424 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1789.] à la chose publique par des hommes qui ne peuvent plus être employés utilement, et qui n’ont d’ailleurs point de fortune. Art. 41. Quant aux charités publiques, il est évident qu’elles ne doivent être répandues que sur des personnes qui sont dans une impuissance réelle de pourvoir à leurs besoins ; et il faut entendre par ce mot les besoins naturels et non des besoins de vanité; car il n’entrera jamais dans l’intention des contribuables de se priver quelquefois même d’une partie de leur nécessaire, pour fournir au luxe d’un pensionnaire de l’Etat-11 faut encore que les secours de charité cessent, au moment ou tinit l’impuissance qui les justifiait. Art. 42. Un peuple a toujours le droit de revoir et de réformer la Constitution. Il est même bon de déterminer des époques fixes ou cette révision aura lieu quelle qu’en soit la nécessité. PROJET DE CONSTITUTION SOUMIS A L’ASSEMBLÉE NATIONALE Par M. l’abbé Siéyès. TITRE I. Des droits et des principes constitutifs. Les représentants de la nation, munis de ses pouvoirs pour fixer la Constitution de l’Etat, déterminer les droits et l’exercice de la puissance législative et de la puissance exécutive, considérant que la liberté, l’ordre et la félicité publique ne peuvent être solidement fondés que sur les principes immuables de la justice et de la raison ; que l’homme est sorti libre des mains de la nature; qu’en devenant membre d’une société politique, son intention a été de mettre ses droits naturels sous la protection d’une force commune; lesdits représentants réunis en Assemblée nationale reconnaissent et consacrent à jamais, comme inviolables, les droits de l’homme et du citoyen ; déclarent: Art. 1er. Que la nation française est éminemment libre et indépendante de toute autorité, pactes, tributs, lois et statuts qu’elle ne consentirait pas à l’avenir. Art. 2. Que le culte public volontairement adopté par le peuple français doit être religieusement pratiqué et dirigé par l'église Gallicane, sans qu'aucun citoyen ou étranger puisse être troublé ou inquiété dans l’exercice d’une autre religion. Art. 3. Que la volonté générale est que les provinces et pays composant l’empire français soient soumis à un gouvernement monarchique, sans altération ni dérogation aux principes et aux droits nationaux qui constituent un tel gouvernement. Art. 4. Que la nation a seule le droit et confère à des représentants l’exercice du pouvoir législatif, conjointement avec le Roi. Art. 5. Que le roi et ses successeurs légitimes en ligne directe sont et seront personne sacrée et inviolable, chef suprême de la nation, dépositaire inamovible de la puissance royale, ayant indivi-8-iblement le pouvoir de gouverner et administrer l’Etat, conformément aux lois proposées, consenties et promulguées en l’assemblée des Etats généraux, ayant spécialement le droit de commuer et remettre les peines encourues par les coupables, de distribuer les dignités et emplois ecclésiastiques, civils et militaires, de rendre et faire rendre la justice dans les tribunaux légalement établis, de pourvoir à la sûreté intérieure et extérieure de l’empire, de déclarer la guerre, faire la paix, contracter des alliances, et d’avoir dans toutes les parties de l’administration civile et politique, une autorité légale, ponctuellement obéie, sous les peines prononcées, ou qui seront prononcées par les lois. Art. 6. Qu’aucune personne, prince ou magistrat, autres que les représentants de la nation assemblés, n’ont le droit et le pouvoir d’arrêter et proposer au Roi aucune contribution, lois, statuts, création, réformation et suppression des tribunaux, ou de consentir et de sanctionner de tels actes, dans le cas où ils seraient proposés par le Roi. Art. 7. Que tous les pouvoirs législatifs et exécutifs doivent être essentiellement et continuellement employés à protéger la vie, la liberté, l’honneur et la propriété de tous les citoyens ; de sorte que chacun ne soit responsable de sa conduite qu’aux lois, et n’ait à redouter, dans aucun cas, le pouvoir arbitraire d’aucun magistrat ou agent de la puissance exécutive, Art. 8. Que l’Assemblée nationale sera permanente et organisée ainsi qu’il sera ci-après statué. Art. 9. Que tout accusé doit être jugé coupable ou non coupable par ses pairs, avant que le tribunal devant lequel il est traduit puisse prononcer une peine. Art. 10. Qu’il est libre à tout citoyen de publier, pour sa propre défense ou pour l’inslruction publique, tout ce qu’il avisera, en demeurant responsable de ses écrits. Art. 11. Qu’aucune considération politique, aucun besoin ou service public ne pouvant prévaloir sur le droit que tout homme a à sa propre subsistance, ceux dépourvus de toute propriété, tels que les manœuvres et journaliers, ne peuvent être soumis à aucune contribution personnelle. Art. 12. Que tous les impôts doivent être mesurés sur les besoins effectifs de l’Etat, et également supportés par tous les citoyens, proportionnellement à leur fortune, sans distinction ni privilège pour qui que ce soit. Art. 13. Qu’il ne peut être établi ni toléré, à la charge de la nation, aucun droit abusif. Art. 14. Que tous les citoyens, de quelque rang et condition qu’ils soient, ont droit à toute profession et industrie légitimes, et peuvent être promus aux honneurs et dignités ecclésiastiques, civils et militaires, proportionnellement à leurs mérites, talents et services. Art. 15. Que tout officier et bas officier de l’armée de terre et de mer, avant d’être admis à son grade, sera tenu de prêter serment de fidélité au Roi et à la nation. Art. 16. Qu’aucune troupe militaire ne peut être employée, même en cas d’émeute, contre le peuple, que sur la réquisition d’un magistrat civil, ou d’après une proclamation royale, scellée et contresignée par le chancelier. Art. 17. Que les principes élémentaires de la législation et les droits constitutifs de la nation seront professés et enseignés dans tous les collèges et maisons d’éducation. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {12 août 1789.] 425 TITRE 11. De V organisation et du pouvoir de l’Assemblée nationale et des assemblées provinciales et municipales. Art. Ier. Le premier mai de chaque année, il y aura dans toutes les villes, bourgs et villages du royaume, une réunion d’habitants de toutes les classes chez le plus ancien de chaque famille, et un des membres sera député à l’assemblée de paroisse, qui se tiendra le même jour sous la présidence du syndic ou premier officier municipal. Art. 2. Les paroisses composées de plus de mille feux seront divisées en assembléesdequartier et chaque quartier enverra à l’assemblée de paroisse le dixième de ses députés. Art. 3. L’assemblée de paroisse élira ses représentants annuels à raison de trois sur cent feux, et ils formeront le conseil municipal. Art. 4. Tous les deux, ans le premier juin, les représentants d’un nombre de paroisses formant dix mille feux se rassembleront dans le lieu principal de leur arrondissement, et nommeront en commun douze députés, dont quatre seront choisis parmi les propriétaires de fiefs, deux dans le clergé, et six dans toutes les classes de citoyens propriétaires de quinze cents livres de rente au moins en fonds de terre. Art. 5. Toutes les députations semblables d’un même district formeront les Etats provinciaux. Art . 6. Tous les trois ans, le premier de juillet, chaque Etat provincial députera la douzième partie de ses membres à l’Assemblée nationale, qui sera permanente dans la capitale, et dont les membres seront ainsi renouvelés au bout de trois années, sauf les vacances et prorogations d’une session à l’autre, déterminées par l’Assemblée et par le Roi, et qui ne pourront excéder un intervalle de trois mois. Art. 7. L’Assemblée nationale sera divisée en deux Chambres, dont la première, appelée Chambre des communes, sera composée de tous les députés nobles ou non nobles, même des ecclésiastiques qui auront été élus comme représentants des communes. La seconde sera composée de tous les laïques et ecclésiastiques élus en qualité de propriétaires de fiefs, ayant dix mille livres de renie au moins en fonds dé terre. Elle sera appelée Chambre du conseil. Nul ne pourra être élu représentant avant vingt-cinq ans accomplis, et admis à la Chambre du conseil avant trente ans. Art. 8. Les deux Chambres se réuniront pour nommer un président et deux vice-présidents de l’Assemblée nationale, un greffier en chef et des secrétaires, lesquels seront choisis parmi les membres de l’Assemblée, et amovibles à sa volonté. La Chambre des communes nommera particuliérement un promoteur et deux assistants ; et la Chambre du conseil élira parmi les magistrats et gens de lois qui ne seront pas membres de l’Assemblée, douze commissaires, qui auront séance au parquet de la Chambre et voix consultative seulement. Art. 9. Toutes les affaires de législation, plaintes, pétitions et propositions quelconques, seront portées à la Chambre des communes, où elles seront discutées et délibérées en la forme prescrite par ses propres réglements, et l’arrêté des communes sera dans le jour porté à la Chambre du conseil, pour y être de nouveau discuté et délibéré. Dans le cas où, à la majorité des voix, l'arrêté des communes serait admis à la Chambre du conseil, il serait de suite présenté au Roi, pour recevoir la sanction royale, et converti en acte législatif. Art. 10. Si le Roi refuse sa sanction à un arrêté approuvé par les deux Chambres, il sera regardé comme non avenu pendant la présente session. Art. 11. Si la Chambre du conseil rejette une résolution de celles des communes en matière de législation et d’administration, elle chargera ses commissaires magistrats de faire le rapport motivé de sa décision à la Chambre des communes, en y joignant leur propre avis ;sur quoi les représentants des communes prendront une nouvelle délibération, qui ne pourrait être que d’annuler leur arrêté, ou de requérir la réunion des Chambres, pour discuter de nouveau la matière, et en délibérer en commun. Alors, et dans ce cas seulement, la décision ne pourra être formée que par une majorité de voix des deux tiers ; à défaut de quoi, l’arrêté remis en délibération, serait irrévocablement annulé pendant la présente session. Art. 12. Le promoteur et ses assistants dans la Chambre des communes, seront spécialement chargés de la recherche et dénonciation de tous les abus d’autorité, prévarications, déprédations, vexations, déni de justice, interprétations arbitraires, ou inexécution des lois de la part des administrateurs et magistrats individuels et collectifs. Ils en feront le rapport à la Chambre, qui ordonnera les informations à la poursuite et diligence du promoteur. Art. 13. Tout accusé, de quelque rang et condition qu’il soit, et en quelque dignité ou office qu’il soit constitué, cité à la barre de la Chambre, sera obligé d’y comparaître et de subir l’interrogatoire qui sera ordonné. Art. 14. S’il résulte des informations et interrogatoires qu’il y a lieu de poursuivre un jugement, l’accusé sera renvoyé à la Chambre du conseil. Alors les pairs de France y seront appelés, et eux séant à la droite du président, la Chambre se formera en Cour suprême de justice, et jugera souverainement, ouï le rapport et les conclusions des commissaires magistrats. Art. 15. L’Assemblée nationale déterminera l’espèce, la qualité, la distribution et la durée des impôts, se fera rendre compte de toutes les recettes et dépenses de l’Etat dans les divers départements, et nommera annuellement une commission des deux Chambres, pour les vérifier. Elle examinera et réformera successivement toutes les parties de la législation et de l’administration civile et militaire, abrogera les anciennes ordonnances dont les inconvénients auront ôté reconnus, et formera un nouveau code national, civil et criminel, dans lequel seront classés tousies droits et actions civils, les délits et les peines, les formes de procédure, instructions et jugements déterminés conséquemment aux mœurs, aux lumières et au vœu général de la nation. Art. 16. Les Etats provinciaux seront chargés de diriger et inspecter la répartition des impôts, des recettes et dépenses de la province, le versement des contributions dans la caisse nationale, les chemins, canaux, manufactures et établissements publics, les collèges et les maisons d’éducation. Art. 17. Les Etats provinciaux ne pourront ren ¬ dre en leur nom aucune ordonnance, qu’en ce qui concerne les recettes et dépenses de la province, leur vérification et la répartition des impôts. Sur tous les autres objets de police et d’admi- 42 G [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1189.] nistration, ils s’adresseront au Roi, ou aux commissaires de Sa Majesté, qui, sur leurs remontrances, et après en avoir rendu compte au Roi, ordonneront ce qu'il appartiendra. Art. 18. Les représentants des paroisses, formant le conseil d’une ville ou d’un bourg, éliront les officiers; municipaux, chargés de la police et administration des fonds de la communauté, sous les ordres des Etats provinciaux. Ils arrêteront en commun la répartition des impôts assignés sur la paroisse, relativement à l’évaluation des terres et biens-fonds, lesquels seront cadastrés. Art. 19. Les Etats provinciaux, les municipalités et leurs délégués seront tenus de rendre conipte régulièrement aux commissaires de Sa Majesté de tous les détails de leur administration; et s’il y a négligence, abus, ou prévarication, lesdits commissaires du Roi feront assembler extraordinairement les Etats provinciaux ou les conseils de ville, pour en connaître et y remédier, en faisant poursuivre et informer contre ceux qui seraient prévenus de prévarication. TITRE III. De la délégation et subdivision du pouvoir exécutif. Art. 1er. Le pouvoir exécutif agira conformément au texte et à l’esprit de la loi. Art. 2. Toutes les parties de l’administration civile, militaire et politique étant immédiatement sous l’autorité du Roi, Sa Majesté s’en fera rendre compte directement par les administrateurs individuels et collectifs, ou indirectement par ses représentants, qu’elle autorisera à transmettre ses ordres Dans ce dernier cas, lesdits représentants ou délégués ne pourront réunir les pouvoirs civil ou militaire; et ceux auxquels le pouvoir judiciaire aura été départi ne pourront connaître d'aucun autre détail d’administration militaire ou civile. Art. 3. Le pouvoir militaire, transmissible par le monarque, consiste à commander les troupes, à les faire agir contre les ennemis de l’Etat, à les tenir pendautla paix dans une exacte discipline dans les garnisons, dans les camps ou dans les routes; à juger dans les conseils de guerre tous les délits militaires, et à faire exécuter lesdits jugements. Art. 4. Aucun citoyen exerçant une profession ou emploi civil ne peut être dans aucun cas soumis au pouvoir militaire; et si la sûreté intérieure de l’Etat exige en certaines circonstances le secours et l’emploi des troupes, les commandants desdites troupes attendront la réquisition du magistrat civil. Art. 5. Le pouvoir d’administration, transmissible par le Roi, consiste à diriger la haute police du royaume, les recettes et dépenses de l’Etat dans tous les départements; à inspecter, consentir ou empêcher les actes d’administration des Etats provinciaux, des villes et communautés; à suivre et rendre compte des relations politiques de la France avec les étrangers, des entreprises du commerce et de la navigation, des travaux et des besoins de l’agriculture; à régler tous les détails économiques de la guerre et de la marine, à préparer, par une inspection exacte et des comptes rendus avec fidélité, les décisions du monarque sur tout ce qui intéresse l’ordre public, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, la protection des bonnes mœurs, du culte public et des arts. Art. 6. Le pouvoir d’administration agira conformément au texte et à l’esprit des lois, sans infliger aucune peine afflictive autre que la révocation des employés qui lui sont subordonnés; et s’il y a lieu d’arrêter aucun citoyen pour prévarication, malversation, désobéissance aux lois, il sera remis dans l’instant par l’administration entre les mains de son juge naturel, pour être son procès instruit dans les formes légales. Art. 7. Tout administrateur sera comptable par lui-même et ses subordonnés de l’autorité qui lui sera départie, et des détails économiques qu’il dirigera, mais ne pourra être, à raison de ses fonctions, cité et accusé que devant l’Assemblée nationale. Art. 8. Le pouvoir judiciaire sera circonscrit dans les contestations relatives aux droits et actions civils, et dans les cas d’infraction des lois qui garantissent la propriété et la sûreté des citoyens. Il agira conformément au texte littéral de la loi, sans pouvoir s’en écarter. Art. 9. If y aura deux degrés de juridiction supérieure et inférieure, soumis aux mêmes formes de procédure, instruction et jugement, lesquelles seront réglées avec une telle simplicité et clarté, que chacun puisse obtenir justice le plus promptement et aux moindres frais possible. Art. 10. L’étendue territoriale de chaque juridiction supérieure et inférieure sera réglée convenablement aux besoins des justiciables, et chaque province aura au moins un tribunal souverain. Art. 11. Tout citoyen pourra se défendre par lui-même ou par procureur, en matière civile et criminelle. Art. 12. Il sera établi, en matière criminelle seulement, un ordre de jugement préalable par jurés, avant que les juges puissent prononcer une peine afflictive contre t’accusé. S’il est absous par les jurés, il sera renvoyé; s’il est jugé coupable, il lui sera permis d’appeler à la Cour souveraine, qui ne pourra aggraver la peine prononcée par le premier juge. Art. 13. Tous les tribunaux d’exception seront supprimés. Art. 14. La vénaljlé des charges sera abolie ; elles seront successivement remboursées par les Etats provinciaux, au décès de chaque titulaire, et toutes les charges de judicature seront à lu nomination du Roi, sur la proposition des Etats provinciaux, qui présenteront trois sujets pour une place vacante. Art. 15. S’il y a plainte et recours au Roi en matière civile contre un arrêt d’une cour de justice, Sa Majesté fera examiner dans son Conseil les motifs de la plainte, et casser, s’il y a lieu, l’arrêt en question pour être l’affaire renvoyée à un autre tribunal ;et il sera rendu compte à l’Assemblée nationale des cassations motivées par une infraction manifeste de la loi. TITRE IV. Des mœurs. Art. 1er. Chaque communauté, chaque ville, chaque province assistera les pauvres et pourvoira au soulagement de son territoire. Le pouvoir exécutif veillera à ce que cette obligation soit religieusement remplie, à ce qu’une charité active et éclairée prévienne la mendicité, et à ce que, dans l’étendue du royaume, aucun individu ne manque de secours, de travail et de subsistance. Art. 2. Il y aura dans tous les Etats provinciaux un registre ouvert sous le nom de registre d'hon- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 427 [Assembles nationale.] neur, où seront inscrits, par les Etals, tous les citoyens qui se seront distingués par des actes do bienfaisance, de vertu, par des services utiles et par des talents supérieurs; ils pourront être, par une délibération des Etats, proclamés très-dignes ou très-illustres citoyens. Art. 3. Les principes de l’éducation publique seront puisés dans la morale, l’histoire et les lois nationales. Art. 4. Il y aura dans tous ies théâtres et spectacles publics un jour, chaque mois, destiné à célébrer la mémoire des grandes actions et des hommes illustres de la nation. Art. 5. Il y aura une fête nationale célébrée annuellement le jour où sera promulguée la Constitution, et des prix seront décernés, dans toutes les classes de citoyens, aux pères et aux mères de famille dont les enfants se seront distingués par leurs talents et leurs bonnes mœurs. Art. 6. Los hommes qui se feront remarquer par une conduite déréglée seront éloignés de toutes les charges et emplois publics. Art. 7. Il ne pourra être fait aucun changement à la Constitution que sur la demande de la moitié des Etats provinciaux du royaume. Projet de déclaration de droits, présenté a l’Assemblée nationale par i\1. Gouges - Carton , député des six sénéchaussées du Quercy (I). avertissement. Encore une déclaration de droits! va-t-on s’écrier en voyant cette brochure. Je m’y attends, et cependant j’ai eu le courage de mettre la main à la plume. Je vais rendre compte des motifs que j’ai eus. Si le lecteur n’en est pas satisfait, il doit cesser de lire. Une déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été jugée par l’Assemblée nationale devoir précéder la Constitution. Il eu a été présenté plusieurs projets; presque tous n’offrent que des principes isolés : tout le monde en reconnaît la justesse, mais ils ne sont que sentis, et il reste à faire apercevoir la chaîne qui les lie à ces vérités fondamentales qui, semblables aux axiomes des géomètres, se présentent à l’esprit dans le dernier degré de l’évidence. M. l’abbé Sieyès est le seul qui a remonté jusqu’à leur source : « s’emparant (2), pour ainsi dire, de la nature de l’homme dans ses premiers éléments, et la suivant sans distraction dans tous ses développements et dans ses combinaisons sociales, il a l’avantage de ne laisser échapper aucune des idées qui enchaînent les résultats, ni des nuances qui lient les idées elles-mêmes ; » mais elles sont si arbitraires, l’esprit a tant de peine à suivre le fil de ses raisonnements, qu’il paraît que le plus grand nombre renonce à faire usage de son plan. Cependant, si l’on considère quel est le but que l’on se propose en faisant une déclaration de droit ; si l’on convient qu’elle doit être plutôt le plus fort boulevard de la liberté que nous venons de recouvrer, que le simple énoncé des principes qui vont nous guider dans le grand ouvrage de la Constitution, on devra convenir que nous ne saurions assez faire apercevoir la relation intime de ces mômes principes avec les vérités élémentaires dont ils émanent; vérités également simples et [12 août 1789.] immuables, et qu’il suffit de montrer pour les reconnaître. Tout ce que l’on peut exiger, c’est qu’on le fasse d’une manière simple, claire, et à portée de tout le monde. Or, c’est précisément ce que j’ai tâché de faire On a pensé généralement, et d’abord je l’ai cru aussi, qu’une déclaration de droits ne saurait être assez courte ; mais mon opinion a changé à cet égard depuis que j’ai fait attention et reconnu que la liberté du citoyen étant exposée à être attaquée de tant de manières différentes, on ne pouvait assez multiplier les moyens de défense. Dans ce sens, une déclaration de droits est un recueil de remèdes qui doit être d’autant plus volumineux qu’il y a plus de maladies à guérir. D’après cette considération, j’ai recueilli ce que j’ai trouvé de plus propre à entrer dans mon plan. J’ai fait principalement usage du recueil des constitutions américaines et des projets de MM. l’abbé Sieyès et Meunier, et de celui qui a été discuté dans le sixième bureau. Semblable à l’abeille qui sait si bien s’approprier les substances qu’elle cueille sur les fleurs, j’aurais pu sans doute m’approprier aussi les productions de ces différents auteurs, en les faisant passer à travers les filières démon faible génie; c’est une charlatanerie assez en usage parmi les écrivains; mais, comme je ne suis pas du métier, j’ai eu le scrupule d’employer, autant que j'ai pu, leurs propres expressions, et leurs articles en entier. D’ailleurs j’ai considéré que j’avais l’honneur d’être appelé conjointement avec eux à élever le grand et magnifique édifice de la liberté; et jamais je rfai vu un maçon, posant une pierre, jaloux de voir son compagnon en poser une autre. On remarquera peut-être dans cet ouvrage que plusieurs articles émanent si facilement de ceux qui les précèdent, qu’il ne valait pas la peine de les énoncer; mais on ne les jugera pas inutiles, si on les considère comme des pierres d’attente propres à fixer d’avance plusieurs points essentiels de la procédure et de la législation. Je dois prévenir cependant qu’aprôs avoir établi les axiomes de la science politique, je ne me suis pas contenté de lier par une chaîne de raisonnements les divers articles insérés dans les différents projets de déclaration que j’ai cités; j’ai cru encore indispensable d’exposer les droits fondamentaux des sociétés : j’ai pensé qu’une constitution ôtant (comme le dit très-bien M. Rabaud de Saint-Etienne) une forme précise adoptée par ie gouvernement d’un peuple, cette forme était déterminée et par des principes qui ne changent jamais, et par des principes qui sont sujets à varier, parce qu’ils émanent des mœurs et des préjugés des siècles, et même du caractère des législateurs. Sous ce point de vue, on doit considérer une déclaration de droits comme la collection des principes inaltérables qui entrent dans la constitution de toute espèce de gouvernement libre ; et on doit reconnaître qu’elle sera d’une utilité inappréciable toutes les fois qu’on entreprendra d’altérer la Constitution, puisque l’on sera forcé de la comparer sans cesse avec les changements qu’on pourrait se proposer, et qui ne sauraient être adoptés toutes les fois qu’ils se trouveront en opposition avec elle. Il est donc essentiel de traiter des droits immuables, non-seulement de l’individu cons'déré successivement dans l’état de nature et de société, mais encore des sociétés elles-mêmes. J’ai recherché dans cette dernière partie ce qui constitue les différents gouvernements, et les molli Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Rapport fait par M. l’archevêque de Bordeaux.