220 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 septembre 1790.] avec des quittances de finance, comme ils le feraient avec des assignats forcés. Cette objection n’est pas réfléchie. Ces créanciers sont divisés en deux classes : les uns ont à rembourser des contrats de rente, et c’est le plus grand nombre. Ils peuvent donc différer leur libération ; mais beaucoup de leurs crédit-jen tiers accepteront le remboursement de leurs contrats de rente, en quittances de finance ; parcequ’ils pourront, avec ces quittances, acquérir des biens nationaux ; et qu’ils ne le pourraient pas avec des contrats de rente, et c’est le plus grand nombre. Les autres créanciers, qui ont des dettes exigibles, pourront aussi payer une partie avec des quittances de finance ; et, pour le surplus, il leur sera aisé d’en négocier sans perte, parce que les capitalistes, n’ayant plus à craindre une nouvelle émission d’assignats forcés, préféreront ces quittances, qui 'produiront intérêt, à des sacs d’écus qui ne produisent rien. Du reste, ne trouvât-on pas à négocier au pair des quittances de finance, la perte qu’on éprouverait serait toujours peu sensible. Les créanciers de l’Etat devraient donc eux-mêmes préférer ce second mode de liquidation au premier. Résumons. En payant en assignats forcés la dette nationale exigible, tout l’argent disparaît, — tous les ateliers se ferment. Les ouvriers de toutes les classes se trouvent sans travail et sans pain. — Les denrées et les marchandises augmentent, de manière que toute balance est rompue au dehors comme au dedans. — Enfin, le commerce national est anéanti. — Ce moment fatal arrivé, il va se faire une explosion générale qui, détruisant les travaux de l’auguste Assemblée, livrera le plus bel Empire du monde à toutes les horreurs de la guerre civile. Au contraire, si la nation se libéré par des quittances de finance, tous nos maux sont finis. La confiance renaît, — le capitaliste ouvre ses coffres, — le fabricant rappelle ses ouvriers, — et tous les Français, heureux, béniront la Constitution . Les députés extraordinaires du commerce de la ville de Lille , Braussier-Mathon, Wjart. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du samedi 25 septembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Dauchy, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 23 septembre au soir. M. Anthoine, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier. Ces procès-verbaux sont adoptés sans réclamation. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. le Président fait donner lecture d’une note de M. le garde des sceaux, qui annonce que le roi a donné sa sanction, le 18 de ce mois, aux décrets ci-après indiqués : « 1° Au décret de l’Assemblée nationale, du même jour, relatif aux attroupements armés qui se font autour de Versailles, sous le. prétexte de détruire le gibier sur les propriétés particulières. « 2° Le 20 du même mois, au décret du 19, rendu à l’occasion des démarches qui ont été faites à RueiL et à Courbevoie vers le corps des gardes-suisses. « 3° Le 21, au décret du 9 mai, concernant les domaines de la couronne. « 4° Au décret du 5 du présent mois, qui prescrit la forme du bouton uniforme des gardes nationales. « 5° Au décret du 10, concernant diverses renies, indemnités, secours et traitements dont plusieurs sont supprimés par ce décret, ainsi que la commission établie pour le soulagement des maisons religieuses. « 6° Au décret du 11, concernant le logement de l’intendance du Trésor public et de ses bureaux, et portant que les dépenses variables, ainsi que celles relatives aux pensions des comédiens français et italiens et autres, relatives aux spectacles'seront rejetées du Trésor public. « 7° Au décret du 12, relatif à la perception des droits et impositions indirectes. « 8° Au décret du 13, concernant l’élection de la municipalité de la ville de Rocroy. « 9° Au décret du même jour, qui autorise les habitants de Vanoze à faire reconstruire leur maison presbytérale, et imposer le montant du prix de l’adjudication de cette reconstruction sur tous les contribuables de Ja paroisse. « 10° Au décret du même jour, concernant les concessions d’apanages. « 11° Au décret du 14, portant que les conseils de départements ne se rassembleront que le 3 novembre. « 12° Au décret du même jour, relatif aux attentats commis à Angers le 6 de ce mois. « 13° Au décret du même jour, portant que Jes receveurs des décimes verseront à la caisse de l’extraordinaire la totalité des deniers étant en leurs mains pour reliquat des comptes par eux précédemment rendus, et que ces receveurs rendront sans délai, par-devant les directoires, le dernier compte de leur administration. « 14° Au décret du même jour, qui détermine le territoire de chacun des six tribunaux du département de Paris. « 14° Au décret du même jour, portant qu’il sera délivré un fonds extraordinaire de 4,600,000 livres, pour pourvoir, tant aux dépenses de l’escadre de Brest, qu’aux frais du nouvel armement. « 16° Au décret du 15, portant que la muni-cipalilé de Strasbourg prononcera en dernier ressort sur les troubles de Schelestadt. « 17° Au décret du même jour, concernant l’augmentation de solde des gens de mer. « 18° Au décret du même jour, concernant les mouvements qui ont eu lieu parmi les équipages de Brest, lors de la publication du code pénal delà marine. « 19° Au décret du 16, portant qu’il sera payé par le Trésor public, à la caisse des invalides, la somme de 210,000 livres pour la prestation des oblats. « 20° Au décret du même jour, portant que la perception des droits, dont l’hôpital général de Lille jouit actuellement sur les vins, bières et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 septembre 1790*] 221 eaux-de-vie, continueront à avoir lieu provisoirement. « 21° Au décret du même jour, portant que la créance des Nanlukois sera exceptée de l’arriéré . « 22° Au décret du même jour, portant que les citoyens actifs de Montauban seront convoqués en assemblées primaires, pour procéder au choix des électeurs qui concourront à l’élection des juges. « 23° Au décret du même jour, portant que la ville de Saintes est définitivement le siège de l’administration du département de la Charente-Inférieure. « 24° Au décret du même jour, portant que la ville de Niort est le siège de l’administration du département des Deux-Sèvres. « 25° Au décret du 17, portant qu’il sera remis à la disposition du directoire du département de la Haute-Vienne, une somme de 60,000 livres, pour être employée au soulagement des malheureux incendiés de la ville de Limoges. « 26° Au décret du même jour, portant quede traitement des curés royaux dans les départements du Haut et Bas-Rhin, seront acquittés pour la présente année par les receveurs des impositions. « 27° Au décret du 18, relatif aux faits qui se sont passés dans la ville de Mauriac, à l’occasion de la municipalité de cette ville. « 28° Au décret du même jour, portant que tout jugement postérieur à la publication du décret, des 14 et 20 avril dernier, qui tendrait à obliger les locataires des fermiers de biens ci-devant ecclésiastiques, de payer en d’autres mains qu’en celles des receveurs de district, doit être regardé comme non avenu. « 29° Au décret du même jour, portant qu’il sera procédé à une nouvelle élection des administrateurs de chacun des districts du département de l’Ardèche, réduits à trois, au lieu de sept qui avaient été provisoirement formés. « 30° Au décret du même jour, portant qu’aucune municipalité ou corps administratif ne peut, sous aucun prétexte, arrêter, ni suspendre le départ d’aucun bâtiment de guerre. « 31° Au décret du même jour, qui autorise la municipalité de Versailles, à percevoir les droits perçus ci-devant par le roi, pour subvenir aux dépenses particulières de cette municipalité, et à l’entretien de ses établissements publics. « 32° Au décret du 19, sur une difficulté relative aux comptes du régiment de Soisson-nais . « 33° Et enfin au décret du 20, relatif à l’insurrection, qui a eu lieu à bord de deux vaisseaux de l’escadre de Brest, depuis l’arrivée du Léopard. » Paris, le 25 septembre 1790. Signé : Champion de Cicé, Archevêque de Bordeaux. M. de Cazalès, député du département du Lot, demande un congé de quinze jours, pour raison de santé. Ce congé est accordé. Le sieur David, graveur, fait hommage à l’Assemblée d’un tableau allégorique, représentant la personne du roi dans l’Assemblée nationale, à la séance du 4 février 1790. M. le Président donne lecture d’une lettre des cinq députés du Port-au-Prince et de la Croix des Bouquets, qui ont accompagné M. de la Galis-sonnière à son passage en France. L’Assemblée renvoie cette lettre au comité des colonies. Un membre observe que l’on n’a pas donné lecture à l’Assemblée des articles décrétés le 21 de ce mois, sur le rapport fait au nom du comité militaire. (L’Assemblée décide que cette lecture sera faite demain à l’ouverture de la séance.) M. Parlsot expose que les élus généraux de la ci-devant province de Bourgogne se refusent à rendre leur compte aux commissaires des divers départements qui composent cette province; que les pièces envoyées par ces commissaires ont été remises au comité des finances depuis plus d’un mois, et qu’il est urgent d’en faire le rapport. (L’Assemblée décrète que le comité des finances fera ce rapport mardi à la séance du soir.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de la dette publique. M. Decrétot (1). Messieurs, je n’ai pas la prétention de jeter un nouveau jour sur une question qui déjà depuis longtemps agitée devrait être suffisamment éclaircie. Gomme représentant de la nation et député d’un pays de manufactures, je me crois obligé de donner mon opinion. J’ai remarqué que presque toutes les raisons, tant constitutionnelles que politiques et financières qu’on a allégué pour l’émission de deux milliards d’assignats, pouvaient être rétorquées contre, et que beaucoup de celles qui ont été données contre ne pouvaient être administrées pour. La Constitution, s’est-on écrié, sera en danger si on ne décrète pas l’émission de deux milliards d’assignats-monnaie : elle sera bien plus en danger, a-t-on répondu, si on en décrète pour une aussi forte somme. Si on attribue, a-t-on ajouté, un intérêt de 5 0/0 à des quittances de finance, qui seront faites pour le montant de la dette exigible, on augmente l’impôt de 100 millions : ce qu’on ne dit pas, et qui est très probable, c’est que les assignats, portés à une somme aussi épouvantable que celle de deux millards, perdront 40 à 50 0/0, et qu’alors l’impôt se trouvera doublé. D’ailleurs, en ne payant l’intérêt ou la prime de vos quittances de finance ou délégations sur les domaines nationaux qu autant qu’elles seront employées à leur achat, et en bornant les intérêts au terme de deux ou trois ans, la concurrence des acheteurs les fera vendre plus cher, et dédommagera de ces même intérêts, dont toutefois il faut déduire le revenu des domaines nationaux. C’est, dit-on, attacher les Français à la Constitution et à leur patrie, que de les mettre, pour ainsi dire, dans l’obligation d’acheter des domaines nationaux, et c’est acquitter la dette de l’Etat par le moyen le plus simple : mais si vos deux milliards d’assignats perdent beaucoup, (comme je m’engage ae vous prouver, dans un (1) Le discours de M. Decrétot est incomplet au Moniteur.