676 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |27 décembre 1790.] régiments, eu en donnant à peu près un à chaque compagnie. L’auire moyen était de créer deux nouveaux cotps dans lesquels chaque officier, sous-officier et soldat, sans retarder l’avancement de ceux avec lesquels il servirait, pourrait trouver un emploi de même nature que celui qu’il aurait perdu. Le premier de ces moyens dont était inséparable l’inconvénient attaché à toute incorporation, c’est-à-dire celui du mécontentement, avait en outre le défaut de s’écarter des dispositions de vos décrets du 18 août, qui fixent le nombre de cadres destinés à recevoir le nombre convenu de troupes de ligne; il présentait enlin une difficulté insurmontable, celle du replacement des sous-officiers, qui, soit qu’ils dussent être répartis dans les différents corps de l’armée et reçus comme derniers sous-officiers, ou soit qu’ils dussent être incorporés suivant la date de leur rang de sous-ol liciers, se trouvaient dans la malheureuse alternative d’éprouver ou de faire une injustice. Le second moyen a donc paru préférable à voire comité, qui a pensé qu’il valait mieux ne pas déroger aux décrets du 18 août, ne pas exposer les autres régiments de l’armée à un retard dans l’avancement qui pourraii faire naître quelques mécontentements; enlin, qu'il valait mieux offrir à ceux qui manifesteraient un désir bien réel de s< rvir, et qui en seraient jugés dignes, un moyen d’être promptement nus en activité dans leur grade. Votre comité, en s’arrêtant à ce dernier moyen, a ci u cependant qu’il ne fallait négliger aucune de ces mesures qui pourront empêcher ceux qui seront employés de se croire encore dans les régiments licenciés. Parmi ces me.- u res deux seulement ont paru à votre comité devoir être décrétées par vous; car, puisque vous avez dit qu’on ne jugerait ni les ol liciers ni les soldats votre cornue ne saurait vous proposer une exclusion légale; c’est dans le choix qui sera fait d’un inspecteur général patriote et éclairé que vous devez fonder vos espérances sur la bonne composition des deux nouveaux régiments. Les deux mesures que voire comiié se borne à vous offrir à l’appui du décret de création sont : Tune, que ces corps prendront rang, chacun dans leur arme, du jour de la date de leur création ; Pâture, c’est que les officiers, les sous-ofticiers et les soldats qui auront été réformés par la nouvelle organisation, seront susceptibles d’être admis dans ces nouveaux corps, ainsi que ceux que votre decret du 7 décembre a licenciés. Par le moyen auquel vous êtes invités à donner la piéférence, et avec les mesures qui le modifient, t’armée aura deux corps neufs dont les éléments ne seront point les mêmes que ceux des corps licencies, et dunt l’esprit, puisé dans celui du militaire français, donnera sans doute à la nation et au roi la 'satisfaction de voir deux corps nouveaux offrir l’estimable union du patriotisme et de la discipline militaire, et égaler tous les anciens régiments par leurs vertus civiques et par leurs qualités militaires. Voici, Messieurs, le projet de décret qui résulte de ces dispositions : « L’ Assemblée nationale, en conformité du décret du 8 août, qui détermine iu force de l’armée, et de celui du 7 décembre, qui charge sou comité militaire de lui présenter ses vues sur le remplacement des officiers, sous-officiers et soldats du régiment de Mestre-de-camp cavalerie, et du Roi-infanterie, et après avoir ouï son comité, « Art. 1er. Il sera créé un régiment d’infanterie de deux bataillons, et un régiment de cavalerie de trois escadrons, qui prendront rang dans leur arme du jour de leur création. « 2. Les places d’officier et sous-officier dans les deux régiments seront données aux officiers et sous-officiers des régiments d’infanterie et de cavalerie qui auront subi la réforme en conséquence de la nouvelle formation. « 3. Pourront aussi obtenir leur replacement ceux des officiers, sous -officiers et soldats des régiments dernièrement licenciés que leur service et leur conduite en feront juger dignes. » (L’article 1er du projet de décret est mis aux voix et adopté.) Une discussion s’engage sur les articles 2 et 3. M. du Châtelet. Vous venez de décréter la création d’un nouveau régiment d’infanterie de deux bataillons, et d’un nouveau régiment de cavalerie de trois escadrons. Votre comité vous a fait une proposition dont je n’attaque pas le fond, qui me paraît également juste, également sage, également conforme aux circonstances ; je n’ai d’observations à faire que sur la manière dont les deux derniers articles ont été rédigés, et ce sera l’objet de mon premier amendement. Quant au second, qui ne tombe que sur une omission, je le motiverai sur les termes de l’article 3 du décret concernant le licenciement des deux régiments. Par cet article vous aviez chargé votie comité militaire de vous proposer ses vues pour le replacement des officiers, sous-olliciers, cavaliers, soldats et vétérans qui en seraient jugés susceptibles; or, il est constant que, par le moyen qu’on vous propose, il n’y aura qu’un petit nombre d’officiers et de sous-officiers des deux régiments licenciés qui pourront obtenir la faculté de continuer leur service. C'était néanmoins l’objet dont vous aviez spécialement chargé votie comiié militaire ; il ne vous a rien indiqué à cet égard, et cependant votre intention, manifestée par l’article 3 de votie décret, n’a jamais pu être et n’a jamais été de priver plusieurs anciens officiers et sous-ofliciers du fruit de vingt, de trente et quarante années de bons service, et ne la perspective honorable de pouvoir encore consacier le reste de leur existence à la défense de la patrie. Vous ne pourriez vous dispenser de prononcer sur leur surf, surluut eu burnunt, comme vous l’avez fait, le droit ou la faculté d’être replacés à ceux qui, pur leur conduite et leurs services, eu seraient jugés susceptibles, sans commettre une injustice qui, certes, est aussi éloignée de vos sentiments que de vos principes; car je n’ai que faire de vous rappeler ceux que vous avez manifestés par cette loi sacrée qui assure à jamais l’honneur, la liberté et Ja propriété de tous les citoyens français; celle par laquelle vous avez déclaré solennellement que nul individu, nul citoyen ne pourrait être compromis dans son honneur, dépouillé de sa propriété, destitué de son emploi, sans un jugement préalable, suivant les formes légales. Celte loi était déposée de toute éternité dans les archives de la justice, et vous venez de la renouveler d’uue manière éclatante, sur la simple réclamation u’uu militaire destitué, il y a quelques armées, de son emploi sans jugement préalable, en demandant au roi qu’il lut renvoyé devant un tribunal établi d’après les formes constitutionnelles, et ce tribunal est maintenant saisi de cette affaire. J’avais sollicité la même faveur, ou, pour [2 1 décembre 1790.] {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mieux dire, la même justice pour les officiers, sous-officiers et soldats des deux régiments licenciés, et en particulier pour ceux du régiment du roi, et, sans ma soumission à vos décrets, ce serait encore la seule grâce pue j’aurais à vous demander pour eux. Mais si des considéra-îions majeures, si des vues de sagesse et de prudence ont enchaîné votre juste sévérité et déterminé votre extrême indulgence; si vous avez cru devoir anéantir la procédure déjà commencée dans les tribunaux et qui aurait amené la connaissance et la puniüon des vrais coupables, daignez vous rappeler que ceux qui ont élevé la voix en faveur des officiers du régiment de Mestre-de-eamp et du régiment du Roi ne vous ont jamais demandé pour eux que des j -ges et la justice la plus sévère. Ce ne sont pas les dangers auxquels ils sont exposés, ce n’est pas le sang qu’ils ont versé qui les ont rendus le plus dignes de votre justice, de votre intérêt et de votre estime ; c’est leur constance, c’est leur cou rase, c’est cet honneur, qui u'appartient qu'à des Françds, qui les enchaîne depuis quatre mois à leur devoir et à leurs drapeaux, dispersés dans les plus mauvais quartiers, sans aucune communication entre eux, .•ans autre société que ces mê nés soldats, repentants, à la vérité, mais dont ils ont dû oublier et pardonner les outrages et les violences. Ces officiers, ces sous-ofliciers avaient les mêmes droits que ceux des autres régimen's de l’armée à des congés de semestre; ils ne pouvaient leur être refusés après dix-huit mois de service le plus pénible ; ils les avait obtenus, et ils y ont, renoncé volontairement. Aucun ne s’est permis un seul jour d’absence, et, au milieu des incertitudes les plus ci uel e et les plus prolongée-sur ie sort qui leur était destiné, ils n’ont pas balancé à sacrifier sans murmures leurs intérêts les plus chtrs au devoir le plus rigoureux. Et maintenant que leur sort vient de s’accomplir, ■qu’ils en sont informés, et qu’il ne leur reste plus d’autre espoir que celui d’être encore utiles en donnant à leurs soldats l’exemple de la plus entière lésignaiion à vos décrets; aucun d’eux ne cherche a se soustraire à l’amertume du spectacle le plus déchirant, à celui de l’anéantissement aussi prochain qu’inévitable d’un corps devenu pour eux une seconde patrie, l’objet do leurs plus douces affections et le fondement de leurs plus chères espérances. Je m’arrête; je renferme les mouvements de la plus juste sensibilité, et je me hâte, eu adoptant, pour le fond, le projet ou comité militaire, de vous proposer pour amendement: 1° Que les articles 2 et 3 soient refondus dans un seul et même article, et rédigés de la manière suivatiie: « Les places d’officiei s et sous-ofliciers des deux régiments nouvellement créés seront destinées aux officiers et sous-officiers de ions les régiments de l’armée qui auront subi la réforme en Vt ri u de la nouvelle organisation, et à ceux des officiers et sous-officiers oes deux régiments licenciés qui, par leur conduite et leurs services, seront jugés susceptibles ü’ètre replacés , 2° Qu’il soit ajouté à ia fin de l’article 3 que les officiers et sous-officiers des deux régiments licencies qui, quoique jugés susceptibles d’obtenir leur replacement, ne pourront être admis immédiatement à continuer leurs services dans l’un ou l’autre des deux régiments nouvellement créés, seront traités et replacés selon les lègles et les principes établis par les decrets de l’As-677 semblée nationale pour tous les officiers et sous-ofliciers de l’armée dont les places ou emplois auraient été supprimés eu vertu de la nouvelle organisation. M. de Moailles demande que, dans l’article 3, le mot seront soit substitué au mot pourront ; il rappelle le ; atriotisrae éclairé des officiers du régiment de Mestre-de-camp ; il sollicite en leur fuvuur la justice de l’Assemblée, et représente qu’il serait injuste de leur préférer des officiers sans activité et sans appointements. (L’amendement de M. de Noail les est adopté.) Le projet de décret est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, en conformité du décret du 8 août, qui détermine la force de l’armée, et de celui du 7 décembre, qui charge sou comité militaire de lui présenter ses vues sur le remplacement des officiers, sous-officiers et soldats des réairaents de Mestre-de-camp cavalerie, et du Roi infanterie; et après avoir ouï sou comité, décrète : Art. 1er. « Il sera créé un régiment d’infanterie de deux bataillons, et un régiment de cavalerie de trois escadrons, qui prendront rang dans leur arme du jour de leur création. Art. 2. « Les places d’officiers et sous-officiers dans les deux régiments seront données aux officiers et sous-ofticiers di s régiments d’infanterie et de cavalerie, qui auront subi la réforme en conséquence de la nouvelle formation ; et à ceux des officiers, sous-olficiers et soldats des régiments dernièrement licenciés, que leurs services et leur conduite feront juger susceptibles d’obtenir leur remplacement. Art. 3. « Les officiers et sous-ofliciers des régiments licenciés, qui, jugés susceptibles de remplacement, n’auront pu obtenir de place dans les nouveaux régiments, conserveront leur droit aux remplacements, et seront susceptibles de récompenses militaires, suivant les règles établies par les décrets de l’Assemblée nationale. » Un membre soumet à l’Assemblée une observation tendant à déterminer le quantum général des retraites à accorder. (L’Assemblée renvoie cette motion à son comité militaire.) M. l’abbé Grégoire monte à la tribune et dit : « Messieurs, disposé, ainsi qu’un grand nombre de confrères, à prêter le serment ordonné par votre décret du 27 du mois dernier, permettez qu’en leur nom je développe quelques idées, qui peut-être ne seront pas inutiles, dans les ci< constances actuelles. « On ne peut se dissimuler que beaucoup de pasteurs très estimables, et dont le patriotisme n’est point équivoque, éprouvent des anxiétés parce qu’ils craignent que la Constitution française ne soit incompatible avec les principes du catholicisme. Nous sommes aussi inviolablement attachés aux lois de la religion qu’à celles de ia [tatrie. Revêtus du sacerdoce, nous continuerons de l’honorer par nos mœurs ; soumis à cette religion divine, nous en serons constamment les