[18 avril 1790.] 99 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. termes: « Les revenus des bénéfices dont les titulaires français sont absents du royaume, et le seront encore trois mois après la publication du présent décret, sans une mission du gouvernement, antérieure à ce jour, seront mis. en séquestre. » Pour exécuter cette loi, il fallait assujettir les bénéficiers en général à de certaines précautions qui ne fussent pas à charge aux bénéficiers présents, et qui n’offrissent point aux fermiers de prétextes pour ne point payer. Le comité des pensions, pour se conformer à vos ordres, présente le projet de décret suivant : Art. 1er. Tout titulaire de bénéfice, à compter du jour de la publication du présent décret, sera tenu pour recevoir et pouvoir exiger les revenus de son bénéfice, pendant le cours de la présente année, de joindre à sa quittance un acte de la municipalité du lieu de son domicile, portant qu’il y est résidant actuellement et défait, lequel acte sera délivré sans frais. Art. 2. Aucun fermier ourégisseur debien sdépen-dants de bénéfices ne pourra payer aussi, à compter du jour de la publication du présent décret, que sur quittance à laquelle sera joint l’acte dont il est fait mention en l’article précédent. Art. 3. Les fermiers, régisseurs ou procureurs fondés seront tenus de se présenter, dans quinzaine de ladite publication, devant la municipalité du lieu de la situation des biens qu’ils exploitent ou qu’ils régissent, à l’effet de justifier des dernières quittances du titulaire du bénéfice. Art. 4. Les fermages et revenus échus et à échoir depuis la dernière quittance seront versés entre les mains du trésorier du district, qui sera tenu d’en envoyer l’état à l’Assemblée nationale dans la huitaine du jour où il les aura reçus. Art. 5. A défaut par lesdits fermiers, régisseurs et procureurs fondés, de verser les deniers dont iis seront débiteurs et comptables dans la caisse du district, ils y seront contraints par toutes voies dues et légitimes, à la requête du procureur-syndic du district. Art 6. Les fermiers et régisseurs des bénéfices, les procureurs fondés et les trésoriers des districts seront responsables en leur propre et privé nom, et chacun en ce qui le concerne, de l’inexécution du présent décret, lequel sera, à la diligence des procureurs-syndics des municipalités, lu, publié et affiché dans leurs paroisses respectives. M. i’afobé Maury. Vous avez voulu, par votre décret du 5 janvier, rappeler les bénéficiers qui se trouvaient hors du royaume; il est très vraisemblable que ce décret a eu son effet. Je vous demande s’il serait digne de votre humanité d’assujettir tous les bénéficiers à des formalités embarrassantes et vexatoires, quand il ne s’agit que de deux ou trois bénéficiers absents? Il y aune notoriété de fait dans tous les endroits où les bénéficiers possèdent des fonds; elle suffit pour que votre décret soit exécuté. Je demande donc qu’à moins que les municipalités n’aient connaissance de l’absence d’un bénéficier, rien ne soit changé dans la jouissance des titulaires. (L’Assemblée décide qu’il n’y a lieu à délibérer, quant à présent, sur le projet de décret présenté par le comité des pensions.) Plusieurs membres proposent de revenir à l’ordre du jour. Cette proposition est adoptée. M. Vernier, membre du comité des finances , fait, au nom de ce comité, un rapport, et propose un décret concernant la municipalité de ChâteU sur-Moselle : son projet de décret est adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, ayant égard aux motifs consignés dans la délibération de la municipalité et du conseil générai de la ville de Châtel-surv Moselle, et à la supplique jointe, autorise les officiers municipaux de ladite ville à retirer de la caisse d’Epinal la somme de 4000 livres, ou telle autre somme inférieure qu’ils justifieront leur appartenir comme provenant de la vente de leurs bois ; enjoint au receveur d’Epinal et à tous autres dépositaires des deniers provenant de leur dite vente, d’en vider leurs mains entre celles desdits officiers municipaux, pour ladite somme être employée en achats de grains et aux besoins les plus urgents de la commune, à charge de rendre compte de l’emploi. » M. Bourdon propose un projet de décret à l’effet d’accélérer la rentrée des impositions; ce projet est conçu dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que les paroisses et communautés d’habitants, auxquelles les commissaires départis dans les provinces n’ont fait parvenir aucune commission relative à leurs impositions directes de 1790, demeurent autorisées à s’imposer sur le pied du double des commissions de 1789 restées au pouvoir de leurs syndics et collecteurs. » (Cette motion est renvoyée au comité des finances.) M. Anson. Par votre décret du 26 septembre dernier, vous avez ordonné l’anéantissement de tout privilège en matière d’imposition ; il est nécessaire de rendre un décret pour fixer toutes les idées relativement à la capitale. Il y avait à Paris différents rôles pour les cours supérieures, pour l’université, pour la cour, et nulle base commune d’imposition. Le rôle de la cour était fait à raison des qualités. Un duc payait 2,700 livres parce qu’il était duc, quelle que fût sa fortune. Il est maintenant indispensable de ne faire qu’un seul rôle à Paris; c’est l’objet du projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, d’après le compte qui lui a été rendu par son comité des finances, du régime qui a existé par le passé pour l’assiette des impositions ordinaires de la ville de Paris, a reconnu que pour remplir l’esprit de ses décrets des 26 septembre et 28 novembre 1789, concernant les impositions de 1790, il devenait indispensable d’en déterminer plus précisément les bases pour l’assiette des impositionsordinaires de la présente année 1790; elle a en conséquence décrété et décrète ce qui suit : » Art. 1er. Tous les habitants de la ville de Paris, indistinctement, seront compris dans le même rôle pour l’imposition ordinaire à payer par chacun d'eux pour la présente année 1790. Le montant des locations sera l’unique base de la fixation des taxes, toutes les fois que le contribuable n’aura point de voiture. « Art. 2. Lesdite3 taxes seront réglées, savoir : pour les loyers au-dessous de 500 livres, à raison de 9 deniers pour livres et au-dessus, jusques à moins de 700 livres, à raison du sol pour livre ou du vingtième des loyers, et enfin pour ceux de 700 livres et au-dessus, à raison du quinzième du montant des locations, le tout avec 2 sols pour livre additionnels seulement, au lieu des 4 sols pour 400 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. livre qui étaient précédemment perçus : les taxes des simples journaliers seront réduites de 1 livre 16 sols, à quoi elles étaient fixées par le passé, à 1 livre 4 sols seulement, sans aucuns accessoires. « Art. 3. Il ne sera dérogé aux proportions réglées par l’article précédent, que pour les contribuables ayant une voiture, soit à deux chevaux, soit à un seul cheval, lesquels ne pourrcmt être imposés, les premiers à moins de 150 livres de principal, et les seconds à moins de 100 livres aussi de principal; mais la base du loyer sera préférée, toutes les fois qu’il en résultera une cotisation excédant les fixations ci-dessus déterminées. « Art. 4. Il sera ajouté à chaque eote ainsi réglée, à l’exception dé celles relatives à des loyers au dessous de 500 livres; savoir : deux sols pour livre à celles provenant des loyers de 500 livres et au-dessus, jusqu’à moins de 700 livres; et 4 sols pour livre à celles relatives à des loyers de 700 livres et au-dessus, pour tenir lieu de la taxe individuelle à laquelle les domestiques étaient ci-devant imposés. Art. 5. Les rôles des impositions de la ville de Paris seront encore, pour la présente année 1790, arrêtés et rendus exécutoires, ainsi et de la même manière que font été ceux de l’année 1789. « Art. 6. Les contribuables qui auraient des réclamations à faire contre leur cotisation dans les rôles de 1790, se pourvoiront, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, pardevant le comité composé des conseillers-administrateurs de la ville de Paris au département des impositions, lequel présidé par le maire, ou en son absence par le lieutenant de maire, statuera sur lesdites réclamations provisoirement et sans frais, conformément au décret de l’Assemblée nationale du 15 décembre 1789, concernant le jugement des contestations relatives aux impositions de ladite année 1789 et années antérieures. » La discussion est ouverte sur ce projet de décret. M. de Crillon. L’impôt ne doit pas toujours être établi à raison du prix des loyers; il en résulterait que les marchands auraient de fortes charges à supporter. M. l’abbé Maury. Les taxes sur les loyers sont un moyen sûr de soulager les riches et d’écraser les pauvres. Gela a été démontré à l'Assemblée des notables. M. Auson. J’ai l’honneur d’observer d’abord que le projet de décret est favorable à la classe la plus indigente, puisque le seul changement fait à l’ancien usage consiste à abaisser d'un tiers la contribution de cette classe. Les autres bases ne sont point du tout nouvelles ; elles ont seulement été appliquées aux exceptions qui existaient auparavant. Le rôle commun est fait; on n’attend plus que votre décret pour le mettre en recouvrement. M. Tronchet. Il y a un changement particulier qui est fort mal combiné : c’est celui qui concerne les domestiques. Un citoyen aura un loyer de 1,000 livres et un seul domestique; son voisin un loyer de même somme et quatre domestiques: le premier paiera autant que le second. Je demande l’impression du projet de décret, afin que nous puissions l’examiner à loisir. M. Auson. Il ne s’agit que d’un rôle provisoire [18 avril 1790.1 et transitoire. La taxe de l’année 1791 sera établie sur les bases générales que vous proposera le comité des impositions. On a voulu, au sujet des domestiques, éviter une espèce d’inquisition désagréable à la plupart des citoyens. Autrefois on faisait payer 3 livres pour une servante, et l livre 10 sous pour un laquais. Cette différence, qui n’est pas très juste, avait été imaginée par une vue de fiscalité assez singulière : le nombre des servantes est plus considérable que celui des laquais; voilà la seule raison de la proportion. Nous avons pensé au contraire qu’il ne fallait pas taxer un domestique nécessaire; c'est ce qui nous a déterminé à ne pas faire porter sur les citoyens dont le loyer n’est que de 500 livres la taxe additionnelle pour les domestiques. M. l’abbé Maury. Vous avez décrété que les contributions actuellement existantes seraient perçues cette année. Si c’est de cette année qu’il s’agit, le décret qu’on vous propose est inutile; mais c’est un nouveau mode qui vous est présenté. On dit que la ville de Paris a toujours été taxée dans cette forme : à Paris, comme ailleurs, le gouvernement tirait des habitants tout ce qu’il pouvait en tirer. Je vous |prie d’observer que la base du loyer est la plus injuste de toutes : en effet, si un père de famille a dix enfants, il lui faut un loyer plus considérable; il payera davantage que son voisin, qui est plus riche et qui n’a qu’un enfant. Daignez considérer que les baux de Paris sont presque tous sous-seing privé, et qu’ainsi vous ouvrez un champ à la fraude; observez encore que, suivant les quartiers, il y a un prix très différent dans les loyers. On me demande ici de présenter un autre moyen ; mais ce n’est pas à celui qui combat un mauvais plan qu’il appartient d’en offrir un autre : il suffit qu’on vous présente d’abord un premier aperçu des inconvénients pour que vous donniez à vos collègues le temps de réfléchir. Je demande que le projet soit imprimé, distribué demain, et décrété après-demain. 11 n’est pas permis de faire une injustice pour un an et de se déterminer légèrement quand on dispose de la propriété de ses concitoyens. M. l’abbé de Bonneval. Le décret proposé ne doit, à la vérité, avoir son effet que pour un an ; mais il n’en est pas moins très important de le discuter, afin de ne compromettre ni la justice de l’Assemblée, ni les intérêts delà ville de Paris. Je suis député de cette ville et je vous supplie de me donner le temps d’examiner. M. Anson. Le projet que nous vous avons présenté a été envoyé au comité des finances par l’administration de la ville de Paris. Il était impossible, d’après vos décrets, qu’il n’y eût pas un rôle commun à tous les citoyens : il fallait suivre les anciennes bases, c’est ce que l’on a fait. M. Kœderer. M. l’abbé Maurv, au lieu de parler sur la question proposée, a créé une question, afin de dire ce qu’il voulait vous dire. La question n’est point d’examiner si les loyers doivent être la base de l’imposition, mais de savoir si l’ancienne base sera commune aux privilégiés qui jouissaient d’immunités et d’abus, et si l’on doit exécuter le décret par lequel vous avez ordonné qu’ils payeraient comme les autres citoyens. (On ferme la discussion. — L’ajournement est rejeté.) M. Périsse Duluc. D’après l’explication que