[Etats gén. 1789. Cahiers] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 203 CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances de la ville de Berre, rédigé dans le conseil général de tous chefs de famille, convoqué et tenu le 29 du présent mois de mars , en exécution de la lettre de Sa Majesté du 2 courant, et de V ordonnance sur ce rendue par M. le lieutenant général au siège général de Provence, le 11 de ce mois (1). Art. 1er. Le premier vœu des habitants de la ville de Berre est que les députés de la province aux Etats généraux soient spécialement chargés de ne voter dans iceux qu’autant qu’ils seront légalement constitués, en conformité du vœu le plus général consigné dans le résultat du conseil d’Etat du Roi du 27 décembre 1788. Art. 2. Les susdits députés seront chargés très-expressément de ne voter aucun subside ou impôt qu’après que les lois et la constitution auront été établies et proclamées auxdits Etats. Art. 3. Requerront, lesdits députés, l’abolition des lettres de cachet, comme attentatoires� la liberté et à la sûreté individuelle des citoyens. Art. 4. Seront chargés, lesdits députés, de solliciter la liberté de la presse avec telle mesure qu’il paraîtra convenable auxdits Etats devoir lui être accordée. Art. 5. Lesdits députés demanderont que les communautés soient maintenues dans les dépendants des offices municipaux qu’elles ont achetés, et surtout que le maire ait le droit d’autoriser les conseils, comme il les autorisait, quand les maires pourvus par le Roi exerçaient. Art. 6. Solliciteront aussi, lesdits députés, que la police soit attribuée aux consuls, comme magistrats choisis par le peuple pour le gouverner. Art. 7. Requerront, avec la plus vive instance, lesdits députés, la suppressiond.es tribunaux d’exception, comme inutiles et onéreux, et surtout des justices seigneuriales, dont les officiers ne cessent de vexer les peuples ; ou, du moins, qu’il soit expressément défendu auxdits officiers de prendre des procédures qui leur servent de moyens de vengeance ; et qu’en matière civile il soit permis, tant au demandeur qu’au défenseur, de plaider en première instance par-devant le lieutenant de la sénéchaussée du ressort, si mieux n’aiment, les parties, se pourvoir par-devant le juge du lieu. Art. 8. Lesdits députés demanderont que les cours souveraines enverront toutes les années une commission dans les communautés, à l’effet de constater de l’état du greffe de la juridiction, et de recevoir les plaintes des habitants contre les officiers de justice, dont et du tout il sera dressé procès-verbal, pour, par lesdites cours, être statué ce qu’il appartiendra. Art. 9. Requerront également, lesdits députés, que les justices civile et criminelle seront réformées avec la plus scrupuleuse attention. Art. 10. Lesdits députés demanderont aussi que les charges ne seront plus vénales à l’avenir; et que le tiers-état sera désormais admis aux honneurs et aux places, soit dans le service militaire de terre et de mer, soit dans la magistrature et les cours de justice, soit dans les chapitres et dignités de l’église, comme encore à tous les établissements publics. Art. 11. Requerront très-instamment lesdits députés le rachat de toute taxe personnelle, ainsi (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. que de toute banalité, comme affectant la liberté, et étant un prétexte journalier de vexations et surexactions; comme encore de tous les cens et directes particulières qui ne servent qu’à la dégradation des fonds, et empêchent de les porter à un juste produit; et, en outre, la liberté de la pêche et de la chasse, chacun dans sa propriété. Art. 12. Lesdits députés demanderont que les communautés ne seront plus asservies au droit d’indemnité des édifices qui leur sont nécessaires, comme maison curiale, maison de ville, etc., attendu que quand le seigneur a appelé des habitants dans sa terre, il n’a pu se dissimuler qu’ils ne pourraient se passer de ces édifices. Art. 13. Solliciteront aussi, lesdits députés, la réunion des fiefs qui sont sortis du domaine des comtes de Provence, au préjudice de la constitution qui déclarait leur inaliénabilité. Art. 14. Lesdits députés requerront la suppression et extinction de la dîme, à la charge, par les communautés, de pourvoir aux honoraires des curés et vicaires, ensemble aux autres dépenses relatives au service divin ; ou du moins que lesdéci-mables seront autorisés à prélever, avant la levée de la dîme, les semences et frais de culture ; auquel cas la dîme serait fixée par une loi expresse, de manière à prévenir les vexations et les procès. Art. 15. Solliciteront, les députés la réduction des pensions, et la vérification des titres, pour icelles être supprimées ou continuées le cas échéant; et qu’à l’avenir il n’en puisse être accordé que pour des services rendus à l’Etat, et relativement à leur importance. Art. 16. Requerront également, lesdits députés, la responsabilité des ministres de leur gestion et de l’emploi des subsides ou impôts jusqu’à la reddition ou affinement de leur compte, qui sera rendu public par la voie de l’impression ; comme aussi la responsabilité des administrateurs et commandants des provinces de leur conduite ; et une loi expresse qui fixe et détermine les cas où ils pourront être dénoncés aux États généraux et la forme à laquelle ils pourront être poursuivis et jugés. Art. 17. Lesdits députés demanderont que Je commerce jouira d’une pleine et entière liberté, et que tous les droits sur les denrées territoriales soient supprimés, comme aussi les bureaux de perception des droits royaux sur les marchandises seront reculés vers "les frontières. Art. 18. Requerront, lesdits députés, l’assemblée des trois ordres pour qu’il soit procédé à une nouvelle formation des Etats de la province, et que, tant dans iceux, qu’aux Etats généraux, nul ne pourra être député par sa place ; comme aussi que l’ordre du tiers y ait un nombre de représentants au moins égal ’à celui des deux autres réunis, et à ce que les suffrages y soient invariablement comptés par tête et non par ordre. Art. 19. Requerront aussi, lesdits députés, qu’à l’avenir aucun subside ou impôt ne pourra être établi sans le libre consentement de la nation, et n’être levé que pendant le temps qui aura été prescrit. Art. 20. Lesdits députés solliciteront aussi que les subsides et impôts les moins onéreux par la facilité dans la perception seront préférés ; comme encore que tous les impôts seront également répartis sur tous les ordres sans aucune espèce d’exemption ou de distinction, pour qui et pour quelque cause que ce puisse être. Art. 21. Les députés demanderont qu’il ne soit établi aucun impôt qu’après qu’on aura arrêté 264 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] toutes les économies dans chaque partie de l’administration. Art. 22. Requerront, lesdits députés, qu’il soit fait un tarif qui fixe la taxe des actes notariés, eu égard à leur nature et à leur importance, comme aussi des extraits desdits actes relativement à leur ancienneté. Art. 23. Demanderont avec instance, lesdits députés, que les Etats généraux seront périodiquement convoqués, au moins de trois en trois ans. Art. 24. Solliciteront aussi lesdits députés la confirmation de tous les privilèges de la ville de Berre, autres que les exemptions pécuniaires ; lesquels seront exhibés et joints avec le présent cahier. Art. 25. Demanderont également, lesdits députés, Je rétablissement des greniers à sel dans la ville de Berre, et l’usage du sel qui s’y fait. Art. 26. Lesdits députés réclameront très-instamment le dessèchement des marais voisins de la ville, et spécialement de l’étang du Brignon, comme la cause principale des maladies qui affligent et dépeuplent considérablement l’habitation. Art. 27. Lesdits députés seront autorisés généralement et suffisamment pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, et le bien de tous et chacun des sujets de Sa Majesté. Signé Gatte, viguier, second juge ; Pillon, maire, consul ; Antoine Lautier, sans approbation du dessèchement du Brignon; Artaud, consul ; Gou-ret ; A. Dons; J. Castillon, ex-consul; J. Gouret, ex-consul; Galleigne ; Benoît ; Jay; Reye ; Janet ; J. Ponsard ; Joseph Jauffret ; P. Adoul ; La-net; P. Reyre; Mille; Chausse; P. Lanet; Durand; Laurent Barthélemy; Daud; Jacques Gibous ; Joseph Pellegrins; Mourret ; Jean-Paul Gros; Gallon; Aimuret; Jacques Castillon; Boyer; Escalon ; J. Gazier , Giraud ; Paul Lautier ; F. Vaillen ; Martin; Joseph Vaillen ; Durand fils; Goireau, médecin; Crépieu; J. Breugier; Salomon; Guillien; Lion; Laurent Castillon; Fenoise ; Roux; Laurent ; Noyer ; Joseph Vaillen , et Ponsard, greffier. ÉTATS DES TITRES ET PRIVILEGES Concernant la terre de Berre , conservés aux archives de Sa Majesté , en Provence , depuis l’an 1150 jusqu’en 1700. En 1259, août. Convention entre Charles Ier et Guillaume Des Baux, seigneur de Berre, sur le prix du sel dudit lieu, à la 12e pièce cotée M. 11e liasse , 4 ; carré , Armoire du trésor et folio 48 ; registre n° 25 ; armoire G. En 1291, novembre 4. Privilège pour avoir des foires et tenir des marchés à Berre, par Bertrand Des Baux, seigneur dudit lieu; folio 145 scalco; recto, armoire A. En 1365, avril 9. Convention passée entre la communauté de Berre et celle du Port de Maure, rivière de Gènes, par laquelle elles peuvent respectivement sortir toutes marchandises de leur port, et l’aller vendre dans l’autre sans payer aucuns droits ; folio 387 ; registre Liber tas ; armoire B. En 1377, septembre 25. Information de tous les droits de cour royale à Berre, Saint-Genest-du-Martigues, lstres, Lançon et autres ; folio 1 jusqu’à 81 ; registre cote La-quex; armoire G., n° 27. En 1388, février 26. Vente faite par la reine Marie et Louis son fils, en faveur du prince de Capoue, de terres de Berre, Martigues, Lançon et lstres à la 38e pièce ; liasse cotée NN; 6e carré; armoire 9. En 1390, mars 18. Privilège pour la communauté de Berre; folio 315; 8° registre Libii; armoire K. En 1390, juin 18. ' Privilège accordé à la communauté de Berre par la reine Marie, portant permission d’élire deux consuls et huit conseillers tous les ans, le 6 janvier, jour des Rois ; de dépaltre et faire du bois dans le terroir de Lançon, Lafare, Rognac et dans toutes les terres dépendantes de la baronnie de Berre et lieux circonvoisins ; et défenses aux étrangers de dépaître au terroir dudit lieu; folio 315,8° registre Libii ; armoire A. En 1391, juillet 10. Privilège de la reine Marie, qui permet à la communauté le passage de la Cathêne ou l’île de Saint-Genest, à Martigues, avec leurs bateaux et marchandises, sans rien payer, nonobstant la défense qui leur avait été faite par les officiers de Martigues ; folio 389 ; registre Libertas ; armoire B. En 1394, octobre 3. Confirmation par la reine Marie des privilèges, donations et libertés accordés aux communautés et baronnie de Berre, lstres, Lançon, Rognac et Entressens ; folio 390 ; registre Libertas ; armoire B. Ladite reine avait donné à la communauté de Berre, le 30 septembre 1394, le privilège d’être toujours conservée dans le domaine royal, avec permission même, en cas d’aliénation, de s’opposer et prendre les armes, si besoin est, sans encourir, aucun crime. En 1394, décembre 3. Privilège de la reine Marie, portant que l’étang dit Brignon, appartenant à la cour royale, ne sera pas fermé à cause des maladies que sa corruption pourrait causer aux habitants de Berre ; folio 390 ; V. registre Libertas ; armoire B. En 1396, février 25. Permission par la reine Marie, à la communauté de Berre, de porter à leur étendard, bannière et cachet, les armes qui s’ensuivent , savoir : de gueule avec un lion rampant d’argent, la queue de fer, couronné et ongléd’or, une hermine des armes de Bretagne, portant , sur les épaules, les armes royales de Sicile et d’Anjou ; folio 391 ; V. registre Libertas; armoire B. En 1396, mars 17. Confirmation de Louis II des privilèges de la communauté de Berre ; folio, 392 ; registre Libertas, armoire B. [Sénéchaussée d’Aix.] 265 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. En 1399, octobre 16. Louis II donne à Charles de Tarente, son frère, File de Martigues, la baronnie de Berre, Istres, Lançon et Rognac, avec leurs droits seigneuriaux y détaillés ; folio 121, V. registre Ar-morum ; armoire À. En 1399, octobre 17. Charles, Fils du roi de Sicile, prince de Berre, accorda à la communauté dudit Berre : 1° la faculté de dépaître et faire du bois dans le terroirs de la baronnie de Berre; 2° que les officiers de Berre seront annuels et étrangers ; et confirme les privilèges de la communauté, folio 393 ; registre Libertas ; armoire B. En 1405, mars 13. Louis II donna à Nicolas Ruffi, comte de Cro-ton et à ses successeurs la baronnie de Berre, Lançon, Istres et Rognac, Fisle de Martigues, et tous* les droits seigneuriaux y détaillés; folio 243; registre Lividis ; armoire A. En 1405. Hommage portant confirmation des privilèges accordés par Louis II à la communauté de Berre; folio 43 ; registre coté 12; armoire N. En 1405. Lois II donna à Nicolas Ruffi de Calabre, marquis de Croton, comte de Gontoquoi et à ses successeurs la baronnie de Berre, Lançon, Istres, Rognac et autres lieux et villes qui sont membres de ladite baronnie de Berre, avec l’isle du Martigues et tous les droits seigneuriaux détaillés ; folio 343 ; registre Lividis ; armoire A. En 1419, octobre 4. La reine Yolande confirma les privilèges de la communauté de Berre ; folio 399 ; registre Libertas ; armoire B. En 1420, juin 18. Privilège accordé par la reine Yolande, portant permission à la communauté de Berre de donner à acapte sans payer aucuns lods ni tresains, et que les biens qu’ils échangeront ou donneront en mariage ne seront sujets à aucuns lods ni tresains; folio 396 ; registre Libertas; armoire B. En 1428, août. Charles, frère du comte de Provence, gouverneur, permit à la communauté de Berre de lever la rive sur les animaux, vins et autres choses y énoncées, dont le tarif y est également dénommé; folio 397; registre Libertas ; armoire B. En 1442, mars 19. Hommage de la baronnie de Berre pour le comte du Maine, frère du roi René; folio 111 ; registre n° 7 ; armoire N. Des hommages. En 1442, mars 8. Charles, frère du comte de Provence, confirme les privilèges de la communauté de Berre; folio 398 ; registre Libertas ; armoire B. En 1443, juillet 6. Sentence rendue par le juge d’Aix, qui permet aux habitants de Berre de pêcher jusqu’au pont de l’île Saint-Genest, au Martigues, et de passer la Cathène ; folio 398; Y° registre Libertas ; armoire B. En 1443, février 12. Sentence rendue par le gouverneur de Provence entre les communautés de Berre et de Lançon, portant qu’elles pourront, l’une et l’autre, faire déçaître aux montagnes de Calisanne et autres ; folio 400 ; Y0 registre Libertas, armoire B. En 1481, janvier 22. Confirmation et nouvelles commissions des privilèges de la ville de Berre, portant exemption de tous péages, leydes et pulvérages, et faculté de jouir des mêmes privilèges et franchises de la ville de Marseille ; folio 207 ; V° registre Go-rona; armoire A. En 1515, janvier. Confirmation des privilèges pour la communauté de Berre ; au folio 27 ; registre Magdale-nes ; armoire A. En 1525. Investiture de plusieurs biens sis au terroir de Berre, désignés et confrontés pour Jean Séverin ; folio 260 ; V° registre n° 4 ; armoire N. Des acaptes. En 1543. Procès-verbal sur la réunion de la terre de Berre ; folio 264; registre n° 6; armoire P. Du domaine. En 1547, janvier. Le roi Henri confirme les privilèges de la communauté de Berre ; folio 401 ; Y° registre Libertas ; armoire B. En 1564, octobre. Le roi Charles confirme les privilèges de la ville de Berre; folio 402; registre Libertas; armoire B. Louis XIII confirme à la communauté de Berre tousses privilèges ; folio 139 ; V° registre démentis, armoire B. CAHIER Des remontrances et doléances des habitants de la paroisse de ce lieu de Brue (1). Les habitants de ce lieu de Brue n’ont rien à demander, puisqu’ils ne possèdent rien en propriété dans le terroir, messire Georges de Roux, chevalier, conseiller d’Etat, ôtant le seul propriétaire et seigneur de cette terre. Leur intérêt serait pourtant que M. le marquis de Roux fût payé de 6,140,000 livres, qui lui sont dus par le Roi, savoir : 6,000,000 pour le prix de huit vaisseaux qui lui furent pris par les Anglais, avant la déclaration de la guerre de 1756 ; de laquelle somme le Roi en a été remboursé à la paix par l’Angleterre , et 140,000 livres, en la valeur de 12,000 sequins vénitiens que les correspondants de M.le marquis de Roux à Constantinople avaient remis à l’écrivain du Roi, lorsque feu M. le chevalier de Caylus fut chargé de ramener l’ambassadeur du Grand Seigneur; laquelle (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire.