324 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 20 Le citoyen Antoine Aubin se présente à la barre [avec une députation du district de Non-tron, département de la Dordogne]. Il expose que l’absence de son fils, parti pour la Chine en 1787 [comme missionnaire] par ordre du gouvernement, a seule servi de prétexte à l’administration du district de Nontron pour mettre ses biens en séquestre (1). Il n’est donc point émigré, disent les pétitionnaires et son père est d’ailleurs un excellent patriote. Nous demandons, disent-ils, la levée du séquestre, on du moins un rapport prochain du comité à ce sujet (2). Un membre [PEYSSARD] demande, et la Convention nationale décrète le renvoi de la pétition au Comité de législation, pour en être fait un rapport dans trois jours » (3). 21 Une députation de la Société populaire de Mantes, département de Seine-et-Oise, au nom de cette Société, félicite la Convention nationale sur ses travaux; elle dépose sur l’autel de la patrie 3 089 liv. en assignats, une paire d’épaulettes en or, des boucles et différens objets en or. Indépendamment de ces dons, cette société vient de remettre dans les magasins militaires à Mantes 3 000 chemises, 334 draps, 163 paires de bas, 159 paires de souliers, 72 paires de guêtres, 556 livres de charpie et autres effets d’habillement et d’équipement; 1400 livres de salpêtre ont déjà été livrées, et la commune de Mantes en fournira, 1 000 livres par décade. La même Société annonce une nouvelle expérience, qui constate que 59 livres de farine de froment et 9 livres de riz ont produit 98 livres d’excellent pain. Mention honorable, insertion au bulletin, et le renvoi au Comité d’agriculture (4) . 22 Des citoyens, au nom de la Société populaire et de la commune de Nantes, dénoncent la manœuvre des ennemis de la patrie, qui dirigent leurs calomnies contre cette commune et contre les meilleurs patriotes; ils déposent un mémoire sur sa conduite révolutionnaire et sur ses sacrifices depuis 1788, et font une nouvelle offrande de 18 cavaliers jacobins, et d’une frégate de 44 canons. Enfin ils protestent de leur entier dévouement à la cause de la liberté (5). (1) P.V., XXXVII, 208. (2) J. Sablier, n° 1318. (3) P.V., XXXVII, 208. Minute de la main de Peyssard, C 301, pl. 1073, p. 26. Décret n° 9158; M.U., XXXIX, 426; C. Eg„ n° 635. (4) P. y., XXXVII, 209. B1", 25 flor. (suppP); J. Sablier, n° 1318; J. Mont., n° 19; Audit, nat., n° 599; J. Paris, n° 500. (5) P.V., XXXVII, 209. Deux députés se présentent à la barre. L’ORATEUR : Citoyens représentans, Nous venons vous exprimer les sentiments qui animent tous les républicains de la Société populaire et de la commune de Nantes. Les ennemis de la République ne peuvent les renverser par la force; c’est le trait impuissant lancé par une main expirante contre l’égide impénétrable de Minerve; mais ils veulent nous perdre par les vices et les fatales divisions. Les amis des rois ont conçu la frivole espérance de détruire nos forces morales et physiques dont se compose notre héroïque résistance contre l’Europe esclave, en calomniant telle ou telle portion du peuple pour l’avilir et excitant contre elle l’indignation et la colère des patriotes, pour rallumer les torches éteintes de la guerre civile. « Nous vous dénonçons ce moyen de contre-révolution dirigé depuis longtemps, et d’une manière spéciale contre nous. » Pleins de confiance en votre justice, pleins de respect pour vos vertus, nous cherchons dans votre sein un appui salutaire contre la perfidie dont vos foudres écrasèrent tant de fois les têtes renaissantes. Nous n’avons pu souffir plus long-temps qu’on imprime sur nos fronts l’opprobre, qui n’est dû qu’aux ennemis de la liberté. » Allez, nous ont dit nos concitoyens, allez porter à la Convention nationale l’exposé succinct et vrai de notre conduite révolutionnaire depuis l’an 1788 jusqu’à nos jours; dites-lui que, dans tous les temps, nous avons versé notre sang pour la patrie, obéi à ses lois, et couvert de dons son autel; offrez, en notre nom, 18 cavaliers jacobins; dites-lui que nous lancerons sur les mers une frégate de 44 canons, ou que nous verserons dans le trésor national le produit des souscriptions, si nous ne pouvons pas user de matéraux nécessaires à la construction. Dites aux représentants du peuple que nous ferons toujours un rempart de nos corps à la Convention nationale, aux Comités de salut public et de sûreté générale, qui assurent au monde le bonheur de l’humanité; dites-leur que nous voulons la République une et indivisible, le règne des vertus et de l’égalité, ou la mort des tyrans conjurés contre la France; dites-leur que ce n’est pas pour recouvrer un honneur que nous n’avons pas perdu, et qu’on ne pourroit nous rendre si nous avions été coupables, que nous en appelons à l’opinion publique, mais que nous voulons désespérer les tyrans et leurs esclaves par l’assurance étemelle que tous les citoyens français ne forment plus qu’une famille d’hommes vertueux, qu’un peuple de héros qui tous veulent vivre pour la patrie, la gloire et la liberté, ou mourir en les défendant. « Nous déposons sur le bureau du président le tableau véridique de ce que nous avons fait dans tous les temps pour la chose publique, afin que cette authentique réponse à nos calomniateurs éclaire ceux qui sont abusés, confonde nos ennemis, et nous conserve l’estime du juste. » Après la journée du 29 juin, journée qui nous couvre de gloire, vous décrétâtes, citoyens-représentans, que nous avions bien mérité de la patrie. Nous demandons aujourd’hui que vous déclariez que les Nantais n’ont pas cessé 324 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 20 Le citoyen Antoine Aubin se présente à la barre [avec une députation du district de Non-tron, département de la Dordogne]. Il expose que l’absence de son fils, parti pour la Chine en 1787 [comme missionnaire] par ordre du gouvernement, a seule servi de prétexte à l’administration du district de Nontron pour mettre ses biens en séquestre (1). Il n’est donc point émigré, disent les pétitionnaires et son père est d’ailleurs un excellent patriote. Nous demandons, disent-ils, la levée du séquestre, on du moins un rapport prochain du comité à ce sujet (2). Un membre [PEYSSARD] demande, et la Convention nationale décrète le renvoi de la pétition au Comité de législation, pour en être fait un rapport dans trois jours » (3). 21 Une députation de la Société populaire de Mantes, département de Seine-et-Oise, au nom de cette Société, félicite la Convention nationale sur ses travaux; elle dépose sur l’autel de la patrie 3 089 liv. en assignats, une paire d’épaulettes en or, des boucles et différens objets en or. Indépendamment de ces dons, cette société vient de remettre dans les magasins militaires à Mantes 3 000 chemises, 334 draps, 163 paires de bas, 159 paires de souliers, 72 paires de guêtres, 556 livres de charpie et autres effets d’habillement et d’équipement; 1400 livres de salpêtre ont déjà été livrées, et la commune de Mantes en fournira, 1 000 livres par décade. La même Société annonce une nouvelle expérience, qui constate que 59 livres de farine de froment et 9 livres de riz ont produit 98 livres d’excellent pain. Mention honorable, insertion au bulletin, et le renvoi au Comité d’agriculture (4) . 22 Des citoyens, au nom de la Société populaire et de la commune de Nantes, dénoncent la manœuvre des ennemis de la patrie, qui dirigent leurs calomnies contre cette commune et contre les meilleurs patriotes; ils déposent un mémoire sur sa conduite révolutionnaire et sur ses sacrifices depuis 1788, et font une nouvelle offrande de 18 cavaliers jacobins, et d’une frégate de 44 canons. Enfin ils protestent de leur entier dévouement à la cause de la liberté (5). (1) P.V., XXXVII, 208. (2) J. Sablier, n° 1318. (3) P.V., XXXVII, 208. Minute de la main de Peyssard, C 301, pl. 1073, p. 26. Décret n° 9158; M.U., XXXIX, 426; C. Eg„ n° 635. (4) P. y., XXXVII, 209. B1", 25 flor. (suppP); J. Sablier, n° 1318; J. Mont., n° 19; Audit, nat., n° 599; J. Paris, n° 500. (5) P.V., XXXVII, 209. Deux députés se présentent à la barre. L’ORATEUR : Citoyens représentans, Nous venons vous exprimer les sentiments qui animent tous les républicains de la Société populaire et de la commune de Nantes. Les ennemis de la République ne peuvent les renverser par la force; c’est le trait impuissant lancé par une main expirante contre l’égide impénétrable de Minerve; mais ils veulent nous perdre par les vices et les fatales divisions. Les amis des rois ont conçu la frivole espérance de détruire nos forces morales et physiques dont se compose notre héroïque résistance contre l’Europe esclave, en calomniant telle ou telle portion du peuple pour l’avilir et excitant contre elle l’indignation et la colère des patriotes, pour rallumer les torches éteintes de la guerre civile. « Nous vous dénonçons ce moyen de contre-révolution dirigé depuis longtemps, et d’une manière spéciale contre nous. » Pleins de confiance en votre justice, pleins de respect pour vos vertus, nous cherchons dans votre sein un appui salutaire contre la perfidie dont vos foudres écrasèrent tant de fois les têtes renaissantes. Nous n’avons pu souffir plus long-temps qu’on imprime sur nos fronts l’opprobre, qui n’est dû qu’aux ennemis de la liberté. » Allez, nous ont dit nos concitoyens, allez porter à la Convention nationale l’exposé succinct et vrai de notre conduite révolutionnaire depuis l’an 1788 jusqu’à nos jours; dites-lui que, dans tous les temps, nous avons versé notre sang pour la patrie, obéi à ses lois, et couvert de dons son autel; offrez, en notre nom, 18 cavaliers jacobins; dites-lui que nous lancerons sur les mers une frégate de 44 canons, ou que nous verserons dans le trésor national le produit des souscriptions, si nous ne pouvons pas user de matéraux nécessaires à la construction. Dites aux représentants du peuple que nous ferons toujours un rempart de nos corps à la Convention nationale, aux Comités de salut public et de sûreté générale, qui assurent au monde le bonheur de l’humanité; dites-leur que nous voulons la République une et indivisible, le règne des vertus et de l’égalité, ou la mort des tyrans conjurés contre la France; dites-leur que ce n’est pas pour recouvrer un honneur que nous n’avons pas perdu, et qu’on ne pourroit nous rendre si nous avions été coupables, que nous en appelons à l’opinion publique, mais que nous voulons désespérer les tyrans et leurs esclaves par l’assurance étemelle que tous les citoyens français ne forment plus qu’une famille d’hommes vertueux, qu’un peuple de héros qui tous veulent vivre pour la patrie, la gloire et la liberté, ou mourir en les défendant. « Nous déposons sur le bureau du président le tableau véridique de ce que nous avons fait dans tous les temps pour la chose publique, afin que cette authentique réponse à nos calomniateurs éclaire ceux qui sont abusés, confonde nos ennemis, et nous conserve l’estime du juste. » Après la journée du 29 juin, journée qui nous couvre de gloire, vous décrétâtes, citoyens-représentans, que nous avions bien mérité de la patrie. Nous demandons aujourd’hui que vous déclariez que les Nantais n’ont pas cessé SÉANCE DU 25 FLORÉAL AN II (14 MAI 1794) - N° 23 325 d’être dignes de la patrie, depuis l’époque où vous scellâtes par votre décret leur immortalité. » Le PRESIDENT reçoit les dons offerts, et félicite les Nantais sur le patriotisme qui les anime. FOUCHE (de Nantes) : Il est permis à celui d’entre nous qui a parcouru le plus grand nombre des communes de la République, et qui a pu le mieux en apprécier l’esprit public, de s’étonner de la défaveur que l’on a voulu jeter sur la commune de Nantes. Sans doute, il y avait dans cette commune des hommes infâmes et elle en renferme peut-être encore; mais ces restes dégradés sont auprès des sans-culottes nantais, ce que sont les ruines de la monarchie devant les monumens que vous consacrez à la liberté et à l’égalité. Je ne retracerai point les événemens mémorables qui attestent le patriotisme que je défends; je rappellerai seulement une époque pas éloignée où la commune de Nantes étoit environnée de 50,000 brigands, et administrée par des magistrats perfides. En bien ! les sans-culottes, par le développement de leur énergie, résistèrent au dehors et au dedans. Leur voix tonnante étouffa le cri de la terreur. Ils repoussèrent la horde de brigands et royalistes que les obsédoit. Vous décrétâtes alors qu’ils avoient bien mérité de la patrie. Je demande que vous décrétiez que les Nantais n’ont pas mérité de perdre ce témoignage honorable. VILLIERS : Comme il tenoit au vaste plan de conjuration, découvert par les Comités de salut public et de sûreté générale, de jeter de la défaveur sur les communes les plus importantes de la République, je crois qu’il convient de renvoyer à ces deux Comités la pétition qui vous est faite. FOUCHE : J’insiste sur la proposition que j’ai faite, sauf le renvoi proposé par le préopinant. MERLIN (de Thion ville) : J’appuie la proposition de notre collègue Fouché. Dans le long temps que j’ai passé à la Vendée, c’est dans le sein de la Société populaire de Nantes que j’ai trouvé le patriotisme qui étoit chassé des grandes boutiques et de chez les armateurs. C’est là que je trouvois ceux qui venoient avec nous recueillir les bleds et les bestiaux que nous conquérions sur les brigands, mais il faut en convenir, ceux qui tenoient de trop près au commerce ne faisoient rien pour la République. J’appuie donc la proposition de Fouché, parce que la Société populaire de Nantes compose la grande masse des citoyens de Nantes, et que le petit nombre est de ceux contre qui l’on peut former des plaintes. FOUCHE : Voici ma rédaction : La Convention nationale décrète que les saus-culottes de Nantes n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie (1) . Décrété comme suit, au milieu des applaudissements : « La Convention nationale, sur la motion d’un membre [FOUCHE, appuyée par MERLIN] décrète que les sans-culottes de la commune de (1) Débats, n° 602, p. 342; Mon., XX, 473; J. Sablier, n° 1318; M.U., XXXIX, 412. Nantes n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie. Elle ordonne la mention honorable de la nouvelle oblation qui lui est offerte en leur nom, d’une frégate de 44 canons, et de 18 cavaliers jacobins. Elle renvoie le surplus de leur pétition aux Comités de salut public et de sûreté générale » (1) . 23 « La Société populaire d’Emile (2) , disent ses » députés, vient vous offrir sa reconnoissance » pour la justice sévère que vous déployez con-» tre les ennemis du peuple, et pour la justice » magnanime qui vous fait décerner des récom-» penses à ses amis : vous avez puni les traîtres; » mais vous avez ordonné la translation de '» Jean-Jacques dans le temple des grands » hommes. Elle demande que ses cendres vien-» nent se reposer, lors de leur translation, dans » le même lieu où il a médité et écrit pour la » régénération des sociétés et des mœurs » (3) . Un PETITIONNAIRE parlant de la barre: Représentans du peuple, La Société populaire d’Emile vous témoigne sa reconnaissance, et pour la justice sévère que vous avez déployée et que vous déployez tous les jours contre les ennemis du peuple, et pour la justice magnanime qui vous fait décerner des récompenses à ses amis; vous avez puni les traîtres mais vous avez ordonné la translation de Jean Jacques dans le temple des grands hommes. C’était à vous à appeler les récompenses de la justice sur le mérite, sur la vertu; vous qui avez mis la justice et la probité à l’ordre du jour. Jadis, l’Assemblée Constituante, sur la demande de la commune d’Emile, ordonna que Jean Jacques serait mis sur la liste des grands hommes; mais alors la représentation nationale vendue au royalisme, n’accordait qu’à regret les honneurs du Panthéon aux ennemis des rois, aux amis du peuple et de la République, différait ces honneurs pour les voir annuler par le triomphe du despotisme; alors on admettait au Panthéon des hommes qu’il fallait conduire à l’échafaud; alors les vertus d’un grand homme étaient la propriété d’un individu; et il n’était pas permis à la nation de placer dans le temple de ses bienfaiteurs celui qui n’avait pensé et écrit que pour le bonheur des hommes. Ces temps ne sont plus. Le peuple par ses victoires sur le despotisme a recouvré ses droits sur tout ce qui a servi à la conquête de sa souveraineté. (1) P.V., XXXVII, 210. Minute anonyme, C 301, pl. 1073, p. 27. Décret n° 9157. Reproduit dans Bin, 25 flor. et 26 flor. (suppl4); mention dans J. Matin, n° 693; Audit, nat., n° 599; C. Eg., n° 635; Rép., n° 146; J. Sans-Culottes, n° 454; Ann. patr., n° 499; J. Paris, n° 500; Ann. R.F., n° 167; Feuille Rép., n° 316; J. Perlet, n° 600; J. Mont., n° 19; Mess, soir, n° 635. (2) Cidevant Montmorency, Seine-et-Oise, auj. Val-d’Oise. (3) P.V., XXXVII, 210. Débats, n° 602, p. 345; J. Matin, n° 693; J. Sablier, n° 1318; Mon., XX, 474; Mess, soir, n° 635. SÉANCE DU 25 FLORÉAL AN II (14 MAI 1794) - N° 23 325 d’être dignes de la patrie, depuis l’époque où vous scellâtes par votre décret leur immortalité. » Le PRESIDENT reçoit les dons offerts, et félicite les Nantais sur le patriotisme qui les anime. FOUCHE (de Nantes) : Il est permis à celui d’entre nous qui a parcouru le plus grand nombre des communes de la République, et qui a pu le mieux en apprécier l’esprit public, de s’étonner de la défaveur que l’on a voulu jeter sur la commune de Nantes. Sans doute, il y avait dans cette commune des hommes infâmes et elle en renferme peut-être encore; mais ces restes dégradés sont auprès des sans-culottes nantais, ce que sont les ruines de la monarchie devant les monumens que vous consacrez à la liberté et à l’égalité. Je ne retracerai point les événemens mémorables qui attestent le patriotisme que je défends; je rappellerai seulement une époque pas éloignée où la commune de Nantes étoit environnée de 50,000 brigands, et administrée par des magistrats perfides. En bien ! les sans-culottes, par le développement de leur énergie, résistèrent au dehors et au dedans. Leur voix tonnante étouffa le cri de la terreur. Ils repoussèrent la horde de brigands et royalistes que les obsédoit. Vous décrétâtes alors qu’ils avoient bien mérité de la patrie. Je demande que vous décrétiez que les Nantais n’ont pas mérité de perdre ce témoignage honorable. VILLIERS : Comme il tenoit au vaste plan de conjuration, découvert par les Comités de salut public et de sûreté générale, de jeter de la défaveur sur les communes les plus importantes de la République, je crois qu’il convient de renvoyer à ces deux Comités la pétition qui vous est faite. FOUCHE : J’insiste sur la proposition que j’ai faite, sauf le renvoi proposé par le préopinant. MERLIN (de Thion ville) : J’appuie la proposition de notre collègue Fouché. Dans le long temps que j’ai passé à la Vendée, c’est dans le sein de la Société populaire de Nantes que j’ai trouvé le patriotisme qui étoit chassé des grandes boutiques et de chez les armateurs. C’est là que je trouvois ceux qui venoient avec nous recueillir les bleds et les bestiaux que nous conquérions sur les brigands, mais il faut en convenir, ceux qui tenoient de trop près au commerce ne faisoient rien pour la République. J’appuie donc la proposition de Fouché, parce que la Société populaire de Nantes compose la grande masse des citoyens de Nantes, et que le petit nombre est de ceux contre qui l’on peut former des plaintes. FOUCHE : Voici ma rédaction : La Convention nationale décrète que les saus-culottes de Nantes n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie (1) . Décrété comme suit, au milieu des applaudissements : « La Convention nationale, sur la motion d’un membre [FOUCHE, appuyée par MERLIN] décrète que les sans-culottes de la commune de (1) Débats, n° 602, p. 342; Mon., XX, 473; J. Sablier, n° 1318; M.U., XXXIX, 412. Nantes n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie. Elle ordonne la mention honorable de la nouvelle oblation qui lui est offerte en leur nom, d’une frégate de 44 canons, et de 18 cavaliers jacobins. Elle renvoie le surplus de leur pétition aux Comités de salut public et de sûreté générale » (1) . 23 « La Société populaire d’Emile (2) , disent ses » députés, vient vous offrir sa reconnoissance » pour la justice sévère que vous déployez con-» tre les ennemis du peuple, et pour la justice » magnanime qui vous fait décerner des récom-» penses à ses amis : vous avez puni les traîtres; » mais vous avez ordonné la translation de '» Jean-Jacques dans le temple des grands » hommes. Elle demande que ses cendres vien-» nent se reposer, lors de leur translation, dans » le même lieu où il a médité et écrit pour la » régénération des sociétés et des mœurs » (3) . Un PETITIONNAIRE parlant de la barre: Représentans du peuple, La Société populaire d’Emile vous témoigne sa reconnaissance, et pour la justice sévère que vous avez déployée et que vous déployez tous les jours contre les ennemis du peuple, et pour la justice magnanime qui vous fait décerner des récompenses à ses amis; vous avez puni les traîtres mais vous avez ordonné la translation de Jean Jacques dans le temple des grands hommes. C’était à vous à appeler les récompenses de la justice sur le mérite, sur la vertu; vous qui avez mis la justice et la probité à l’ordre du jour. Jadis, l’Assemblée Constituante, sur la demande de la commune d’Emile, ordonna que Jean Jacques serait mis sur la liste des grands hommes; mais alors la représentation nationale vendue au royalisme, n’accordait qu’à regret les honneurs du Panthéon aux ennemis des rois, aux amis du peuple et de la République, différait ces honneurs pour les voir annuler par le triomphe du despotisme; alors on admettait au Panthéon des hommes qu’il fallait conduire à l’échafaud; alors les vertus d’un grand homme étaient la propriété d’un individu; et il n’était pas permis à la nation de placer dans le temple de ses bienfaiteurs celui qui n’avait pensé et écrit que pour le bonheur des hommes. Ces temps ne sont plus. Le peuple par ses victoires sur le despotisme a recouvré ses droits sur tout ce qui a servi à la conquête de sa souveraineté. (1) P.V., XXXVII, 210. Minute anonyme, C 301, pl. 1073, p. 27. Décret n° 9157. Reproduit dans Bin, 25 flor. et 26 flor. (suppl4); mention dans J. Matin, n° 693; Audit, nat., n° 599; C. Eg., n° 635; Rép., n° 146; J. Sans-Culottes, n° 454; Ann. patr., n° 499; J. Paris, n° 500; Ann. R.F., n° 167; Feuille Rép., n° 316; J. Perlet, n° 600; J. Mont., n° 19; Mess, soir, n° 635. (2) Cidevant Montmorency, Seine-et-Oise, auj. Val-d’Oise. (3) P.V., XXXVII, 210. Débats, n° 602, p. 345; J. Matin, n° 693; J. Sablier, n° 1318; Mon., XX, 474; Mess, soir, n° 635.