ajoute : ou ceux qui seront célébrés sous un délai déterminé. M. Le Chapelier, rapporteur. Je réponds au premier amendement proposé par M. Defermon. Je crois qu’il n’est pas admissible, parce qu’il ne doit y avoir rien de plus sacré que les droits échus. Or, quand une succession est échue, elle est gouvernée par la loi qui régissait alors cette portion de l’empire dans laquelle elle était échue. On ne peut rien changer à cette disposition, et l’amendement n’esl pas admissible non plus que [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l“ avril 1791.] 499 les autres. Je demande sur tous la question préalable; j'en excepte celui de M. Ramel-Nogaret que je n’admets point encore, mais sur lequel je ferai une observation. Il a demandé si on entendait comprendre dans les articles le droit de retour légal ou non. J’observe que dans un article qui n’est pas décrété, nous vous proposons d’anéantir le droit de retour légal. Sera-t-il anéanti, ne le sera-t-il pas? C’est une question tout entière, puisque l’article dans lequel est la disposition concernant ce droit n’est pas décrété. Mais si vous voulez, pour rassurer tout le monde, on fera mention dans le procès-verbal que, l’amendement ayant été proposé, le rapporteur a répondu que, l’article auquel il pouvait s’appliquer n’étant pas décrété, l’amendement n’avait pas été mis aux voix. Quant aux autres amendements, je les éloigne par un seul mot : c’est que quand nous établissons une loi pour revenir à cette maxime de droit naturel, et dont il est étonnant que le droit politique se soit écarté, je veux dire que tous les partages entre cohéritiers doivent être égaux; quand, dis-je, nous établissons cette règle qui aurait toujours dû exister; quand nous sommes obligés d’y mettre des exceptions, il ne faut pas étendre ces exceptions-là au delà de ce que la nécessité la plus impérieuse nous commande. Or, en mettant pour exception les institutions contractuelles, nous faisons tout ce que nous devons faire. Encore nous n’adopterions pas cette exception s’il ne s’agissait que des droits des cohéritiers entre eux ; mais nous avons été déterminés, parce qu’il s’agit des droits de toute une famille qui, par le contrat de mariage, a acquis un véritable titre à la portion de biens qui, en venu de la loi alors existante, était dévolue a la personne à laquelle une autre personne s’est attachée. C’est par ce principe que vous avez décrété, le 15. mars 1790, l’exception qui n’est que répétée dans ce tarticle. Maintenant, pour en faire une disposition générale, il faut bien que vous répétiez l’exception que vous avez déjà consacrée, mais il ne faut pas que vous l’étendiez. Je demande donc la question préalable sur tous les amendements, qu’il soit consigné dans le procès-verbal que les dispositions relatives au retour légal sont réservées, et que l’on mette aux voix l’article tel qu’il est rédigé. M. Darnaudat. Je soutiens fortement qu’il est absolument indispensable d’ajouter après les mots : contrat de mariage , ceux-ci : et articles de mariage, puisque dans quelques départements, et notamment dans la ei-devant province de Béarn, ces articles avaient la même valeur que les contrats. Il serait révoltant qu'une partie de la France pût être désolée par les suites d’une mauvaise interprétation d’une loi qui devrait être également claire, également juste pour tous. Je demande, au cas où l’addition que je propose ne serait pas accueillie, ou que la discussion continue pour que je puisse en démontrer la nécessité, ou le renvoi au comité, pour en faire une rédaction plus exacte, et qui ne laisse point de doute sur une matière aussi importante. M. Martineau. Il y a le plus grand danger à mettre articles de mariage , parce qu'on prétendrait en induire que vous avez entendu consacrer des articles de mariage sous signature privée, dans le pays même où on ne les connaît pas. Ainsi je demande donc que l’on rejette tous les amendements et que l’on mette purement et simplement ; et autres clauses stipulées en vue de mariage. M. Bonche. M. Martineau a voulu repousser tous les amendements par deux mots. Je vais rejeter le sien par un mot. Vous fûtes tellement frappés, Messieurs, de ce que l’on vous dit au sujet des articles de mariage, lors de votre décret sur l’enregistrement, que vous en fîtes une clause particulière. Je ne vois pas aujourd’hui pourquoi vous voudriez exclure les articles de mariage, si usités dans toutes les provinces du midi, et mettre ainsi en désordre la plupart des habitants de ces provinces, qui se tromperaient au change du mot contrat lorsqu’ils u’v verraient pas le mot articles . Le mot articles ne change rien dans le projet de décret. M. lie Chapelier, rapporteur. Il me paraît que dans les pays du Midi, au lieu de faire des actes de mariage par-devant notaire, on faisait des actes de mariage signés des deux familles, qui avaient la valeur des contrats de mariage dans les autres pays. Quoique l’article, tel qu’il est rédigé, ne nuise en rien à ces sortes de contrats de mariage, on pourrait, pour accorder tou l le monde, rédigerainsi l’article : Art. 16. « Les dispositions ci-dessus auront leur effet dans toutes les successions qui s’ouvriront après la publication du présent décret, sans préjudice des institutions contractuelles, ou autres clauses qui ont été légitimement stipulées par contrat de mariage, et aux articles de mariage, dans les pays où ils avaient force de contrats desquels seront exécutés conformément aux anciennes lois. » Je demande la question préalable sur tous les aulres amendements. (L’Assemblée adopte la motion de M. Le Chapelier et décrète la nouvelle rédaction de l’article 16.) M. Le Chapelier, rapporteur , donne lecture de l’article 17 ainsi conçu : « Seront pareillement exécutées dans les successions qui s’ouvriront après l’époque ci-dessus, mais relativement aux biens ci-devant féodaux, et autres qui étaient sujets au partage noble seulement, les exceptions contenues dans la seconde partie de l’article 11 du titre premier du décret du 15 mars 1790, en faveur des personnes mariées ou veuves avec enfants. M. Vieillard. Vous voyez que les dispositions de l’article sont limitatives; vous voyez qu’on veut que les mesures qui ont été employées par le décret du 15 mars 1790 continuent d’avoir lieu pour les biens nobles seulement : de là suit que, relativement aux autres biens, ces réserves ne doivent pas être admises. Dans différentes coutumes du royaume et dans celle de la ci-devant province de Normandie, la manière de partager n’était point avantageuse aux filles; vous avez, par un décret sage, admis Légalité des partages. Mais il faut absolument con - sidérer l’état actuel de ces personnes; vous l’avez fait relativement aux biens nobles, pourquoi ne le feriez-vous pas relativement aux biens roturiers? Voici encore en quoi votre loi se trouverait vicieuse ; un exemple vous le fera sentir.