288 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 avril 1790.] jusqu’à ce que l’on ait rendu compte de ce mémoire à l’Assemblée. M. Ktoederer. M. de Marguerittes n'expose aucun motif; l’Assemblée ne peut accueillir sa demande, et doit même désapprouver toutes celles du même genre. M. Befermora. Je propose de décréter que tout député soit censé avoir donné sa démission, et qu’à la demande de son collègue, son suppléant puisse être admis après quinze jours d’absence sans congé, ou quinze jours d’absence au delà du terme du congé. M. Voidel. Je regarde le rappel de tous les députés comme important beaucoup au salut de l’Etat ; il en est qui sont absents depuis quatre à cinq mois; il en est même qui sont domiciliés à Paris, et qui, depuissix mois,n’ontpasassistéàune seule séance. (Plusieurs personnes nomment M.Ber-gasse.) Je fais la motion de décréter que tous ceux qui, le 15 du mois de mai prochain, nerépondront pas à l’appel nominal qui sera fait, soient exclus. On a dit que nous donnions la liberté, et que nous ne devions pas être esclaves; nous devons être esclaves s’il le faut, afin que les autres soient libres! M. Lncag. Je voulais présenter celte motion qu’on vient d’exprimer beaucoup mieux que je ne l’aurais fait : je me bornerai à ajouter que des députés domiciliés à Paris, non seulement ne se rendent pas à leur devoir, mais encore y manquent de la manière la plus formelle en devenant les destructeurs de l’Assemblée. Je dénonce notamment M. Bergasse, auteur d’une libelle intitulé Protestation contre un décret portant création d'assignats , et je demande que tous députés coupables d’un semblable délit soient déclarés infidèles à leurs devoirs, à leur serment et traîtres à la patrie (1). • Un membre propose de mander M. Bergasse à la barre. M. Popwlus. M. Bergasse n’est pas convaincu; il ne peut l’être que sur un compte rendu à l’Assemblée. Je demande que la protestation qu’on ‘ dit être de M. Bergasse soit renvoyée au comité des rapports. M. de Saint-SIarlin. On trouve à la suite de cette protestation une lettre adressée à M. le président; si M. le président l’a reçue, il sera certain que l’ouvrage dont il s’agit est de M. Bergasse. Je demande à M. le président si cette lettre lui a été envoyée. Plusieurs membres du côté droit disent que le président ne doit répondre qu’à l’Assemblée. M. «le Saint-Martin. Je fais cette demande au nom de l’Assemblée, qui paraît ne pas la désapprouver. (Une grande partie de l’Assemblée se lève.) M. le Présideras demande qu’on fasse lecture de cette lettre. — On la lit. M. le Présiderai. J’ai reçu cette lettre. M. Bergasse demandait que je remisse sa protestation (1) Voy. le mémoire de M. Bergasse, Archives parlementaires, tome X, p. 6S1. sur le bureau. Je lui ai répondu à peu près en ces termes : « M. de Bonnay a reçu la lettre et l’ouvrage que M. Bergasse a envoyés au président de l’Assemblée nationale : en cette dernière qualité, il n’a pas cru devoir faire usage d’une protestation contre un décret déjà rendu. S’il l’avait reçue auparavant, il aurait fait part à l’Assemblée des observations d’un membre qui, par ses lumières, a le plus de droit à l’éclairer. » M. Chabiroml. J’ai l’honneur d’observer que nous ne devons pas nous occuper plus longtemps de cet objet. Le fait dénoncé à l’Assemblée mérite plutôt une consultation de médecin et une délibération de parents. (On demande à passer à l’ordre du jour.) M. Bourdon , curé d'Evaüx. Personne plus que moi ne paie au détracteur de l’Assemblée le tribut qu’il mérite; je crois que nous devons ensevelir dans l’oubli et les protestations et le nom de leur auteur. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Rœdercr, secrétaire , lit la note de différentes proclamations et lettres patentes expédiées en parchemin, et adressées par M. le garde des sceaux pour être déposées aux archives de l’Assemblée nationale. Suit la teneur de cette note r « 1° D’une proclamation sur le décret du 22 mars, concernant le payement des débets qui peuvent avoir lieu sur les droits d’aides et autres y réunis; le payement des droits qui ne sont point supprimés ; le rétablissement des barrières et les impositions arriérées ; « 2° D’une proclamation sur le décret du 27, qui ordonne que la ville et le port de Lorient rentreront, quant aux droits de traite, au même état où ils étaient avant l’arrêt du 14 mai 1784; « 3° De lettres patentes sur le décret du 10 de ce mois, qui autorise la ville de Castelnaudary à faire un emprunt de 40,000 livres; « 4° De lettres patentes sur le décret dudit jour, contenant la même autorisation en faveur des officiers municipaux de la ville de Caraman, pour une somme de 2,000 livres; « 5° De lettres patentes sur le décret dudit jour, contenant la même autorisation en faveur de la ville de Moutech, pour une somme de 6,000 livres; « 6° De lettres patentes sur le décret dudit jour, contenant la même autorisation en faveur de la municipalité de l’Ue-Bouin, pour une somme de 20,000 livres ; « 7° De lettres patentes sur le décret dudit jour, qui autorise pareillement la villa de Saint-Sever à faire un emprunt de 15,000 livres ; « 8° De lettres patentes sur le décret dudit jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Lille à faire un emprunt de 300,000 livres ; « 9° De lettres patentes sur le décret dudit jour, qui autorise les prévôt, échevins et officiers municipaux de la ville de Lyon à renouveler l’emprunt de 400,000 livres échu au 1er janvier 1790, et à faire un emprunt de 600,000 livres ; « 10° De lettres patentes sur le décret dudit jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Goulommiers à employer les deniers libres de la commune, et par suite ceux des citoyens dont ils feront des emprunts, à l’achat de 6,000 boisseaux de blé ; « 11° De lettres patentes sur le décret dudit (Assemblée naüonale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (25 avril 1790.] 289 jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Revel à imposer, pour l’année présente, et pour les causes y énoncées, une seconde capitation sur tous les contribuables qui payent 4 livres et au-dessus ; « 12° Enfin, de lettres patentes sur le décret dudit jour, qui enjoint au trésorier de la province de Languedoc de payer aux officiers municipaux de Gastel-Sarrazin la somme de 1,600 livres, provenant des dons du roi. » Paris , ce 24 avril 1790. M. Anson. Vous avez rendu, le 22 mars dernier, un décret par lequel vous avez ordonné que les dons patriotiques seraient employés à payer les rentes de l’Hôtel-de-Ville de 50 livres et au-dessous. D’après le compte particulier que les trésoriers des dons patriotiques se sont fait rendre, ils ont reconnu qu’on peut payer les rentes de 100 livres : en conséquence, ils vous proposent le projet de décret suivant : « L’Àssemnlée nationale, sur le compte qui vient de lui être rendu par les trésoriers des dons patriotiques, a décrété et décrète que ces trésoriers remettront aux payeurs des rentes les sommes nécessaires pour acquitter les rentes de 100 livres et au-dessous, en se conformant d’ailleurs au décret du 22 mars, tant sur la quotité de l’imposition à justifier par les rentiers que sur ce qui a rapport à la comptabilité des payeurs de rentes. » (Ge projet de décret est adopté.) M. Anson, l'un des commissaires-inspecteurs des bureaux , fait un second rapport relatif aux dépenses des bureaux et des comités de l’Assemblée. Les frais se multiplient tous les jours, le nombre des commis s’élève à plus de cent et les inspecteurs ne croient pas pouvoir approuver de nouvelles dépenses sans de nouveaux pouvoirs de l’Assemblée : en ce moment le comité de mendicité demande une addition de dix autres commis, mais il émet la prétention de les nommer lui-même. Les inspecteurs des bureaux proposent pour les nominations à faire à l’avenir : 1“ de donner la préférence à des pères de famille qui ont été privés de leurs emplois par suite des événements; 2° de fournir les dix nouveaux commis demandés par le comité de mendicité, pourvu que l’Assemblée y consente. M. Thibault, curé de Souppes, pose ainsi la question : Seront-ce les inspecteurs des bureaux ou seront-ce les comités qui feront les nominations des commis ? M. le marquis d’Ainbly dit qu’en créant des inspecteurs des bureaux on a créé une nouvelle aristocratie qu’il faudra détruire avant peu sous peine de la rendre omnipotente. L’Assemblée, consultée, décide que le choix et la nomination des commis sont attribués aux inspecteurs des bureaux qui seront tenus de se concerter pour cela avec les différents comités de l’Assemblée; que la préférence sera toujours accordée aux pères de famille qui se trouvent, par suite de la Révolution, privés de leurs places et emplois ; qu’il sera fourni au comité de mendicité et aux autres comités le nombre de commis qui pourra être nécessaire pour accélérer les travaux. M. le Président propose à l’Assemblée de lw SÉRIE. T. XV. régler son ordre du jour de demain, afin d’éviter la perte de temps qu’occasionnerait une discussion sur la matière qui aurait la priorité. Il est décidé que la discussion relativeaux droits féodaux sera continuée, avant de passer à celle sur l’ordre judiciaire. M. le Président annonce ensuite que deux objets sont à l’ordre du jour : 1° l'indemnité à accorder aux maîtres de poste ; 2° le décret concernant la procédure des conseils de guerre. L’Assemblée donne la priorité au premier objet. M. le duc de Biron, rapporteur, rappelle que le rapport fait le 20 avril, sur les réclamations des maîtres de poste a été imprimé et distribué. Il se borne, en conséquence, à donner lecture du projet de décret du comité des finances. M. l*e Chapelier appuie le décret en peu de mots sur la nécessité de ne pas laisser en souffrance un service aussi important que celui des maîtres de poste. M. l’abbé Gouttes, tout en reconnaissant la nécessité d’indemniser les maîtres de poste, prétend que cette indemnité doit être proportionnée à la nature de leur service, et qu’elle doit être moins forte pour ceux qui desservent les routes du royaume les moins fréquentées. M. l’abbé Colaud de la Saleette demande que la loi ne soit que provisoire. M. Ce Chapelier fait remarquer qu’il est inutile de dire qu’une loi est provisoire, attendu que les législatures ont toujours le droit de faire des lois nouvelles et d’abroger les anciennes. M. de Bousmard propose de dire, par amendement : 1° que l’indemnité de 30 livres par cheval ne sera accordée que dans les parties du royaume où les maîtres de poste jouissaient de privilèges ou de gratifications; 2° que cette indemnité ne sera accordée qu’à dater du jour de la cessation des privilèges; 3° qu’au moyen de cette indemnité, tous les privilèges des maîtres de poste, qui gênaient les voyageurs, seront abolis ; 4° que l’indemnité proposée ne sera accordée que dans le cas où elle n’excéderait pas la valeur du privilège aboli; 5° que la quotité de l’indemnité sera renvoyée aux assemblées de département qui pourront juger plus sainement des besoins de la localité sans qu’elles puissent dépasser 30 livres par cheval. M. le duc de Biron, rapporteur, répond que les maîtres de poste qui ne jouissaient d’aucun privilège avaient tous une gratification en argent, que tel maître de poste ne s’abstenait de jouir de toute l’étendue de son privilège que parce qu’il n’était pas assez riche pour cultiver les cent arpents dont l’exemption de taille lui était accordée ; enfin que le contrôleur général de finances avait promis plusieurs plans sur cette partie et que l’Assemblée pourrait toujours, par la suite, se déterminer à adopter celui qui paraîtrait le plus convenable. M. Bouche propose un article additionnel ainsi conçu : « Au moyen de tout ce que dessus, les indemnités et gratifications accordées aux maîtres de poste par le gouvernement, les provinces et les villes, demeureront supprimées. » 19