[États gén. 1789. Cahiers.] priétaires, et qui donnerait au sieur Defer, ainsi qu’il l’évalue lui-même dans ses prospectus, une propriété foncière de plus de 120 millions; arrêt enfin qui, pour l’évaluation de ces invasions et l’estimation des payements et des indemnités, l’affranchit de toutes les voies judiciaires et légales, de toute dépendance des juges ordinaires, seuls juges que la loi donne en pareil cas aux citoyens, et qui renvoie le tout à M. l’intendant, sauf l’appel au conseil. Evocation. Art. 8. Demander aux Etats généraux d’obtenir de la justice du Roi le renouvellement et l’exécution inviolable de la sage ordonnance du grand Henri IV, qui interdit au conseil la connaissance, les évocations et tout ce qui peut tendre à dépouiller les juges ordinaires de leur juridiction et à attribuer au conseil une juridiction légale qu’il n’a pas, qu’il ne peut avoir par sa nature de conseil, et que l’ordonnance de ce grand roi défend de lui attribuer jamais, et, en conséquence, le renvoi aux juges ordinaires de toutes les affaires contentieuses, commises ou évoquées. Justice et police . Art. 9. Qu’il soit représenté qu’à l’exception des terres titrées ou qui appartiennent à de grands propriétaires, les campagnes sont presque généralement privées de justice, à moins qu’on n’appelle ainsi ces assises tenues au plus une fois l’année, par un juge qui arrive de loin, qui repart dans la journée et avec qui souvent on ne peut même avoir la moindre relation ; que, par conséquent, nulle police n’est exercée, la viande survendue par les bouchers, les moutures spoliées par les meuniers, le pain vendu à faux poids, toujours plus cher qu’à Paris, et de farines gâtées et pernicieuses. Que les productions de la terre deviennent la proie des gens qui ne vivent que de pillage et font ouvertement commerce de leurs rapines, ou sont détruites par des vengeances particulières : ce qui met les fermiers dans la crainte et dépendance des hommes les plus méprisables de leur canton. Demander que' les seigneurs hauts justiciers soient tenus d’avoir un juge et un procureur fiscal résidant dans le chef-lieu de leur justice, lesquels seront tenus de se transporter un jour de chaque semaine dans les villages qui en dépendent, surtout dans ceux où il y a des bouchers et des boulangers établis, afin de taxer la viande et le pain, veiller à la bonté des farines, aux poids et mesures des marchands, et informer tous délits, sans exiger ou même attendre qu’il se présente une partie civile. Supplier Sa Majesté d’ordonner que, dans toutes les communautés où la justice ne sera pas ainsi administrée, tout ce qui concerne la police sera attribué aux municipalités, auxquelles il sera donné l’autorité nécessaire pour faire arrêter les perturbateurs, malfaiteurs et déprédateurs, et maintenir l’ordre, la paix et la sûreté dans la communauté. Maréchaussées. Art. 10. Demander que les maréchaussées soient tenues, en faisant leurs tournées, de veiller sur les biens de la terre, et que, lorsqu’elles trouveront des gens maraudant, tuant les volailles, coupant les jeunes arbres fruitiers, sciant les blés en vert et enlevant frauduleusement les autres productions, renversant les clôtures ou commettant méchamment tout autres dégâts, elles soient tenues de les arrêter, pour être jugés soit prévôta-i" Série, T. IV. [Paris hors les mars.] 383 lement, soit par les juges ordinaires, soit par ceux d’attribution devant laquelle les maréchaux des logis et cavaliers seront tenus d’affirmer la vérité de leurs rapports, l’inscription de faux réservées aux parties. Retour périodique des Etats généraux. Art. 11. Enfin demander avec instance que le retour périodique des Etats généraux soit assuré, et que, suivant l’ancienne coutume et le droit imprescriptible de la nation, aucun impôt ou subside ne puisse être établi sans son consentement, ni perçu que jusqu’au temps qu’elle aura fixé, à peine, contre ceux qui en feraient la levée, d’être poursuivis extraordinairement. Réunion des dîmes à la cure. Les habitants de Bures, voyant avec douleur qu’un simple clerc titulaire d’une chapelle à Saint-Eustache de Paris, vient enlever, tous les ans, le tiers de leurs dîmes, et ne concevant pas comment, après avoir péniblement satisfait aux impôts dont ils sont surchargés, ils sont encore obligés d’en payer un à un homme qui leur est absolument étranger et qui ne rend aucune espèce de service à la paroisse, tandis que leur curé se trouve réduit au plus strict nécessaire, et ne peut soulager les pauvres du lieu qui sont en très-grand nombre, ils requièrent que Sa Majesté soit suppliée de détruire cet abus qui, pour être ancien, n’en est pas moins déplorable, en faisant ordonner incessamment la réunion de ce bénéfice à la cure. Nous chargeons les députés que nous allons nommer de faire tous leurs efforts pour obtenir que nos doléances soient accueillies, que le choix des députés du tiers-état aux Etats généraux tombe en partie sur des propriétaires et cultivateurs, et en général sur des personnes vraiment dignes de la confiance de leurs concitoyens. Signé Fauchard de Grand-Ménil; Bérthe, curé de Bures; Fournier d’Evillé; Largemain; Large-main Petit; Charles Gautier ; Henriot; Louis Legros; Hervé; Etienne Gourtin; Gourtin; Vallée; Pralon;Bosselet; Vasiton; Gossonet; Favre; Mauri; Dimanceaux; Agassant, à l’exception de la suppression des fêtes; Gaget; Robert Paille, et Louis Plat, greffier. Fait à Bures, le 13 avril 1789. Paraphé par nous syndic municipal de Bures, coté au nombre de cinq pages, en suite de notre procès-verbal de cejourd’hui, 13 avril 1789. Signé Fauchard de Grand-Ménil. CAHIER De la paroisse de Bussy-Saint-Georges (1). Aujourd’hui, 16 avril 1789, en vertu de la lettre du Roi, pour la convocation des Etats généraux et du règlement fait par Sa Majesté le 24 janvier dernier, et de l’ordonnance de M. le prévôt de Paris, du 4 du présent mois, à nous signifiée par de La Marre, huissier au Châtelet, le 10 du même mois, en Rassemblée convoquée au son de la cloche, de la manière accoutumée, nous, habitants de la paroisse de Bussy-Saint-Georges en général; Pénétrés de la sagesse du Roi et de ses bontés paternelles qu’il manifeste aujourd’hui avec tant d’éclat et d’applaudissement, nouspartageons avec la nation entière l’espoir de vivre heureux en travaillant avec sueur à la culture de nos terres; nous nous disons mutuellement : Grâces immortelles soient rendues au meilleur des rois ! Son (1) Archives de l’Empire. 23 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 386 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] cœur est ouvert aux justes réclamations de ses sujets, qui sont depuis trop longtemps la victime de l’injustice; le monarque nous permet et même nous ordonne de parler ; garder le silence sur les abus qui nous vexent et nous font gémir, serait trahir à la fois la confiance du Roi et de la nation. Art. 1er. Nous sommes depuis longtemps surchargés d’impôts et de subsides qui emportent tous les fruits de nos travaux, et nous mettent hors d’état d’élever nos familles, nous laissant dans la détresse et l’épuisement. Art. 2. Nous avons toujours fait une juste déclaration de nos propriétés et de nos cultures, et nous avons la douleur de connaître qu’on n’a jamais suivi ces déclarations pour nous imposer aux rôles des tailles, et qu’on s’en est toujours écarté pour nous surcharger. Art. 3. Nous nous sommes plaints de cette injustice en bien des circonstances; mais le sieur intendant de la généralité de Paris a toujours été insensible à nos justes réclamations, et il semble qu’elles n’aient servi qu’à augmenter nos peines, dans le temps même que nous devions espérer des soulagements. Art. 4. Lorsque ceux de nous, qui avaient été nommés collecteurs, ont voulu faire de justes observations sur les fautes que nous avons reconnues dans les rôles, on nous a répondu par des menaces de prison, et on nous a forcés impitoyablement de signer, malgré nous, des erreurs et des vexations tout à fait contraires aux lois et à la volonté du Roi. Art. 5. Après nos déclarations faites avec le plus grand soin et la plus exacte vérité, des erreurs commises par les commissaires, de l’intendance nous ont conduits involontairement dans ces procédures énormes et vexatoires, dont la répartition de frais considérables a été faite sur toute la paroisse, sans exception, et même sur ceux qui n’avaient aucune connaissance de ces affaires, •et qui n’y faisaient rien valoir dans leurs principes. Art. 6. Un seigneur, propriétaire d’une terre considérable dans cette paroisse, avait fait un accord frauduleux et contraire au règlement des impositions, c’est-à-dire un marché de régie et en même temps un bail à ferme. Une difficulté relative au payement des loyers s’est élevée entre eux, les poursuites du propriétaire ont découvert la fraude, elle a été dénoncée au sieur intendant qui a ordonné l’imposition du soi-disant régisseur, mais véritablement fermier; le recouvrement de cette imposition a été refusé, les poursuites ont été faites parle collecteur, sur l’avis du sieur intendant qui s’est même chargé de solliciter les condamnations nécessaires à l’Élection; l’instance y est restée perdue, et une réimposition d’environ 20,000 livres a été faite sur cette paroisse, sous prétexte que le receveur des tailles en avait fait les avances. Le propriétaire a donc enlevé les récoltes saisies et plus que suffisantes pour ses loyers, et par ce moyen nous avons ôté les victimes de la considération et du crédit. Art. 7. Un arpentage a été ordonné par le sieur intendant dans l’étendue de tout le territoire paroissial, et les indicateurs de cette paroisse devaient être payés, suivant la promesse de l’intendant, et ils ne l’ont point été; sans doute que leur salaire est resté dans des mains étrangères, nous /avons indiqué comme il se poursuit ; au milieu de son enceinte se trouvent des possessions très-considérables appartenant aux Bénédictins de Lagny ; nous les avons déclarées, aux assises des tailles, faire partie de notre paroisse. Mais le fermier de ces terres, voyant que nous étions surchargés, a sollicité avec ses propriétaires, pour être imposé sur le rôle d’une paroisse voisine ; la considération que le sieur intendant et ses subdélégués ont toujours marquée pour les Bénédictins, a fait rejeter nos déclarations; et nous nous trouvons encore aujourd’hui chargés de payer la taille de ces terres, quoique leur fermier se trouve imposé sur le rôle de la paroisse de Couche ; il semble même que nous n’ayons pas le droit de nous plaindre de ces impositions vexatoires, puisque toutes les fois que quelqu’un de nous s’est présenté dans les bureaux des impositions, nous avons trouvé des commis impertinents qui, loin de nous écouter dans nos justes plaintes, nous ont répondu avec mépris et nous ont renvoyés avec dureté. Àrt. 8. Encore si nos surcharges servaient aux besoins de l’Etat; mais nous n’ignorons pas q u’elles servent d’engrais à la fortune des receveurs, et qu’elles ne parviennent pas au trésor royal, puisque le recouvrement s’en fait d’une manière particulière. Art. 9. Les privilèges accordés aux titres de secrétaire du Roi et trésorier de France occasionnent en nos paroisses des surcharges très-considérables; car enfin il faut répondre aux besoins de l’Etat, et comme ces besoins augmentent suivant les circonstances de nécessité, on est obligé d’augmenter les impositions à proportion des besoins. Et sur qui va-t-on les asseoir ? Ce n’est pas sur les terres des privilégiés, mais bien sur les malheureux déjà . trop chargés, et dont les subsides emportent plus que le produit des terres dans certaines années, comme la dernière, qui sera mémorable, par sa disette et par ses fléaux, dans tous les siècles futurs. Art. 10. La nation assemblée n’oubliera pas, sans doute, de réformer ces privilèges abusifs accordés aux maîtres des postes ; il faut que la classe taillable remplisse le vide de cette quantité d’êtres qui reçoivent journellement un immense produit et dont le profit est plus que suffisant pour leur procurer des propriétés étonnantes. Art. 11. Les propriétés des nobles et du haut clergé sont encore, pour nous, d’onéreux voisinages; des parcs, des forêts immenses remplissant une grande partie de nos paroisses, leurs exemptions sans bornes rejettent sur la roture les impôts de toute espèce, et les animaux privilégiés qu’ils renferment consomment une grande partie de la production de nos campagnes. Art. 12. Nous sommes imposés à une somme considérable pour les corvées, tandis que nos chemins les plus nécessaires sont presque impraticables. Ne vaudrait-il pas mieux nous autoriser à faire nous-mêmes l’emploi de ces contributions aux réparations de nos voiries publiques ? Le pauvre du lieu y gagnerait son pain par ses ouvrages, les terres épierrées produiraient plus abondamment, et le public, en général, y trouverait un grand avantage ; nous aurions par ce moyen la satisfaction d’être déchargés de cet abus vexatoire exercé par la commission des ponts et chaussées, qui fait très-souvent tirer de la pierre sur nos propriétés, l’y laisse impitoyablement pendant de années entières, tout entassée, après avoir fait creuser un vaste trou, au préjudice même et sans respect pour la récolte, et sans payer aucune indemnité aux propriétaires des fonds. Art. 13. Cette loi serait très -sage, qui établirait dans chaque paroisse un bureau de charité; [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 387, nombre de mendiants errants, qui assiègent, pour ainsi dire, nos portes tous lesjours de la semaine, seraient forcés de rester dans le lieu de leurs habitations; ce serait un obstacle à la fainéantise, qui rendrait à chaque pays quantité d’ouvriers utiles à leur patrie; les vieillards et les inürmes, les pauvres veuves et les orphelins trouveraient dans ce bel établissement les secours dus à l’humanité souffrante, et nous aurions la satisfaction de connaître l’indigent à qui nous tendrions une main secourable. Art.- 14. Puisqu’il nous est permis de nous plaindre des vexations odieuses qui nous affligent, il en est une bien remarquable qui nous cause un tort réel et considérable : c'est cette quantité prodigieuse de gibier qui ravage nos malheureuses campagnes; les pigeons et perdrix enlèvent souvent nos semences, les lièvres et les lapins, les cerfs et les biches rongent nos grains jusque dans la racine, et le malheur veut que nos récoltes soient versées à l’approche de la moisson ; bientôt elles sont consommées. Hélas ! que le plaisir de la chasse coûte de nourriture d’homme ! On porte même la tyrannie au point de faire des cantons de réserve d’une étendue très-considérable, dans le milieu de nos paroisses où l’on ne chasse jamais. Nous n’avons pas même la liberté de détruire les corbeaux, cette espèce de volatile si ennemie de la production de nos terres. Si les seigneurs veulent se procurer le plaisir de la chasse, qu’ils conservent donc leur gi-bierdansl’enceintecle leurs parcs et dans l’étendue de leurs bois. Mais qu’il soit permis à chaque particulier de défendre sa récolte qui lui a coûté tant de sueurs et tant de frais pécuniaires! Art. 15. 11 est encore une vexation odieuse exercée sous l’autorité des ponts et chaussées : on vient planter sur nos terres des arbres, le long-dès chemins pavés, et cette plantation se fait saûs nous en donner avis. Nous payons les loyers, impôts et rentes de toute façon pour l’emplacement de ces arbres qui, d’ailleurs, lions font grand tort par leur ombrage. Un commis des ponts et chaussées s’empare du produit et nous'laisse toutes les charges. Au moins qu’il nous soit permis d’en racheter la propriété, en pavant les frais de plantation ! Art. 16. Dix gros décimateurs viennent lever les dîmes dans l’étendue de notre paroisse; elles sont possédées par des seigneurs étrangers, des prieurs, des chapelains, des abbés, des moines, des religieuses et des séminaires dont nous n’avons jamais eu connaissance des titres de propriété autres que leur possession ; tous ces bénéficiers sont autant de privilégiés qui nous sont à charge, qui ne font aucun bien dans cette paroisse, n’y répandent jamais aucune aumône. Pourquoi nos terrains se trouvent-ils chargés de contribuer à la subsistance de tant d’êtres qui nous sont inutiles ? Les dîmes n’ont-elles pas plutôt été instituées pour l’église du lieu et pour le secours des pauvres? Au moins qu’elles soient employées à la décence de l’église locale et à la contribution de la subsistance des prêtres qui y font les fonctions sacerdotales, et encore à la subsistance d’un maître d’école qui nous est un homme nécessaire, et que par là nous nous trouvions déchargés des réparations et reconstructions d’églises, de presbytères et d’écoles. Alors l’emploi de ces dîmes séra utile et conforme à leur institution. Art. 17. Notre vœu et celui de la nation entière doivent encore être pour la suppression de cette nuée de satellites de la ferme générale, qui viennent continuellement visiter nos caves et nos celliers, et, en nous faisant contribuer des impôts révoltants, cherchenttous les moyensde verbaliser et d’emporter nos fonds par des amendes vexa-toires, afin d’augmenter leurs appointements déjà trop onéreux à la nation. Que l’on renvoie donc promptement ces ambulants êtres, inutiles à l’Etat, qui vivent de nos sueurs, et nous enlèvent les prémices de nos productions. N’est-ce pas un abus outrageant, pour tous les citoyens, d’être obligés de procurer d’immenses richesses à quarante fermiers généraux, et d’entretenir leurs troupes odieuses sur le pied brillant? Même, au préjudice des intérêts les plus sacrés et des besoins les plus urgents, ils inventent à chaque instant de nouveaux moyens de censurer nos récoltes, et surprennent à la" justice royale des autorisations pour épuiser nos facultés ; ils nous forcent de payer au poids de l’or la saline, aliment utile à la vie, et contraignent jusqu’au plus pauvre particulier de manger sa soupe salée ! 11 est donc d’une nécessité absolue, pour les besoins de l’Etat, que des milliers de commis, fort bien payés aux dépens de nos bourses, soient postés dans tous les coins du royaume, et que les directeurs qui commandent ces escadrons détestables, tirent de nos travaux des appointements beaucoup plus considérables que les officiers qui commandent nos armées ? Que ces légions ruineuses soient abolies, alors que de gens oisifs seront occupés ; que de soldats volontaires dans nos armées ; que de bras rendus à la culture clés terres ; que de chagrins seront dissipés ; que de .tranquillité et de félicité régnera dans les villes, dans les campagnes! Le commerce, cet organe si désirable de la communication des villes et des campagnes, recouvrera sa liberté , les bourgeois béniront à jamais le temps qui leur aura procuré les denrées nécessaires à la vie dans leur état naturel. Art. 18. 11 est encore un intérêt bien considérable pour tous les contribuants : c’est que la somme de leurs impôts soit versée directement au trésor royal, sans passer par des mains si coûteuses à l’Etat. Il nous serait aussi facile de remettre en première instance notre dépôt dans la caisse du Roi, que de le soumettre à un receveur des tailles, homme gagé, que nous sommes obligés de payer, et qui peut encore tourner à son profit l’intérêt des sommes qu’il nous force de lui porter par avance ; cette loi serait encore très-sage, qui fixerait a une époque certaine, et sans délai, le recouvrement de l’impôt qui sera établi. Art. 19. Ce serait encore un avantage bien important pour les pauvres pères de famille, dans nos campagnes, de supprimer les milices et surtout en, temps de paix; outre les chagrins que ces levées occasionnent dans les familles, elles les forcent encore à des dépenses bien gênantes, pour former une somme consolante à celui qui tombeau sort. Une paroisse qui aurait produit un soldat volontaire ne devrait-elle pas être exempte pendant l’année? Ne pourrait-on pas substituer en place de milice une légère somme, qui serait levée annuellement sur chaque garçon en état de porter les armes? Cette contribution serait préférée par le plus grand nombre, et mettrait à portée les enfants de choisir un établissement convenable. Art. 20. Il serai t encore très-avantageuxpour nos paroisses, que le procureur fiscal demeurât sur le lieu, car autrement la police n’y est point observée, la religion ni la décence n’y sont point respectées, la tranquillité publique y est troublée jour et nuit par les clameurs des ivrognes; le pro- 388 (États gén. 1789. Cahiers.] duit des travaux des pères de famille, qu’ils ont gagné dans une semaine, est consommé dans un our, tandis que leurs femmes et leurs enfants anguissent dans une indigence générale ; les maîtres y sont mal servis, la terre manque des bras destinés usa culture, et les lieux de débauche y sont multipliéspar un vil intérêt, et deviennent les gouffres de quantité de ressources. Art. 21. Les formes de procéder dans nos paroisses renferment encore des abus vexatoires. Si un mariage est détruit par la mort, il s’agit d’assurer aux mineurs ce qui leur appartient de la communauté; mais, pour y parvenir, il faut souvent que le mobilier soit consommé en frais, et quelquefoisil n’est pas suffisant pour y répondre. Ne serait-il pas possible d’établir une loi favorable à cet égard, par exemple, d’autoriser le procureur fiscal, demeurant sur le lieu, ou les membres de la municipalité à dresser, sans frais, un procès-verbal de l’état d’une succession et d’en faire le dépôt chez un notaire, comme on peut faire d’un testament ? Les formes qui s’exercent dans les procès ne sont pas moins abusives; d’une question peu importante et facile à résoudre, on en fait une énorme procédure; il faut payer le papier comme s’il était rempli d’écriture; deux ou trois mots forment une ligne, afin de multiplier les rôles et de rendre la somme de frais considérable ; il est étonnant que des hommes qui se donnent le nom de défenseurs de la j ustice violent ses lois si ouvertement, au préjudice de leur partie. Art. 22. Une quantité prodigieuse de thiéra-chiens se répandent annuellement, avec des trou-- pes de chevaux, dans la province de Brie. Une partie assez considérable s’établit ordinairement dans les bois de cette paroisse ou aux environs, sous prétexte d’être utiles pour l’approvisionnement de la ville de Paris ; ces hommes errants, n’ayant point de domicile fixe, lâchent pendant la nuit leurs attelages de chevaux qui rongent les bois taillis et sortent très-souvent sur les terres chargées de leur récoltes, et y causent impunément des délits considérables ; ils se disent autorisés par M. le prévôt des marchands, dont ils ont trompé la religion. Il n’est pas possible que ce respectable magistrat ait souffert des personnages aussi à charge, s’il en connaissait l’horrible abus; il n’est pas possible qu’il voulût assujettir les cultivateurs à faire le sacrifice de leur repos, dans la saison la plus chère, pour garder leurs précieuses moissons du ravage de ces étrangers. Il serait bien intéressant d’établir une loi qui bannisse de tels brigandages. Art. 23. Il est encore de notre devoir de nous plaindre de la tyrannie qu’exerce ordinairement, sous le nom du Roi, la maîtrise des eaux et forêts. Leurs gardes, qui portent le nom de traversiez, sont des légions inutiles au bon ordre, couverts d’habits imposants que no devrait revêtir que l’homme de probité; ils n’agissent que pour leurs intérêts particuliers et cherchent à chaque instant à gêner l’exploitation et à vexer les particuliers, leur faisant des procès fondés sur des bagatelles : un arbre abattu sans leur coûteuse visite est un sujet pour leur procurer un moyen de faire une procédure ruineuse. Avec quel empressement ne devons-nous pas demander la réformation de ces vexateurs du tiers-état ! Art. 24. La nation assemblée s’occupera sans doute à chercher des moyens sûrs pour réprimer la mauvaise foi de ces bourreaux du commerce qui, se couvrant du voile de l’hypocrisie, se procurent des marchandises sans argent et qui, après avoir trompé la bonne foi des marchands, vont se ré-|Paris hors les murs.] fugier au Temple, où leur perfidie est à couvert, et d’où, après avoir déclaré une banqueroute frauduleuse, ils se procurent avec une adresse insidieuse des propriétés considérables avec le prix de leurs vols. Art. 25. Il est encore de l’intérêt général d’établir une loi relative aux moulins, et qu’en vertu de cette loi chaque particulier soit à couvert de cette mauvaise foi qui règne à cet égard. Il est outrageant pour la probité de voir journellement les abus qui se commettent envers les particuliers qui confient leurs grains avec confiance ; il serait donc utile qu’on établisse dans chaque paroisse un poids royal, où tous les grains qui seraient portés aux ' moulins fussent pesés avant leur départ et la farine à son retour. Art. 26. Enfin nous croyons que le vœu de la nation doit être qu’un seul et unique impôt soit établi sur tous les biens et propriétés du royaume sans exception, et que cet impôt soit suffisant pour répondre aux besoins de l’Etat; que tous les sujets du Roi qui ont des prérogatives attachées à leur naissance et à leur état fassent le sacrifice de leurs privilèges, mais que tous ensemble, partageant le poids des charges publiques, travaillent à l’envi au bonheur de tous. Tels sont les vœux que nous faisons pour la gloire et pour la prospérité de l’Etat, du Roi et de tous les citoyens. Fait et rédigé en l’assemblée susdite et convoquée tant au prône qu’à l’issue de la messe paroissiale par nous, syndic et greffier et autres membres de la municipalité, et en général des habitants de la paroisse de Bussy-Saint-Georges, le tout des articles ci-dessus consentis d’une voix unanime, et nous avons signé en présence d’un nombre considérable d’habitants qui ont déclaré ne savoir signer, les jour, mois et an susdits. Signé Jean Rebuffé; J. -B. Vacher; L. Moutier; G. Gellimu; François Fleur; Jean-Henri Guinart; B. Vacher; Nicolas Jobert, Morlet fils, Augustin Bellay; Gretté; Jacques François Rumigny; Drouet F. Vacher; Léchât, maître d’école ; Blanchard; Jacques Chauchet; Royer, et Pierre Dusard, greffier. Paraphé ne varietur et signé de nous, prévôt ; Auvray. CAHIER Des remontrances de la paroisse de Bussy-Saint-Martin et Antilly , hameau dudit Bussy ( 1). Le Roi rassemble en ce moment tous les ordres de son royaume pour remédier aux désordres qui régnent dans les différentes parties de l’administration. Il demande nos plaintes, nos secours, nos avis. Quant aux plaintes, nous en pourrions faire un très-grand nombre : 1° Sur la multiplicité des impôts ; 2° Sur la vexation des officiers chargés du recouvrement ; 3° Sur la tyrannie des intendants de province; 4° Sur l’effroyable quantité de gibier ; 5° Sur les gens de loi. Art. 1er. Sur la multiplicité des impôts. H n’est aucun habitant de la campagne qui n’ait à payer, tous les ans, la taille, le vingtième, la capitation, les aides, la gabelle, la corvée, la milice, espèce de taille non moins onéreuse que tout le reste, et tout cela est à prendre ou sur une chaumière, ou sur un morceau de terre, ou sur la journée d’un malheureux manouvrier. (1) Archives de V Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.