[Assemblée nationale. ) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2Q août 1790.) 179 j’ai été la victime d’une de ces erreurs dont les hommes ne peuvent se garantir.» (L’Assemblée renvoie la réclamation du sieur Eggss au comité des recherches, pour lui en être fait le rapport lundi prochain 23 du présentmois, avec ce qui concerne l’abbé Perrotin, et y être statué par le même décret. M. Malouet, au nom des trois comités réunis de la marine , des recherches et des rapports, rend compte de l’ affaire de M. Castelet à Toulon. Vous savez déjà que la foule s’est présentée chez le maire demandant que M. Castelet fût renvoyé de la ville. En apprenant qu’il en est sorti, elle court après lui. Le maire, quoique très âgé, à la tête de la garde nationale, vole à son secours; mais par une fausse indication il prend une route détournée et arrive tardivement. M. Castelet était déjà aux mains des assassins. M. Richard, maire, prend M. Castelet sous sa sauvegarde : c’est en vain, on l’arrachel de ses bras, on le presse , on le blesse, on le mène au gibet. Des gendarmes parviennent à l’arracher à ces furieux et l’emportent sur leurs épaules à l’bôpital. Tel est le précis de cette malheureuse affaire qui présente les traits toujours affreux des émeutes populaires et le caractère toujours faible et touchant de la générosité des bons citoyens. Je n’examine pas ce qui peut dépraver ainsi les mœurs du peuple français. 11 n’est qu’une cause, c’est la licence. Pour les hommes raisonnables, il n’y a qu’un joug à briser, celui de la tyrannie; mais pour la majorité des hommes, il faut y substituer le joug des lois. Lorsque des hommes forcenés s’attroupent, c’est surtout dans les arsenaux de la marine que de pareils troubles sont dangereux : ce n'est que par une police exacte qu’ou peut tenir en ordre des matelots, des ouvriers, des forçats, et veiller à la conservation de tant d’objets importants à la sûreté de l’Etat et du commerce. C’est pour cela que vos eomités vous présentent un projet de décret tendant : 1° à faire poursuivre les auteurs, complices et adhérents de cet attentat, par-devant les juges de la sénéchaussée de Toulon ; 2° à témoigner la satisfaction de l’Assemblée aux officiers municipaux de cette ville, aux gardes nationales, à la garnison, et notamment aux grenadiers du régiment de Barrois, du zèle et du patriotisme qu’ils ont tous respectivement montrés dans cette fâcheuse circonstance. M. de Mirabeau, Vainê. C’est dans de bien pénibles circonstances qu’on vient vous offrir des mesures partielles dans une maladie malheureusement trop générale, trop malheureusement contagieuse. Je viens, pour un mal général, offrir des mesures générales. Sans entrer dans le détail déplorable des insurrections militaires qui se manifestent dans les différents points du royaume, je vous prie de rechercher si rien ne prouve qu’elles sont systématiques. Vous devez aussi remarquer que la tendance des choses et l’esprit du moment ont occasionné une action et une réaction qui attaquent le corps entier. Un corps ulcéré ne peut pas être pansé plaie à plaie, ulcère à ulcère, mais il faut une transfusion de sang nouveau. Entre toutes les causes qui ont subverti la subordination militaire, j’en remarque deux principales : l’impulsion des chefs qui d’aboru a tendu à détraquer en un sens les corps, et l’impulsion de l’esprit du moment qui a réagi par une terrible action contre l’impulsion qu’on essayait de donner. Je pourrais prouver cette théorie par des détails. Un membre de cette Assemblée a, sur ce qui s’est passé à Hesdin, une relation très évidente sous ce rapport, et je désirerais qu’elle fût communiquée à l’Assemblée avant la tin de cette séance. M. Dubois ( ci-devant de Crancê ) se lève. M. do Mirabeau, Vainê , Je continue l’esquisse de ma théorie. Je dis qu’une action et une réaction en sens contraire, indépendamment des circonstances, ont plus ou moins excité les mouvements de votre armée. Je dis que si vous faites des décrets particuliers à chaque insurrection particulière, sur des récits qui vous arrivent à travers le prisme des passions, vous ne ferez pas une chose efticace. Vous ne pouvez vous déguiser à vous-ipême» que l’armée ne sait pas assez qu’elle ne peut exister sans une discipline sévère ; que la paix publique ne peut subsister avec une armée insubordonnée. Vous ne pouvez pas vous dissimuler que, si la déclaration des droits de l’homme contenait des principes hors de la portée commune, l’armée ne saurait être assez organisée pour asseoir la liberté publique, que par la déclaration des devoirs de chaque citoyen... (Il s' élève des murmures et des applaudissements.) Permettez-moi de voua observer que je n’ai encore mérité ni blâme ni éloge dans cette affaire ; je n’ai exposé que des principes très simples, qui me conduisent à une conclusion ferme et sévère. Dans des circonstances difficiles, vous ne pouvez mollir sans danger, sans être indignes de vous-mêmes; vous ne pouvez punir sans défiance et sans une grande prévoyance de l’avenir'. Je propose que l’Assemblée porte le décret que je vais lire , et qui, mieux que les développements que la contrariété d’opinions exigera peut-être, présentera ma théorie, fl montrera à ceux qui professent des opinions diverses, que si je leur suis également désagréable en ce moment, c’est que je tiens un juste milieu : or, la justice et la vérité sont là. Voici le décret que j’ai l’honneur de proposer: « L’Assemblée nationale, instruite, par les différents rapports qui lui ont été faits, du mécontentement et de l'insubordination des soldats ; considérant que la paix publique ne peut subsister avec une armée insubordonnée ; qu’une armée ne peut exister sans l’observation la plus exacte de la discipline militaire ; que son relâchement actuel provient de ce que l’organisation de la liberté publique n’est point encore (complète ; que l’ordre sera bientôt rétabli dans l’armée, lorsque les soldats auront appris à ne pas séparer leurs droits de leurs devoirs : « Décrète que son président se retirera vers Iè roi, pour le supplier d’envoyer des commissaires dans les différentes garnisons d» royaume, à l’effet de licencier l’armée le 10 du mois prochain, de la recomposer sur-le-champ des mêmes individus, d’après l'organisation décrétée par l’Assemblée nationale, acceptée et sanctionnée par le roi, en ne recevant, soit pour soldats, soit pour chefs, que les citoyens qui prêteront le serment de remplir les devoirs attachés â leur état, tels qu’ils auront été statués par l’Assemblée nationale ; « Décrète, en outre, qn’il seraenvoyé incessamment nue adresse à l’armée, pour développer le