258 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1789.] bunal une procédure que le procureur du Roi et l’assesseur du prévôt ont convertie en instrument d’oppression, et qui n’est dans leur mains qu’un moyen de servir des haines secrètes, de favoriser le rétablissement des anciens abus, et de punir les bons citoyens qui ont osé les dénoncer avec courage. Ce que je dis ici, Messieurs, n’est qu’un aveu que le prévôt a fait lui-même dans sa lettre à MM. les députés de Marseille : il a trouvé, dit-il, en arrivant dans cette ville, toutes les autorités compromises, il a voulu les rétablir; était-ce là la mission qu’il devait exercer ? 11 avait à poursuivre des assassins, des incendiaires; mais devait-il être le vengeur d’un intendant que la ville de Marseille, que toutes les corporations, que son conseil municipal n’ont cessé de dénoncer? Pouvait-il décréter comme coupables les citoyens vertueux qui, dans les assemblées primaires , se sont élevés contre ce même intendant? Voilà, Messieurs, ce qu’il a fait, ou plutôt voilà ce qu’on a fait en son nom ; c’est ainsi qu’un juge honnête a cessé d’être l’organe impassible de la loi, et que sa pn> cédure est devenue un attentat à la liberté publique. Cette nouvelle dénonciation est renvoyée au comité des rapports. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE B01SGELIN, ARCHEVÊQUE d’aix. Séance du jeudi 26 novembre 1789, au matin (1). La séance a été ouverte par la lecture du procès-verbal de la veille, ainsi que des adresses dont la teneur suit : Délibération des villes de Forcalquier, Colmars, Annot et Mouslier en Provence, et de cinquante-quatre communautés, contenant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale des 4 août et jours suivants. Toutes ces villes et communautés ratifient en conséquence, de la manière la plus expresse, l’abandon fait par les députés de la province, de tous ses privilèges particuliers, et vote en même temps une assemblée générale du comté de Provence, immédiatement après que la constitution du royaume, celle des provinces et des tribunaux de justice auront été décrétées par l’Assemblée nationale. Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de CLâtillon-sur-Loing, par laquelle ils adhèrent, avec une respectueuse reconnaissance, aux décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux par lesquels elle s’est déclarée inséparable de la personne sacrée du Roi pendant la présente session, et a invité la nation à faire un don patriotique du quart de son revenu. Adresse des officiers municipaux de la ville de Vitry-Ie-Français, dans laquelle ils expriment la ferme résolution d’exécuter et faire exécuter tous les décrets de l’Assemblée nationale; ils la supplient de fixer leur incertitude sur la nature et l’étendue des pouvoirs qui leur ont été confiés par la loi martiale. Arrêté des officiers du bailliage de la même ville, de rendre la justice gratuitement. Adresse des officiers de la sénéchaussée de la ville de Saint-Maixent en Poitou, à l'effet d’obtenir l’établissement d’une assemblée de département ou de district, et d’une justice royale dans cette ville. Délibération de l’assemblée municipale de la ville de Luçon, contenant la prestation de serment faite par sa milice nationale et sa brigade de maréchaussée, conforme au décret de l’Assemblée nationale. Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Monchamps en Poitou, par laquelle ils ont arrêté qu’il sera pris sur les deniers en réserve de la fabrique une somme de 60Ü livres, savoir 400 livres pour être employées à secourir les infirmes et indigents de la paroisse, dont ce temps de disette a augmenté le nombre, et aggravé les maux, et 200 livres destinées à la contribution patriotique, comme un hommage des citoyens les moins aisés de la paroisse, afin qu’aucun habitant ne se trouve en arrière pour le bien public; ils prient l’Assemblée nationale d’agréer cette délibération comme une preuve de leur parfaite adhésion à ses sages décrets. Adresse de l’Assemblée municipale de la communauté de Brus en Poitou, contenant une adhésion soumise et respectueuse aux décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux concernant la contribution patriotique et la disposition des biens ecclésiastiques. Adresse des officiers municipaux et habitants de la ville de Donnemarie-en-Montois, dans laquelle ils expriment d’une manière énergique les sentiments de respect, de reconnaissance et de dévouement, dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale. Par une délibération unanime, ils se sont soumis à payer fidèlement tous les impôts mis et à mettre, à empêcher toutes fraudes et contrebandes, et à acquitter exactement la contribution patriotique; ils félicitent spécialement l’Assemblée sur l’union intime qui règne entre elle et le monarque, la supplient de leur envoyer directement tous ses décrets dès qu’ils seront sanctionnés, attendu qu’ils ne leur parviennent qu’avec lenteur, et de leur accorder une justice royale. Adresse des représentants de la commune du commerce de Nantes, par laquelle ils supplient l’Assemblée nationale de rejeter toute motion qui tendrait à l’abolition de la traite des noirs, comme ayant des conséquences pernicieuses pour le commerce et la prospérité de tout le royaume. Adresse de la communauté des religieuses de l’abbaye du Trésor, qui demandent la conservation de leur maison et qui représentent que, leur abbaye ayant de 15 à 18,000 livres de rente, elles entretiennent 64 personnes dans le clos abbatial, sans compter 8 à 10 ouvriers ; que leur maison est composée de 16 dames religieuses, dont plusieurs sont âgées de 75 ans jusqu’à 85, et qui, se trouvant réduites au plus strict nécessaire, rendent néanmoins plusieurs services aux habitants des environs ; qu’il leur serait dur d’être transférées dans une autre maison, et que pour elles et les habitants, il est convenable qu’en cas de réduction leur maison soit conservée. Adresse de la ville de Cbaumont-en-Vexin, portant acte d’adhésion et de remerciaient à l’Assemblée nationale, et la demande d’être chef-lieu de département, ou au moins de district. Adresse de la communauté de Gloisson en bas (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1789.] Languedoc, qui adhère à la délibération de la ville de Nîmes, par laquelle celle-ci se soumet à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et promet de s’opposer à toute assemblée de province. Acte de la même commune, par lequel elle a maintenu les décrets de l’Assemblée nationale, concernant la continuation du payement de la dîme jusqu’à son remplacement. Il a été fait lecture d’une lettre d’une société de jeunes personnes de l’un et de l’autre sexe, de la ville de Lyon, par laquelle elles offrent à l’Assemblée, pour être jointe aux dons patriotiques, une cassette contenant quelque bijoux et effets d’or et d’argent. Cette offre a été accueillie avec applaudissement par l’Assemblée. M. Regnaud de Saint-Jean d’Àngély. Je propose de renvoyer aux séances du soir toutes les affaires étrangères à l’organisation des municipalités, de ne pas interrompre la séance à deux heures pour s’occuper de questions particulières et d’avancer de la sorte le travail de la constitution nationale. M. le comte de Tracy. Les questions particulières sont souvent d’une très-grande importance et réclament des solutions immédiates; avant de passer à leur examen, l’Assemblée ne s’occupe que de la lecture du procès-verbal, des adresses et de l’acceptation des dons patriotiques, dans son ordre du jour du matin, le travail de la constitution occupe donc presque toute la durée de la séance. M. Gaultier de Riauzat combat la motion de M. Regnaud et demande la question préalable. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion. L’ordre du jour est repris sur le projet d’organisation des municipalités. L’Assemblée adopte l’article suivant : ART. 11. Ceux qui dès le premier scrutin réuniront la pluralité absolue, c’est-à-dire la moitié des suffrages, et un en sus, seront définitivement élus ; si au premier tour du scrutin il n’y a pas un nombre suffisant de citoyens élus à la pluralité absolue des voix, on procédera au deuxième scrutin et ceux qui réuniront la pluralité absolue seront membres du corps municipal ; enfin si le nombre nécessaire n’est pas rempli par les deux premiers scrutins, on en fera un troisième et dernier, et à celui-ci, il suffira, pour être élu, d’obtenir la pluralité relative des suffrages. L’article 12 du rapport du comité a ensuite été lu, mis aux voix et décrété dans la forme qui suit : art. 12. Les maires ne seront jamais élus qu’à la pluralité absolue des voix; si le premier scrutin ne donne pas cette pluralité, il sera procédé à un second; si celui-ci ne la donne point encore, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra plus se faire qu’entre les deux citoyens qui auront réuni le plus de voix au scrutin précédent; en cas d’égalité de suffrages entre eux, le plus âgé sera préféré. M. Target, au nom du comité, propose en-259 suite d’introduire un nouvel article qui prendrait le n° 13 et qui éloignerait d’un numéro les autres articles du projet imprimé. art. 13. Chaque assemblée nommera, à la pluralité relative des suffrages, trois scrutateurs, qui seront chargés d’ouvrir les scrutins, de les dépouiller, de compter les voix et de proclamer les résultats. Les trois scrutateurs seront nommés par un seul scrutin recueilli et dépouillé par les trois plus anciens d’âge. M. Long. Je propose par amendement que les trois scrutateurs ne pourront ouvrir le scrutin qu’en présence du secrétaire. L’amendement est rejeté et l’article 13 adopté, art. 14. Chaque section particulière de l’assemblée générale de la ville pourra envoyer à la maison commune, un commissaire pour assister au recensement des scrutins. art. 15. Toutes les assemblées particulières seront indiquées pour le même jour et à la même heure. art. 16. Les citoyens qui, par l’événement du scrutin, seront nommés membres de l’administration municipale, seront proclamés par les officiers municipaux en exercice. Le comité de constitution présente l’article 17 en ces termes : « Les conditions d’éligibilité pour les administrations municipales sont les mêmes que pour les administrations de département ou de district. » M. Lanjninals. Dans la discussion relative aux départements et aux districts, j’ai présenté un amendement pour que plusieurs membres de la même famille ne pussent faire partie des conseils; cet amendement a été rejeté, mais je crois que les raisons qui ont déterminé l’Assemblée ne sont pas les mêmes en ce qui conserve les municipalités et je propose de dire : « Cependant le père et le fils, le beau-père et le gendre, les frères et beaux-frères ne pourront se trouver, en même temps, membres d’une assemblée municipale. » M. le vicomte de îifoaiües. J’appuie l’amendement comme étant de nature à éviter que certaines familles ne s’emparent exclusivement des administrations municipales. M. Deschamps. Je propose d’ajouter à J a prohibition l’oncle et le neveu, ainsi que les cousins germains. M. Target. J’observe qu’il y a de très-petites municipalités où, si les prohibitions proposées étaient appliquées, il serait fort difficile, même presque impossible, de trouver des sujets pour entrer aux assemblées municipales. M. le Président met aux voix les amende-