[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juillet 1791. J 377 comment un parti différent du décret que vous avez rendu serait destructible des bases fondamentales de la Constitution. M. Dcmeunier. Vos commissaires, malgré la réflexion qui les avaient frappés et que M. Glia-bruud vous a communiquée tout à l’heure, ne s’en sont pas moins occupés de l’objet de leur mission; d’un autre côté, plusieurs membres de l’As.-emblée ont aus-i fait personnellement des projets d’adresse. L’opinion est si manifestement énoncée en faveur de l’exéculion du décret que vous avez rendu ce matin et que je trouve très sage et très utile, que je demande qu’on entende M. Sade qui va présenter d’abord la rédaction des 3 articles ado; tés hier par l’Assemblée et qui pourra ensuite donner lecture d’un travail qu’il a préparé, si toutefois vous le jugez à propos. ( Applaudissements .) M. Salle. L’Assemblée nationale m’ayant fait Lhonneur de m’adjoindre pour la rédaction de l’adresse que vous avez décrétée ce matin, je me suis occupé de cet objet; j’ai fait une adresse que j’ai lue à MM. Fréteau et Emmery, les seuls commissaires que j’aie trouvés; ces* messieurs l’ont approuvée. Mais auparavant je vais vous donner lecture, au nom des commissaires, de la rédaction des trois articles que vous avez adoptés hier, relativement aux cas d’abdication du roi : Art. 1er. « Si le roi, après avoir prêté son serment à la Constitution, le rétracte, il sera censé avoir abdiqué. Art. 2. « Si le roi se met à la tête d’une armée pour en diriger les forces contre la nation, ou s’il ordonne à ses généraux d’exécuter un tel projet, ou enfin s’il ne s’oppose pas par un acte formel, à toute action de cette espèce qui s’exécuterait en son nom, il sera censé avoir abdiqué. Art. 3. « Un roi qui aura abdiqué, ou qui sera censé l’avoir fait, redeviendra simple citoyen, et il sera accusable suivant les fermes ordinaires, pour tous les délits postérieurs à son abdication. » Un membre : Je crois que le moment est venu de donner aux choses leur vrai nom. Je demande qu’au lieu de mettre que le roi sera censé avoir abdiqué , on dira tout naturellement que le roi sera déchu du trône. ( Applaudissements dans les tribunes.) M. Salle. Si vous mettiez le mot déchu , ce mot-là semblerait appeler un jugement. D’ailleurs, vous avez porté une loi semblable lorsqu’il a été question des fonctionnaires publics ecclésiastiques et vous avez dit que s’ils ne prêtaient pas leur serment, ils seraient censés démissionnaires. Je crois, Messieurs, que c’est exactement la même chose. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix 1 (L’Assemblée décrète la rédaction des trois articles proposés par M. Salle.) M. Démeimier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, dans la séance d’avant-hier, j’avais expliqué que l’intention des comités, loin d’être de vous proposer de lever le décret qui suspend les fonctions royales ou les fonctions du pouvoir exécutif entre les mains du roi, était, au conlraire, que l’effet de ce décret subsistât jusqu’à ce que l’acte constitutionnel fût achevé. Quelques membres se sont élevés alors contre la proposition qui était faite à cet égard, et l’A-se ublée ne la décréta pas à ce mo neut dans la crainte de préjuger par ce vote la question principale en délibération. Oi m’a engagé à rappeler celle disposition à l’Assemblée, et je viens vous demander d’en faire à l’instant la matière d’un décret. {Applaudissements.) Il e t uti’e de ne pas laisser l’opinion publique s’égar.-r sur ce point, en un moment où l’on se sert de l’incertitude qui reste encore à cet égard pour la tromper. Voici la rédaction que je propose : « L’effet du décret du 25 du mois dernier, qui suspend l’exercice des fonctions royales et des fonctions du pouvoir exécutif entre les mains du roi, subsistera jusqu’au moment où, la Constitution étant achevée, l’acte constitutionnel entier aura été présenté au roi. » M. Ganllier-Biauzaf . Je ne vois pas bien qu’il y a une distinction entre les fonctions royales et celles du pouvoir exécutif; j’en vois une entre le s prérogatives royales et le pouvoir exécutif; mais les fonctions sont les mêmes. Je demande que les mots prérogatives royales soient mis à la place de fonctions royales. M. Hémeusaier, rapporteur. Je vous demande pardon. Les fonctions royales sont de donner la sanction et l’accept .dion, et de nommer les ministres; et les fonctions du pouvoir exécutif sont d’être à la tête de l’administration dans toutes ses parties. C’est le mot propre et je demande qu’il soit maintenu. M. d’Anbergeoii-Hurlnais. Il nYst pas dans les principes de l’Assemblée de délibérer le soir sur une matière aussi importante. (Murmures à gauche.) Je demande la question préalable sur ce décret qui est contraire aux principes de la monarchie. M. le Président. La question préalable est-elle appuyée ? A droite : Oui ! oui ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer sur le projet de décret de M. Démeunier, qui est ensuite mis aux voix et adopté.) M. Salle. Voici mon projet d’adresse : « L’Assemblée nationale aux citoyens. « Citoyens ! « Le moment estarrivé où voire palrioiisme va se trouver exposé aux plus rudes épreuves. Le chef de l’Empire avait quitté son poste; après avoir déclaré qu’il ne faisait qu’un avec la nation, il s’en est séparé ; il a méconnu cette Constitution qui fait désormais le bonheur des Français. « Ce grand événement n’a servi qu’à déployer voire énergie et à resserrer les liens de fraternité qui font pâlir d’effroi tous les ennemis qui nous environnent. Citoyens! vous avez cru que cet étonnant courage, que ce concert unanime de toutes les volontés, que cet ardent amour de la b78 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juillet 1791.] loi qui vous a ralliés autour d’elle quand votre roi vous abandonna, avaient dissipé tous les dangers et que la patrie était sauvée. Des moments plus difficiles se préparaient pour vous : et c’est dans l’ardeur seule de votre patiiotisme que vous pouvez aujourd'hui en rencontrer le terme. Le péril devient de plus en plus imminent; et il est du devoir de vos représentants de vous en avertir et de vous éclairer. « L’Assemblée nationale vient de prononcer, après des discussions solennelles, sur les événements du 21 juin. Dans une aus.-i importante matière, l’Assemblée a tout pesé; elle ne s’est rien dissimulé; et elle n’a pas hésité de vous livrer à vous-mêmes les détails de cette désastreuse conjecture, parce qu’elle a pensé que la vérité seule pouvait convenir à des hommes libres. « Après avoir, dans cette circonstance, éprouvé les mêmes sentiments que vous, l’Assemblée a senti qu’elle devait, avant tout, en écarter ce qu’il y avait d’exagéré ; et c’est avec le sang-froid de la réflexion, qu’elle s’est livrée à la discussion dans laquelle il devait être d’autant plus difficile de porter le calme de la raison, que la liberté était plus chère et la Constitution plus désirée. L’Assemblée nationale a fuit taire toutes les passions même les plus dangereuses, pour ne s’occuper que de vos intérêts, quelqu’en dût être l’événement; elle a marché d'un pas Arme vers le but; et elle a décrété, non pas ce qui paraissait être le résultat des sentiments du moment, mais ce qui pouvait garantir et sauver de tout danger le grand intérêt national. « Citoyens ! vos représentants ont parlé; la loi est portée; le sort de l’Empire est encore une fois décidé. Quels conseils plus utiles peuvent vous donner vos représentants, que de suivre, dans l'exemple des motifs qui les ont déterminés, la prudence et le sang-froid qu’ils y ont mis eux-mêmes ! Réservez votre haine pour des... (Murmures.) » M. Fréteau-Sainl-Just. M. Chabroud et plusieurs autres membres ont des projets d’adresse; si l’Assemblée veut renvoyer à demain et inviter ces membres à se joindre aux commissaires rédacteurs, on eu présentera une dans les vues de l’Assemblée. Plusieurs membres : La lecture de l’adresse de M. Barré; e. M. Gaulticr-Diauzat. Avant de renvoyer le projet d’adresse de M. Salle aux commissaires, il faut examiner si le décret de ce matin sera rapporté. Celui que vous venez de rendre fera plus d’effet que votre adresse. Il faut vous le dire, ce petit moyen ne pourrait montrer que de la faiblesse. M. BouUeville-Dumetz. Je croyais que le décret rendu devait être exécuté; mais je conviens que c’est un décret d’ordre, de circonstance; que la circonstance est changée par le décret subséquent, et qu’on peut, sans inconvénient, revenir sur ses pas. M. Duport. Il n’est pas facile de rendre en substance, dans une adresse, qui doit être extrêmement courte et extrêmement simple, des raisons qui, de leur nature, sont faites pour être développées avec un peu d’espace; d’un autre côté je vous prie d’observer que le seul décret nécessaire pour fixer l’opinion publique qui, sur ce point, était encore suspendue, est celui que vous venez de rendre. Je vous prie de peser encore une autre observation. C’est que vous sembleriez dans ce moment où la discussion s’est prolongée dans les esprits au delà du terme convenable, c’e.-t-à-dire après le décret, vous sembleriez, dis-je, ouvrir une argumentation directe avec le reste des citoyens: et cependant ils vous ont envoyés pour statuer, après une discussion longue et calme, ce qui vous parait utile et leur dicter des lois. Par la mesure d’une adresse, vous paraissez sortir de votre véritable caractère et au lieu de donner de la force au décret, il me semble que vous y joignez un esprit de doute, d’incertitude et d’argumentation, lorsque la loi seule doit parler. (Applaudissements.) Je demande donc le rappoit du décret de ce matin en ce qui concerne l’adresse. (L’Assemblée décrète que le décret rendu dans la séance de ce matin pour ordonner la rédaction d’une adre.-se sera rapporté.) L’ordre du jour est un rapport sur les troubles survenus dans plusieurs districts du département de la Vendée. M. Caoupiïïeau, au nom des comités des rapports et des recherches. Messieurs, vus comités des rapports et des recherches avaient chargé M. Cochon de Lapparent de vous rendre compte des événements iâcheux survenus dans plusieurs districts du département de la Vendée et qui en ont altéré la tranquillité; en son absence, je vais vous présenter ce rapport. Depuis longtemps, le peuple de ces malheureuses contrées était en butie aux menées perfides des ennemis du bien public. Les prières, les menaces, les promesses, le moyen si puissant de la religion, entin la calomnie contre les représentants de la nation, rien n’avait été oublié pour séduire les habitants des campagnes, naturellement bons, mais ignorants et faciles à égarer. Déjà un ci-devant noble, le sieur Du Chaffaud, aidé d’un ecclésiastique, de ses affidés, était parvenu à séduire les habitants de sa paroisse, au point de fi s porter à expulser un officier municipal dont le patriotisme lui faisait ombrage. II avait eu même la témérité de se transporter, assisté de plusieurs habitants, à la séance du directoire de district des Sables-d’Olorme, et d’y protester publiquement contre la vente des domaines nationaux de sa paroisse. L’accusaleur public ayant rendu plainte de ces fails, le tribunal informa. Le sieur Du Chaffaud fut décrété de prise de corps; mais il s’est soustrait par la fuite aux poursuites dirigées contre lui. L’éloignement du sieur Du Chaffaud ne découragea point ses coopérateurs. Le temps de Pâques leur parut propre à renouveler leurs-menées. Les exhortations, les sermons, l’abus des sacrements, tous les moyens furent mis en usage pour égarer le peuple en alarmant sa piété. Ces insinuations incendiaires exaltèrent les esprits des malheureux habitants de la campagne, au point de jurer la perte de tous les citoyens connus sous le nom de bourgeois. L’explosion commença le 25 avril dans la paroisse d’Apre-mont. Le tocsin fut sonné, les bancs des c;-de-vant roturiers furent arrachés de l’église et brûlés ; et on eut grand soin de conserver ceux des ci-devant nobles ou privilégiés. Le 1er mai suivant, le sigual de la sédilion fut