679 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S novembre 1789.] cembre, et n’aura pour objet que le choix des membres de remplacement à l’Assemblée nationale et la répartition des impôts; L’autre, de la commune de Gosne, qui fait part de l’élection d’un commandant de la garde nationale ; La troisième, de la milice nationale de Selon-gey en Bourgogne, qui promet de protéger la libre circulation des grains et l’exécution des décrets de l’Assemblée ; La quatrième, de la commune de Saint-Dié, qui contient hommage et adhésion, et qui demande 400 fusils ; La cinquième, de plusieurs maisons de religieux bénédictins de la province de Franche-Comté, dont l’une, celle de Saint-Vannes, offre d’abandonner tous ses biens à la nation, sous la condition d’une pension convenable aux religieux. Un membre du comité de constitution a fait lecture, conformément à l’arrêté du jour d’hier, des articles de Constitution décrétés depuis le 5 octobre, pour qu’ils soient présentés à l’acceptation du Roi. L’Assemblée a arrêté que dans le décret du 8 et du 10 octobre, concernant la promulgation, il sera ajouté que la copie littérale du décret sera insérée sans addition ni observation. L’Assemblée a reconnu que c’est par omission que le procès-verbal du 8 octobre n’a pas fait mention du décret pris à la date de ce jour, en ces termes : Les signature, contreseing et sceau seront uniformes pour tout le royaume, et en conséquence il a été décidé qu’il serait rétabli. Le décret pris le même jour, 8 octobre, oublié dans le procès-verbal, et rapporté dans celui du 26 octobre suivant, au sujet de l’expédition des lois sanctionnées à déposer aux archives, a été joint aux articles de Constitution qui vont être présentés à l’acceptation royale. Un membre du comité de constitution a fait lecture de la rédaction ordonnée le 10 octobre, relativement à l’intitulé des décrets sanctionnés et à l’époque à laquelle ils doivent être mis à exécution. Cette rédaction a été approuvée, et les articles suivants seront présentés à l’acceptation avec les articles ci-devant décrétés. « Les décrets sanctionnés par le Roi porteront le nom et l’intitulé de lois; elles seront scellées et expédiées aussitôt après que le consentement du Roi aura été apposé au décret. « Elles seront adressées à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités. « La transcription sur les registres, lecture, publication et affiches, seront faites sans délai, aussitôt que les lois seront parvenues aux tribunaux, corps administratifs et municipalités, et elles seront mises à exécution dans le ressort de chaque tribunal, à compter du jour où ces formalités y auront été remplies. » M. le Président a ensuite fait lecture d’une lettre de M. le garde des sceaux, par laquelle il demande des éclaircissenents sur la forme de l’envoi des lois, et exprime le plus vif désir pour l’établissement de la plus intime confiance entre l’Assemblée nationale et le pouvoir exécutif. L’Assemblée a jugé que les articles qui vont être présentés à l’acceptation du Roi, satisfaisaient à toutes les questions du ministère. M. Target, secrétaire, a rendu compte d’une autre lettre de M. le garde des sceaux, dans laquelle, écrivant aux officiers d’un bailliage, il paraît douter si, pour la nomination régulière des suppléants, il suffit de réunir ensemble les électeurs du clergé, de la noblesse et des communes. M. Target dit : Comme il ne reste plus d’ordres, vous voulez qu’il n’en reste pas trace dans la nomination des suppléants; or la réunion des différents électeurs laisse exister en apparence les trois ordres réunis. Il faut que, s’il y a un suppléant à nommer, les citoyens réunis sans distinction, nomment des électeurs, autrement c’est procéder en ordres réunis. Vous devez donc statuer qu’il n’y a plus en France aucune distinction d’ordres, et qu’au cas de nomination de suppléants ou de députés, tous les citoyens éligibles, suivant le règlement du 24 janvier dernier, nommeront individuellement leurs représentants. M. Deraeunfer rappelle le bel exemple donné par la noblesse de Moulins qui a accepté un suppléant des communes pour remplacer M. le comte de ûouzon, démissionnaire. 11 trouve que la lettre du garde des sceaux est conforme au décret du 15 octobre, mais, comme il y aurait danger à rassembler les électeurs des trois ordres, il pense qu’il faut suivre provisoirement pour la session actuelle le règlement du 24 janvier dernier. M. de Volney appuie les considérations développées par M, Target. On laisserait autrement, dit-il, une règle de proportion entre les différents ordres. Or, on sait que les communes n’ont pas eu une représentation suffisante relativement aux ci-devant privilégiés. L’Assemblée charge M. Target de présenter un projet de décret. M. Sallé de Choux insiste vivement pour qu’on insère dans le décret qu’il n’y a d'éligibles que les citoyens actifs. M. Brunet de Latuque réfute cette opinion en disant que le décret sur les qualités nécessaires, pour être citoyen actif, étaient trop contraires aux véritables principes de la justice et de la représentation en exigeant un marc d’argent et en excluant les fils de famille pour qu’il fût possible de le mettre à exécution. La proposition de M. Sallé de Choux mise aux voix a été rejetée. M. Mauriet de Flory se plaint du despotisme que les lieutenants-généraux des bailliages ont exercé dans les élections. 11 propose que les électeurs soient autorisés à choisir leur président et autres officiers. Cet amendement est adopté. M. Pison du Galand présente un amendement ayant pour objet d’exprimer que l’élection des suppléants n’aura lieu que dans le cas de mort ou de démission des députés, Les voix prises, cet amendement est également adopté. M. Target, secrétaire, donne lecture du projet de décret avec les amendements adoptés par l’Assemblée. Le décret mis aux voix est adopté en ces termes : 680 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Il n’y a plus en France de distinction d’ordres : en conséquence, lorsque, dans un des bailliages qui n’ont point nommé de suppléants, il s’agira d’en élire à cause de la mort ou de la démission des députés à l’Assemblée nationale actuelle, tous les citoyens qui, aux termes du réglement du 24 janvier, et autres subséquents, ont le droit de voter aux assemblées élémentaires, seront rassemblés, de quelque état et condition qu’ils soient, pour faire ensemble la nomination médiate ou immédiate de leurs représentants, soit en qualité de députés, soit en qualité de suppléants. Les électeurs auront la liberté d’élire leur président et autres officiers. Le présent décret sera porté sur-le-champ par M. le Président à l’acceptation royale. » L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division du royavme en départements. M. Aubry du Bochet : J’ai présenté, il y a quelque temps, le plan d’une division du royaume en 203 parties. J’adopte celle qu’a proposée M. le comte de Mirabeau, et je l’ai exécutée sur la carte (lj. Je demande : 1° que l’Assemblée nomme un comité de cinq personnes pour vérifier tous les plans de cette espèce ; 2° Qu’il y soit adjoint des gens éclairés, et que ce comité soit appelé comité de cadastre -, 3° Que la discussion soit ajournée après cette vérification. M. Bengy de Puyvallée, Messieurs, votre comité de constitution vous a présenté les bases d’une division nationale, d’une représentation personnelle, et le plan d’une administration patriotique. Un système, aussi ingénieux que profond, vous a tracé la marche que vous devez suivre pour faire participer tous les habitants de ce vaste empire à la formation des lois auxquelles ils veulent obéir, et pour fixer, par des réglements uniformes, la division du royaume, et l’organisation des corps politiques, dépositaires de la confiance publique, et chargés de faire valoir les intérêts des peuples. En rendant au travail de votre comité le juste tribut d’éloges et de reconnaissance qui lui est dû, qu’il me soit permis de contredire ses principes par des faits, et d’opposer la pratique à la théorie. J’entreprends de vous prouver que le plan de division, de représentation et d’organisation qu’on vous a proposé, ne repose pas sur des bases solides et constitutionnelles. Pour procéder avec méthode, j’établis d’abord des principes qui me paraissent incontestables. Une représentation est imparfaite, lorsque tous les citoyens actifs ne peuvent pas être représentés. Premier principe. Une représentation est inadmissible, lorsqu’elle ne protège et ne défend pas également les droits de tous les citoyens. Second principe. Une combinaison politique est impraticable, lorsqu’elle forme des divisions égales qui donnent des résultats inégaux, lorsqu’elle établit des corps politiques uniformes, qui ne présentent aucune uniformité dans la nature de leurs fonc-(1) Voyez te travail de M. Aubry du Bochet annexé à la séance de ce jour. [a novembre 1789.] tions et l’importance de leur utilité. Troisième principe. Enfin, l'organisation d’un corps politique est vicieuse, lorsque, sous quelque point de vue qu’on l’envisage, elle ne peut garantir la sûreté ni la tranquillité publique. Quatrième principe. En faisant l’application de ces quatre principes au plan de votre comité de constitution, j’espère pouvoir vous démontrer que le génie a quelquefois besoin des lumières de l’expérience. Je dis d’abord que le projet de représentation de votre comité est imparfait, parce que tous les citoyens actifs ne peuvent pas, d’après ce plan, être représentés. Votre comité vous propose de partager la France en 81 départements, chaque département en 9 communes, chaque commune en 9 cantons, et chaque cantons en assemblées primaires. Je pourrais d’abord observer que les ressorts de cette combinaison politique sont tellement compliqués, qu’il serait bien difficile d’en diriger le mouvement: mais j’abandonne tous les raisonnements, pour m’appuyer uniquement sur les faits. L’article 6 du plan proposé par le comité porte que, dans chaque canton, il y aura au moins une assemblée primaire. L’article 8 dit que chaque assemblée primaire sera au moins de 450 votants. Enfin, l’article il dit que chaque assemblée primaire députera un membre sur 200 votants. Les membres du comité de constitution ne connaissent sûrement pas les provinces de l’intérieur du royaume ; ils ne savent pas que, dans plusieurs cantons des provinces du Berry, de l’Orléanais, du Poitou, etc., dans un espace de 2 lieues sur 2 lieues, non-seulement on ne trouverait pas 420 votants pour composer une assemblée primaire, mais qu’on ne pourrait pas même réunir 200 votants. D’après cela, si la population d’un canton ne s’élève pas à 200 votants qu’exige la loi de la représentation, alors un canton tout entier ne pourra pas envoyer un représentant à l’assemblée communale. Alors, si le nombre des citoyens actifs d’un canton n’est que de 180 votants, il y aura 180 citoyens actifs qui ne seront pas représentés. Mais je vais encore plus loin. Dans les provinces que je viens de citer, il y a très-peu d’habitants des campagnes qui soient propriétaires ; ils sont presque tous ou métayers ou locataires. Je viens de vous prouver que, d’après le plan qui vous est proposé, les colons d’un canton pauvre et désert, dont la population ne s’élèverait pas à 200 votants, ne seraient pas représentés. Je vais vous prouver que les propriétaires ne le seraient pas davantage. L’article 4 du projet de votre comité porte que pour être citoyen actif, il faut être domicilié dans le canton, et qu’il faut en outre payer une contribution directe de la valeur de trois journées. La majeure partie des propriétaires habite les villes, et tire tout son revenu des campagnes. Ces propriétaires ne pourront pas exercer le droit de citoyen actif dans les campagnes, parce qu’ils n’y sont pas domiciliés ; ils ne pourront l’exercer dans les villes, parce qu’ils n’y payeront aucune imposition directe, puisque la capitation est actuellement cumulée avec la taille : ainsi, d’après le plan proposé, ni les colons, ni les propriétaires de différents cantons des campagnes ne seront point représentés, et ne pourront jouir du droit précieux de citoyen actif. J’ai donc eu raison de dire que le projet de représentation de votre comité est imparfait, parce