SÉANCE DU 8 MESSIDOR AN II (26 JUIN 1794) - N° 45 201 « La Convention nationale décrète ce qui suit : « Art. I. La conservation de la récolte actuelle, en tout genre de grains et de fourrages, est remise sous la surveillance, et confiée au patriotisme de tous les citoyens. « II. Les grains de toute nature, et les fourrages de la présente récolte, sont soumis à la réquisition du gouvernement pour les besoins de toute la République et des armées. «III. Il sera fait après la récolte un recensement général de tous les grains et fourrages qui pourront se trouver dans les communes. « IV. Tout citoyen sera tenu de faire, à la municipalité de sa commune, une déclaration détaillée du produit de ses différentes récoltes, aux époques des 20 des mois thermidor et vendémiaire. «V. H sera ouvert, pour cet objet, dans chaque commune, aussitôt la publication de la loi, un registre qui sera destiné à recevoir les déclarations des citoyens, leurs noms, et la quantité des diverses espèces de grains et fourrages qu’ils auront récoltés. «VI. Les déclarations seront lues dans une assemblée des citoyens convoqués à cette effet, le 1er décadi qui suivra la clôture du registre. « VII. Le conseil-général de la commune nommera 2 membres pris dans son sein, chargés de vérifier les déclarations qu’il soupçonnera d’être évidemment frauduleuses. «VIII. Celui dont la déclaration sera trouvée évidemment fausse, sera puni par la confiscation, au profit de la République, de ce qu’il n’aura pas déclaré. Le juge-de-paix du canton prononcera la peine et le cas où elle doit être appliquée. Le jugement sera affiché, pendant 3 décades, au lieu des séances de la commune. «IX. Tout cultivateur sera obligé de faire battre une partie de ses grains pendant la récolte, pour l’approvisionnement des marchés des citoyens des communes, et pour satisfaire aux réquisitions qui pourroient être faites pour les besoins des armées. «X. Le tableau qui contiendra le recensement des grains et fourrages de chaque commune, sera adressé, sans délai, au directoire du district, qui le fera parvenir de suite à la commission du commerce et des approvision-nemens. «XI. Les lois concernant l’accaparement et l’exportation des grains hors la République demeurent dans toute leur vigueur. «XII. Les municipalités, les agens nationaux des communes et des districts sont responsables, sous peine de destitution, de l’exécution de la présente loi. «Le présent décret sera accompagné d’une adresse aux communes de la République». (on applaudit) Suit la teneur de cette adresse. CITOYENS, Lorsque la patrie a été déclarée en danger, à sa voix vous avez envoyé votre jeunesse aux frontières pour la défendre; depuis 5 ans vous vous êtes montrés dignes de la liberté, par les sacrifices divers que vous lui avez faits. La Convention ne vient point vous parler aujourd’hui de nouveaux sacrifices : elle vient vous parler de l’abondance qui vous entoure, et que la nature semble vous avoir donnée pour couronner vos généreux efforts; jamais elle ne répandit sur votre territoire autant de richesses : vous avez dans vos champs votre subsistance, celle de vos frères qui combattent pour vous aux frontières, et ceux qui veillent pour la liberté dans toute la République; la loi vous appelle tous aujourd’hui à la conservation d’un dépôt si précieux. Lorsque vous étiez entourés par la perfidie et la malveillance, des lois sévères avoient besoin d’effayer les traîtres qui cherchoient à égarer le peuple pour lui soustraire ses subsistances. A présent que la loi a écarté de vos foyers et frappé les conspirateurs et leurs complices, c’est à des vertus républicaines que les représentans du peuple s’adressent, c’est à des mains pures qu’ils confient la récolte la plus belle qu’ait produite une terre libre. C’est lorsqu’un lâche ennemi, désespérant de nous vaincre par la valeur, a tenté déjà de nous soumettre par la famine, qu’il faut reporter dans son camp un nouveau désespoir et rendre ses perfides moyens inutiles, en nous assurant de tous les avantages de l’abondance. Citoyens, c’est pour arriver à ce but, pour déconcerter les manœuvres que la malveillance pourroit mettre peut-être encore en usage, pour affermir la confiance, que la Convention a voulu connoître les ressources de la République: elle vient de rendre un décret qui remplira cet objet essentiel, en demandant à chaque citoyen le compte de sa récolte; elle a cherché à en rendre les moyens les plus faciles. Quel est celui qui, tandis que ses frères versent leur sang pour sa défense, pourroit se refuser à un recensement qui tend à assurer leur subsistance ? Quel est celui dont le cœur ne désire des mesures aussi salutaires, et ne s’empressera pas de les exécuter aussitôt que les intentions de la loi lui seront connues ? S’il étoit parmi vous encore quelqu’égoïste, assez insensible aux besoins de la patrie pour ne pas répondre à la confiance de la loi, ou pour la tromper, qu’il soit connu; que la loi punisse à l’instant son infidélité; et que son nom, indigne d’être placé parmi ceux des républicains, soit inscrit sur la liste honteuse des citoyens suspects. Mais non, citoyens, la loi ne trouvera pas parmi vous de coupables; il n’appartient qu’aux esclaves, qui n’ont point de patrie, de s’isoler et de ne penser qu’à eux-mêmes : ici, tous les républicains sont frères; les facultés et les besoins d’une même famille sont communs à tous ses membres; cette maxime sacrée est aujourd’hui gravée dans toutes les parties de la République. Elle étoit dans le cœur de ces dignes citoyens, de ces respectables communes, qui ont partagé, sans être requis, qui partagent encore leurs subsistances avec leurs frères des départemens qui les avoisinent: voilà de ces traits que l’histoire recueillera avec attendrissement : voilà l’héroïsme des républicains, qui doit faire pâlir les despotes. Citoyens, soyez tranquilles; reposez-vous sur vos subsistances : c’est pour en suivre la marche, pour en connoître l’étendue, que la Convention a rendu son décret de prévoyance. La moisson va s’ouvrir, l’abondance est dans vos campagnes; prenez la faulx avec courage; SÉANCE DU 8 MESSIDOR AN II (26 JUIN 1794) - N° 45 201 « La Convention nationale décrète ce qui suit : « Art. I. La conservation de la récolte actuelle, en tout genre de grains et de fourrages, est remise sous la surveillance, et confiée au patriotisme de tous les citoyens. « II. Les grains de toute nature, et les fourrages de la présente récolte, sont soumis à la réquisition du gouvernement pour les besoins de toute la République et des armées. «III. Il sera fait après la récolte un recensement général de tous les grains et fourrages qui pourront se trouver dans les communes. « IV. Tout citoyen sera tenu de faire, à la municipalité de sa commune, une déclaration détaillée du produit de ses différentes récoltes, aux époques des 20 des mois thermidor et vendémiaire. «V. H sera ouvert, pour cet objet, dans chaque commune, aussitôt la publication de la loi, un registre qui sera destiné à recevoir les déclarations des citoyens, leurs noms, et la quantité des diverses espèces de grains et fourrages qu’ils auront récoltés. «VI. Les déclarations seront lues dans une assemblée des citoyens convoqués à cette effet, le 1er décadi qui suivra la clôture du registre. « VII. Le conseil-général de la commune nommera 2 membres pris dans son sein, chargés de vérifier les déclarations qu’il soupçonnera d’être évidemment frauduleuses. «VIII. Celui dont la déclaration sera trouvée évidemment fausse, sera puni par la confiscation, au profit de la République, de ce qu’il n’aura pas déclaré. Le juge-de-paix du canton prononcera la peine et le cas où elle doit être appliquée. Le jugement sera affiché, pendant 3 décades, au lieu des séances de la commune. «IX. Tout cultivateur sera obligé de faire battre une partie de ses grains pendant la récolte, pour l’approvisionnement des marchés des citoyens des communes, et pour satisfaire aux réquisitions qui pourroient être faites pour les besoins des armées. «X. Le tableau qui contiendra le recensement des grains et fourrages de chaque commune, sera adressé, sans délai, au directoire du district, qui le fera parvenir de suite à la commission du commerce et des approvision-nemens. «XI. Les lois concernant l’accaparement et l’exportation des grains hors la République demeurent dans toute leur vigueur. «XII. Les municipalités, les agens nationaux des communes et des districts sont responsables, sous peine de destitution, de l’exécution de la présente loi. «Le présent décret sera accompagné d’une adresse aux communes de la République». (on applaudit) Suit la teneur de cette adresse. CITOYENS, Lorsque la patrie a été déclarée en danger, à sa voix vous avez envoyé votre jeunesse aux frontières pour la défendre; depuis 5 ans vous vous êtes montrés dignes de la liberté, par les sacrifices divers que vous lui avez faits. La Convention ne vient point vous parler aujourd’hui de nouveaux sacrifices : elle vient vous parler de l’abondance qui vous entoure, et que la nature semble vous avoir donnée pour couronner vos généreux efforts; jamais elle ne répandit sur votre territoire autant de richesses : vous avez dans vos champs votre subsistance, celle de vos frères qui combattent pour vous aux frontières, et ceux qui veillent pour la liberté dans toute la République; la loi vous appelle tous aujourd’hui à la conservation d’un dépôt si précieux. Lorsque vous étiez entourés par la perfidie et la malveillance, des lois sévères avoient besoin d’effayer les traîtres qui cherchoient à égarer le peuple pour lui soustraire ses subsistances. A présent que la loi a écarté de vos foyers et frappé les conspirateurs et leurs complices, c’est à des vertus républicaines que les représentans du peuple s’adressent, c’est à des mains pures qu’ils confient la récolte la plus belle qu’ait produite une terre libre. C’est lorsqu’un lâche ennemi, désespérant de nous vaincre par la valeur, a tenté déjà de nous soumettre par la famine, qu’il faut reporter dans son camp un nouveau désespoir et rendre ses perfides moyens inutiles, en nous assurant de tous les avantages de l’abondance. Citoyens, c’est pour arriver à ce but, pour déconcerter les manœuvres que la malveillance pourroit mettre peut-être encore en usage, pour affermir la confiance, que la Convention a voulu connoître les ressources de la République: elle vient de rendre un décret qui remplira cet objet essentiel, en demandant à chaque citoyen le compte de sa récolte; elle a cherché à en rendre les moyens les plus faciles. Quel est celui qui, tandis que ses frères versent leur sang pour sa défense, pourroit se refuser à un recensement qui tend à assurer leur subsistance ? Quel est celui dont le cœur ne désire des mesures aussi salutaires, et ne s’empressera pas de les exécuter aussitôt que les intentions de la loi lui seront connues ? S’il étoit parmi vous encore quelqu’égoïste, assez insensible aux besoins de la patrie pour ne pas répondre à la confiance de la loi, ou pour la tromper, qu’il soit connu; que la loi punisse à l’instant son infidélité; et que son nom, indigne d’être placé parmi ceux des républicains, soit inscrit sur la liste honteuse des citoyens suspects. Mais non, citoyens, la loi ne trouvera pas parmi vous de coupables; il n’appartient qu’aux esclaves, qui n’ont point de patrie, de s’isoler et de ne penser qu’à eux-mêmes : ici, tous les républicains sont frères; les facultés et les besoins d’une même famille sont communs à tous ses membres; cette maxime sacrée est aujourd’hui gravée dans toutes les parties de la République. Elle étoit dans le cœur de ces dignes citoyens, de ces respectables communes, qui ont partagé, sans être requis, qui partagent encore leurs subsistances avec leurs frères des départemens qui les avoisinent: voilà de ces traits que l’histoire recueillera avec attendrissement : voilà l’héroïsme des républicains, qui doit faire pâlir les despotes. Citoyens, soyez tranquilles; reposez-vous sur vos subsistances : c’est pour en suivre la marche, pour en connoître l’étendue, que la Convention a rendu son décret de prévoyance. La moisson va s’ouvrir, l’abondance est dans vos campagnes; prenez la faulx avec courage; 202 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE jetez les yeux vers les contrées où vos frères combattent les tyrans, et jurez que ces braves soldats, leurs pères et leurs enfans que vous avez parmi vous, ne manqueront point de subsistance. Hâtez-vous, pendant les travaux de la moisson, de la préparer cette subsistance, pour qu’elle aille promptement approvisionner les marchés où la rareté s’est déjà fait sentir, et les armées qui ont besoin. Que chacun de vous soit un surveillant intrépide et un fidèle exécuteur de la loi; ayez toujours dans le cœur la République; c’est sur votre patriotisme qu’elle se repose de ses plus tendres sollicitudes. Un membre [CARRIER] demande l’impression, l’insertion au bulletin de cette adresse, et la distribution aux membres. Décrété [au milieu des applaudissements] (1) . Merlin (de Douai) : La loi très-sage que vous venez de rendre ne peut plus cadrer avec celle du 11 septembre (vieux style). Je demande que les comités d’agriculture, de commerce et de législation, soient chargés, en se concertant, s’il est nécessaire, avec le comité de salut public, de s’occuper des changements que ce nouveau décret doit y apporter (2) . « La Convention nationale charge ses comités de salut public, de législation, d’agriculture et de commerce de lui faire un prompt rapport sur les changemens qu’il peut y avoir lieu de faire à la loi du 11 septembre 1793, concernant les subsistances, pour la faire concorder avec la loi qui vient d’être décrétée sur le recensement des grains » (3) . 46 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, décrète que les 3 municipalités des fauxbourgs de la commune d’Harfleur, district de Monti-villiers, département de la Seine-Inférieure, connues sous les noms de Çottevitte, Porte-de-VHeure et la Pescherie, seront réunies à la municipalité d’Harfleur. « Le présent décret sera envoyé en manuscrit aux représentans qui sont actuellement dans ce département, et s’occuperont incessamment de la nouvelle organisation de cette municipalité et de celle de la garde nationale» (4). (1) P.V., XL, 184. Minute de la main d’Eschas-sériaux. Décret n° 9673. Adresse de la main de Carrier. Décret n° 9674. Reproduit dans B