[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1791 J M. Démeuuier, rapporteur. Voici comme je rédige l’article : Art. 11. « Si le délit est prouvé, les coupables seront condamnés, selon la gravite des faits, à une amende de 50 à 500 livres, et à un emprisonnement qui ne pourra excéder six mois, s’il s’agit d’images obscènes : les estampes et les planches seront en outre confisquées et brisées. « Quant à ceux qui auraient favorisé la débauche. ou corrompu des jeunes gens de l’un ou de l’autre sexe, ils seront condamnés en une année de prison. » (Adopté.) Art. 12. « Les peines portées en l’article précédent seront doubles en cas de récidive. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture de l’article 13, ainsi conçu : « La plainte en adultère ne pourra être poursuivie que par le mari, et par la voie seulement de police correctionn lie ; mais cette action sera toujours portée en première instance devant le tribunal de district, et l’appel aura lieu devant l’un des 7 tribunaux de district déterminés par la loi. La femme convaincue de ce délit sera punie, selon les circonstances, d’un an, de 18 mois, ou de 2 années d’emprisonnement et de la déchéance des conventions matrimoniales établies en sa faveur. La dot ne sera point confisquée; le mari en aura la jouissance, quelles que soient les clauses du contrat de mariage, à la charge toutefois d’une pension alimentaire, ainsi qu’elle sera réglée par le juge; le mari pourra à chaque instant faire cesser la peine, en déclarant qu’il consent à recevoir sa femme dans sa maison, Le complice de la femme sera condamné à une amende du huitième de sa fortune et à un emprisonnement de 3 mois. » M. Darnandat. Cette espèce de délit aurait dû être placée au Gode pénal. En conséquence, je demande non seulement le retranchement de l’article 13, mais encore et lui de l’article 14 qui est ainsi conçu : « Les affaires de ce dernier genre seront instruites à l’audience ; elles pourront néanmoins être instruites et jugées à buis-clos, mais seulement darss le cas où le mari et la femme le demanderont ou y consentiront. » Je prétends que cette question est extrêmement lice à la question sur le divorce. (Applaudissements.) 11 n’est pas possible de nous tenir à la sévérité, à l’inconséquence des anciennes lois ; les mœurs ont changé; vous changez vos lois, vous devez suivre pour cette question les mêmes mesures, et opérer les changements que les temps et les circonstances exigent. L n’est pas possible que vous jugiez cette grande question d’une manière partielle. U faut que vous décidiez une fois pour toutes le divorce. (Applaudissements.) Les peines proposées par le comité sont sans contredit beaucoup plus douces que les peines prononcées par les anciennes lois, mais je les trouve encore injustes, ces peines; parce que tiès certainement, par la connaissance que nous avons de la société, il est très vrai de dire que souvent les hommes sont beaucoup plus coupables que les femmes. (Applaudissements.) Nous sommes trop justes pour ne nous occuper que des intérêts des hommes lorsqu’il s’agit d’une chose qui touche de si près au bonheur 29 commua de tous les individus qui composent la société. Je demande donc le renvoi des deux articles 13 et 14 au comité, afin que la question de l’adultère soit discutée avec celle du divorce. M. Duport. S’il était question de discuter l’article en ce moment, il serait facile d’y relever beaucoup d’inconvenance. D’abord, je ne crois pas que sa place soit dans la police correctionnelle. Je crois ensuite que la peine du complice de la femme est inliniment trop faible; mais je pense absolument comme le préopinant, qni, dans le peu de mots qu’il a dit, me paraît avoir renfermé presque toute la substance des questions. A ne considérer la chose que sous les aspects sous lesquels elle nous était connue jusqu'à présent, il n’y aurait point de doute que l’action d’adultère ne dût appartenir au mari ; mais aussi il existait une action particulière à la femme qui était l’action en séparation de corps, action qui s’exerçait presque toujours ensemble. Il y a peu d’exemple d’un procès porté aux tribunaux de la part du mari en plainte d’adultère, sans qu’il y ait été porté également une demande eu séparation de corps de la part de la femme, parce qu’il est aisé de croire que, lorsque l’union est troublée au point de faire intervenir le public ou les tribunaux dans les affaires de famille, les esprits sont assez aigris mutuellement pour prendre chacun de leur côté des moyens que la loi leur permet et leur indique. Ainsi tel était l’état de notre jurisprudence et de nos mœurs que l’action en adultère et l’action en séparation de corps étaient presque toujours jointes ensemble. D’après cela, nous devons prendre un parti sur les deux questions à la fois, et examiner si on laissera subsister la séparation d; corps telle qu’elle existait. Il suffit d’y réfléchir pour savoir combien était immorale celte action, dont l’effet était de séparer une femme de son mari et de ses enfants et de la faire vivre dans la société sans pouvoir contracter aucun nouveau lieu. Chacun d’eux ne gardait du lien qui les unissait que sa dureté, sa gêne et sa pesanteur sans rien conserver de sa douceur et de ses agréments. D’après cela, il est absolument essentiel de considérer ensemble les deux questions, si vous voulez observer les devoirs de la justice. Car, s’il est vrai de dire que les hommes sont les seuls appelés à l’exercice des droits politiques, vous avez donc à stipuler vos droits, comme ch f de la famille, et les droits le ceux qui vous sont subordonnés dans la famille. Mais, dès lors, l’humanité et la générosité doivent entrer comme partie essentielle dans les délibérations que vous devez prendre: ainsi, en stipulant les droits que pourrait avoir un mari relativement aux troubles qu’on aurait apportés dans sa famille, il faut assurer les droits des personnes qui, quoique subordonnées et dépendantes, ont aussi , comme individus, des droits quelles peuvent exercer contre lui, et il faut les défendre de cette oppression secrète, qui n’est que trop commune. Il n’y aurait donc aucune humanité ni générosité à traiter une de ces questions séparément de l’autre, < t il y aurait même de l’injustice, après avoir bien établi les droits des hommes dans ce contrat réciproque, d’avoir oublié ou négligé quels pourraient être les droits des femmes. 11 faut que les droits respectifs, dans un contrat, soient traités également. Indépendamment [Assemblée nationale.] de cela, il sera nécessaire à l’Assemblée actuelle ou, si ses travaux ne le lui permettent pas, à la législature suivante, de lixer ses regards sur cette grande question, que l’opinion publique a longtemps débattue, et qu’il est aisé de décider quand on a en recours aux principes, à la justice. Cependant, je lavoue, il peut y avoir quelques difficultés dans les détails d’une loi sur le divorce : n’entamons donc point cette matière; ne décidons rien prématurément; remettons la discussion des articles qui nous sont présentés-au moment où le divorce sera l’objet de notre délibération ou de celle de nos successeurs. Sans doute ces articles sont importants, mais n’oublions pas que nous devons nous occuper un jour, sous un point de vue général, du sort des familles, des ménages, et ne considérons pas isolément les droits des hommes dans cette question où nous sommes tous intéressés personnellement jusqu’à un certain point : n’encourageons pas le reproche que l’on pourrait nous faire de n’avoir songé qu’à nos intérêts. (L’Assemblée décrète le renvoi des articles 13 et 14 au comité.) M. Démeunier, rapporteur, donne lecture de l’article 15, ainsi conçu : « Ceux qui auront outragé les objets d’un culte quelconque dans les lieux destinés à l’exercice de ce culte, ou ses ministres en fonctions, on interrompu par un trouble public les cérémonies religieuses de quelque cuite que ce soit, seront condamnés à une amende de 100 livres à 500 livres, et à un emprisonnement d’un an, 18 mois ou 2 ans. L’amende sera toujours de 500 livies, et l’emprisonnement de 2 ans, en cas de récidive. » M. le Pel’etier-Saint-Fargeau. Ce n’est pas sur la rédaction que j'ai une observation à faire. L’article est rédigé de telle manière qu’il semblerait que la moindre faute ne pourrait être punie d’une peine moindre que d’un emprisonnement d’un an; or, certainement ii y a des troubles apportés dans les lieux où l’on exerce un culte quelconque et qui cependant peuvent être punis par une peine de 1, 2, 3 ou 4 jours. Ainsi, je crois qu’il faud; ait rédiger l’article de telle manière que les délits qui y sont spécifiés fassent punis d’une amende qui ne pourra pas excéder 500 livres et d’un emprnonnement qui ne pourra pas dépasser un an. (Cet amendement est adopté.) M. Lanjiibais. La paix publique exige que les objets du culte salarié soient respectés dans tous 1- s endroits publics. Je propose donc de commencer ainsi l’article ; « ceux qui auront outrage les objets du culte salarié ... » (Murmures.) Car on ne peut pas appliquer aux cultes étrangers ce que dit l’article; car on ne peut pas me forcer à respecter le mahométisme par exemple. M. Garat aîné. Lorsque l’on a décrété la liberté des cultes comme une loi constitutionnelle de l’Etat, comment est-il possible que M. Lanjuinais propo.-e un amendement qui est marqué d'un caractère d’intolérance? Il veut que l’on ne respecte que les objets du cuite catholique : il veut donc que les aubes objets du culte soient livrés au mépris ! ( Applaudissements .) C’est vouloir aboi r ou détruire la lot de la liberté des cultes. L’amendement qu’il nous propose est inconstitutionnel. Je [7 juillet 1791] demande doue la question préalable sur cet am endement. M. Merlin. Il m’a paru que M, Lanjuinais voulait dire que ceux qui outrageaient les objets du culte catholique hors des lieux destinés à l’exercice de ce culte devaient être punis, et que ceux qui pourraient outrager les objets d’un autre culte hors des lieux destinés à son exercice ne devraient pas être punis. (Murmures.) Voici comme je propose de rédiger l’article : « Ceux qui auront outragé les objets du culte cahotique en quelque lieu que ce soit, ceux qui auront outragé les objets d’un autre culte, dans les lieux destinés à son service; ceux qui auront insulté dans leurs fonctions, ou interrompu, dans h s lieux publics, le3 cérémonies religieuses de quelque culte que ce soit, etc... » (Applaudissements.) M. Chabroud. Je suis parfaitement de l’avis de M. Carat et je crois qu’il e.-t facile de le justifier contre celui du dernier opinant. L’Assemblée a voulu, la Constitution veut que tous les cultes soient libres. Toute liberté autorisée par la loi doit être protégée par la loi. Je dis que cette protection ne comporte aucune distinction, aucune différence, ou bien Légalité des droits serait anéantie. En effet, il est évident que, si je suis libre d’insulter au culte de mon voisin, la loi m’autorise à provoquer sans cesse mon voisin, et dès lors la peine ne sera jamais encourue. L’Assemblée ne doit avoir qu’une volonté, c’est que le calme soit dans l’Etat, c’est que la tranquillité règne entre tous les citoyens, quels que soient leur culte et leurs croyances, et il est évi lentque la loi n’alleiodiait pas ce but, si elle laissait, en quelque lieu que ce fût, les citoyens et leurculte, et les objets de leur croyance, livrés à la merci des insultes de tout le monde. ü’apiès cela, Monsieur le Président, il me paraît évident que toute distinction est choquante, a uu caractère abominable d’intolérance, et qu’il résulterait déjà que ceux qui appartiennent au culte salarié, auraient le droit consacré par la loi d’insulter les autres citoyens, de les tracasser, et qu’ainsi, il n’y aurait plus de liberté du culte. (Applaudissements .) Je demande en conséquence que l’amendement de M. Lanjuinais soit rejeté. M. Démeunicr, rapporteur. 11 est bien entendu que vous ne pouvez établir aucune distinction daus l’article. Ainsi, loin d’y retrancher, il faut y ajouter; car il s’ensuivrait, de la rédaction actuelle, que les citoyens pourraient outrager, sans être punis, le convoi d’un protestant, attendu que ce convoi, traversant, la rue, ne se trouve point dans le li u destiné à l’exercice du culte. Il faut donc aussi que les citoyens ne puissent pas outrager, dans les lieux publics, les cérémonies d’un culte quelconque. Voici comme je rédigerais l’article : Art. 15. « Ceux qui auront outragé les objets d’un culte quelconque dans les lieux publics, ou dans les lieux destinés à l’exercice de ce culte, ou ses ministres en fonction, ou interrompu, par un trouble public, les cérémonies religieuses de quelque culte que ce soit, seront condamnés en une amende qui ne pourra excéder 500 livres, et à archives parlement amies.