240 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1791.] loire du département de la Corse a chargé ses députés à l'Assemblée nationale de remettre sur le bureau et de faire dépo er aux archives la partie du terrier de Vile ae Corse qui est actuellement terminée. M. Salicetti vient d’exécuter les intentions de son département; voici en conséquence ce travail {Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne que ce travail sera déposé aux Archives.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du -procès-verbal de la séance du mardi 20 septembre au matin , qui est adopté. M. Goudard, au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, vous avez décrété, le 8 juillet dernier, qu’il ne serait apporté aucun obstacle au cours ordinaire du commerce, que les seuls objets, dont vous entendiez prohiber le transport à l'étranger, étaient les armes et mu citions de guerre, les matières d’or et u’argent en lingots, et les espèces monnayées qui avaient cours dans le royaume. Ce décret a reçu, de la part de quelques municipalités, de plusieurs départements frontières, une extension contraire à la liberté et nuisible au commerce. Sous prétexte de la défense d’exporter des armes et des munitions de guerre, on s’est on posé à la sortie de differents objets inutiles à la défense des frontières, ou qui ne peuvent y servir. Tels sont, messieurs, les pierres à fusil, dont nous avons une telle abond-mce que nous pourrions en fournir à toutes les nations européennes; les fusils de chasse, uniquement propres au commerce, qui ne pei vent être d’aucun usage pour les gantes nationales ni les troupes de ligne, et qui nous viennent de Liège, d’Allemagne et d’autres pays étrangers; les sabre» destinés au même commerce; les épées et couteaux de chasse dont les lames égale > en t de fabrique étrangère ont été montées en France ; telle ed également la poudre de chasse dont nous faisons un très grand commerce, et qu’il est si facile de distinguer de la poudre de munition ou à canon, dont nous sommes d’ailleurs approvisionnés pour plusieurs années; tel est encore notre salpêtre dont notre sol et n tre < ommereedans l’Inde nous fournissent en telle abondance que nous avons été obligés de repousser le salpêtre étranger. Piusii urs municipali és frontières excitent aussi des réclamations journalières, par les atteint s qu’elles portent à la liberté de la circulation. Quelques-unes ont cru devoir empêcher toutes sortes d’effets de passer à l’étranger, sous prétexte que votre décret du 24 juin dernier en a prohibé la sortie; d’autres ont arrêté des piastres qui ont été constamment considérées comme marchandise; et quoique la loi du 4 juillet ait déclaré qu’elle n’avait pas entendu comprendre dans la prohibition les es èces monnayées étrangères, les obstacles n’ont pas ct�sé. On a été récemment forcé de faire rétrograder, de Calais à Paris, une forte somme de piastres expédiées de cette dernière ville à la destination de Londres. Enfin, on a retenu à des voyageurs français et étrangers, des nécessaires , parce qu’il s’y est trouvé quelque pièce d’argemerie; et des effets de ce genre, contenant des diamants et autres bijoux précieux, sont encore retenus à plusieurs étrangers de marque, revêtus même d’un caractère de la part des puissances voisines; les ordres de les restituer ont été donnés en vain par le ministre. Tant qu’il a pu subsister quelques motifs d’inquiétude, votre comité d’agriculture et de commerce, qui en apercevait la prochaine c essation, ne s’est permis aucune réflexion sur ces abu» de vo» déc rets ; mais, puisque vous vei ez de restituer à chaque citoyen la faculté naturelle qu’il avait de sortir, à volonté, du royaume, il n’est plus permis de priver l’iadustrie et le commerce du débouché de plusieurs articles qui ne sont point nécessaires à noire défense, et de gêner, sans aucun motif d’utilité, des transactions commerciales d’une grande nation. C’est après avoir communiqué, d’après vos ordres, ces considérations à vos comités militaire et des finances que votre comité d’agriculture et de commerce vous propose le décret suiva il : « L’As-emblée national�, après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, « Décrète que l’exportation à l’étranger des sabres, épées, couteaux de chasse et pistolets de poche, non plus que des fusils de chasse, des piem s à fusil, de la poudre de chasse et du salpêtre, uniquement destinés au commerce avec l’étranger, et expédiés, soit par terre, soit par mer, à cette destination, ne sont point compris dans la prohibition portée dans ses décrets des 21, 24, 28 juin et 8 juillet derniers; la sortie de ces différents objets est et demeure entièrement libre, ainsi que celle des espèces monnayées, autres que celles au coin de Fra ce, et de t utes sortes d’ouvrages d’or et d’argent et bijoux; en conséquence, l’Assemblée nationale fait défenses aux corps administratifs et municipaux, à peine d’en demeurer personnellement responsables, d’exercer aucune perquisition ou visite envers bs voyageurs et négociants, les déclurati ns et vérifications ne devant désormais être faites que dans les bureaux des douanes nationales; donne mainlevée des matières d’or et dVgent, autres que des espèces monnayées au coin du royaume, retenues en vertu des précédents décrets. « Le roi sera prié de donner le plus promptement possible les ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Goudard, au nom du comité d'agriculture et de commerce, so met à la délibération un projet de décret , ajourné il y a un mois, jusqu'après l'impression (l), et relatif aux entrepôts d'eaux de-vie de genièvre dans divers ports de la Manche et de l'Océan, ainsi qu'à la faculté de convertir en rhum, dans les mêmes ports, les tafias de nos colonies, à la charge d’en faire la réexportation à l'étranger. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rap ort de son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les eaux-de-vie de grains, dites de genièvre, venant de l’éiranger, pourront être entreposées, en franchise de tous droits, dans les ports de Gravelines, Calais, Boulogne, Dieppe, Fécainp, Cherbourg, Saint-Malo, Morlaix et Roscoff, à la charge d’êire réexportées à l’étranger, dans l’an-(1) Voir Archives parlementaires, tome XXIX, séance du 23 août 1791, page 644. 241 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. née de l’arrivée, en observant les formalités prescrites pour les entrepôts, et sous les peines déterminées par l’article 5 ci-après. Art. 2. « Il pourra être établi dans lesdits ports, aux frais du commerce, et dans les lieux qui seront convenus avec la régie nationale des douanes, des dépôts où les tafias des colonies françaises, reçus en entrepôt, pourront être convertis en rhum, en exemption de droits, à la charge d’être également réexportés dans l’année à l’étranger. Art. 3. « Les cours et bâtiments destinés auxdites fabriques n’auront de communication extérieure que par une seule porte placée du côté du port, laquelle fermera à deux ciels différentes, dont une sera remise à un préposé de la régie nationale des douanes, et l’autre aux propriétaires. Lesdits tafias et rhum ne pourront être extraits desdits bâtiments, que pour être transportés dans les magasins de l’entrepôt, ou pour être embarqués à la destination de l’étranger. Art. 4. « Les habitants des ports dénommés dans l’article 1er pourront également recevoir en entrepôt, et réexporter à l’étranger, en exemption de droits, les raisins de Corinthe. Art. 5. « Toute soustraction et tout versement auxquels les entrepôts, transvasements et conversions permis par le présent décret pourraient donner lieu, seront punis par la confiscation de la marchandise ou de sa valeur, et d’une amende de 300 livres pour la première fois; en cas de récidive, l’amende sera du double, et celui qui aura fait, ou contribué à la fraude, sera déchu de la faculté d’entrepôt ou de fabrication. Les propriétaires des marchandises seront garants, à cet égard, des faits de leurs agents. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. Voici, Messieurs, une lettre des gens de couleur actuellement à Paris : « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale a rendu le 15 mai dernier un décret en faveur des gens de couleur nés de pères et mères libres; ce décret fut suivi d’une instruction et des commissaires furent nommés pour les porter à Saint-Domingue et pour y faire exécuter le décret. Aucune de ces mesures n’a été exécutée et nous sommes instruits que ie comité colonial travaille pour faire retirer ce décret. « Dans l’état de perplexité où nous met cette nouvelle, nous vous supplions de vouloir bien obtenir de l’Assemblée que nous soyons entendus à la barre avant la discussion de cet objet. « Nous sommes, etc. » M. Dupont. J’observerai, Messieurs, que l’attention de l’Assemblée est particulièrement attirée par deux objets importants pour lesquels le temps que la session a encore à tenir n'est pas même assez long peut-être, car vous n’aurez plus que sept séances avant votre séparation : ces deux objets sont, d’m e part, les bases de l’éducation publique, et, de l’autre, l’institution de l’assistance publique, pour les secours à accorder aux pauvres, afin qu’on ne vous accuse pas de vous lre SÉmii. T. XXXI. [23 septembre 1791.] être emparésdes biens ecclésiastiques sans remplacer la source des bienfaits auxquels ils étaient en partie destinés. Or, je disque, dans le doute où vous êtes de faire actuellement une loi sage sur les colonies, vous ne pouvez qu’ajourner cette question à la prochaine législature pour vous consacrer entièrement à l’étude des deux objets que je viens d’indiquer. M. Briois-Beaumetz. Le sort des colonies dépend essentiellement du décret que vous rendrez; le sort du commerce, celui de la France en dépendent également; il ne faut donc pas négliger de le rendre. Nous aurions l’air de ne pas oser le bien ( Mouvements divers) ; nous aurions l’air d’appréhender cette question que nous avons à résoudre, si nous nous déchargions de ce devoir sur la prochaine législature. M. Dupont. Je m’intéresse autant qu’un autre aux colonies ; mais je m’intéresse encore plus au bien de la France et au salut des individus de la métropole. M. d’André. Je demande tout simplement d’attendre que l’Assemblée soit plus nombreuse pour traiter ce point-là; car si nous allons maintenant discuter l’ajournement d’une question que nous avons mise à l’ordre du jour pour aujourd’hui, on fera révoquer dans un autre moment cet ajournement tout de même qu’à présent vous révoqueriez le décret qui a mis cette question à l’ordre du jour. Si donc vous voulez examiner la demande d’ajournement qui est faite, je n’ai pas à m’y opposer et je n’ai rien à dire; mais je demande que ce soit au moment où l’Assemblée sera assez complète pour que, demain matin, on ne vienne pas nous dire de révoquer l’ajournement, si vous l’avez prononcé. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! (L’A-semblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est un rapport des comités de Constitution , diplomatique et d'Avignon sur l'établissement des pouvoirs constitués et leur organisation provisoire dans les ci-devant Etats d'Avignon et du Comtat Venaissin. M. de llenou, rapporteur. Messieurs, l’Assemblée nationale, par son décret du 14 septembre dernier, qui ordonne la réunion d’Avignon et du Comtat Venaissin à l’Empire français, a en même temps ordonné aux comités réunis de Constitution, diplomatique et d’Avignon, de lui présenter un projet de décret sur l’organisation provisoire de ces deux pays, jusqu’à leur organisation définitive. Voici le projet de décret que vos comités m’ont chargé de vous présenter à cet égard : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de Constitution, diplomatique et d’Avignon, décrète ce qui suit ; « Les trois commissaires qui, en vertu du décret du 14 sepmmbre dernier, portant réunion d’Avignon et du Comtat Venaissin à la France, doivent être envoyés par le roi dans ces deux pays, dirigeront provisoirement l’organisation du territoire et l’établissement des pouvoirs publics dans les ci-devant Etats réunis d’Avignon et du Comtat Venaissin, conformément aux articles ci-après : 16