546 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [12 octobre 1790.] de district, et les autres laissés à la� disposition dés officiers des amirautés et des maîtrises. » M. Andri«*u observe que l'Assemblée nationale a décrété un sursis indéfini à l’exécution des jugements prëvôtaux, et qu’il conviendrait qu’on s’occupât enfin de statuer sur un objet aussi important. (L’Assemblée nationale l'envoie la motion au comité de Constitution, et ordonne que le rapport, du comité sera imprimé et distribué avant la discussion.) M. lé President. L’or d ré du jour est la suite du rapport du comité colonial sur tes tfôùbles de Saint-Domingue. M. Barnave, rapporteur (1). Messieurs, votre comité des colonies m’â chargé de mettre sous vos yeux la situation des âfféireê de Saint-Domingue, et dé vous bropbser les membres que lui a paru exiger l’état attuel de cette colonie. Le§ événements qui s’y sont succédé sans interruption, et dont les nouvelles nous sont parvenues presque au même instant, ne nous ont pas périfiiS, Messieurs, de vous en occuper plus tôt. A peine eümes-noüs reçu l’envoi officiel de quelques décrets de l’Assemblée, qu’une lettre de l’assemblée générale provinciale du nord nous Supplia de suspendre ü’eH délibérer jusqu’à la prochaine réception d’üne adresse dont elle nous annonçait l’envoi. Cette adresse est arrivée en effet, à été lue et renvoyée au comité des colonies, le 19 dü mois dernier. Presque au même instant nous avons appris que rassemblée générale était parvenue à se faire confirmer par une faible majorité. Dès lors les événements së sont pressés, et chaque jour nous en a annoncé de nouveaux. Enfin la conduite de rassemblée générale nous avait paru telle après sa confirmation, que nous nous étions déterminés à voüs proposer de la dissoudre, de casser ses arrêtés, d’envoyer des forces dans la colonie, et nous rédigions les motifs de cette résolution, lorsque l’arrivée du Léopard a présenté une nouvelle situation des choses. Dés députés dü Port-aü-Prince et de là GrOix-deS-Bouqüets ont suivi de prés l’arrivée des membres de rassemblée générale. Vous avez entendu les Uns et les autres. Il reste à votre comité à mettre sous vos yeux le tableau fidèle des faits tel qu’il résulte des pièces qui Sont dans ses mains. Les mesures et fes dispositions que voüs avez à décréter en ce moment;, en seront la conséquence naturelle. Lâ question des choses, Messieurs, nous a paru poüvoir se séparer de celle dés personnes; toutes les mesures nécessaires pour rétablir dans la colonie l’état légal et la tranquillité, toutes les marques d’approbation qui doivent rassurer et encourager ceux dont le zèle et le patriotisme Ont prévenu les maux dont elle était menacée, nous ont paru ne pouvoir se retarder. Ces dispositions doivent être dictées par une stricte justice. Aucun motif dé considération ne peut ni les atténuer ni les suspendre, et nous avons dans les mains plus de preuves qu’il ne faut pour prendre à cet égard Uü parti avec une pleine sécurité. (1) Le rapport de M. Barnave est incomplet au Moniteur. Lu en partie dans la séance du 11 octobre et terminé dans la suivante, nous l’insérons en entier dans celle du 12, par les motifs que nous avons donnés page 542. Mais sur les personnes accusées, U est bied moins pressant de prononcer; si leurs actes sont condamnés, il faut leur laisser encore le temps de justifier leurs intentions; l’Assemblée nationale désirera toujours n’y trouver que des erreurs, elle Voudra sans doute leur donner tous les moyens de l’en convaincre. C’est donc uniquement sur. ies aptes, Messieurs, que j’arrêterai votre attention. Je les laisserai parler eux-mêmes, autant qu’il sera possible; vous m’accorderez volontiers quelques moments de plus pour acquérir de cette affaire une connaissance plus intime. On a cherché à répandre tant d’erreurs qu’il est plus nécessaire que jamais de mettre la vérité dans le plus grand jour. Mes réflexions ajouteraient peu à la clarté de lâ narration ; je les abrégerai pour laisser s’exprimer par leurs écrits ceux qui sont respectivement en cause. Les premiers mouvements de Saint-Domingue vous sont connus : ils furent dus à l’impression qu’excita dans les colonies la nouvelle de lâ convocation des Etats généraux en France. Àii moment où la nation se mit en mouvement pour conquérir sa liberté, un sentiment commun parût animer ies Français dans toutes les parties dü monde. Saint-Domingue le ressentit. Les oppressions que ses habitants avaient éprouvées leur devinrent insupportables : iis formèrent entre eui des assemblées pour présenter en commun leurs doléances; un comité fut institué dahs chacune des trois provinces; des électeurs nommés dans chaque paroisse élurent les députés que voüs avez admis à voter parmi ies représentants de là nation. Pendant cette première époque, les provinces de l’Ouest et du Sud demeurèrent paisibles. La province du Nord fut seule agitée, soit que le mouvement y fut imprimé par quelques causes secrètes, soit que tous les principes fussent naturels et qu’ils fussent uniquement puisés dans les alarmes qui s’étaient répandues, relativement aüx principes de la déclaration des droits, et dans le sentiment des abus irrité par la résistance que le ministre du département fut accusé d’opposer à toutes les demandes des colons. L’assemblée provinciale du Nord se permit, dès lors, plusieurs actes de puissance; elle ordonna notamment et elle effectua, le 1er janvier, le rétablissement du conseil supérieur du Gap, supprimé par un édit de 1787. Cependant on voulut former une assemblée unique et propre à représenter toute la colonie. Un plan de convocation, envoyé d’ici par le ministre de la marine, fut rejeté par les trois provinces. Leurs trois comités en concertèrent un autre, suivant lequel l’assemblée coloniale de Saint-Domingue a été formée par la députation des paroisses, et composée de 212 membres; elle s’est réunie à Saint-Marc et s’est constituée, le 14 avril, sous le titre d’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Cette assemblée formée, les trois assemblées provinciales ne subsistèrent pas moins; mais leur composition fut changée : plusieurs de leurs membres furent élus à l’assemblée générale, et quelques autres se retirèrent. L’assemblée de la province du Nord a seule conservé une activité constante. Le comité de l’Ouest, presque anéanti, lors de la formation de l’assemblée générale, fut ensuite ranimé pour soutenir ses opérations. Le comité du Sud ne lui était pas favorable ; il a été détruit par une association qui s.’est formée dans la ville des Gayes, où il était établi. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARI Il résulté des pièces remises au comité des colonies que, depuis le jour de la Constitution de rassemblée générale, jusqu’au 26 du même mois d’avril, où le décret du 8 mars lui fut connu, elle avait déjà rendu un grand nombre de décrets : qu’elle avait mandé a la barre divers officiers militaires et d’administration; qu’elle avait arrêté, en principe, que toutes les lettres et paquets adressés aux administrateurs de la colonie seraient ouverts par le président de l’assemblée, et qu’elle avait exécuté déjà plusieurs fois cette résolution générale; qu’elle tendait à s’assimiler en tout à l’Assemblée nationale, soit en rejetant les pouvoirs limités, soit en prononçant l’inviolabilité de ses membres, suit en formant des comités qui Supposaient les fonctions d’une assemblée souveraine, constituante et législative. Le 26 avril, l’assemblée générale reçut, de l'assemblée provinciale du Nord, votre décret du 8 mars, arrivé dans la colonie, mais non encore officiellement» Elle décréta qu’il serait fait, dans le jour, une adresse de remercîments à l’Assemblée nationale, pour avoir bien voulu s’occuper des îles françaises de l’Amérique : cette résolution fut suspendue. Le décret du 8 mars fixait ses pouvoirs : mais elle ne s’occupa point d'en exécuter les dispositions ; elle ne changea rien à sa première marche et continua d’agir comme une assemblée législative et. souveraine. Le 30 avril, elle se déclara permanente. Le 5 mai, elle confirma le conseil rétabli précédemment au Gap par l’assemblée provinciale. Le 6, elle mit sduS ses ordres et appela auprès d’elle l’administrateur deè finances de la coloüie. Le 7, elle manda à la barfe le sieur Augé, major pour le roi, à Jacmel. Le 8, elle défendit les concessions de terres des domaines par les administrateurs. Le 14, elle décréta différents articles de lois, sur les tribunaux et les procédures judiciaires. Le 20, elle rendit un fameux décret pour l’institution des municipalités ; elle leur attribue les fonctions des officiers militaires et diverses fonctions d’administration qui touchant aux intérêts de la métropole, sont gérés dans les colonies par des hommes qu’elle a proposés. Tous ces actes, intitulés du nom de décrets, n’étaieut soumis ni à votre ratification, ni à la sanction du roi, ni à l’approbatiou du gouverneur. Ils étaient simplement notifiés à celui-ci, et, suivant leur nature, envoyés aux agents de l’administration ou au pouvoir judiciaire, pour être mis à exécution. Enfin le 28 mai, elle rendit un décret sur les bases fondamentales de la constitution de la colonie, qui doit être considéré comme uùe des pièces les plus importantes de cette affaire» Avant de vous l’analyser, je dois, Messieurs, mettre sous vos yeux la situation où se trouvait alors là colonie de Saint-Domingue. Vous n’avez point oublié quel fut l’esprit qui vous anima, quand vous avez rendu les décrets des 8 et 28 mars. Les eolonies étaient alarmées sur l’application de quelques-unes de vos maximes. Le régime oppressif de l’ancien gouvernement leur était devenu insupportable, en voyant la liberté reconquise au sein de lâ mère-patrie. Enfin la rareté momentanée des subsistances avait réveillé ces plaintes habituelles sur les Ibis relatives à letir introduction. Vous voulûtes calmer leurs alarmes, vous voulûtes surtout faire jouir vos concitoyens des colonies des fruits de l’heureuse régénération qui IMENT AIRES. [12 octobre 1790.] 547 s’était opérée pour tous les Français. Les décrets des 8 et 28 mars et les instructions qui les accompagnaient furent le résultat de ces intentions. Vous les rassurâtes pleinement sur les craintes qui s’étaient élevées relativement à leurs intérêts les plus précieux. Vous annonçâtes l’intention d’examiner leurs pétitions sur le régime prohibitif, lorsqu’elles auraient été adressées par les assemblées coloniales. Vous chargeâtes ces mêmes assemblées d’énoncer leur vœu sur la Constitution, l’administration, la législation qui pouvaient convenir aux colonies; et l’expression du vœu ne fut limité que par des principes inaltérables, sans lesquels il n’existe plus d’unité nationale, et sans lesquels aussi les colonies cessant de concourir à la prospérité de la métropole, ne seront plus pour elle qu’uu poids inutile et ruineux. ludépendamment des différences qui devaient exister dans leurs lois particulières, vous sentîtes que leur position exigeait que leurs rapports cons-tituiionneis avec le Corps national fussent plus favorables à quelques égards, que ceux des autres provinces françaises, et vous annonçâtes, par vos instructions, la volonté de statuer, en décrétant la Constitution des colonies, que les lois sur leur régime intérieur seraient préparées par leurs assemblées; que l’Assemblée nationale les décréterait sur leurs demandes; qu’elles pourraient être exécutées provisoirement avec iasauctiondu représentant du roi. Enfin, vous autorisâtes les assemblées coloniales à mettre immédiatement en exécution vos décrets sur les municipalités et les assemblées administratives, à ia charge d’obteuir la sanction du gouverneur sur les modifications que la localité pourrait rendre nécessaires. Ces dispositions justes et bienfaisantes produisirent, dans les colonies, l’effet que vous aviez droit d’en attendre ; partout la confiance renaquit, la joie et la reconnaissance se manifestèrent, et nulle part, l’expression n’en fut ni plus prompte, ni plus uhiverseile, que dans ia colonie de Saint-Domingue. Les provinces du Nord et Sud s’exprimèrent par les délibérations de leurs comités. Plusieurs paroisses voulurent y joindre leurs remercîments particuliers; l’opinion universelle se proaonça avec une énergie qui se trouve consignée dans les registres mêmes de l’assemblée de Saint-Marc. Vous avez vu, Messieurs, que dès le 26 avril l’assemblée générale reçut la notification non officielle de votre décret du 8 mars, et qu’elle ne continua pas moins à exercer la plénitude des pouvoirs, sans égard à la limitation qüi lui était prescrite par ce décret. Une partie des habitants ne se contentèrent point. d’adhérer à vos décrets; ils s’étonnèrent que l’assemblée générale parût les méconnaître, ils firent tous leurs efforts pour la rappeler à leur exécution. Le gouverneur général n’avait cessé de manifester les intentions les plus conciliantes ; son caractère et sa conduite seront mieux connus par la lecture du discours qu’il avait prononcé daûs l’assemblée générale, le 26 avril, que par tout ce que je pourrais en dire. Voici ce discours : Discours prononcé par M. le gouverneur général dans l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue , le 28 avril 1790. « Messieurs, lorsque le roi m’a placé au gouvernement de Saint-Domingue, faveur insigne à la- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] 548 quelle j’étais bien loin de prétendre, je ne m’attendais pas au spectacle imposant dont vous me rendez témoin. « Appelé par vous, Messieurs, au milieu des représentants oe la plus riche et de la plus importante portion de l’Empire français, j’y apporte franchise, loyauté, amour pour le bien, désir ardent pour le bonheur et pour la prospérité de la colonie. « C’est ici le sanctuaire où je viens déposer l’engagement formel et sacré de coopérer avec vous, Messieurs, au grand oeuvre qui doit ramener l’ordre en protégeant efficacement les citoyens et leurs propriétés ; c’est ici et devant vous, Messieurs, que je profère avec ferveur mon serment de fidélité à la nation française, dont la colonie est partie intégrante, au roi bienfaisant qui nous protège, à qui nous devons le tribut de notre respect, de notre amour et de notre reconnaissance, à la loi sous laquelle je fléchis le premier, et dont je maintiendrai les décrets. « La régénération de la monarchie doit s’étendre sur toutes les parties qui la constituent, et pour que les colonies participent à tous les avantages réservés aux provinces plus approchées de la métropole, l’Assemblée nationale, en les autorisant à faire connaître leur vœu sur la Constitution, la législation et l’administration qui leur conviennent, leur annonce une instruction qui renfermera les bases générales auxquelles les assemblées coloniales devront se conformer dans les plans présentés par elles, pour être ensuite examinés et décrétés par l’Assemblée nationale, et présentés à l’acceptation et à la sanction du roi. « Telles sont, Messieurs, les dispositions du décret de l’Assemblée nationale relatif aux colonies, déjà connu dans celle-ci, et qui ne peut tarder à y être directement adressé par le pouvoir exécutif ; en même temps qu’il vous impose la tâche pénible, mais glorieuse, qui va faire dépendre de vos lumières et de votre prudence les succès de la colonie et le bonheur de ses .habitants, ce décret me prescrit mes devoirs. « Unissons donc nos vœux et nos efforts dans l’exercice des pouvoirs respectifs qui nous sont confiés; occupons-nous, de concert et sans relâche, au bien général ; pénétrés d’un zèle vraiment patriotique, écartons de nos délibérations toutes prétentions personnelles, toutes vues par-culières d’intérêt; remplissons-les enfin avec courage ces devoirs si chers aux bons citoyens, et consacrés par nos engagements et par notre serment de fidélité à la nation, au roi et à la loi. » Ce même gouverneur crut, le 13 mai suivant, devoir ramener l'assemblée générale à ses devoirs, et lui adressa la lettre suivante : Copie de la lettre écrite par M. DE Peynier à MM. de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue , en date du 13 mai 1790. « Messieurs, je suis instruit que l’autorité que l’assemblée générale exerce envers les citoyens de différentes classes, alarme une grande partie de la colonie, et cause une telle fermentation dans les esprits, qu’il pourrait en résulter de très grands malheurs ; je me hâte de vous en avertir, afin que votre sagesse vous fournisse les moyens de les prévenir. Le décret du 8 mars, de l’Assemblée nationale, concernant les colonies, vous indique, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le I faire observer précédemment, la marche que I vous devez tenir, et qui seule me paraît pouvoir mettre la partie française de Saint-Domingue à l’abri des maux qui la menacent. D’après ce même décret, qui ne vous attribue, Messieurs, ni le pouvoir législatif ni l’exécutif, je ne puis approuver que M. d’Augé, commandant pour le roi à Jacmei, se rende à la barre de l’Assemblée, comme le porte votre arrêté du 7 de ce mois. Que les accusateurs de cet officier se montrent et m’articulent leurs plaintes, si elles sont fondées, vous pouvez compter que je le punirai. Je vous observerai d’ailleurs, Messieurs, que jusqu’à ce qu’il y ait de nouvelles lois décrétées par la nation et sanctionnées par le roi, c’est au dépositaire seul du pouvoir exécutif, ou aux cours de justice, selon les délits, qu’il appartient de prononcer, d’après les lois connues, sur les fautes ou crimes des citoyens. Je manquerais à mes serments d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, si je permettais que la liberté ou les propriétés d’un citoyen quelconque fussent attaquées par des voies qui ne sont pas reconnues légales. « Ce que je viens de vous exposer, Messieurs, me dispense d’entrer dans la discussion du décret par lequel vous appelez à Saint-Marc M. l’intendant par intérim ; vous sentez que je ne puis pareillement adhérer à un arrêté qui détruirait, à l’instant, toute administration et comptabilité de la colonie. « J’ai l’honneur, etc. « Signé : le comte de Peynier. » Voici la réponse de l’assemblée : Copie de la lettre de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue , du 14 mai 1790, en réponse à celle de M. le comte de Peynier , du 12 du meme mois. « Monsieur le comte, l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, tranquille sur la foi des serments que vous avez déposés dans son sein, de concourir de tout votre pouvoir à l’exécution de ses décrets, n’avait pas lieu de s’attendre à la lettre que vous lui avez adressée hier. « Dépositaire de la confiance de tous les habitants de la partie française de cette île, dépositaire du pouvoir, qu’elle tient du peuple, de la nature et de la loi, de travailler aux moyens les plus efficaces de procurer au peuple de Saint-Domingue la plus grande somme de bonheur sous tous les rapports possibles, rassemblée ne s’attendait pas que l’on vous porterait, sous des prétextes vains, frivoles et dénués de légalité, à troubler ses opérations et à les attaquer jusque dans leur fondement. « Mais, Monsieur le comte, l’assemblée vous déclare qu’elle persiste dans tous ses décrets antérieurs, qu’elle s’occupe et s’occupera, avec autant de constance que de fermeté, de la perfection du grand œuvre qui entraînera la destruction de tous les genres de pouvoirs arbitraires ; qu’elle s’occupe et s’occupera de l’établissement de la loi constitutive, de la régénération de l’agriculture et de celle de l’heureuse liberté dont jouissent déjà les français d’Europe, nos frères; qu’elle vous rend personnellement responsable de tous les troubles, de tous les malheurs et de tous les fléaux qui pourraient résulter pour cette île et pour ses habitants de l’oubli de vos serments et de la protection que vous semblez vouloir donner aux ennemis du bien public. « L’assemblée vous déclare, en outre, qu’elle va o49 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790. J transmettre en Europe votre correspondance, la sieone et les divers décrets auxquels cette double correspondance a donné lieu. « Souvenez-vous que rien ne saurait suspendre le constant et ferme exercice des fonctions honorables dont elle est dépositaire ; elle espère encore que sa conduite vous rappellera à votre vrai caractère, et que vous ne la forcerez pas à trouver en elle-même les moyens de faire exécuter les décrets que lui dicteront la sagesse, la prudence et l’amour du boûheur public. « Nous avons l’honneur d’être, Monsieur le comte, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Les membres de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue , « Signé: Jouette, président; Vincindon-Du-tour, vice-président; Millet, de Bourcel, Brulley aîné, et E. Guérin, secrétaires. « P. S. L’assemblée ne doute pas que M. de Proisy ne se rende à Saint-Marc dans le délai qui lui a été prescrit. » L’assemblée provinciale prit, le 17 mai, l’arrêté suivant : Extrait des registres des délibérations de l'assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue. Séance du 17 mai 1790. L’assemblée provinciale du Nord, ayant pris de nouveau communication des dépêches de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, en date du 14 de ce mois, et de son décret législatif, du même jour, a agité la question de savoir si le pouvoir législatif suprême pouvait résider en d’autres mains qu’en celles de l’Assemblée nationale, et s’il n’était pas du devoir des représentants de la province, et conforme à leur serment, de témoigner leur vive réclamation sur l’erreur de l’assemblée générale, et de s’opposer, pour l’intérêt public, à la promulgation du décret législatif du 14 de ce mois, et de tous autres qui porteraient l’empreinte d’une souveraineté qui ne réside que dans la législature suprême de la nation réunie. L’assemblée, considérant que le sublime décret national, du 8 mars dernier, en portant le calme et la joie dans tous les cœurs des colons de cette dépendance, est devenu pour eux le principe absolu de leur conduite; que le retard de l’envoi officiel de cette pièce consolante ne peut laisser aucun doute sur sa réalité, puisque les députés de la colonie à l’Assemblée nationale en ont fait l’envoi à leurs commettants; Considérant que l’assemblée générale n’a pu s’investir de tous les droits de la souveraineté, sans rompre les liens qui unissent la colonie à la nation et au roi, et sans porter l’alarme dans le cœur de tous les colons de cette dépendance, puisqu’aucun contrepoids ne balancerait sa puissance; Considérant qu’une réunion absolue de tous les pouvoirs dans les mains de l’assemblée générale pourrait faire craindre, à la métropole alarmée sur notre sort, une indépendance aussi impossible que funeste, ou une scission aussi criminelle qu’impolitique; Qu’orgueilleuse de porter le nom français, la province du Nord n’oubliera jamais qu’à sa métropole seule elle doit l’heureuse régénération dont elle va recueillir les fruits, qu’elle lui doit sa prospérité et sa gloire; qu’elle ne peut oublier qu’elle a contracté envers la mère-patrie des engagements immenses, sacrés et inviolables, auxquels son honneur et sa loyauté lui seront toujours un devoir impérieux île satisfaire; Considérant que désormais la colonie n’a plus à redouter les entreprises téméraires et despotiques d’un ministre, dont la responsabilité réduit les fonctions à une simple surveillance; que dès lors le gouverneur général ne peut plus être regardé comme l’agent de ce ministre, mais comme le représentant immédiat du roi chéri auquel la nation française doit son bonheur; Considérant enfin, qu’aux termes du décret national du 8 mars dernier, l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue ne doit et ne peut s’occuper que de la modification des décrets de l’Assemblée nationale, applicables à la localité de la colonie, tant sur l’organisation des assemblées administratives, que sur la police intérieure; qu’elle ne peut eu obtenir l’exécution provisoire et la promulgation, sans avoir requis la sanction du gouverneur général; et qu’enfin , destinée à recueillir le vœu des colons sur la Constitution législative qui convient à cette colonie, elle doit en former le plan, d’après les principes posés par l’Assemblée nationale, qui en décrétera le résultat, et obtiendra la sanction du roi; Il a été unanimement arrêté : Que l’assemblée provinciale permanente du Nord, adoptant le décret de l’Assemblée nationale, du 8 mars dernier, pour la règle invariable de sa conduite, il sera fait une adresse à l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, par laquelle elle sera instamment priée d’adopter les mêmes principes; Qu’elle sera également prévenue que, vu l’indispensable nécessité de s’opposer à la promulgation d’un décret législatif, qui n’est pas émané de l’Assemblée nationale, son décret du 14 de ce mois ne sera point promulgué dans la province du Nord, et que désormais il n’en sera promulgué aucun qu’il n’ait été préalablement communiqué aux assemblées provinciales, revêtu de la sanction du gouverneur général, et terminé par ces mots : Sauf la décision définitive de l’Assemblée nationale et la sanction du roi. Arrêté, en outre, que copie du présent sera adressée aux paroisses et districts de la province; Que copie en sera aussi jointe à l’adresse à l’assemblée générale. Sera pareillement adressée la présente délibération à M. le gouverneur général, ainsi qu’aux comités provinciaux de l’Ouest et du Sud. Arrêté, au surplus, que le présent sera imprimé au nombre de huit cents, en format in-8°. Signé au registre : Brossier, président. Cougnacq-Mton; Levesque, secrétaires. Collationné : Paquot, secrétaire-rapporteur , garde des archives. Diverses paroisses, et notamment celles de la Groix-des-Bouquets, de l’Arcaye, du Petit-Goave, du Fond-des-Nègres, de l’Anse-à-Veau, prirent le 23 mai des délibérations où elles demandaient avec énergie l’exculion littérale et fidèle des décrets de l’Assemblée nationale. Telle était la situation de la colonie, lorsque l’assemblée générale crut devoir rendre son décret du 28 mai. Je dois, Messieurs, vous en faire la lecture. 550 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.! Extrait des registres de rassemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Séance du 28 mai 1790. L’assemblée générale, considérant que les droits de la partie française de Saint-Domingue, pour avoir été longtemps méconnus et oubliés, n’en sont pas moins demeurés dans toute leur intégrité ; Considérant que l’époque d’une régénération générale dans l’Empire français est la seule où l’on puisse déterminer, d’une manière juste et invariable, tous ses droits, dont les uns sont particuliers et les autres relatifs; Considérant que le droit de statuer sur son régime intérieur appartient essentiellement et nécessairement à la partie française de Saint-Domingue, trop peu connue de la France dont elle est séparée par un immense intervalle ; Considérant que les représentants de Saint-Domingue ne peuvent renoncer à ce droit imprescriptible, sans manquer à leur devoir le plus gacré, qui est de procurer à leurs constituants des lois sages et bienfaisantes ; Considérant que de telles lois ne peuvent être faites qu’au sein même de cette île ; d’abord en raison de la différence du climat, du genre de population et des mœurs et des habitudes ; et ensuite, parce que ceux-là seulement qui ont intérêt à la loi, peuvent la délibérer et la consentir; Considérant que l’Assemblée nationale ne pourrait décréter les lois concernant le régime intérieur de Saint-Domingue sans renverser les principes qu’elle a consacrés par ses premiers décrets et notamment par sa déclaration des droits de l’homme; Considérant que les décrets émanés de l’assemblée des représentants de Saint-Domingue ne peuvent être soumis à d?autre sanction qu’à celle du roi, parce qu’à lui seul appartient cette prérogative inhérente au trône, et que nul autre, suivant la Constitution française, ne peut en être dépositaire; que conséquemment le droit de sanctionner ne peut être accordé au gouverneur général étranger à cette contrée, et n’y exerçant qu’une autorité précaire et subordonnée; Considérant qu’en ce qui concerne les rapports commerciaux et les autres rapports communs entre Saiut-Domingua et la France, le nouveau contrat doit être formé d’après le vœu, les besoins et le consentement des deux parties contractantes ; Considérant que tout décret qui aurait pu être rendu par l’Assemblée nationale, et qui contrarierait les principes qui viennent d’être exposés, ne saurait lier Saint-Domingue, qui n’a pojnt été consulté et n’a point consenti à ces mêmes décrets; Considérant enfin que l’Assemblée nationale, si constamment attachée aux principes de justice, et qui vient de manifeste!; lé désir d’assurer la prospérité des îles françaises d’Amérique, n’hésitera pas à reconnaître les droits de Saint-Domingue, par un décret solennel et autheqtiqne; Après en avoir délibéré dans ses séances des 22, 26; 27 et dans celle de ce jour, a décrété à l’unanimité et décrète ce qui suit : Art. 1er. Le pouvoir législatif, en ce qui concerne le régime intérieur de Saint-Domingue, réside dans l’assemblée de ses représentants, constituée en assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Art. 2. Aucun acte du Corps législatif, en ce qui concerne le régime intérieur, ne pourra être considéré comme loi définitive, s’il n’est fait par les représentants de la partie française de Saint-Domingue, librement et légalement élus, et s’il n’est sanctionné par le roi. Art. 3. Tout acte législatif fait par l’assemblée générale, dans les cas de nécessité urgente, en ce qui concerne le régime intérieur, sera considéré comme loi proyisoire, et, dans ce cas, ce décret sera notifié au gouverneur-général, qui, dans les dix jours de la notification, le fera promulguer et tiendra la main à son exécution, ou remettra à l’assemblée générale ses observations sur le contenu audit décret. Art. 4. L’urgence qui déterminera l’exécution provisoire sera décidée par un décret séparé, qui ne pourra être rpndw qu’à la majorité de§ deux tiers de voix prises sur l’appel nominal. Art. 5, Si le gouverneur général remet des observations, elles seront aussitôt inscrites sur le registre de l’assemblée générale; il sera alors procédé à la révision du décret d’après ces observations; le décret et les observations seront livrés à la discussion dans trois séances différentes; les voix seront données, par ouï ou par non, pour maintenir ou annuler le décret; le procès-verbal de la délibération sera signé par tous les membres présents, et désignera la quantité de voix qui auront été pour l’une ou l’autre opinion; si les deux fiers de voix maintiennent le décret, il sera promulgué par le gouverneur général et exécuté sur-je-champ, Art. 6. La loi devant être le résultat ou consentement de tous ceux pour qui elle est faite, la partie française de Saint-Domingue proposera ses plans concernant les rapports communs; et les décrets qui seront rendus à cet égard, par l’Assemblée nationale, ne seront exécutés dans la partie française de Saint-Domingue que lorsqu’ils auront été consentis par rassemblée générale de ses représentants. Art. 7. Ne seront point compris dans la classe des rapports communs de Saint-Domingue avec la France, les objets de subsistance que la nécessité forcera d’introduire ; mais les décrets qui seront rendus à cet égard, par l’assemblée générale, seront aussi goumis à sa révision, si le gouverneur général présente des observations sur le contenu auxdits décrets, dans le délai fixé par l’article 3, et seront au surplus observés par les formalités prescrites par l’article 5. Art. 8. Tout acte législatif fait par l’assemblée générale et exécuté provisoirement, dans le cas de nécessité urgente, n’ep sera pas moins envoyé sur-le-champ à la' sanction roÿqle ; et si le roi refuse son consentement audit acte, l'exécution en sera suspendue aussitôt que eê refus sera légalement manifesté à rassemblée générale. Ar*- 9. Chaque législature de l’assemblée générale sera de deux ans, et le renouvellement des membres de chaque législature sera fajt en totalité. Art, 1Q. L’assemblée générale décrète que les articles ci-dessus, comme faisant partie de la Constitution de la partie française de Saint-Domingue, seront incessamment envoyés ep Fcapce our être présentés à l’acceptation" de l’Assem-lée nationale et du roi ; seront en outre envoyés à toutes tes paroisses et districts de la partie française de Saint-Domingue ; seront au gufplus tesdite articles notifiés au gouverneur générai. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] Fait en assemblée générale, à Saint-Marc, le ringt-huit mai mil sept cent quatre-vingt-dix. Signé : le marquis de Cadusch, président. BRiTLLEY, vice-président. Thomas Millet, Lambert, Gaul, Vous voyez que, par ce décret, l’assemblée générale, qui prend le titre de législature, se retient la législation sur le régime intérieur ; que ses actes, à cet égard, ne sont soumis qu’à la seule sanction du roi; que même elle exécute provisoirement dans les cas urgents dont elle seule est juge ; que les rapports extérieurs se bornent à un traité de commerce respectivement consenti; qu’elle se réserve même une facilité de l’éluder, puisqu'elle prétend statuer seule sur les lois relatives à l’introduction des subsistances. Elle dit aujourd’hui qu’elle n’a point entendu rendre ce décret souvërainement, puisqu’elle le renvoie à �acceptation de l’Assemblée nationale et du roi. I! est possible qu’elle ignorât le sens de ce mot acceptation dans le style de nos décrets, qui lui sont si bien connus; mais oublm-t-elle aujourd’hui le style de son préambule ? Mais n’a-t-elle pas depuis agi constamment dans l’esprit et dans la lettre de ce décret, qui n’était point accepté? L’assemblée générale nous apprend que les décrets du 8 et du 28 mars, qui, comme vous l’avez vu, Messieurs, étaient déjà connus dans la colonie, ne lui furent notifiés officiellement que le 31 mai, c'est-à-dire trois jours après qu’elle eut rendu celui dont je viens de vous faire lec-* ture. Le premier juin, elle en délibéra et rendit le décret suiyant ; EcctXdiU des fegistres dç l'assemblée générale de la partie, française de Saint-pomingiie. Béance du 1er juin 1790. Un des membres a fait la motion d’adhérer au décret du 8 mars, de l'Assemblée Nationale, en tout ce qui né contredit point les droits de la partie française de Saint-Domingue, consacrés eu partie dans le décret de l’assemblée générale, du 28 du paois passé, et a proposé un projet de décret. ' ’ ’ Plusieurs orateurs ont discuté cette question importante : plusieurs projets de décret ont été présentés. Lecture faite du décret rendu par l’Assemblée nationale, le 8 mars dernier, et accepté par le roi le 10 du même mois; Lecture pareillement faite des instructions em voyées par l’Assemblée nationale, lesdites instructions décrétées le 28 mars et approuvées par le roi ; L’assemblée générale, considérant que son décret dq 28 mai exprime les véritables droits de Saint-Domingue, et qu’elle ne peut s'écarter dé ce décret, rendu à l'unanimité, sans blesser ces mêmes droits dont elle n’est que dépositaire; Considérant qu’elle doit avoir le couragq de lutter même contre l’opinion publique, lorsque cefte opinion est malheureusement abusée, parce qpe l'erreur ne saurait être durable ; * Considérant, au surplus, que, quoiqu’elle soit légalement constituée, et d’après le vœü libre des paroisses, quoiqu’elle juge sa continuation nécessaire, il fie1 lui convient pas de conserver une confiance qui paraîtrait douteuse ; qu’il est temps d’imposer un absolu silence aux ennemis du bien public, et de prouver la pureté de ses intentions par une démarche solennelle ; Considérant que le moyen le plug sûr de convaincre les habitants de cette île, que leur avantage a été constamment l’objet des sollicitudes de l’assemblée, et de les inviter à se convoquer da nouveau, etàdéclarer positivement s’ils entendent continuer l’assemblée générale et lui conserve» leur confiance ; Après mûre délibération, l’assemblée générai a décrété et décrète ce qui suit ; Art. 1?f. À l’égard du décret rendu, le 8 mars, par l’Assemblée nationale, et accepté par le roi le i0 du même mois, qu’elle adhère avec reconnaissance audit décret en tout ce qui ne contraria point la partie française de Saint-Domingue, déjà consacré en partie dans le décret rendu par l’assemblée générale le 28 du mois dernier, Art. 2. A l’égard des instructions décrétées par l’Assemblée nationale, le 28 mars dernier, et ap» prouvées par le roi; sans rien préjuger sur les instructions, l’assemblée générale invite les paroisses de la partie française de Saint-DQuunguf à se rassembler incessamment et à déclarer si elles entendent continuer l’assemblée générale telle qu’elle existe, ou à eu former ung nouvelle, Art. 3. Déclare néanmoins l’assemblée qu’ellq ne dissimule pas que cette nouvelle conyocatipu des paroisses offre des inconvénients : que ces inconvénients ont été aperçus par l’Assembléè nationale, puisqu’elle a rejeté la proposition d@ rassembler les bailliages lorsqu’elle lui a été faite au mois de février dernier par l’un de ces membres; mais l’Assemblée générale sent fë nécessité de réunir tous les esprit? et s’empresse de rendre un hommage authentique aux parofsse? qui l’ont formé; et jusqu’à ce que les paroisses se soient expliquées , l’Assemblée continuera assidûment ses fonctions, à l’effet de hâter la régénération publique. Sera le présent décret envoyé sur-le-champ � toutes les paroisses de la partie française de Saint-Domingue, et notifié au gouverneur général, Fait en assemblée générale, à Saint-Marc, 1g premier juin mil sept cent quatre-vingt-dix. Signé : le marquis de Gadush, président, Brulley, vice-président, Thomas Millet, Lambert, Gaul. Ce décret, rendu après la notification officielle de ceux de T Assemblée nationale, porte, comme ou le voit, la confirmation du décret du 28 mai; il annonce même d’autres réserves, et n’adopte dans les instructions que la nécessité dé la non*- firmation des paroisses. Ces actes de l’assemblée générale essuyèrent de fortes oppositions. Dès le 30 mai, la cqmmune du Port-au-Prince s’empressa de désavouer tous décrets çoptraireja à ceux de l’Assemblée nationale. L’assemblée provinciale du Nord publia lé l9r juin des observations sur le décret dû mai; elle en combattit le? principes, et soutint fprtér ment l’autorité des décrets de FAssembléo nationale. Il serait trop long de vous jim cefte pièce, où les droits et les intérêts de la colonie sont discutés avec une grande habileté. L’assemblée générale y répondit ; et comme 011 procédait dans les paroisses à délibérer ?ur sa confirmation, elia n’oublia aucun des moyen? de disposer eu sa faveur les opinions. $es adversaires ont affirmé, dans différents actes, qu’elle avait envoyé dans toutes les paroi§se§ de8 orateurs pris dans son sein pour y déterminer igs [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] 552 délibérations. Au moins est-il sûr qu’elle envoya des commissaires dans la ville du Gap, où, après quelques débats, ils reçurent de l’assemblée générale l’ordre de sortir de la ville et de la dépendance. Elle fit imprimer et répandre la lettre u’un de ses membres disait avoir reçue d’un es députés de la colonie à l’Assemblée nationale : cette lettre vous est connue; les instructions y sont présentées comme le produit de l’influence du ministre de la marine sur le comité des colonies : on y élude l’exécution de ces instructions par un misérable sophisme. — Ces moyens étaient accompagnés de tout ce qui pouvait répandre dans la colonie l’alarme et la méfiance contre vous. Ces journaux, méprisés ici, où les opérations de l’Assemblée nationale sont attaquées avec une rage impuissante, y étaient répandus avec profusion. — Enfin, l’assemblée générale a été accusée par l’assemblée provinciale du Nord et par différentes délibérations, d’avoir envoyé dans quelques paroisses des hommes armés, sans domicile et sans propriété, pour éloigner les citoyens des assemblées, ou les obliger à voter conformément à sa volonté : nous n’avons aucune autre preuve de ce dernier fait. La colonie est composée de cinquante-deux paroisses. Chacune d’elles devait avoir un suffrage, à raison de cent citoyens actifs ; chacune d’elles devait envoyer ses délibérations au gouverneur général, chargé, après un terme énoncé par vos instructions, d’en publier le résultat et de faire connaître ainsi le vœu de la majorité. Dès le 6 juillet, avant que le gouverneur eût rempli ces formalités, et sans donner elle-même à la colonie la connaissance des arrêtés des paroisses, l’assemblée générale s’est déclarée confirmée. Elle annonce, par le tableau qu’elle nous a adressé quinze jours après, que sur 212 suffrages dont elle compose la colonie, en adoptant, non le mode de votre instruction, mais celui très inexact d’après lequel elle avait été formée, 30 ont voté pour la dissolution ; 15 l’ont confirmée, à la charge de se conformer aux décrets de l’Assemblée nationale; 135 l’ont confirmée purement et simplement; 32 n’ont pas délibéré. Mais les trente-deux, qu’elle dit n’avoir pas délibéré, ont volé pour sa dissolution. Mais sur ceux dont elle se dit confirmée purement et simplement, dix l’ont formellement assujettie aux décrets du 8 et du 28 mars; vingt-huit n’ont donné aucune connaissance au gouverneur de leurs prétendues délibérations; plusieurs arrêtés ont été suivis de protestations, dont les signatures sont plus nombreuses que celles des délibérations qu’elles attaquent. Enfin, plusieurs autres représentent si peu le vœu des habitants de la paroisse, qu’à Mirebalais, où le recensement a donné quatre cent vingt-neuf citoyens actifs, dix-sept seulement ont fait la délibération qui confirme l’assemblée; que dans celle de Jérémie, où le recensement a donné six cent quatre-vingt-dix-sept citoyens actifs, le suffrage de vingt-neuf personnes a prononcé cette confirmation. D’après ces détails, bien loin d’avoir une majorité telle qu’elle l’avait annoncé, l’assembléee générale n’avait plus, en comptant les suffrages, suivant son propre aveu, qu’une majorité de quatre-vingt-dix-sept voix contre quatre-vingt-sept voix; et sur ces quatre-vingt-dix-sept voix, il restait à juger la validité des délibérations combattues par des protestations plus nombreuses, et la validité de celles où un nombre de personnes, tel que dix-sept et vingt-neuf, avaient prononcé pour quatre cents et pour sept cents citoyens. M. de Peynier a publié, le 13 juillet, le résultat des délibérations qui lui ont été adressées. Le calcul qu’il en fait, suivant le mode indiqué par vos instructions, donne quarante-huit suffrages pour la dissolution de l’assemblée; dix-sept pour la confirmation, à la charge de se conformer aux décrets du 8 et du 28 mars; soixante-treize pour la confirmation pure et simple, et vingt-quatre suffrages muets. M. de Peynier a compris dans les suffrages confirmatifs ceux qui résultent des délibérations contre lesquelles il s’est élevé des protestations, ceux aussi de Mirebalais et Jérémie, au moyen de quoi, il a proclamé la confirmation de l’assemblée générale. Mais on voit que ce gouverneur, ainsi que rassemblée du Nord et plusieurs paroisses délibérantes, ont eu le droit de dire postérieurement que cette confirmation avait eu lieu par une apparente majorité. Je ne présente point ces faits, Messieurs, pour motiver l’avis du comité qui portera sur d’autres moyens; mais j’ai cru devoir les mettre sous vos yeux, pour répandre du jour sur les assertions, tant de fois répétées par l’assemblée générale, que sa confirmation avait été le vœu delà presque totalité de la colonie. J’ai dit qu’elle s’était déclarée confirmée le 6 juillet. Dès lors, sa joie et ses espérances se manifestèrent d’une manière qui n’était pas équivoque. Si les motifs ne surabondaient pas, et s’il n’était pas en vous, Messieurs, de vous décider par la consistance des choses, plutôt que par le mérite ou l’inconvenance des expressions, j’aurais pu metlre sous vos yeux le préambule du décret, où l’assemblée générale, parodiant indécemment les phrases de vos instructions, semble, dans le délire de son triomphe, avoir entièrement oublié le respect qui vous est dû; mais dans le nombre immense de pièces que présente cette affaire, je suis obligé de m’attacher aux plus importantes; et quand les dispositions des actes suffisent pour autoriser votre décision, il n’est pas nécessaire de rechercher les expressions dont elles ont pu être accompagnées. L’assemblée générale ordonna, par ce même décret, un Te Deum et des illuminations dans toutes les villes et bourgs de la colonie; elle ordonna une fête annuelle, pour consacrer, dit-elle, le souvenir du triomphe des amis du bien public sur les ennemis de Saint-Domingue ; et elle voulut que cette fête eût lieu le 14 juillet, jour consacré par l’Assemblée nationale, pour faire passer à la postérité le souvenir de la victoire que la France a remportée sur le despotisme. Du moment que l’assemblée générale s’est vue confirmée, sa marche a été de jour en jour plus hardie. Elle avait annoncé, pour le 14 juillet, la prestation du serment, décrétée le premier du même mois, à la nation et à la partie française de Saint-Domingue, à la loi et au roi. Elle le prêta, en effet, ce jour-là, et voulut qu’il le fût par toutes les troupes et les milices de la colonie. Von i la réponse de M. Peynier au comité du Port-au-Prince, qui lui a notifié l’ordre. 353 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] Lettre de M. le général à MM. du comité de l’Ouest. « Au Port-le-Prince, le 9 juillet 1790. « J’ai reçu hier au soir, Messieurs, avec la lettre que vous m’avez fait Phonoeur de m’écrire, copie d’un extrait de la séance de l’assemblée générale, en date du 1er juillet. « J’ai déjà observé à deux députés du comité de l’Ouest, et je vous observe ici, qu’il ne doit point y avoir d’intermédiaire entre le représentant du roi dans la colonie et l’assemblée coloniale. Cette assemblée n’a pu méconnaître l’esprit de l’article 3 des instructions du 28 mars; elle sait qu’elle n’a pas dans ce moment le droit de mettre ses décrets à exécution, elle a bien moins encore celui de faire des lois, et son arrêté du premier de ce mois a tout le caractère d’une loi nouvelle. « Si l’Assemblée nationale avait décrété définitivement le renouvellement de la prestation de serment, à l’époque du 14 juillet, ce décret, sanctionné par le roi, m’aurait, sans doute, été adressé avec ceux que j’ai reçus ; attendez, Messieurs, que cet ordre me parvienne, et je ne différerai pas un instant à faire renouveler le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi, que tout bon Français profère à chaque instant du jour; mais il ne sera fait ici aucune addition au serment décrété par la nation française et sanctionné par le roi, qu’en vertu des ordres qui me seraient adressés. « Vous ne pouvez, dites-vous, Messieurs, déterminer précisément la cause de l’effervescence qui règne dans cette ville depuis quelque temps; c’est, je l’avoue, un grand malheur, mais qui ne peut être attribué en rien aux troupes, dont personne n’ignore que la discipline est maintenue avec la plus grande exactitude. Au reste, il est un moyen de le faire cesser, et je l’ai remis entre vos mains, en vous adressant, il y a plus d’un mois, les lettres patentes du roi, sur les décrets de l’Assemblée nationale, relatifs à la formation et à la constitution des municipalités. Etablissez ici ces municipalités, non pas conformément à l’arrêté de rassemblée coloniale du 20 mai sur cet objet, mais d’après les principes qui ont servi de base à l’établissement des municipalités en France. Je vous ai envoyé les décrets de l’Assemblée nationale, afin que vous puissiez en donner connaissance au public dans vos assemblées, et je ne doute pas que les bons citoyens qui vous entourent, n'aient été pénétrés des vérités renfermées dans le dernier paragraphe, page 15 de la collection des lettres patentes que je vous ai fait parvenir. « On dirait en vain que je me suis refusé à promulguer les décrets sur les municipalités ; je vous les ai adressés, je les ai également fait parvenir à l’assemblée générale et aux assemblées provinciales du Nord et du Sud, vous savez qu’il m’est ordonné de les faire observer et exécuter, à peine d’en être responsable. Vous n’y avez pas vu, sans doute, que les officiers municipaux, en Europe, soient investis du pouvoir exécutif, qu’ils donnent le mot d’ordre, que les capitaines de port soient sous l’autorité de ces mêmes officiers: qu’on leur ait attribué le régime des gens de mer qui est réservé à la connaissance de l'administration, enfin que les fonctions des officiers d’amirauté, qui intéressent à la fois le commerce étranger et le commerce national, aient cessé d’appartenir à ces tribunaux. Hâtez-vous donc, Messieurs, d’éclairer le public, invitez-leà établir les municipalités, telles qu’elles le sont enFrance, avec autant d’instance que j’en mets à l’en supplier par votre organe : dites-lui que la prudence et la modération dont j’ai fait preuve, dans ces derniers temps, surtout, lui sont un sûr garant de la bonté de mon cœur et de mon désir inaltérable pour le retour de la paix; dites à tous, Messieurs, que si mon extrême vigilance ne peut prévenir le désordre, les mesures et les précautions que je ne cesserai de prendre, en empêcheront les dangereux effets. « J’ai l’honneur d’être avec un très sincère attachement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : LE COMTE DE PEYNIER. » Les volontaires de Saint-Marc refusèrent aussi, sous les yeux de l’assemblée générale, de prêter le serment décrété par elle ; mais ils prêtèrent le serment civique, et témoignèrent, par des acclamations, leur fidélité à l’Assemblée nationale et au roi. Les volontaires du Port-au-Prince ont également refusé de prêter le serment, et ont prêté celui que voici : Serment prononcé par la compagnie des volontaires du Port-au-Prince. Nous, Français et citoyens de la paroisse du Port-au-Prince, ici rassemblés en corps de volontaires, jurons et promettons, par les lois de l’honneur, de nous soutenir et secourir dans toutes les occasions, et de nous réunir d’esprit, de cœur et d’actions à tous les bons citoyens, qui, n’abjurant point leur mère-patrie, adoptent, comme loi sacrée et fondamentale, les décrets de l’Assemblée nationale, en date des 8 et 28 mars, et les instructions adoptées par ladite Assemblée. Promettons, en outre, de protéger et défendre l’assemblée coloniale de Saint-Domingue, qui sera reconnue par le vœu général de la colonie, en tant qu’elle ne s’écartera jamais, sous aucuns prétextes, des décrets de l’Assemblée nationale, ci-dessus rappelés. Signé : DU COLOMBIER, secrétaire. L’assemblée générale, en ayant eu connaissance, rendit le décret que voici : Extrait des registres de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. L’assemblée générale, considérant que depuis qu’elle s’est constituée, il n’a pu ni dû. se former aucune corporation sans son aveu dans la partie française de Saint-Domingue; Considérant que c'est à elle seule qu’il appartient d’y organiser la force publique de même que les autres pouvoirs; Considérant enfin les troubles que la nouvelle corporation formée au Port-au-Prince, sous le nom de volontaires , a déjà excités dans ladite ville; Décrète que la corporation dont il s’agit sera et demeurera supprimée. Déclare déchu du droit de citoyen actif pendant dix ans tout membre de ladite corporation qui ne se réunira pas aux gardes nationales au moment de la promulgation du présent décret. Défend de former aucune autre corporation dans la partie française de Saint-Domingue jusqu’à nouvel ordre. Se réserve au surplus l’assemblée d’ajouter aux chefs de dénonciation qui seront articulés à SS4 [Assemblé* natjonale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] l’Assamblée pationalp cqntrq M, ]e comte de Pey-nier, lq délit dont il Vest rendu cqqpable en aû-, torisant la fprinatjbn dp ladite corporation au mépris’ de la connaissance qu’il avait du décret de l’Assemblée nationale qqj défend toutes "corporations militaires dans les villes où jl y a des gardps nationales étabijes. Se réserve pareillement l’assemblée de fairq poursuivre incessamment aussi par devant qui" il appartiendra» le sieur de Mauduit, colonel du régiment dp Port-au-Prince, comme criminel de lèse-nation, pour avoir reçu un serment aussi séditieux et apssi inconstitutionnel que celui qui a été prêté eptre geg mains par les membres de ladite corporation. Sera le présent décret adressé sur-le-champ aux commissaires de rassemblée, à l’effet de le notifier au gouverneur général, et sera en outre imprimé et affiché partout où besoin sera. Fait eu assemblée générale, }es jour, mois et an que dessus. Signé : Bérault, président ; Valentin de Gullion, vice-président; Le Grand, Trébucien, Deau-, bonneau et Denix, secrétaires. Le même jour, elle rendit un pareil décret contre l’assemblée provinciale du Nord. Les volontaires, lpin de se tenir pour supprimés, prirent l’arrêté que je vais vous lire : Extrait des registres de la compagnie des volontaires d'à Port-au-Prince , Sur la connaissance qui a été donnée à la compagnie d’un prétendu décret de l’assemblée coloniafe, séante à Saint-Marc, du 16 de ce mois, portant, etc. La compagnie, considérant qu’elle ne s’est formée que dans le dessein de maintenir la sûreté et la liberté individuelle, le repos public, le respect pour les lois existantes, et la soumission aux décrets de l’Assemblée nationale ; Que le serment que ses membres ont prêté ne contient que des sentiments louables, qui leur auraient attiré des témoignages de satisfaction de la part de l’assemblée coloniale elle-même, si elle avait voulu reconnaître que son autorité est nécessairement subordonnée à celle de l’Assemblée nationale, vérité incontestable, et que personne n’ept révoquée en doute s’il ne s’était formé d’assemblée dàns la colonie qu’après l’arrivée des décrets des 8 et 28 mars; vérité à laquelle au reste tous les bops citoyens doivent s'efforcer de ramener l'assemble de Saint-Marc, et tous ceux qui a’eq écartent ; Ccnsidérant que les rédacteurs dp prétendu décret calomnient les volontaires du Port-au-Prince, en supposant que leur corporation a déjà excité des troubles dans la ville; tandis qu’il est de notoriété que fa ville n’a jamais été plus tranquille que depuis que (a compagnie existe, en ce qu'elle a obligé un comité entreprenant à une circppspectjpp qu’il n’avait pas eiipore connue; Considérant que si l’assemblée de Saint-Marc se trouve confirmée par ppe pluralité apparente , ellp p’a pas acquis, pppr cela, plus de pouvoir, qne ne lui en confère l'Assemblée nationale, d’accord avep l'intérêt de lg colonie;' qne dès lors it pe lui appartient point jp df-oit 'd’organiser aucun pouvoir, et bien moins encore la force publique qui ne peut dépendre d’une assemblée purement cpqsultatiye; qu’il pe lui appartient pas davantage de prononcer sqr aucun corps, pi sur aucun individu ; de statuer des peines et de priver un citoyen du droit actif qu’il tjeqt principalement de sa qualité dp Français,' et qui n’a besoin que d’y réunir lès accessoires déterminés par ('Assemblée nationale ; Considérant que cettp assemblée de Saint-Marc, abusant de la malheureuse facilité de changer de principes au besoin, invoque contre la compagnie un décret sur les corporations militaires de Frappe, que l’Assemblée nationale n’a pas cru devojr appliquer à la colonie, taudis qu’elle refuse obstinément de reconnaître ceux qui ont été rendus exprès pour la régir; A arrêté que, pans avoir égard au prétendu décret du 16 de ce mois, aussi inexact dans les faits, qu’erroné dans ses principes, et ambitieux dans sps dispositions, elle continuera d’exister aussi longtemps que l'exigeront les circonstances; que persistant dans le serment que ses membres ont prêté le 12 de ce mois, entre eux seulementf et SANS l’intervention d’aucune autre personne, elle professe de cœur et de bouche, et n'atténuera jamais dç fait , son dévouement pour la mère-patrie, son amour pour le roi, sa soumission au véritable pouvoir législatif, résidant pniquement en France, son obéissance au pouvoir exécutif, résidant éminemment dans la personne du roi, et par communication dans cellëde M. le gogvernèur général, son respect pour les lois qqi régissent la cofpqie, et pour celles qui leur seront légalement substituées, et son zèle ardent pour le maintien de toute tranquillité publique et particulière', qui est le principal objet de sa formation, Déclare, au surplus, qu’elle porte toute affection à ceux de ces concitoyens que ledit prétendu décret appelle gardas nationales; qu’elle les invite ap npm du bien public à s’unir à elle ; et que mèmè elle volera vers eux, aussitôt qu’ils se serqnt dégages des lieqs dans lesquels ]es retient lq comité qui les abuse. If sera remis à M. le gouverneur général, par M. le président, une expédition du présent arrêté, quf sera çp4'iîeurs imprimé et répandu dans la colonie, au nombre de deux millp exemplaires. Fait dans l’assemblée de la compugûie, je 20 juillet Ï790. Signé • Arnaud, président; ÇofJAppE dè pA V|L-LEÇAT, yicë-pr$s\dent ; pt BuAgligT, secrétaire. Quant à l’assemblée provinciale du Nord, il ne paraît par aucune pièce qu’elle ait délibéré sur le décret 4e l’assemblée générale ; mais elle a publié, quelques jours après, la déclaration suivante : Déclaration authentique de l'assemblé? provinciale au Nord . Séance du 10 juillet 1790, Extrait des registres des délibérations de l'assemblée provinciale permanente du Nord. L’assemblée, ayant sous les yeux le tableau à elle adressé par M. le gouverneur général, et certifié par lui le 13 de ce mois, contenant l’émission du vœu de la plus grande partie des paroisses de la colonie; sans entrer dans l’examen de cettte opération, et après avoir pris lecture de la lettre de M. le gouverneur général, daiig laquelle || déclare formèüement qu’il ne [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENT AIRES. [12 octobre 179p.) permettra l’exécution d’aucuns décrets de rassemblée coloniale, qu’aùtant qu’ils auraient pour base les principes posés par les décrets de l’Assemblée nationale aes 8 et 28 mars ; Considérant qu’il est impossible que les paroisses, qui ont voté absolument pour continuation de l’assemblée, n’aient entendu la condition exprimée par d’antres paroisses, de se conformer aux décrets du Corps législatif national, et que d'après le silence de onze paroisses, ia majorité des vçeux n’est pas connue ; que rassemblée séante à Saint-Marc, en demandant le voeu des paroisses, a déjà reconnu que son devoir était d’obéir aux décrets de l’Assemblée nationale; Que l'assemblée séante à Saint-Marc a désobéi à ces décrets dans ses travaux ; Considérant enfin, que c’est de cette désobéissance et des maximes coupables employées pour la justifier, que sont nées toutes les discussions qui nous divisent ; Qqe si cette désobéissance venait à cesser, si Vassemblée coloniale professait une soumission aux décrets de la nation, égale à celle que l’assemblée de la province du Nord leur a jurée, l’opposition à la continuation de cette assemblée serait une obstination contraire à l’intérêt de la colonie et aux devoirs qqi sont imposés à l'assemblée provinciale par ses commettants ; L’assemblée provinciale a solennellement déclaré et déclare qu’elle ne reconnaîtra l’assemblée coloniale, séante à Saint-Marc, constituée pour tpacer des plans de législation et faire des règlements provisoires, dont l’utilité sera consacrée par la sanction du gouverneur général, qu’autant qu’elle aura franchement et loyalement professé, par un acte acthep tique et solennel, sa soumission aux décrets de l’Assemblée nationale, des 8 et 28 mars; et jusqu’à ce que ladite assemblée ait annulé tous ses travaux jusqu’à ce jour, l’assemblée provinciale arrête qu’elle persistera à refuser son adhésion à tous prétendus décrets dans lesquels rassemblée, séante à Saint-Marc, continuera de se soustraire aux devoirs qui lui sont rigoureusement imposés par le Corps législatif national-Arrête, en outre, que la présente déclaration sera imprimée et publiée dans toutes les parties de la colonie, et affichée à côté de la proclamation de M-le gouverneur général, comme contenant ladite déclaration, les vrais sentiments de l’assemblée provinciale du Nord et de ses commettants. Auvray, président; Boqyssqu, secrétaire général perpétuel, Cependant, l’assemblée générale était Join de se conformer à ces principes, jïlle n’avait çfjssé, avant et depuis sa confirmation, de s’arroger tous les pouvoirs, soit en rendant le 4 juillet un décret législatif sur les affranchissements, soit en ordonnant de nouveau l’exécution de son décret du 20 mai gpr les municipalités, soit en mettant spps sa protection le sieur de Fontanelle, officier de maréchaussée, subordonné, par ses fonctions, à M. de Peynier, qui ayait cru devoir le punir. Ce 20, elle rend son décret pur l’ouyerture des ports aux étrangers, En vqici les articles : Art. 1er. font bâtiment étranger admis dans les ports du Cap du Port-au-Prince et des Cay es, en vertu de l’arrêt dq cpnseil d’Etat cjn roi, du 30 août 1784, et des ordonnances subséquentes des général et intendant, potamment de celles des 26 décembre et ?i avril derniers, géra également admis dans tous les ports pt la partie française de Saint-Domingue, où il 'y aura' une municipalité établie, et ne pourra y introduire que les objets permis par lesdits arrêts et ordonnances. Art. 2. Tout capitaine dé bâtiment étraqger, arrivant dans les ports ci-dessus désignés, fera sa déclaration au greffe de la municipalité du lieu, et y présentera la facture originale de son chargement, laquelle sera enregistrée dans ledit greffe. Art. 3. Tout capitaine de bâtiment étranger sera tenu, aussitôt que son bâtiment sera arrivé, de prévenir la municipalité de son arrivée, et de présenter au greffe dé ladite municipalité une caution domiciliaire et solvable. Il ne pourra rien mettre à terre jusqu’à ce que cette caution ait été fournie. Art-4. La municipalité jugera de la solvabilité des cautions présentées par les capitaines étrangers. Art* 5. Les cautions répondront dp Ja fidélité des déclarations et factures des capitaines, ainsi gnp de l’emploi de leurs fonds tel qu’il sera prescrit ci-après, et du payement de tous les droits. Aft. 6. Les capitaine? de bâtiments étrangers pourront employer, en denrées côloniaiesjemoptantde la vente des subsistances qu’ils auront importées. Art. 7* Tout capitaine étranger, avant que de partir, fera un état détaillé de sa vente, de ses dépenses et de son chargement, lequel état certifié par la caution sera vérifié et arrêté par la municipalité. Art. 8. Tes receveurs, préposés à la perception des droits d’octroi, ne pourront recevoir ja déclaration des capitaines étrangers que conformément à l’état arrête par la mUPipÎP�lité. Art. 9. Lesdits capitaines payeront tops Ips droits actuellement imposés sur l’expprtation des denrées par les capitaines étrangers, et il leur pp sera délivré quittance en forme, laquelle constatera la qualité des denrées coloniales qu’ils emporteront. Art, 10, Daps les endroits où il n’y a point de receveur d’octroi, les droits seront perçus par le trésorier de la municipalité, lequel sera tenu d’avoir un registre pour cet effet, et en comptera suivant les ordres de rassemblée du département. Art. Ü. Toute caution de capitaine étranger, convaincue d’avoir favorisé la fraude, sera 'déchue pendant dix aiis de la qualité dp citpyen actif, et ne pourra plus être caution pendant le même délai, et sera en outre condamnée à restituer au quadruple Ips droits qui auront été soustraits par une fausse déclaration ; elle sera pour cet effet renvoyée par deyant les juges qui en doivent connaître. Art. j2. Sera également déchu de ïa qualité de cjfoyen actif pendant dix ans quiconque sera convaincu d’avoir favorisé la fraude. Art.13. Tout capitaine étranger, parti en fraude, ne pourra ping être admis en cette qualité, dans apcun port de cettp colonje, pt à cef effet les municipalités se communiqueront entre elles Ips actes qui constateront là fraude, Art. 14. Il sera accordé une prime d’encouragement de six livres par baril de farine étrangère introduite dans la partie françaisé dp Saint-Domingue par les bâtiments français armés, et expédiés dans cette colonie ; ladite prime sera payée SUT le produit d’un pour cpnt. Art. 15. Les armateurs ou capitaines desdits bâtiments, en allant cfiercfier de§ subsistances dang les ports étrangers, pourront ge charger pn dènrépg çqjpïualêgj piajg à ja $iarg§ m fi» 4e (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 octobre 1790.] 556 donner caution qu’ils rapporteront des subsistan ces jusqu’à concurrence du montant des denrées coloniales qu’ils auront exportées, laquelle caution sera de la totalité du montant de leur chargement en denrées coloniales. Art. 16. Seront, au surplus, lesdits armateurs ou capitaines soumis aux mêmes précautions, aux mêmes visites et aux mêmes formalités, à l’exception du cautionnement prescrit par l’article 3. Ils subiront aussi les mêmes peines en cas de contravention, et ils supporteront les mêmes droits, à l’exception de celui d’un pour cent, dont ils seront dispensés. Art. 17. Les armateurs ou capitaines français, partis de la colonie pour aller chercher des subsistances dans l’étranger et qui auront chargé des denrées colouiales pour en faire l’achat, seront tenus do faire leur retour dans le délai de quatre mois, passé lequel leurs cautions pourront être poursuivies. Art. 18. Les armateurs ou capitaines français, qui n’auront point fait leur retour en subsistances jusqu’à concurrence du montant des denrées coloniales qu’ils auront chargées, et dans le délai ci-dessus prescrit, seront condamnés solidairement, avec leur caution, à une amende qui sera de la moitié du cautionnement. Sera le présent décret , ainsi que celui du 17 de ce mois, qui constate l’urgence, notifié au gouverneur général, conformément à l’article 7 du décret du 28 mai dernier, pour, par lui, le promulguer et faire exécuter, ou remettre ses observations à l’assemblée générale, dans le délai de dix jours fixé par l’article 3 du décret du 28 mai, et seront ensuite, tant le présent décret que celui du 17 de ce mois, envoyés à la sanction royale. Fait en assemblée générale lesdits jour, mois et an que dessus. Signé : Bérault , président; Valentin de Gullion, vice-président ; Trebucien, Le-Grand, Deaubonneau, Denix, secrétaires . Trois choses sont à remarquer dans ce décret : 1° L’ouverture de tous les ports rend par elle-même inutiles et illusoires toutes les précautions contre la fraude, et assure une introduction illimitée de marchandises de toute espèce; 2° Confier l’inspection sur les importations et exportations, et toutes les précautions contre la fraude aux municipalités, c’est-à-dire à des habitants du lieu qui ont l’intérêt le plus direct à ce que les lois sur cet objet ne soient pas exécutées, et dont quelques-uns même se sont peut-être fait depuis longtemps une habitude et un art de les éluder ; c’est s’assurer d’avance que toute la sévérité des mesures qu’on a l’air de prendre sera presque entièrement sans effet; 3° La faculté de payer aux étrangers en denrées coloniales les subsistances qui seront introduites par eux, ouvre un libre cours aux exportations. Ce décret se fonde sur la rareté des subsistances qui menaçait, dit-on, la colonie de périr par la famine. Cette assertion est appuyée d’une lettre de M. de Peynier, du courant du mois de juin; mais il résulte des papiers publics delà colonie, que, depuis cette époque jusqu’à celle du décret, le prix du pain avait considérablement diminué. Enfin, ce décret qui, aux termes des instructions du 8 mars, ne pouvait être exécuté sans obtenir la sanction du gouverneur, lui est simplement notifié, conformément aux principes établis dans celui du 28 mai. ' Ces actes étaient accompagnés de mesures propres à s’assurer les forces de terre et de mer. Déjà un membre avait fait la motion de licencier les troupes réglées, de les reconstituer sous le titre de gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue. La motion avait été ajournée à jour prochain et imprimée par ordre de l’assemblée. Bientôt après, elle ordonna l’impression du travail d’un autre membre sur l’organisation de la force publique, où les mêmes principes et les mêmes projets étaient ouvertement annoncés. Le 22, le magasin à poudre de Léogane fut saisi par force sur ceux à qui le dépôt en était confié. Il résulte de plusieurs dépositions de soldats, et surtout des faits qui ont suivi, que vers le même temps on était occupé à séduire et à corrompre les troupes dans diverses garnisons, et qu’on était parvenu à mettre dans les intérêts de l’assemblée générale l’équipage du vaisseau du roi le Léopard . Enfin, le 27, l’assemblée générale rendit son décret annoncé dès longtemps sur le licenciement des troupes. Voici ses dispositions : Art. 1er. Toutes les troupes d’infanterie et autres, actuellement employées au service de la partie française de Saint-Domingue sont et demeurent supprimées et licenciées, à compter du jour de la publication du présent décret. Art. 2. Attendu la suppression et [le licenciement desdites troupes, il sera pourvu à leur remplacement par la levée et la formation d’un nouveau corps de troupes, désignées sous le nom de gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue. Art. 3. Tous les citoyens, actuellement employés dans lesdites troupes, pourront entrer dans le nouveau corps des gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue, et recevront pour leur engagement, qui sera seulement de cinq ans, douze piastres gourdes, en signant le nouvel engagement. Art. 4. Tous les citoyens, employés dans les troupes actuellement existantes, et qui ne voudraient point prendre un nouvel engagement, recevront un congé absolu, avec la permission de demeurer dans la partie française de Saint-Domingue, à la charge de se présenter à la municipalité ou au comité du lieu où ils désireront fixer leur résidence, pour y faire inscrire leurs noms sur le tableau des citoyens actifs dudit lieu, et pour servir en conséquence dans les gardes nationales non soldées, comme tous les autres citoyens. A l’égard de ceux qui voudraient se retirer en France, il sera pourvu au payement de leur passage et de leur conduite jusqu’au lieu de leur domicile. Art. 5. Tous les soldats déserteurs qui sont cachés dans les divers quartiers de la partie française de Saint-Domingue, ou qui se sont expatriés, seront relevés de leur désertion, à compter aussi du jour de la publication du présent décret, et invités à revenir promptement dans leur patrie jouir du bienfait de la liberté et de l’heureuse révolution qui l’a acquise à tous les Français. En conséquence, lesdits déserteurs ne seront point recherchés pour quelque cause que ce soit, à moins qu’ils ne soient coupables de crime autre que celui de désertion, déclarant criminels de lèse-nation tous ceux qui les troubleraient dans le plain et entier exercice de leur liberté. Art. 6. Tous les soldats déserteurs qui, après [12 octobre 1790-] 557 [Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. la publication du présent décret, rentreront dans la partie française de Saint-Domingue et qui voudront être employés dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, recevront une somme de douze gourdes pour leur engagement, qui sera aussi de cinq ans. Art. 7. Ceux qui ne voudront point se rengager, recevront leur congé absolu, à la charge par eux de se présenter à la municipalité ou au comité du lieu où ils désireront fixer leur résidence, pour y faire inscrire leurs noms sur le tableau des citoyens actifs de ladite paroisse, et seront employés, dès ledit jour, dans le corps des gardes nationales non soldées, comme tous les citoyens. Art. 8. Tous les officiers employés dans les troupes actuellement existantes, et qui désireront avoir de l’occupation dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, conserveront leurs grades dans ledit corps et seront employés à leur tour et rang, selon leur grade et leur ancienneté; mais nul officier ou soldat ne sera admis daus ledit corps des gardes nationales soldées, qu’il n’ait préalablement prêté, par devant la municipalité ou le comité du lieu de sa résidence, le serment décrété par l’assemblée générale, d'être fidèle à la nation, à la loi, au roi et à la Constitution de la partie française de Saint-Domingue. Art. 9. Tous les officiers actuellement employés qui, conformément à l’article ci-dessus, ne voudraient point servir dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, n’en demeureront pas moins obligés de se présenter dans la huitaine à la municipalité ou au comité du lieu où ils désireront fixer leur résidence, pour se faire inscrire sur le tableau des citoyens actifs dudit lieu, et pour y servir en qualité de gardes nationales non soldées, comme tous les autres citoyens. Et attendu que les places desdits officiers sont supprimées à compter du jour de la publication du présent décret, tous trésoriers ou comptables demeureront personnellement responsables des payements qu’ils pourraient faire auxdits officiers pour raison de leurs prétendus appointements, logements et autres objets. Art. 10. Toutes les places d’officiers et bas-officiers qui, pour la nouvelle organisation des gardes nationales soldées, se trouveraient vacantes au jour de la formation de ce corps, seront données en partie aux créoles ou européens habitants de cette île, qui désireraient y entrer, et en partie aux bas-officiers et soldats qui seraient ci-devant dans les troupes employées au service de la partie française de Saint-Domingue, suivant la priorité de leurs grades, l’ancienneté de leurs services, et suivant qu’ils auront donné plus ou moins de preuves de leur patriotisme. Quant aux grâces ou récompenses militaires, le service fait dans le corps actuellement existant sera compté, sans interruption, par ceux qui s’incorporeront dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, suivant le règlement qui sera présenté, pour cet effet, à l’assemblée par son comité de force et sûreté public. Art. 11. L’assemblée générale adopte les trois premiers titres du règlement qui lui a été proposé par ledit comité pour la formation, organisation, solde, police et administration des gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue, pour être exécutés en tout leur contenu : en conséquence, lesdits trois premiers titres seront joints au présent décret : et la minute en demeurera déposée aux archives, après avoir été paraphée ne varietur par MM. les officiers de l’assemblée. L’assemblée générale invite son comité de force publique à lui présenter, sans délai, les autres titres de règlement. Art. 12. Elle invite aussi son comité d’agriculture à lui présenter incessamment un projet concernant les moyens de récompenser, à l’expiration de leur service, par une propriété, les citoyens qui auront bien servi dans les gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue. Art. 13. Toutes les municipalités, ou à leur défaut, les comités paroissiaux, demeurent autorisés à recevoir les engagements de tous soldats qui voudront prendre parti dans lesdites gardes nationales soldées, conformément au modèle ci-joint ; elles demeurent également autorisées à se servir des fonds qui seront dans la caisse des octrois de leur arrondissement pour payer lesdits engagements, ainsi que la solde et l’entretien de ceux qui entreront dans le nouveau corps. Art. 14. L'assemblée générale nomme MM. de Borel, de Garadeux, de Cadusch, de La Chevalerie, Duverger, député de Jérémie, de La Valette, de Nogerée, d’Auteral, de La Combe, deRemoussin, de Maigné et Carré, commissaires, à l’effet de correspondre avec les municipalités ou comités paroissiaux, pour préparer la formation desdites gardes nationales soldées, et s’occuper de tous les moyens qui pourront faciliter l’exécution du présent décret, s’en rapportant là-dessus à leurs lumières et leur prudence, à la charge néanmoins de rendre compte à l’assemblée de leurs opérations à ce sujet. Sera le présent décret envoyé incessamment à la sanction du roi ; et vu l’urgeace de son exécution, sera ledit décret, avec celui qui prononce l’urgence, notifié au gouverneur général, pour, par lui, le promulguer et faire exécuter, ou remettre ses observations à l’assemblée dans le délai de dix jours prescrit par le décret du 28 mai dernier : sera, en outre, le présent décret envoyé à toutes les paroisses, et imprimé au nombre de quinze cents exemplaires. Fait en l’assemblée générale les jour et an que dessus. Signé : Thomas Millet, président; de Pons, vice-président; Daubonneau, Denix, Mongin et Fre-dureau de Viliedrouin, secrétaires. L’assemblée générale rendit le même jour un décret sur les forces de mer. En voici la teneur : Extrait des registres de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Séance du 27 juillet 1790. L’assemblée générale, informée de bonnes dispositions de tous les braves soldats, canonniers et matelots composant l’équipage et garnison du vaisseau le Léopard , et la généreuse résistance qu’ils ont opposée aux sollicitations qui leur ont été faites de prendre part au repas que les chefs militaires donnaient aux soldats dans l’espoir de se les attacher plus particulièrement, certaine que si des moyens aussi bas avaient pu séduire des soldats, elle trouverait dans l’équipage du Léopard un rempart contre l’insurrection momentanée des soldats trompés; Considérant que les citoyens du Port-au-Prince, menacés de toute part par les agents du„ pouvoir exécutif, ont besoin d’être garantis par” la fidelité reconnue de l’équipage du Léopard ; Considérant enfin que les dangers qui mena- 558 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] cent et environnent les habitants du Port-au-Prince, etc., ensuite contre la partie française, exigent que ce vaisseau et autres forces navales restent au service de la colonie; Considérant que les vaisseaux autrefois du roi, sont les vaisseaux de la nation, et qu’à ce titre Saint-Domingue doit en user pour sa conservation ; A décrété et décrète que l'officier commandant le vaisseau le Léopard et les forces navales maintenant au Port-au-Prince, sera requis, au nom de l’honneur, du patriotisme, de la nation, de la loi, du roi, et particulièrement de la partie française de Saint-Domingue, de ne point quitter la rade du Port-au-Prince, et de ne point priver la partie française de Saint-Domingue, des forces navales destinées à sa défense jusqu'à nouvel ordre. Sera le présent décret notifié à M. le gouverneur général, à M. de La Galissonnière, commandant de la division, lu, publié, affiché par tout où besoin sera, à la diligence du comité provincial de l’Ouest. Fait en l’assemblée générale les jour, mois et an que dessus. Signé > Béraült, président; Valentin de Cülliorl, vice -président ; Le Grand, Trébucien, Daubon-neau et Denix, secrétaires . Elle adressa, le même jour, la lettre suivante à l’équipage du vaisseau le Léopard : Lettre écrite à Mil f. tes citoyens français, formant l'équipage et la garnison du vaisseau national le Léopard , en rade au Port-au-Prince. Saint-Marc, le 30 juillet 1790. « Messieurs et chers compatriotes, l’assemblée générale des représentants au peuple français dé Saint-Domingue, informée de l’ardeur patriotique avec laquelle voué voüs êtes opposés à l’exécution des desseins des ennemis de la nation, tnè charge de vous en témoignefsa satisfaction, consacrée dàns lé décret que je vous adresse ci-joint; continuez, braves compatriotes, et aidez-nous à consommer, en ces contrées, une régénération à laquelle vous avez sans douté contribué en Europe, puisque vous êtes devrais Français : l’amour de la patrie, la première des vertus, vous guidera comme nous, et nous est un sûr garant que vous coopérerez avec Uods à anéantir l'oppression et la tyrannie. « L’assembléb générale apprendra aVec plaisir que vous ayez affiché Son décret sür le grand mât du vaisseau national, confié à de si braves gens. « J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments du plus sincère et du plus fraternel attachement, Messieurs et chers compatriotes, votre très büfilble et très obéissant serviteur. Signé : Thomas Millet, président. P. S. Lé décret annoncé ci-dessus vous sera adressé par le comité de notification de rassemblée. » Ge décret fut notifié à l’équipage du Léopard par leâ membres du comité du Port-au-Prince. L’assemblée générale justifie ces différents actes pâr les dangers auxquels elle dit avoir été exposée; et le Seul indice qu’elle en donne, c’est la prestation d’un Serment qui fut exigée des troupe� et ddntelie ne nous a point fait connâî-trè la formulé. Noua avons trouvé, énonce dans quelques pièces, que ce serment était celui qui a été prêté par les troupes de France dans ie mois d’août de l’année dernière-L’assemblée générale dit qu’il y était défendu aux soldats, sous peine de mort, de reconnaître les municipalités. Si Pou se rappelle que l’assemblée générale leur avait attribué le pouvoir exécutif militaire, on sera peu étonné que M. de Peynier eût pris des précautions pour se conserver sur les. troupes l’autorité que la loi lui confiait, etdontilne pouvait se départir sans mettre dans ie plus grand péril les intérêts et les droits de la nation-Cependant, ces actes audacieux et répétés qui tendaient à mettre toutes les forces dans les mains de l’assemblée de Saint-Marc, et qui dépouillaient ie gouverneur général de tout moyen de résistance, alarmèrent les citoyens qui, restés inébranlablement fidèles à la mère-patrie, n’étaient pas abusés par les protestations de patriotisme et de fidélité que l’assemblée générale savait mêler quelquefois aux résolutions pour lesquelles elle attirait successivement à elle tous leB pouvoirs. Dès le 25 juillet, plusieurs paroisses exprimèrent leurs alarmes par des arrêtés pleins de patriotisme et d’énergie; elles accusèrent hautement l’assemblée générale détendre à l’indépendance, et de préparer la scission avec la métropole; elles rappelèrent impérativement leurs députés, requérant le gouverneur général de se joindre aux bons citoyens pour employer, de concert avec eux, les moyens de rétablir le calme dans la colonie. Pour faire connaître les principes et les sentiments du ces citoyens, dont vuus avez vu ici les députés, et que leurs adversaires voudraient représenter comme des contre-révolutionnaires, je dois vous lire, Messieurs, ia lettre circulaire qui fut écrite par la paroisse de la Croix-des-Bouqüets à toutes celles de la colonie : Lettre circulaire écrite aux ciïtquan té-deüx paroisses de la partie française de Saint-Domingue, par M. Sàint-ÔlymPë, président de V assemblée paroissiale de la Croix-des-BôuquetS, en vertu de l'arrêté de ladite paYoisse, en date du 25 juillet 1790. « Au Cul-de-Sac, le 29 juillet 1790. « Messieurs et chers compatriotes, les citoyens français, habitants du quartier du Cül-de-Sac, profondément touchés de la position alarmante dans laquelle se trouve la colonie, se sont assemblés le 25 de ce mois, dans l’église paroissiale dé la Croix-des-Bonquets, pour y délibérer sur les moyens les plus propres à conjurer l’orage qui menace une des parties les plus précieuses de l’Empire français. L’assemblée m’a ordonné de vous adresser son arrêté, et de vous engager, âü nom du patriotisme et des sentiments fraternels qui doivent unir tous les bons français, à prendre en considération l’important objet qui l’occupe. « Avant que l’énergie nationale eût ressuscité les droits primordiaux de tous les hommes, de l’abîmé profond dans lequel ils semblaient être ensevelis pour les Français, la saine politique avait fait apercevoir aux habitants de Saint-Domingue la nécessité de ne former qu’une seule classe de citoyens, pour opposer une résistance ferme et constante à l’ennemi domestique, dont les forces naturelles sont en si grande disproportion des nôtres. Saint-Domingue donnait alors à Füfilvérs lè spectacle extraordinaire de l’union commandée par la politique, qui, partout ailleurs, divise en créant des distinctions. [Assemblée aationaie.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] « Par quel enchaînement de circonstances, par quelle fatalité cette même contrée ne présente-t-elle aujourd’hui que l’image du trouble et de la désunion ? « Les habitants du Cdl-de-Sac ne peuvent s’empêcher de reconnaître à ces traits, le jeu des intérêts privés, les conseils criminels des passions particulières. Ils pensent que la coalition de tous les bons citoyens* amis de l’ordre, et pénétrés des obligations que tous les hommes vivant, en société contractent réciproquement, que cette coalition, annoncée par les arrêtés des différentes paroisses, pourra seule imprimer aux perturbateurs du repos public une crainte salutaire, et sauver la colonie prête à être entraînée dans un abîme ; ils pensent que cette coalition pourra seule donner de l’énergie à ceux qu’une Vie trop concentrée ou une trop longue habitude des jouissances paisibles fixent dans cet état d’impassibilité, presque aussi fatale à la chose publique dans notre position, que l’adoption des faux principes; ils pensent qu’il n’appartient qu’à une confédération de ce genre de proscrire tous ces signes de division qui s'élèvent au-dessus de la cocarde nationale, emblème sacré de la Révolution, qui réintègre tous les Français dans, leurs droits. « Mais le point de ralliement de toutes les parties coalisées, quel sera-t-il, Messieurs? . « Les habitants du Cul-de-Sac, toujours fidèles à leurs principes, ne peuvent pas croire que vous en reconnaissiez d’autres que les décrets nationaux des 8 et 28 mars. Ils les considèrent comme le tabernacle qui recèle le principe réel de l’existence politique de Saint-Domingue. C’est là, Messieurs, que nos vertus patriotiques doivent puiser leur activité; c’est de là qu’elles doivent recevoir leur direction ; et vous verrez des liens politiques, indissolubles, cimenter, de nouveau, notre union avec nos frères du continent. « Je viens de m’acquitter, Messieurs, de la mission honorable que m’ont confiée mes concitoyens ; je ne me flatte pas de vous avoir peint leurs sentiments et leurs alarmes, avec toute l’énergie qui leur convient ; mais vos cœurs et la connaissance parfaite que vous avez vous-mêmes de ce qui se passe dans la colonie, compléteront ma tâche* « Souffrez, Messieurs, que mêlant mes sentiments particuliers avec l’honorable fonction à laquelle m’a appelé le vœu de mes concitoyens, je vous offre l’hommage du respect et l’entier dévouement avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Messieurs et chers compatriotes, votre très humble et très obéissant serviteur, « Signé : SaINT-Olympe. » L’impreSsion fut bien plus forte dans la ville du Cap et dans l’assemblée provinciale du Nord; vous en jugerez bientôt, Messieurs, par là lecture de la délibération qui y fut prise le 30. Tandis que ces dispositions régnaient parmi les citoyens du Cap, M. de Peynier et ceux qui servaient sous ses ordres au Port-au-Prince, étaient agités des mêmes inquiétudes. Les décrets du 27 étaient connus; le comité du Port-au-Prince avait fait parvenir à l’équipage du Léopard celui qui le concernait, et les dispositions de cet équipage n’étaient pas douteuses. Toutes ces circonstances, jointes à l’enlèvement des poudres à Léogane, aux tentatives dont étaient menacés les magasius mêmes du Port-au-Prince, à celles qui avaient été faites sur les troupes, à la défection de la plus grande partie du détachement de Saint-Marc, parurent au gouverneur général mettre dans un pressant péril les droits de la nation française et le sort même de la colonie. 11 pensa, et tous ceux dorit il prit les conseils pensèrent avec lui, que ces intérêts qui lui étaiept confiés et l’exécution de vos décrets dont ii était responsable, exigeaient de sa part les mesures les plus promptes et les plus décisives.. L’assemblée générale, en le dépouillant successivement de toutes ses forces, lui déclarait la guerre ; elle lui faisait une nécessité de prévenir sa ruine absolue, en employant sans délai les moyens qu’il avait, encore. à sa disposition. Il rendit donc, le 29 juillet, la proclamation suivante : Proclamation de M. le gouverneur général , concernant les troubles de la colonie. AU nom de la nation, de la loi et du roi, Louis-Antoine Thomassin, comte de Peynier, chef d’escadre des armées navales; commandeur de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, gouverneur, lieutenant général des îles françaises de l’Âmériqde sous le vent, et inspecteur général des troupes, artillerie* milices et fortifications desdites îles. Depuis que rassemblée coloniale* séante à Saint-Marc, est en activité, elle n’a cessé de tendre à l’indépendance. Ses premières entreprises sur l’autorité qui m’est confiée par le roi, Ses décrets impérieux sur ma personne et sur celle des officiers qui sont sous mes ordres, sur l’administrateur des finances, mon collègue, et sur le conseil supérieur ne laissaient guère de doute sur ses intentions. J’ai fait loyalement, et sans examiner Détendue de mes sacrifices personnels, tout ce que les lois me permettaient pour la satisfaire, espérant, il est vrai, que l’Assemblée nationale et le roi üe tarderaient pas à fixer ses devoirs et les miens. Les décrets des 8 et 28 mars l’ont fait; j’ai rempli avec exactitude tout ce qu’ils m’ont prescrit, mais Rassemblée de Saint-Marc les a ouvertement méprisés; sourde à la voix publique qui manifestait sa joie et sa reconnaissance par des actions de grâce, elle a souffert qu’il fût fait et appuyé dans son sein des motions précises d’indépendance. Les bons citoyens qui l’entouraient les ont étouffées par ieurs cris d’indignation; mais si elle a renoncé à proférer le. mot d’indépendance, elle n’a pas moins marché constamment vers son but. Pour parvenir à se faire continuer, elle a député ses membres dans toutes les paroisses; dans plusieurs et surtout dans celle du Port-au-Prince, elle a soulevé les citoyens contre les citoyens, fomenté des cabales, excité du tumulte et des violences, et c’est par là qu’elle a acquis une majorité apparente. Enhardie par ce succès, elle a levé le masque; elle a voulu s’emparer ‘des finances publiques, pour les distribuer entre ses membres et s’en faire des moyens de corruption; elle a livré le commerce aux étrangers; elle a, par des projets de décrets insidieusement répandus, tenté de séduire les troupes; elle n’a pas craint d’offrir de l’argent à des hommes qui ne connaissent que l’honneur; elle à proposé une augmentation de paye qu’elle est dans l’impuissance de réaliser ; enfin elle a porté la trahison jusqu'à. faire révolter l’équipage du vaisseau le Léopard , que, dans ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 octobre 1790.1 560 [Assemblée nationale.] son délire, elle ose appeler yaisseau ci-devant dit du roi, et le crime a eu son exécution, en ce que, la nuit dernière, lecommandantdu vaisseau, voulant appareiller, d’après mesordres, pour aller au Cap se meitre en état de faire voile pour la France, tout l’équipage corrompu par les manoeuvres et l’argent de l’assemblée et des adhérents, a réfusé d’obéir à son chef. Cette perfidie annonce que le temps de la modération et de l’indulgence est passé, je serais coupable d’en user plus longtemps, et je dois mettre en usage tous les moyens de rigueur pour conserver à la nation française la plus importante de ses provinces d’outre-mer. En conséquence, et vu le péril évident où l’assemblée coloniale, séante à Saint-Marc, met la France et la colonie, je déclare ladite assemblée et ses adhérents traîtres à la patrie, criminels envers le roi; je déclare que, dès cet instant, je vais déployer toutes les forces publiques qui sont en mon pouvoir, pour la dissoudre, la disperser et l’empêcher, ainsi que ses complices, de consommer leurs horribles projets. J’invite tous les citoyens qui restent fidèles à la nation, à la loi et au roi, à se réunir à moi pour concourir à sauver la patrie : des Français n’hésiteront pas à former une salutaire coalition pour renverser les complots des pervers , j’y parviendrai, sans doute, avec leurs secours et celui des braves soldats qui se sont voués à la défense de la nation, de la loi et du roi. J’ordonne à tous commandants en second, commandants particuliers et autres officiers pour le roi, de seconder, avec les forces qu’ils ont en main, mes efforts pour le bien public. J’adresserai au plus tôt la présente proclamation à l’Assemblée nationale et au roi, et je leur rendrai compte du succès qui ne peut manquer à une cause aussi juste. Sera la présente proclamation imprimée et affichée par toute la colonie. Donné au Port-au-Prince, sous le sceau de nos armes et le contre-seing de notre secrétaire, le 29 juillet 1790. Signé ; COMTE DE PEYNIER. Par M. le gouverneur général, Signé : ROY DE LA GRANGE. Le même jour 29, dans un conseil tenu chez ce gouverneur, et où assistaient les chefs militaires qui se trouvaient au Port-au-Prince, il fut résolu d’arrêter quelques membres du comité pour servir d’otages et de garants delà conduite des rebelles. La délibération qui adopte ce parti, est fondée sur les mêmes motifs que la proclamation qu’on vient d’entendre. M. de Mauduit fut chargé de l’exécution de ces mesures; elles devaient s’effectuer pendant la nuit suivante, heure à laquelle le comité devait tenir sa séance. La résolution fut confirmée le soir par les tentatives qu’annoncèrent les partisans du comité sur les magasins du Port-au-Prince, et leur audace qui fut portée jusqu’à désarmer une patrouille militaire. Yingt-un volontaires vinrent se réunir aux soldats commandés par M. de Mauduit. Le nombre total était de cent huit hommes. M. de Mauduit avait deux pièces de canon, qu’il a dit et imprimé n’avoir pas été chargées : (au moins est-il sûr quelles n’ont atteint personne). Arrivé auprès du lieu des séances du comité, il le trouve environné d’hommes armés au nombre déplus de 400. 11 s’avance 30 pas en avant de sa troupe, et parlant à haute voix, à ceux qui environnaient la maison, il leur annonce les ordres dont il est chargé par le gouverneur et il leur ordonne : au nom de la nation de la loi et du roi, de se séparer; on crie : non ; il répète l’ordre, une décharge de mousqueterie répond à cette seconde réquisition et tue, à côté de M. de Mauduit, deux des siens qui l’avaient accompagné ; deux autres sont tués dans la troupe qu’il avait laissée derrière lui, plusieurs sont blessés. Alors M. de Mauduit ordonne à sa troupe de faire feu; deux des partisans du comité tombent morts, plusieurs reçoivent des blessures, un grand nombre prend la fuite, on crie : grâce. M. de Mauduit et ses officiers contiennent leurs soldats dont la fureur était au comble; le feu cesse ; l’attroupement est dissous ; on arrête 35 personnes qui, presque toutes, ont été mises en liberté le lendemain. M. de Peynier fit proclamer le lendemain la dissolution du comité. L’assemblée générale et les partisans ont peint cet événement comme une contre-révolution, et ont voulu s’en servir pour mettre les armes à la main à tous les habitants de la colonie. On a cherché à répandre que M. de Mauduit a fait feu le premier, qu’il avait donné la mort à plus de 30 personnes. Mais ces bruits répandus n’ont été affirmés dans aucun acte qui nous soit parvenu, taudis que M. de Mauduit a fait imprimer et publié sa narration, et que M. de Peynier a confirmé les mêmes faits dans une proclamation affichée le 6 août au Port-au-Prince, où ces événements s’étaient passés, et où il était impossible que les circonstances et le nombre des morts ne fussent pas connus. Enfin, une autorité plus décisive se joint à celles-là ; le comité de la ville des Gayes attaché à l’assemblée générale, nous a adressé trois lettres, interceptées par lui, et qui étaient écrites en confiance à M. Godert par M. Coustard, maréchal de camp, officier aux ordres de M. de Peynier, commandant en second au Port-au-Prince, auprès de ce gouverneur. M. Coustard y rapporte les faits, tels exactement que je viens de les dire; il y porte seulement à trois le nombre des morts, du côté du comité, soit qu’il y ait erreur dans l’une des narrations, soit que l’une des personnes qui avaient été atteintes, soit ensuite morte de ses blessures. Ges lettres confidentielles ne peuvent laisser aucun doute sur les faits : tout ce qu’on y trouve d’ailleurs de relatif à la conduite et aux intentions du gouverneur général, c’est la volonté de faire exécuter les décrets de l’Assemblée nationale, et de supprimer les comités illégaux institués pour le soutien de l’assemblée de Saint-Marc. G’est à ces dernières dispositions qu’il faut attribuer la fureur populaire qui a été allumée par la lecture publique de ces lettres, et dont M. Godert a été la victime. La ville des Gayes avait eu dans son sein l’assemblée provinciale du Sud ; elle avait exprimé les sentiments les plus patriotiques; un club s’y est formé à l’appui de l’assemblée générale, a opéré la dissolution de l’assemblée provinciale, et a entraîné le peuple dans son parti. L’assemblée générale rendit, le 31, le décret suivant : [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES) [12 octobre 1790.) 561 Extrait des registres de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Séance du 31 juillet 1790. L’assemblée générale, transportée d’une vive indignation aux nouvelles affreuses qu’elle vient de recevoir du Port-au-Prince, et pénétrée du ressentiment le plus juste et le plus profond, Jure de venger le sang des braves citoyens contre lesquels l’exécrable Mauduit, avoué par le traître Peynier et par son infernal conseil, a osé enfin tourner les armes destinées à défendre les habitants de cette île. Invite, au nom de l’honneur et du salut de la patrie en danger, toutes les paroisses et la partie française de Saint-Domingue, d’accourir très promptement au secours de leurs frères du Port-au-Prince, qu’on égorge. Déclare le comte de Peynier et les sieurs Mauduit, Coustard, Gournoyer, LaGalissonnière et La Merveillère, traîtres à la nation, ennemis publics, et comme tels, les proscrit. Ordonne à tous les citoyens de la partie française de Saint-Domingue, de poursuivre à outrance les infâmes auteurs des massacres horribles qui plongent la partie française de Saint-Domingue dans le deuil. Fait en l’assemblée générale les jour et an que dessus. Signé .-Thomas Millet, président ; de Pons, vice-président ; Deaubonneau , Denix, Mon-gin et Fredureau de Villedrouin, secrétaires. Le même jour, elle fit la proclamation suivante: Proclamation de l’assemblée générale. Du 31 juillet 1790. Au nom de la nation, de la loi, du roi et de la partie française de Saint-Domingue en péril ; Toutes les paroisses sont invitées et pressées de se réunir sur-le-champ, pour venger les assassinats qui viennent d'être commis au Port-au-Prince. L’horrible conjuration a éclaté; les exécrables Peynier, Mauduit , Coustard , de La Jaille, etc., etc., se baignent dans le sang : que les bons citoyens courent aux armes. Union , célérité et courage. Les points de ralliement sont : Saint-Marc , pour toute la partie du Nord et les paroisses adjacentes : Cul-de-Sac , pour le Mirebalais, Mont-Rouis, les Vases, Arcahaye, Boucassin et leurs dépendances; Léogane , toute la partie du Sud. Signé : Thomas Millet , président ; de Pons , vice -président ; Deaubonneau, Denix, Mongin, Fredureau de Villedrouin, secrétaires. Le même jour, elle écrivait à la paroisse de Mirebalais la lettre qui suit : Copie de la lettre des membres de l’assemblée générale en date du 31 juillet 1790, à MM. les paroissiens de Mirebalais . « Saint-Marc, 31 juillet 1790. « Messieurs et chers compatriotes, nous vous i*e SÉRIE. T. XIX. prévenons, au nom de l’assemblée générale, que la conspiration contre la partie française de Saint-Domingue a éclaté au Port-au-Prince la nuit du 29 au 30 de ce mois, par l’assassinat d’un grand nombre de citoyens ordonné par le comte de Peynier, et exécuté par le colonel Mauduit. Songez à vous, et comptez sur l’inébranlable fermeté de vos représentants. Rendez-vous au Cul-de-Sac, en armes, le plus tôt que vous pourrez. « Nous sommes, avec les sentiments fraternels que la douleur resserre encore, Messieurs et chers compatriotes, vos très humbles et très obéissants serviteurs, Les membres de l’assemblée générale, Signé: Thomas Millet, président, de Pons, vice-président; Danbonnem, Denix, Mongin, Fredureau de Villedrouin, secrétaires. » Pendant cet intervalle, le comité paroissial de la ville des Gayes ayant envoyé à l’assemblée générale un paquet qu’il avait intercepté, adressé par M. de La Luzerne à M. de Peynier, parti de France dans le mois de juin, et dans lequel le ministre recommandait au gouverneur d’agir d’une manière conciliante envers les habitants de la colonie et rassemblée coloniale dont on ne connaissait encore en France ni les principes ni les arrêtés puisque, les premiers n’y sont parvenus qu’à la fin du mois de juillet; L’assemblée générale a profité de cette circonstance pour s’élever de plus fort contre M. de Peynier, et elle a rendu le 2 août le décret suivant : Extrait des registres de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Séance du 2 août 1790, au matin. L’assemblée générale, considérant l’horrible trahison dont le comte de Peynier s’est rendu coupable envers la partie française de Saint-Domingue, et envers la nation entière, par les meurtres et les autres excès lâchement commis par ses ordres sur les citoyens du Port-au-Prince, et dont le but est aujourd’hui bien manifesté par la découverte de l’affreuse conspiration qui se tramait d’un bout de cette île à l’autre pour opérer une contre-révolution; Considérant que les attentats du comte de Peynier deviennent plus odieux d’après la connaissance que l’assemblée vient d’acquérir de la lettre du comte de La Luzerne et des autres dépêches apportées aux Gayes par la corvette le Serin, lettre et dépêches qui prouvent que les horreurs commises au Port-au-Prince n’ont été précédées d’aucuns ordres qui aient pu autoriser le sieur de Peynier à prendre des mesures aussi sanguinaires et aussi désastreuses que celles qu’il vient d’effectuer dans ladite ville; Considérant enfin que sa tête a été proscrite par le décret de l’assemblée du 31 de ce mois, en haine de son abominable conduite : Décrète que le dit sieur comte de Peynier est et demeure destitué, par le seul fait , du gouvernement de la partie française de Saint-Domingue. Fait défenses à qui que ce soit de lui obéir eu cette qualité, sous peine d’être réputé complice’ de sa trahison. Et attendu que le sieur de Vincent , qui devrait le premier lui succéder au gouvernement, est devenu Tun de ses fauteurs et complices par sa 36 f)02 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] eoaütion avec lui et avec les autres ennemis de la partie française de Saint-Domingue ; attendu aussi que le sieur Coustard, appelé à ce poste au défaut du sieur de Vincent, est un des infâmes conseillers du comte de Peynier, et comme tel, proscrit, et que les autres officiers supérieurs qui viennent aprêB lui sont justement suspects; l’Assemblée déclare, à l’unanimité, que le commandement général de la partie française de Saint-Domingue est et demeure dévolu, provisoirement et jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu par le roi, à M. de Fierville, actuellement commandant particulier de la ville des Gayes, dont le patriotisme s’eSt fait connaître, sans équivoque, dans les circonstances critiques où se trouve Gette colonie. L’invite à se rendre sans délai auprès de l’assemblée générale. Enjoint aux gardes nationales soldées ou non soldées, et à tous autres, de quelque classe et condition qu’ils soient, de le reconnaître en cette qualité, et d’obéir à ses ordres. Et comme le sieur de Peynier a dans ses mains une partie des forces de la partie française de Saint-Domingue, l’assemblée générale, voulant épargner, s’il se peut, le sang des citoyens qui se réunissent de toutes parts pour exercer les justes vengeances dues à ceux de leurs frères qui ont été les victimes de sa fureur; décrète que copies collationnées de la lettre du comte de La Luzerne et des autres dépêches apportées aux Gayes par la corvette le Serin , et dont les originaux sont tombés au pouvoir du comte de Peynier, par la dispersion et la spoliation du comité de l’Ouest, auquel iis avaient été adressés pour lui être remis, lui seront, surabondamment et sans délai, adressées, pour qu’il ait, à l’instant de leur notification, à désarmer les troupes qui l’entourent, jusqu’à ce que M. de Fierville en ait pris le commandement; sinon et faute par ledit sieur de Peynier d’obéir au présent décret, l’assemblée déclare qu’elle laissera aux bons citoyens qui brûlent de voler au Port-au-Prince, et dont le nombre s’accroît rapidement, la liberté de punir, par la voie des armes, les énormes forfaits qui ont été commis par le sieur de Peynier, et qui le rendront, ainsi que ses fauteurs et adhérents, à jamais exécrable à toutes les nations. Sera le présent décret apporté à M. de Fierville , par ceux de MM. les citoyens des Gayes dont le courageux patriotisme a procuré à rassemblée la connaissance des précieuses dépêches venues par le Serin , lesquels elle nomme ses commissaires à cet effet ; sera, en outre, ledit décret notifié au sieur de Peynier, imprimé, publié et affiché dans toute la partie française de Saint-Domingue. Fait en assemblée générale, à Saint-Marc, les jour, mois et an que dessus. Signé : Th. Millet , président; de Pons, vice-président ; Daubonneau, Denix, Mongin, Fredu-reau de Villedrouin, secrétaires. Le 3, elle rend un décret qui autorise les mulâtres et nègres libres de la paroisse de Verrètes à marcher sous le drapeau de la patrie. Il faut connaître toute la force de certaines opinions, à Saint-Domingue, pour apprécier ce décret. Tandis que les décrets et les proclamations de l’assemblée générale tendaient ainsi à mettre les armes à la main à ceux dont elle avait conservé la confiance, ceux qui s’étaient élevés avec le plus d’énergie contre ses projets, s’occupaient des moyens de la dissoudre. L’assemblée provinciale du Nord avait pris, le 30 juillet, un arrêté dont je dois vous faire lecture, ainsi que de la lettre par laquelle il fut adressé au gouverneur général. Copie de la lettre de rassemblée provinciale permanente du Nord , à M. le comte de Peynier , gouverneur général. « Au Gap, le 30 juillet 1790. « Monsieur le gouverneur général, les coupables entreprises de l’assemblée séante à Saint Marc, ne laissent plus de doute sur sa perfidie. La province du Nord, résolue de ne pas souffrir le joug qu’on lui prépare, et indignée du retard que des prétentions extravagantes apportent àla Constitution après laquelle elle soupire inutilement depuis si longtemps, a enfin résolu d’y mettre un terme, par tous les moyens possibles. Elle vous invite donc, monsieur le gouverneur général, elle vous requiert, elle vous presse, au nom de vos serments à la nation, à la loi et au roi, au nom de la tranquillité publique en péril, au nom de tous les bons et loyaux Français de cette colonie, de notifier sans délai, à rassemblée coloniale, qu’attendu son mépris formel pour les décrets nationaux, qui pouvaient seuls servir de base à ses opérations, elle reste, dés cet instant, sans consistance et sans caractère, et qu’elle est et demeure entièrement dissoute. «Et en cas de désobéissance de sa part, la province du Nord vous requiert, par les mêmes considérations, d’employer contre l’assemblée coloniale toutes les forces militaires et patriotiques qui sont à votre disposition, et de combiner ces forces avec celles que la province du Nord va rassembler pour vous seconder, et de faire enfin précéder cet appareil imposant de l’injonction prompte, précise et solennelle à l’assemblée coloniale, de se séparer et de se dissoudre sur-le-champ, à peine d’être déclarée rebelle, criminelle de lèse-nation, et traitée en conséquence. L’assemblée provinciale du Nord a nommé, et vous envoie des commissaires, conjointement avec ceux des différents corps patriotiques du Gap. Elle vous prie, monsieur le gouverneur général, de concerter avec eux vos opérations, pour nous mettre en état de les appuyer, et de les diriger utilement vers un but commun. « La province du Nord attend de votre part pour ses représentants, des égards et des soins dignes d’elle et de vous. « Nous sommes avec respect, monsieur le gouverneur général, vos très humbles et très obéissants Serviteurs, Les membres de rassemblée provinciale , Signé .-Trémondrie, président; Lévesque, secrétaire . Collationné, Signé; Paquot, secrétaire perpétuel, garde des archives . » Eue trait des registres des délibérations de rassemblée provinciale permanents du Nord de Saint-Domingue . Séance du 30 juillet 1790. L’assemblée provinciale de la partie du Nord de Saint-Domingue, dans la séance extraordinaire de ce jour, au matin, où étaient MM. les commandants eu second pour le roi, les chefs de 563 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] bataillons patriotiques et militaires, officiers d'administration, commandant la station des forces navales, capitaine de port, accompagné chacun des officiers, bas-ofliciers et soldats des troupes patriotiques et réglées, du commandant de la marine marchande, et des capitaines de navires de divers ports de l’Europe actuellement en rade, tous invités en vertu de la délibération du jour d’hier de l’assemblée; Après avoir pris l’avis de tous les citoyens présents, et renouvelé le serment de vivre et mourir fidèles à la nation, à la loi et au roi; Considérant les derniers actes de souveraineté ue vient de se permettre l’assemblée séante à aint-Marc, notamment la défense aux tribunaux de poursuivre les sieurs Croisier , Imbert et autres accusés, l’adoption des principes du sieur Borel ; le prétendu décret par lequel les troupes viennent d’être déclarées licenciées, l’ouverture des ports, les défenses adressées au commandant des forces navales, le mépris et la violation des formes prescrites par l’Assemblée nationale et le roi; Considérant que tous ces actes étant autant de délits punissables, le premier devoir de la colonie est de dissoudre l’assemblée, ou plutôt la coalition qui se permet tous ces crimes : A unanimement arrêté que L’assemblée provinciale va nommer sur-le-champ quatre commissaires pris dans son sein, et que chaque corps de troupes patriotiques nommera un commissaire, à l’effet déformer, avec ceux de l’assemblée provin-■ ciale, une députation pour porter, en corps, au gouverneur général, le vœu de la province du Nord et le requérir de déclarer, au nom de tous les citoyens de cette province, à l’assemblée de Saint-Marc, que faute par elle de se conformer aux décrets des 8 et 28 mars dernier, il a charge de la dissoudre, et d’arrêter des actes de souveraineté qu’il ne pourrait tolérer plus longtemps, sans devenir responsable des désordres que pareils décrets pourraient occasionner; qu’il somme tous les membres de cette assemblée inconstitutionnelle de se séparer sur-le-champ, et de quitter Saint-Marc sous deux heures, passé lequel temps ils seront poursuivis comme ennemis de la sûreté de la colonie, renvoyés en France pour être jugés par la nation assemblée, et qu’il leur enjoint, sous les mêmes peines, de se retirer chacun dans leur quartier, sans que, sous quelque prétexte que ce soit, ils puissent se réunir et former assemblée ; Arrêté que ladite députation partira demain sur la goélette de M. Paouilliac, qui sera équipée à cet effet, en s’adressant pour tous les secours nécessaires à MM. les commandants de la mariue royale et commissaire ordonnateur, dont le zèle et le patriotisme dans cette circonstance, leur ont acquis de nouveaux droits à l’estime et à la confiance de leurs concitoyens; Arrêté que par les commissaires députés par la province du Nord, il sera expédié, le plus tôt possible, un courrier extraordinaire, chargé d’instruire l’assemblée provinciale des mesures concertées avec M. le gouverneur général pour la sûreté de la colonie, afin de mettre la province du Nord à portée de concourir de tous ses efforts aux pians convenus et arrêtés pour dissiper les complots des ennemis de la patrie ; Arrêté que les troupes patriotiques et militaires de la province du Nord, qui seront choisies pour assurer, par leur présence, l’exécution du vœu de tous les bons citoyens, et la dissolution de Saint-Marc, s’embarqueront incessamment, et se rendront aux Gonaïves sur des bâtiments expédiés par ordre de l’assemblée provinciale, sous le commandement de M. de Moncabrier, et qu’ils attendront les nouvelles instructions qui dirigeront leurs opérations ultérieures; Arrêté, en outre, que les colons français de la province du Nord s’occuperont incessamment de nommer leurs représentants à une nouvelle assemblée coloniale, constituée suivant le mode tracé dans les instructions du 28 mars, et que le premier serment de leurs nouveaux représentants sera de se conformer en tout aux décrets du Corps législatif français, sanctionnés par le roi, et leur unique devoir de tracer un plan de Constitution convenable aux besoins de la colonie, lequel sera envoyé sur-le-champ à l’Assemblée nationale, pour être décrété par elle, et sanctionné par le roi, sauf les réglements provisoires que les représentants de l’assemblée coloniale auront le droit de décréter et faire exécuter, après qu’ils seront revêtus de la sançlion du représentant du roi ; Arrêté enfin que la présente sera adressée à tous les colons français, habitants des diverses provinces de Saint-Domingue, avec invitation de se joindre à la province du Nord, pour concourir de toute leur force au rétablissement de l’ordre et de la paix, et à la destruction de l’anarchie ; promettant lesdits colons français de la province du Nord assistance, secours et attachement inviolable à tous ceux de leurs compatriotes qui, comme eux, seront très résolus de vivre et de mourir fidèles à la nation française, à la loi et au roi. Fait en séance de l’assemblée provinciale du Nord de Saint-Domingue, lesdits jour et an que dessus. Signé : Trémondrie, président ; Couot de Monta-ran, vice-président; Bouyssou et Lévesque, secrétaires : Collationné. Séance du même jour, 30 juillet 1790, quatre heures de relevée. L’assemblée provinciale, continuant la séance, il a été procédé à l’exécution de l’arrêté ci-dessus ; en conséquence, MM. Bouyssou, Gauvin, Couot deMontaran et Ghesnau de La Megnière ont été nommés, par la voie du scrutin, commissaires de l’assemblée provinciale auprès de M. le gouverneur général; et lecture faite des procès-verbaux des différents corps patriotiques, les commissaires ont été nommés comme suit : Savoir : Pour le corps des grenadiers, M. La Corée; Pour le corps des dragons, M. Fadeville; Pour le corps du premier bataillon, M. Brard; Pour le corps du deuxième bataillon, M. Payl-leux; Pour le corps des volontaires, M. La Chaise; Pour le corps des mulâtres, M. Hardivilliers; Pour le corps des nègres, M. Pontdevieux ; •Pour le commissaire de rade, M. Car. Lesquels dits commissaires, après avoir accepté ces honorables fonctions, ont renouvelé le serment d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et fait celui d’employer tout leur zèle, leurs lumières, leur patriotisme, pour faire réussir la mission importante qui leur est confiée, et de se conformer èn tout aux instructions qui leur en tracent les devoirs. Et après que les citoyens ont eu manifesté leur confiance dans leurs commissaires par le 564 [Assemblée nationale.] transports les plus vifs, les membres composant l’assemblée provinciale, les commandants, officiers, bas-ofticiers et soldats des troupes patriotiques et réglées, ont fait le serment solennel d’aider et protéger de toute leur force, les généreux patrioies qui vont porter au général les vœux de cette province, déclarant les prendre sous leur sauvegarde la plus sacrée, et de répandre ju squ’à la dernière goutte de leur sang pour les secourir et les défendre. Sur la motion faite, tendant à ce qu’il fût tenu un conseil de guerre pour déterminer le nombre des troupes que le besoin de l’expédition exigeait, MM. les commandants et chefs des corps se seraient retirés dans une salle particulière à cet effet; d’où il est résulté que M. de Vincent a été nommé général, et que l’armée partira lundi. Fait et clos en séance lesdits jour et an que dessus. Signé: Trémondrie, président , et Lévesque, secrétaire. Collationné, signé : Paquot, secrétaire perpétuel, garde des archives. En exécution de ces arrêtés, les commissaires se rendirent auprès du gouverneur général, et M. de Vincent partit avec sa troupe pour attendre ses ordres aux Gonaïves. Les caboteurs, les capitaines marchands et tous les marins français qui se trouvaient au Port-au-Prince, offrirent leurs forces à M. de Peynier,déj à soutenu par tes volontaires, et celles des paroisses voisines qui s’étaient déclarées contre l’assemblée générale. Cependant l’équipage du Léopard , après avoir mis à terre son capitaine et la plupart de ses officiers, et avoir élu pour le commander M. de Santo-Domingo, s’était rendu le 12 août dans la rade de Saint-Marc. M. de Mauduit, envoyé par M. de Peynier à la tête de 200 hommes, pour soutenir M. de Vincent, ne put arriver à temps, parce que la marche du Léopard l’obligea de se rendre, par terre, à sa destination; mais M. deVincentétantauxGonaïves, et y ayant reçu les ordres du gouverneur, fit sommer, Je 6 août, l’assemblée générale, par l’intermédiaire du comité paroissial de Saint-Marc, de se séparer dans dix-huit heures, sous peine d’y être contrainte par la force ; il accorda ensuite, à la demande de ce comité, un second délai de vingt-quatre heures, et l’assemblée générale se détermina le 8 à s’embarquer pour la France sur le Léopard , résolution qui fut accompagnée d'un arrêtédont je dois vousfaire lecture. Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Séance du 8 août 1790. L'assemblée générale, considérant que si elle faisait dépendre son maintien du sort des armes, il lui serait facile de renverser par cette voie le téméraire projet, qu’ont formé les ennemis du bien public, de venir à main armée pour la dissoudre; Considérant que leur défaite la plus entière est assurée non seulement par le double avantage que donnent aux citoyens de Saint-Marc et la position naturelle des lieux, et la présence du vaisseau le Léopard si justement surnommé le Sauveur des Français ; mais encore par la supé-[12 octobre 1790.] riorité des forces que ces braves citoyens sont en état d’opposer aux ennemis de la patrie, et qui grossissent chaque jour par les nouveaux détachements de gardes nationales dout les diverses paroisses instruites du péril imminent que court la chose publique, s’empressent de renforcer les secours qui sont déjà rendus dans cette ville pour la défeasede l’assemblée; Considérant qu’un tel triomphe hâterait sans doute la régénération, et pourrait, sous ce pointde vue, faire l’objet des vœux de ceux qui son t appelés à l’opérer parleurs travaux; mais que la réflexion ne tarde pas à présenter ce succès sous un aspect affligeant, et fait ensuite repousser avec effroi ce qu’on aurait été porté, par un premier mouvement, à désirer comme avantageux ; Considérant que le sang qu’il faudrait répandre pour obtenir un triomphe aussi décisif, et celui de citoyens et soldats abusés, coupables sans doute, pour avoir consenti à porter les armes contre leurs citoyens, mais plus malheureux encore d’être l’objet des insidieuses manœuvres de ceux qui, à force de calomnies, leur ont persuadé que les représentants de la partie française de Saint-Domingue étaient ses ennemis; Considérant les horreurs d’une guerre civile dont cette florissante contrée est près de devenir le théâtre, et qui n’attend, pour s’allumer, que le court intervalle de dix-huit heures, si les menaces de ceux qui en tiennent le flambeau dans leurs mains se réalisent, aux termes de la lettre écrite à la municipalité de Saint-Marc par le sieur de Vincent, qui n’a pas craint, au mépris de ses serments, de se mettre à la tête des troupes parties du Gap contre l’assemblée ; Considérant que la condition proposée pour éviter tant de maux, la dissolulion de l’assemblée, entraînerait seule un mal non moins grand, non moins redoutable en lui-même et dans ses suites, le rétablissement du despotisme dont le joug a pesé si longtemps et d’une manière si accablante sur les habitants de cette île ; Considérant que, placée dans cette alternative douloureuse, de consentir à sa dissolution ou de voir la Constitution de Saint-Domingue arrosée du sang de ceux-là mêmes dont elle est destinée à assurer le bonheur, une assemblée jalouse de répondre à ses constituants ne doit pas balancer à faire tous les sacrifices qui pourront garantir ia colonie de ce double üanger ; Considérant qu’il s’offre à son courage un moyen aussi sûr que magnanime de déconcerter tes ennemis de la régénération ; que ce moyen, simple dans l’exécution, ie seul qui reste pour éviter toute effusion de sang, et pour empêcher la dissolution d’une assemblée d’où dépend le salut de Saint-Domingue, est de voler dans le sein même de la nation, et d’aller lui demander justice contre des scélérats qui la trahissent elle-même sous le masque d’un faux zèle pour ses intérêts et pour sa gloire ; Considérant qu’une telle résolution, qui ne peut être inspirée que par le patriotisme le plus vrai, ni embrassée que par l’innocence la plus pure, détruit d’elle-même les imputations mensongères que les partisans de l’ancien régime ne cessent de semer contre les intentions de l’assemblée ; Considérant que cette démarche est également propre à rassurer la France sur la fidélité des habitants de cette île, don ides conspirateurs adroits cherchent à rendre les sentiments suspects, à dessein de faire chanceler la fortune de l’Etat par une scission qui entraînerait la ruine du com-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] 565 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. merce national, et qui dès lors opérerait une contre-révolution dans Je royaume ; Considérant que le seul obstacle qu’un parti aussi sage pouvait rencontrer dans son exécution, est levé par le patriotisme, tant de M. le baron deSanto-Domingo, commandant le vaisseau le Léopard , que des autres officiers et de l’équipage de ce vaisseau libérateur, qui tous, après avoir couvert l’assemblée des ailes d’une protection respectée, ont couronné leur civisme par l’offre hospitalière et bienfaisante de la recevoir au milieu d’eux, et de la transporter en France; Considérant que les membres d’une assemblée qui s’est vouée tout entière à la chose publique, comptent, avec raison, pour rien les hasards d’un pareil voyage, et le peu de temps qu’ils ont pour s’y préparer; que loin d’être arrêtés par le préjudice qu’un déplacement aussi brusque doit infailliblement porter à leurs fortunes, loin même d’écouter la voix de la nature qui les rappelle au sein de leurs familles, dont la plupart sont séparés depuis longtemps, ils ne regrettent dans le zèle qui les anime et qui leur fait mettre sans hésiter la patrie au-dessus de tout, que le sacrifice de leurs vies ne puisse pas procurer à leurs concitoyens, avec la liberté, le bonheur dont elle est le germe, et qui ne peut avoir de prix que par elle ; Considérant enfin, que cette résolution sauve à la fois l’assemblée, l’équipage du vaisseau le Léopard , les soldats qui se sont rangés sous les drapeaux de la patrie, les citoyens qui, par leur courage, ont le plus exposé leurs têtes, la colonie dont les habitants sont sur le point de s’entr’égorger, et la France même, sur qui retomberait le contre-coup des malheurs dont la colonie est menacée : À décrété et décrète qu’elle cède au désir d’épargner le sa ng d’un peuple de frères qu’un gouvernement astucieux et barbare a transformés en ennemis, pour les détruire les uns par les autres, et leur faire préférer, après un long épuisement, le > aime du despotisme aux agitations de la liberté; Qu’en conséquence, unissant, sa cause à celle du généreux équipage qui a si bien mérité de la nation entière par son patriotisme, ainsi qu’à celle des braves soldats qui se sont engagés dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, et des bons citoyens qui sont forcés de chercher leur salut à sa suite, elle se transportera en France sur le vaisseau le Léopard, surnommé le Sauveur des Français, prêt à mettre à la voile, et sur lequel elle est actuellement embarquée pour aller porter à la nation et au roi, les assurances de l’inviolable attachement que leur a voué cette ortion de Français qui habitent l’île de Saint-omingue; exposer à l’Assemblée nationale la trame ourdie par le comte de Peynier, gouverneur général de la partie française de Saint-Domingue, le sieur de Mauduit, colonel du régiment du Port-au-Prince, et leurs fauteurs, nommément le sieur de Vincent, commandant de la partie du Nord, pour opérer en France une contre-révolution, dont la colonie devait être le foyer; lui dénoncer les lâches assassinats commis par ces scélérats contre les citoyens du Port-au-Prince, dans la nuit du 29 au 30 juillet dernier, les autres attentats dont ils se sont rendus coupables, leur criminelle entreprise pour dissoudre, par la voie des armes, une assemblée dont le maintien a pour base les décrets de l’Assemblée nationale elle-même; provoquer une vengeance éclatante de ces horribles forfaits, et solliciter enfin l’Assemblée nationale de lancer contre le despotisme à Saint-Domingue ces mêmes foudres qui l’ont exterminé en France d’une manière si victorieuse; Décrète que les gardes nationales soldées embarquées le jour d’hier à bord du Léopard se rendront en France avec les commis et autres personnes attachées au service de l'assemblée, et qui voudront la suivre; Décrète aussi que, pour soustraire aux persécutions du gouvernement M. Groizier, président du comité provincial de l’Ouest, et autres citoyens qui, par les preuves qu’ils ont données de leur courageux patriotisme, sont plus particulièrement exposés à devenir les victimes des ennemis du bien public, M. le baron de Santo-Domingo sera prié de les recevoir à bord dudit vaisseau, et de les transporter en France avec l’assemblée; Décrète que MM. les président et vice-président demeurent autorisés à faire fournir audit vaisseau les vivres nécessaires pour l’assemblée et pour les personnes embarquées à sa suite; Décrète qu’il sera fait une adresse à toutes les paroisses de la partie française de Saint-Domingue, pour les informer de la résolution prise par rassemblée; Décrète qu’elle continuera d’être en activité à bord dudit vaisseau, et de s’occuper des travaux qui font l’objet de sa mission. Arrête que le présent décret sera imprimé en France aussitôt l’arrivée du vaisseau le Léopard , au nombre de dix mille exemplaires, pour être répandus dans toutes les parties du royaume, et envoyés tant à Saint-Domingue qu’aux îles du Vent; charge expressément M. Larchevêque Thibaut de veiller à cette impression. Fait en séance à bord dudit vaisseau, les jour, mois et au que dessus. Signé : d’Augv , président; de Bourcel, vice-président ; Le Ray de La Glartais, Venault de Gharmilly, Deuix, Daubonneau, secrétaires. Le même jour, elle adressa aux habitants de la colonie la lettre suivante : L'assemblée générale de la partie française à ses constituants, à bord du vaisseau le Léopard, le sauveur des Français , le 8 août 1790. « Messieurs et chers concitoyens, le meurtre de nos frères du Port-au-Prince, les nouveaux assassinats médités contre l’assemblée générale de vos représentants ne nous étonnaient pas; nous nous attendions avec la paix de la bonne conscience les coups que des étrangers soudoyés par nous-mêmes nous préparaient; mais nos fidèles et braves citoyens sont venus protéger nos travaux et garantir nos vies. Rentrant alors en nous-mêmes, nous nous sommes dit que la plus grande somme de bonheur de nos compatriotes était le but orincipal de nos constituants. Ehl quel bonheur que celui qui serait acheté par l’effusion du sang de nos frères! Sans doute, à l’avantage de la bonne cause, nous réunissons les forces et le courage; mais nous avons cru plus utile et certainement plus sûr d’aller porter dans le sein de la mère-patrie nos travaux, nos principes et nos têtes. G’est là que nous citons nos calomniateurs, nos ravisseurs et nos assassins ; c’est là que l’intrigue, le un nsonge et l'insolence trouveront un frein. Nous nous recommandons à votre propre courage, et nous nous flattons d’emporter vos vœux, 560 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] qui soutiendront les nôtres; nous partons sur le vaisseau le Léopard; la providence nous l'offre, et nous l’avons surnommé le Sauveur des Français. Nous solliciterons la sanction de nos décrets, nous vous les ferons passer avec la plus grande exactitude ; de votre côté, vous n’oublierez pas notre attachement, notre zèle, nos sacrifices. « Nous mettons nos femmes, nos enfants, nos propriétés sous votre sauvegarde. Nous ne vous parlons pas du maintien de l’assemblée : vous sentirez que la partie française de Saint-Domingue en dépend. « Nous vous prions d’inviter nos collègues à se réunir à nous par tous les ports, pour renforcer notre représentation, et nous faisons observer que nous partons démunis de tout, et n’ayant pour ressource et pour soutien que l’intérêt et l’amitié de nos frères qui sont notre force, et à qui nous faisons avec joie et tranquillité tous les sacrifices. « Nous avons l’honneur d’être avec le plus inviolable et fraternel attachement, Messieurs et chers compatriotes, vos très humbles et très obéissants serviteurs, Le$ membres de l'assemblée générale. Signé : Thomas Millet, président , de Pons, vice-président ; Denix, Dauoonneau, Fredureau de Villedrouin, Collet, Mongin et Guenin. N. B. Veuillez faire passer à toutes les paroisses une copie de la présente, pour suppléer à celles qui pourraient être soustraites, paraphée par le susnommé. » Il nous a été remis des copies certifiées de plusieurs lettres écrites à différentes paroisses par des membres de l’assemblée générale, pendant les derniers jours qui ont précédé son départ ; toutes tendaient à mettre les armes à la main aux partisans de l’assemblée; mais ces lettres écrites dans un moment de crise, et par des individus, ne sauraient être imputées à crime à l’assemblée, dont aucun acte ne nous est parvenu dans l’intervalle du 2 au 8 août. Depuis ces événements, M. de Peynier a reçu les remercîments de ceux qui avaient sollicité et soutenu Sa Conduite ; les citoyens du Port-au-Prince, qui avaient été attachés au parti de l’assemblée générale et du comité, ont reconnu leur erreur, et la paix s’est rétablie dans cette ville. C’est dans la province du Sud que les partisans de l’assemblée générale se sont montrés les plus nombreux et les plus animés; il paraît que, sur les proclamations de cette assemblée, il s’y était formé des rassemblements d’hommes pour marcher au Port-au-Prince; mais nous ne voyons point qu’ils se soient portés à effectuer leurs projets. Nous avons donc toute raison de croire que la paix aura été maintenue dans la colonie. M. de Peynier annonce l’intention de faire exécuter vos décrets dans toute leur exactitude. Tels sont. Messieurs, les faits qui résultent des pièces qui ont été remises à votre comité ; j’ai élagué les détails qui n’étaient pas liés à la décision; je n’ai mis sous vos yeux que les pièces qui nous ont paru indispensables pour vous donner une connaissance parfaite de cette affaire ; les autres sont dans le même esprit, et vingt séances n’auraient pas suffi pour vous en faire la lecture. Vous savez ce qui s’est passé depuis. Le vaisseau le Léopard est arrivé à Brest ; vous avez mandé à la suite de l’Assemblée nationale les membres de l’assemblée générale, et le sieur de Santo-Domingo ; vous les avez entendus ; vous avez entendu les députés du Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets : il vous reste à rendre une décision. Voici quelles sont les réflexions qui nous ont paru devoir la déterminer. En réduisant l’exposé des faits à une très brève récapitulation, il résulte : Que dès sa première formation, l’assemblée de Saint-Marc s’est attribué l’exercice de la puissance législative ; qu’elle a voulu attirer à elle tous les autres pouvoirs, en mettant sous ses ordres l’administrateur des finances de la colonie ; en mandant à sa barre les officiers civils et militaires, qui exercent à Saint-Domingue l’autorité de la nation et du roi, et en interceptant leur correspondance; enfin, en instituant des municipalités auxquelles elle attribuait différentes fonctions des officiers militaires, et celles de l’administration des ports ; Que les décrets de l’Assemblée nationale arrivés dans la colonie, et reçus avec enthousiasme, n’ont rien changé à sa conduite, quoiqu’ils limitassent formellement ses pouvoirs; Que le 27 mai, elle a rendu un décret par lequel elle prétend exclure l’Assemblée nationale de la législation intérieure des colonies, et n’y fait concourir le roi que d’une manière illusoire, puisqu'elle se réserve le droit d’exécuter provisoirement en attendant sa sanction, et sans avoir obtenu celle du gouverneur; que, par ce même décret, elle réduit les rapports extérieurs entre la métropole et la colonie à un simple traité de commerce respectivement consenti; Qu’elle n’a adopté, trois jours après, le décret de l’Assemblée nationale du 8 mars, que sous la réserve de ces principes; Que quoiqu’elle dise aujourd’hui que son décret du 28 mai n’était qu’üne proposition envoyée par elle à l’acceptation de l’Assemblée nationale et du roi, elle ne s’est pas moins hâtée de l’exécuter, en exerçant, malgré l’opposition du gouverneur et d’une grande partie de la colonie, toute l’étendue de pouvoirs qu’elle s’y était arrogés ; Qu’elle a prescrit un nouveau serment aüx citoyens et aux troupes; Qu’elle a voulu casser l’assemblée provinciale du Nord et le corps des volontaires du Port-au-Prince, quoiqu’ils n’eussent d’autre tort que de la rappeler, avec les citoyens éclairés et fidèles de la colonie, aux pouvoirs et aux fonctions que l’Assemblée nationale lui avait confiés ; Qu’en supposant une disette qui n’existait pas, elle a ouvert aux étrangers tous les ports de la colonie, et anéanti toutes les lois de commerce, en confiant aux municipalités qu’elle avait créées, une surveillance déjà impossible par elle-même, et en autorisant les habitants à payer en denrées coloniales les subsistances qu’ils recevraient des étrangers ; Qu’elle a licencié les troupes pour les reconstituer sous le titre de gardes nationales soldées, au service et à la solde de la colonie; qu’elle a mis les déserteurs sous sâ protection, et promis des concessions de terre aux soldats qui entreraient à son service ; Qu’elle a employé des moyens du même genre auprès des hommes de mer, et qu’elle est parvenue à séduire l’équipage du vaisseau de guerre le Léopard; Qu’enfin, lorsque les dernières entreprises ont forcé le gouverneur à prendre des mesures pour prévenir sa ruine et celle des intérêts nationaux qui lui étaient confiés, elle l’a destitué et pros- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] 567 crit; elle a, par ses décrets, par ses proclamations, par ses lettres aux paroisses, tenté d’af-mer contre lui la fureur de tous ses partisans, de mettre les armes à la main à tous les habitants de la colonie. 11 en résulte également que M. de Peynier s’est constamment circonscrit dans les devoirs que lui imposent la confiance du roi et la vôtre ; que vos décrets ont été sa loi; qu’il a agi et parlé en citoyen ; qu’il a épuisé les moyens de conciliation ; qu’il ne s’est déterminé à la rigueur que lorsque sa perte a été résolue, et qu’il s’est vu près de succomber. Enfin, la conduite des citoyens qui ont lutté contre rassemblée générale a été la même .- attachés à vos décrets, leur cri de ralliement a toujours été d’en réclamer l’exécution ; ils l’ont défendue par les moyens que leur attribuaient leurs différents caractères. En s’opposant aux écarts de l’assemblée générale, ils ont protesté de la reconnaître et de la défendre, quand elle se renfermerait dans les fonctions que vous lui aviez attribuées. Enfin, s’ils ont provoqué, soutenu ou approuvé sa dissolution, c’est après une longue patience, et lorsque se6 derniers excès ont mis dans un pressant péril les droits de la nation française et le salut de la colonie. Si tel est, Messieurs, le résultat, non des narrations, non des conjectures ou des interprétations incertaines, mais des actes authentiques qui vous ont été lus, votre comité a dû y puiser toutes les résolutions qu’il vous propose. Nous n’arrêterons point aujourd’hui votre attention sur la conduite individuelle des membres de l’assemblée de Saint-Marc : il est juste à cet égard de leur accorder du temps ; il convient de peser attentivement jusqu’à quel point l’éloignement des lieux et la fermentation du moment peuvent excuser certaines erreurs. Des hommes qui ont été choisis par la confiance de leurs concitoyens ont sans doute à faire valoir de puissantes préventions, et lorsque leurs actes sont jugés, c’est encore un devoir d’examiner l’esprit et les motifs qui les ont conduits. Nous ne vous proposerons pas non plus de prononcer sur quelques faits particuliers qui né sont pas nécessairement liés aux mesures que le moment prescrit, et dont la décision peut exiger un examen ultérieur des circonstances. Voici les points sur lesquels votre comité vous propose de rendre un décret : La Validité des actes de l’assemblée générale et l’existence politique de cette assemblée ; Les marques de satisfaction à donner à ceüx qui ont bien mérité de la patrie ; La formation d’une nouvelle assemblée Coloniale et le maintien des lois anciennes, jusqu’à cô que de nouvelles institutions aient été régulièrement substituées; L’envoi des forces nécessaires à la tranquillité de la colonie; Enfin, quelques dispositions particulières dont les motifs seront indiqués dans la suite de ce rapport. Les actes de l’assemblée de Saint-Marô sôht, pour la plupart, très vicieux dans leurs dispositions ; mais tous sont radicalement buis par lé défaut de pouvoir. Vous n’aviez point délégué le pouvoir législatif aux assemblées coloniales. Les seuls qu’elles eussent reçus de vous jusqu’à la confection de leur Constitution, c’était le droit de la proposer, et celui de mettre à exécution vos décrets sur les municipalités et les assemblées administra-► tives. L’assemblée dé Saint-Marc n’avait point reçu le pouvoir législatif de ceux qui l’avaient élue ; mais quand ils auraient voulu le lui attribuer, ils n’en avaient pas le droit. Le peuple est souverain ; mais c’est au peuple entier, c’est à là nation qu’appartient ce titre suprême et nécessairement indivisible : une Section du peuple, qui voudrait l’exercer séparément, énoncerait par là l’intention de briser le pacte social, de former un corps politique à part. Saint-Dorbihgue n’etl avait ni le droit ni là volonté. — Il existe entré les différentes parties d’un Etat, uü contrat qui les tient unies, et qui ne saurait être dissous qüë par la volonté de la majorité. — Ce contrat, tacite chez la plupart des peuples, était authentique et formel entre Saint-Domingue et la France. La colonie, de son propre mouvement, avait envoyé des députés à l’Assemblée nationale ; ils y avaient été reçus, et les colonies avaient été déclarées former partie de l’Empire français. Ainsi, l’union ancienne avait été confirmée par uü'é volonté explicite et réciproque. C’eût donc été vainement que les habitants de Saint-Domingue auraient voulu méconnaître ées engagements. Mais ils étaient loin de les oublier. — Ils les chérissaient; ils s’en faisaient gloire ; et l’assemblée coloniale, à qui leurs sentiments étaient conttüs, trahissait leurs intentions, comme nos droits, lorsqu’elle s’attribuait des pouvoirs qui n’auraient pu lül être départis sans dissoudre lés liens qui les tiennent unis à noüs. La nullité des actes entraîné-t-elle la dissolution de l’assemblée qui les a rendus ? Les égarements de l’assemblée de Saînt-Mârc, avant l’arrivée de vos décrets, pouvaient trouver des excuses. Si même, après les avoir connus, elle se fût bornée à présenter des vues différentes sous la forme de pétitions et sans prétendre les exécuter, vous n’auriez aucune raiâott de lui retirer ses pouvoirs et votre confiance. Mais elle a formellement résisté à la loi; elle à énoncé des volontés contraires et a Voulu les faire exécuter; elle s’est attribué une autorité que la Constitution ne donne pas même à la législature nationale, en voulant que ses lois reçûssent leur effet sans la nécessité d’aucuné sanction. Les résolutions qui ont été le fruit de cës Usurpations hardies portent le caractère de la prévarication la plus évidente, l’altération du serment, l’ouverture des ports, le licenciement des troupes; et quelque excuse même dont elle puisse couvrir ses proclamations et ses derniers décrets, en les présentant comme les malheureüi effets de la situation critique où elle è’étalt placée, toujours est-ii vrai qu’une assemblée qiii recèle dans ses registres de semblables actes, ne saurait conserver une existence légale. — Edfin, il ne serait pas moins absurde, soüs un autre rapport, qu’après avoir mérite qu’une partie importante et toujours fidèle�de la colonie se SoblëVât coutre elle et provoquât sa dissolution, elle pût la contraindre à la reconnaître encorë ét lui préparer des lois. — Je ne développerai [)às davantage ceS motifs ; ils sont évidents pour tout le monde. — Mais, diront quelques personnes, casser cette assemblée, c’est rendre un jugement. Par qui ce jugement doit-il être rendu1? . Je réponds que l’espèce de jugement qu’il s’agit de porter ici ne peut l’être que par nous. La Constitution n’a point encore déterminé à quel tribunal seront portés lés actes d’usurpation des assemblées subordonnées, le jugement de §08 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. leurs prévarications : pouvoirs si importants, que le salut de la Constitution et le maintien de l’unité nationale en dépendent évidemment. Quelque parti que vous preniez, quand nous en serons là, vous attribuerez certainement au Corps législatif les moyens de se maintenir et de repousser toute entreprise sur le pouvoir que la Constitution lui aura exclusivement confié ; car si ces moyens n’étaient pas dans ses mains, la coalition de ceux qui auraient usurpé la puissance législative et de ceux qui seraient chargés de les juger, suffirait pour anéantir le Corps législatif, et la Constitution s’écroulerait par la base. Aussi longtemps que ces questions ne seront pas résolues, le Corps constituant qui renferme et doit exercer tous les pouvoirs jusqu’à ce qu’il les ait délégués, est indubitablement et exclusivement compétent pour prononcer la dissolution d’une assemblée subordonnée. Mais ces principes ne sont pas même nécessaires pour résoudre la question présente ; elle est tout entière dans la nature des premières assemblées coloniales. Lorsque la Constitution des colonies sera faite, il y existera des assemblées constitutionnelles dont le caractère sera immuable et dont la forfaiture ne pourra être jugéeque suivant les formes générales qui seront prescrites pour ces sortes de jugements. Mais les assemblées coloniales actuelles ne sont pas dans la Constitution, puisque celle des colonies n’est pas faite, etqu’elles sont instituées pour la préparer. Ces assemblées sont de véritables commissions du pouvoir constituant, instituées momentanément pour l’aider à organiser ces colonies. Leur existence cessera aussitôt que leur mission ; le pouvoir constituant qui les a commises est demeuré leur seul juge; seul, il peut décider si elles ont répondu à sa confiance et si elle doit leur être continuée; seul, par conséquent, il peut les destituer et les dissoudre. Votre compétence sur l’assemblée de Saint-Marc est donc aussi certaine que la nécessité où vous êtes de la casser. Après avoir été obligés d’arrêter votre attention sur les erreurs de quelques-uns de nos concitoyens, c’est un devoir doux à remplir que de solliciter la reconnaissance de la nation pour ceux qui l’ont bien servie. Nous vous proposerons donc de donner des marques éclatantes de satisfaction à l’assemblée provinciale du Nord, aux volontaires du Port-au-Prir ce, aux différentes paroisses et aux citoyens qui ont agi dans les mêmes principes ; nous vous les demanderons aussi pour M. de Peynier et pour les militaires qui ont exécuté ses ordres : leur conduite n’est pas moins remarquable par la modération que par la fermeté. On accuse M. de Peynier d’avoir résisté à la Révolution. — Certes si cette révolution était d’enlever Saint-Domingue à la France, il l’a vaillamment combattue; — mais si la révolution était l’accomplissement de vos volontés pour l’établissement d’une nouvelle organisation, c’est l’assemblée deSaint-Marcqui l’a contrariée; c’est lui qui l’a pressée de tout son pouvoir. On l’accuse de s’être refusé à l’établissement des municipalités. — Il a résisté à l’institution funeste de municipalités anticonstitutionnelles; maisil a sollicité les paroisses d’en établir conformément à vos décrets. M. de Mauduit surtout est l’objet des plus san-[12 octobre 1790.] glants reproches ; mais l’acte qui les lui a attirés ’a sauvé la colonie des troubles qui la menaçaient, et peut-être de sa ruine. — Chargé d’exécuter un ordre important, il a agi avec fermeté, mais avec mesure; fidèle aune bravoure dont il avait donné des preuves en Amérique, et dans la cause de la liberté, il s’est exposé le premier ; il a attendu les premiers coups. Enfin, dans un combat où il a été provoqué et où il est resté vainqueur, il a eu six hommes tués et n’a donné la mort qu’à deux. M. de Vincent a conduit avec une grande sagesse son expédition contre l’assemblée générale. Ces militaires méritent d’être distingués parmi ceux à qui vous marquerez votre approbation. L’assemblée coloniale étant dissoute, il en doit être formé une nouvelle; vos décrets et vos instructions doivent être sa loi; les lois anciennes doivent être observées jusqu’à ce que, sur sa proposition, vous en ayez décrété de nouvelles. Quelques forces sont nécessaires pour assurer la tranquillité de la colonie. Nous ne vous proposerons, en ce moment, que d’y faire passer deux vaisseaux de ligne, et de porter au complet les régiments du Cap et du Port-au-Prince. C’est aux nouvelles que nous devons bientôt recevoir du mouvement de la colonie après le départ de l’assemblée générale; c’est aussi à notre situation politique, à nous éclairer sur les mesures définitives ; il suffit que, dans l’intervalle, le pouvoir exécutif soit occupé de la préparation de tous les moyens de défense et de sûreté qui pourraient devenir nécessaires. Enfin, Messieurs, il est quelques dispositions satisfaisantes pour la colonie, que nous avons cru pouvoir vous proposer dès à présent, qui con-tribuerontày apporter le calme, et qui, concourant avec les mesures de fermeté, vous montreront sous le double caractère que vous devez toujours garder avec elles. La suppression du conseil supérieur du Cap a toujours excité des réclamations ; elle a été jugée injuste par ceux mêmes à qui elle a été avantageuse. Les députés de la province du Nord à l’Assemblée nationale, ont vivement exprimé leur vœu à cet égard ; le rétablissement de ce conseil, effectué sans pouvoir par l’assemblée provinciale du Nord au commencement des troubles, a été confirmé d’une manière non moins illégale par l’assemblée générale. Nous croyons cependant que vous devez le maintenir; les affaires jugées par ce tribunal depuis son rétablissement deviendraient une nouvelle cause de trouble et d’inquiétude, s’il n’était pas confirmé. En lui donnant une existence légale jusqu’à la nouvelle organisation de la colonie, vous remplirez les vœux de la province du Nord; vous donnerez une première marque de bienveillance à ses généreux habitants. Nous n’avons pas balancé à vous le proposer comme une des dispositions du décret. L’assemblée provinciale du Nord vous a adressé le 13 juillet une pétition qui fut lue à cette tribune, immédiatement après son arrivée, par M. Gouy-d’Arsy; elle renferme trois demandes : L’une est la faculté d’autoriser dans les cas pressants l’introduction des subsistances venant de l’étranger, sans être assujettie à obtenir la sanction du gouverneur, mais en substituant à cette sanction certaines formalités qui sont développées dans l'adresse : cette demande est, en général, contre les principes; et le moment de la traiter n’est d’ailleurs point arrivé: c’est en statuant sur les modifications du régime prohibitif ; c’est en organisant la colonie, que vous pourrez vous en 569 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] occuper. Nous n’avons donc pas cru devoir faire entrer cet objet dans le décret que nous vous proposons ; La seconde consiste à ce qu’aucunes lois commerciales entre les colonies et la métropole rie puissent être décrétées sans avoir entendu les représentations des assemblées coloniales. Vous avez eu l’intention d’observer cette forme, soit envers le commerce, soit envers les colons, lorsque vous avez rendu votre décret du 8 mars; vous l’avez annoncé dans un des articles : vous l’exécuterez; et même vous pouvez l’annoncer encore, mais non point comme une règle rigoureuse et constitutionnelle ; car ces formes, qui doivent s’établir par le fait, ne sauraient être réduites en lois ; Enfin, la troisième demande, et celle à laquelle les colons donnent le plus d’importance, est relative à l’éclaircissement de vos intentions sur le régime intérieur des colonies, c’est-à-dire en termes plus précis, sur la législation relative à l’état des personnes dans les colonies. Cet objet avait été très agité au mois de mars dernier dans le comité des colonies. Occupés à chercher les moyens de concilier la dignité du Corps législatif avec la sécurité des colons sur des objets auxquels leur existence est liée, et sur lesquels ou s’est étudié à leur inspirer de si grandes terreurs, nous nous étions arrêtés à la pensée de leur donner le droit de proposition sur les lois qui y seraient relatives. C’est ainsi que nous avons conçu l’étendue que leur laissent les instructions sur le régime intérieur. — Deux modifications nous parurent nécessaires dans les colonies sur l'exercice de la puissance législative : l’une est la faculté donnée aux assemblées coloniales de faire, dans les cas urgents, des règlements provisoires susceptibles d’être exécutés avec la sanction du gouverneur ; l’autre est le droit exclusif de vous proposer les lois sur les objets du régime intérieur, qui sont particuliers aux colonies, et auxquels les principes généraux de la législation française ne sauraient être appliqués sans en opérer la subversion. Quoique ces intentions soient consignées dans vos instructions, et que tous ceux qui, dans la colonie, ont embrassé vos intérêts, l’aient constamment affirmé, rassemblée provinciale du Nord a demandé qu’elles fussent exprimées avec assez de clarté pour repousser les efforts de ceux qui, en entretenant les alarmes, cherchent à aliéner de vous l’affection et la confiance; elle a demandé qu’il fût déclaré, comme article immuable et constitutionnel, qu’aucune loi sur le régime intérieur, et notamment sur l’état des personnes, ne serait décrétée pour les colonies que sur la demande formelle et précise des assemblées coloniales. Nous n’avons pas cru qu’il fût possible de décréter, isolément sur cette demande, un article constitutionnel ; mais il nous a paru que vous ne deviez point refuser de rappeler et d’expliquer de la manière la plus claire et la plus formelle les intentions que vous avez déjà annoncées. Nous avonsenconséquenceinséré, dans le préambuledu décret quenous vous proposerons, une phrase où le vœu de l’assemblée provinciale, relativement aux lois sur J’étut despersonnes, se trouve parfaitement rempli. L'avantage de cette disposition ne se bornera poinlàeffacer desinquiétudesqu’il eûtétéim-possible de rassurer aussi longtemps que les colons auraient vu leurs plus chers intérêts à la merci du premier changement d’opinion; mais rétablissons leur confiance, elle nous assurera d’opérer facilement, de concert avec eux, toutes les améliorations que l’existence économique et politique des colonies rend raisonnables et possibles. Enfin, Messieurs, et c’est ici notre dernière proposition , nous avons cru qu’une lettre de vous à la colonie détruirait toutes les erreurs, toutes les fausses impressions qu’on a cherché à y répandre. La calomnie a emprunté toutes las formes. Tandis qu’on écrivait d’ici qu’un ministre détesté dans la colonie avait dicté vos instructions; tandis qu’on inondait Saint-Domingue de ces journaux, de ces libelles méprisés où vos opérations sont attaquées avec une rage si impuissante; tandis que les ouvrages, peu connus en France, d’une société dont l’existence est la terreur des habitants des îles répandus avec profusion parmi eux, entretenait la plus vive fermentation, on cherchait à leur persuader que vous étiez dépouillés de tous moyens de force pour faire exécuter vos lois; on encourageait ainsi la résistance après l’avoir excitée, et les correspondances de France se réunissaient aux discours et aux intrigues pratiquées dans la colonie pour en égarer les habitants. — Ecrivez, exprimez vous-mêmes vos sentiments, vos vues bienfaisantes et vos invariables volontés, et les traces de tant de criminelles pratiques disparaîtront en un moment. Ce serait, en effet, bien peu connaître les colonies, que de partager les alarmes que les ennemis de la Révolution cherchent à répandre, et que quelques personnes faibles semblent adopter. — Les hommes calmes doivent éloigner d’eux ces craintes puériles; les colons sont français par le cœur; ils le sont aussi par intérêt; l’imagination ne s’égare point dans les colonies sur des idées vagues d’indépendance, d’alliances impossibles ou ruineuses. — Ici quelques esprits peuvent s’en occuper par l’effet d’une ignorance profonde ; mais sur les lieux toutes les notions positives préservent l’esprit de ces dangereuses rêveries. — Quelques faits bien connus fixent d’une manière constante l’intérêt politique de nos colonies, et ces faits sont incessamment présents à l’esprit de tous ceux qui les cultivent et les habitent. Les colonies ue peuvent exister sans être protégées par une nation puissante; car, dénuées par elles-mêmes de tout moyen de force, elles présentent à l’ambition des peuples commerçants et navigateurs la conquête la plus avantageuse et la plus facile qui soit sur la surface du globe. Cette protection ne peut leur être efficacement et avantageusement assurée que par l’Angleterre ou la France, car l’Amérique septentrionale est pour bien longtemps encore privée des moyens militaires et maritimes qui seraient nécessaires pour la leur garantir. Mais si nos colonies passaient sous la protection de l’Angleterre, soit comme sujettes, soit comme alliées, elles n’y trouveraient bientôt que l’oppression. Car, par l’affaiblissement de notre marine, l’Angleterre, devenue dominatrice absolue des mers, n’aurait aucune rivalité à craindre, aucun ménagement à observer : fidèle au système qu’elle a adopté pour ses possessions d’Asie où elle domine exclusivement, elle soumettrait ses colonies au régime commercial et politique le plus absolu, et pour avoir voulu se soustraire aux lois douces que nous leur destinons, elles se trouveraient soumises à toute la rigueur d’un gouvernement qui n’aurait rien à redouter. Voilà les notions communes et familières à tous les habitants de nos îles, et qui détermineraient 570 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1790.] leurs spéculations, quand un sentiment profond et généreux ne les attacherait pas à la mère-patrie. Les colons chérissent la Révolution ; il3 en connaissent tous les avantages, et jamais ils n’ont été plus à nous. — En un mot, Messieurs, loyauté, justice, fermeté, vos lois y seront toujours respectées. J’oserais me rendre garant de leur fidélité: