[12 décembre 1789.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 526 [Assemblée nationale.] voyée au comité des sept, chargé de la réformation de la jurisprudence criminelle. M. le comte de la Planche de Ifiuillié, au nom du comité des finances Lût un rapport sur l’affaire concernant les impositions de la Bretagne et présente un projet de décret. Un membre propose de déterminer la manière dont doivent être imposés les châteaux, maisons de campagne, parcs et jardins en dépendant. L’Assemblée renvoie la question au comité des finances pour lui proposer un règlement à ce sujet. L’heure étant avancée, l’affaire des impositions de la Bretagne est ajournée à la séance du soir. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PRÉTEAUDE SAINT-J CST. Séance du samedi 12 décembre 1789, au soir (1). Un membre du comité des rapports rend compte, à l’ouverture de la séance de quelques troubles arrivés dans la ville d’Amiens et propose un projet de décret. L’Assemblée n’étant pas encore en nombre, la délibération est ajournée. M. le vicomte de Beauharnais, l’un de MM. les secrétaires , fait lecture de plusieurs dons patriotiques ainsi qu’il suit : De la communauté de Cunfin en Champagne, qui adhère aux décrets de l’Assemblée nationale, qu’elle n’a lus qu’avec la plus vive admiration, et qui, surtout, pénétrée des principes que contient l’adresse aux commettants, a ordonné la vente d’une partie de ses bois communaux, sur le prix desquels elle offre à la patrie une somme de 5,333 liv. 6 s. 8 d. qui sera déposée à la caisse nationale le lex avril 1790; elle de;nande à faire partie du district de Bar-sur-Aube. De la ville de Longwy en Lorraine, qui adhère respectueusement à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et principalement à celui qui ordonne le payement du quart des revenus. Elle offre une somme de 21,497 livres, provenant de ses offices municipaux; le comité de la même ville adhère au décret pour le payement du quart du revenu, et offre un don patriotique de 1,000 livres fruit d’une souscription volontaire ; l'Assemblée a ordonné que le nom des souscripteurs fût imprimé dans ses procès-verbaux. Du bourg de Tréport, qui, adhérant respectueusement aux décrets de l’Assemblée nationale, offre, en don patriotique, l’imposition des privilégiés, pour les six derniers mois de 1789. DeThil-Châtel en Champagne, qui adhère, avec les expressions dictées par le patriotisme le plus pur, à tous les décrets de l’Assemblée nationale; déclare mauvais citoyens tous ceux qui auront fait de fausses déclarations de leurs biens; et renonce à toute diminution sur les impôts, à raison de la taxe des privilégiés, pour les six derniers mois de 1789, qu’ils offrent en don patriotique. De la paroisse de Moisson en Vexin, qui adhère à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et qui, quoique extrêmement pauvre, offre, en don pa-tiiotique, la taxe des non-privilégiés pour les six derniers mois de l’année 1789, ne prétendant aucune diminution sur les impôts ordinaires. Du corps des maîtres serruriers de Nîmes, qui ont fait l’offre de la somme de ..... Le Trésorier des dons patriotiques fat ensuite lecture de la liste qui contieut les différentes offrandes faites à la nation. La Chartreuse du fiort-Sainte-Marie en Auver-gné, fait offre par Doin G -rie, prieur et député à l’Assemblée nationale, d’un don patriotique de 149 marcs, 4 onces, 3 gros d’argenterie. Bïotn Gerle, prieur de la Chartreuse du Port Saiwe-Marie, député de Riom , visiteur de son ordre, prononce le discours suivant (1) : Appelé et introduit parmi vous, Messieurs, comme représentant de la nation, pour concourir, selon mes forces, à la révolution qui s’opère, par vos constants et généreux efforts, avec autant d’efficacité que de sagesse, je viens, sous vos auspice s et sous vos leçons, commencer à remplir ma tâche. La facilité avec laquelle vous permettez à un chartreux de s’asseoir au milieu de vous, Messieurs, atteste qu’il n’est aucune classe de citoyens que vous ne preniez en grande considération, et que depuis l’habitant de la cité jusqu’à l’habitant du désert, vous entendez que tous soient ou témoins ou participants de la régénération de cet empire. Convaincu comme vous, Messieurs, des besoins actuels de l’Etat, je voudrais pouvoir être admis à faire, comme tant de généreux citoyens, un don volontaire à la nation ; je le rendrais, Messieurs, digne de votre attente, en le laissant régler par les sentiments patriotiques dont je suis animé, et je sens que je ne pourrais être satisfait qu’en offrant tout, et en donnant tout sans réserve : je n’ai jamais été dans d’autres dispositions; mais dirigé aujourd’hui et gouverné par vos décrets du mois dernier, relatifs aux biens du clergé, je ne puis, Messieurs, vous montrer mon zèle autrement qu’eu adhérant pleinement, sincèrement, d’esprit et de cœur, à la sagesse de tous vos arrêtés, vous déclarant que je suis prêt à en suivre toutes les dispositions. Je puis, Messieurs, dès à présent satisfaire à celle qui concerne l’argenterie; après avoir laissé dans l’église de la Chartreuse que je préside tout ce qui est nécessaire pour la décence du culte, j’ai à présenter et délivrer à la nation 150 marcs d’argent en différentes pièces, dont je fournis l’état, et qui arriveront incessamment à l’hôtel des Monnaies. Pour ce qui tient à l’exécution du décret qui regarde la déclaration des biens mobiliers et immobiliers, je supplie l’auguste Assemblée de m’accorder un délai suffisant pour y satisfaire d’une manière convenable. Qu’il me soit aussi permis, Messsieurs, de vous observer, en ce moment, que vos decrets du mois dernier ont occasionné L s plus vives inquiétudes dans la plupart de nos maisons, aux religieux qui ne les conçoivent pas assez bien. Ils n’y aperçoivent que la perte de leurs biens, de leurs maisons, de leur état; il s’agitent d’une (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de Dom Gerle. (1) Celle séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 décembre 1789.] 527 manière étrange, parce qu’ils ne voient rien de réglé, ni pour leur sort futur, ni pour ieur subsistance. Quelques-uns, différemment affectés, inquiets sous d’autres rapports, et ennuyés de leur condition qu’ils regardent comme un état de captivité, s’affligent et s’irritent de la lenteur qu’oi met à opérer leur délivrance, peu soucieux de la tranquillité de leurs confrères, ils souillent le feu de la discorde, et entretiennent dans les esprits une fermentation qui scandalise et fait cesser lliarmonie qui doit régner dans une société religieuse. Il serait peut-être, Messieurs, de votre sagesse et d’une heureuse prévoyance, de rassurer ceux qui aiment leur état, et que votre plan pourrait avoir alarmés, et dé ne pas trop éloigner les espérances üe ceux que le dégoût a surpris. 11 vous serait facile, Messieurs, sans rien changer à vos décrets, de procurer aux deux partis le soulagement qui convient à leur mal; il subirait d’arrêter qu’en attendant que l’Assemblée nationale puisse s’occuper en définitive de la conservation, ou de la suppression ou réduction des ordres réguliers de l’un et de l’autre sexe, les religieux qui se plaisent dans leur état, demeureront, avec toute assurance de protection, dans les maisons où ils sont actuellement, ou celles qui leur seront désignées pour y vivre selon leur règle, soit avec la pension honnête qui serait assignée à chacun d’eux, soit avec les biens dont on leur laisserait la jouissance. A l’égard de ceux qui, par faiblesse de tempérament, dégoût ou autre cause, ne voudraient plus, ou ne pourraient suivre leur règle et vivre en commun, leur permettre de s’adresser à la puissance ecclésiastique pour se faire séculariser, le tout aux frais de leurs maisons de profession, ainsi que la pension qui serait fixée et déterminée par l’Assemblée. Et pour que les choses se passent avec plus de décence et moins d’irrégularité, arrêter que ceux qui seront dans cette intention, la manifesteront dans le mois aux supérieurs majeurs, qui leur assigneront une ou plusieurs maisons, selon le nombre, où ils seront tenus de se rendre pour attendre le bref de leur sécularisation. D’après ce que je viens d’avuir l’honneur de vous observer, Messieurs, j’ai celui de vous proposer de déclarer et de décréter de la manière suivante : « Art. l#r. L’Assemblée nationale déclare que lorsqu’elle s’occupera du sort des individus qui composent les ordres réguliers de l'un et de l’autre sexe, elle assurera à chacun d’eux une existence honnête, en raison de leur état actuel-, qu’il sera désigné un nombre suffisant de maisons de chaque ordre, à ceux qui voudront vivre en commun, suivant leur règle, avec une pension déterminée d’après leurs revenus, et eu outre la jouissance delà maison, jardiu et espace convenable pour un enclos. « Art. 2. Décrète en outre que ceux qui ne voudront plus suivre la règle qu’ils ont embrassée, sont dès à présent autorisés à s’adresser à la puissance ecclésiastique, pour se faire séculariser et vivre dans la société, au moyen d’une pension qui sera réglée par l’Assemblée, payable par les maisons professes, tant qu’elles jouiront de leurs biens ; et par la nation, quand elles n’en jouiront plus; «Art. 3. Que ceuxqui voudront rentrer dans la société, manifesteront dans un mois, à compter du jour de la notification, leur intention aux supérieurs majeurs, et seront tenus de se rendre dans la maison, qui, par eux, leur sera indiquée, pour y attendre le bref de leur sécularisation. M. le Président. L’Assemblée reconnaît, dans les offres que vous lui présentez, les sentiments généreux d’un ordre qui a toujours pratiqué avec tant de ferveur les vertus de son état, et qui a appris, dans la méditation des vérités éternelles, que la plus saine philosophie est celle qui se concilie avec la morale patriotique que prêche la religion de l’empire. L’Assemblée ordonne que le discours de Dom Gerie et la réponse de M. le président seront imprimés. Quelques membres font observer que l’Assemblée a décrété de ne pas délibérer délicitivement, dans les séances du soir, sur des objets d’intérêt général. Ils disent que la motion dé Dom Gerie est d’intérêt général. M. Branche, député de Riom. L’objet de la demande est trop instant, même pour les religieux, pour qu’il soit différé. M. de Bonnal, éoêque de Clermont. Je propose de renvoyer la moiion au comité ecclésiastique qui, d’ailleurs, est prêt à faire un rapport. L’Assemblée décide le renvoi au comité ecclésiastique et arrête qu’elle attendra, pour l’entendre, qu’il demande lui-même la parole. On reprend la discussion de l'Affaire d’Amiens. Voici les faits : Les ofticiers municipaux d’Amiens, réunis aux membres du comité permanent, sont parvenus à rétablir la perception de la gabelle, qui était de ¬ venue nulle dans l’anarchie; de là un grand mécontentement dans le peuple, de là des attroupements, des quolibets lâchés contre les troupes qui prêtent maiu-lorte à la perception des impôts ; on les a traités de gabeleurs. Il y a eu une petite guerre et le sang à euulé; de là aujourd’hui des comités militaires qui s’arrogent toutes les fonctions de la municipalité; de là l’insubordination des citoyens enrôlés qui, contre l’esprit du règlement provisoire fait par l’état-major, font tout ce qu’ils ne devraient pas faire. Ges raisons ont porté le comité des rapports à proposer un projet de décret ainsi conçu : « L’Assemblée nationale considérant que par son décret du 2 de ce mois , les ofticiers municipaux de toutes les villes et communautés du royaume ont été provisoirement maintenus dans les fonctions dont ils étaient alors eu possession, et que ce serait compromettre la tranquillité publique qu’elle s’est proposé d’assurer par ce décret, si des corporations, soit civiles, soit militaires, qui, par leur institution, doivent être subordonnées aux municipalités, les contrariaient dans leurs fonctions, a décrété et décrète que le règlement de discipline militaire, concerté entre le conseil permanent de la ville d’Amiens, et de l’état-major de la milice nationale de ladite ville, et arrêté par délibération du 30 septembre dernier, sera provisoirement exécuté jusqu’à l’organisation des municipalités et milices nationales du royaume; et qu’en conséquence, défenses sont faites à toutes personnes enrôlées dans ladite milice, de s’assembler en comité militaire, sans y avoir été préalablement autorisées, tant par les chefs de ladite milice nationale, que par les officiers municipaux. »