152 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE dante à obtenir la réforme d’un jugement rendu le 10 avril 1793, en ce qu’il admet à à l’exercice d’une espèce de retrait qui doit être anéanti par les décrets, et à ce que la Convention nationale veuille bien expliquer si les lois qui suppriment les retraits lignagers, de demi-deniers, féodal, censuel et autres, comprennent aussi dans leur suppression le retrait de convenance ou successoral; » Considérant que d’après les décrets rendus jusqu’ici sur cette matière, il ne peut plus exister aucune des espèces de retraits introduits par les anciennes lois, coutumes ou usages locaux; que la Convention s’est suffisamment expliquée à cet égard par ses décrets des 2 et 30 septembre dernier (vieux style), déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer; » Considérant néanmoins que le tribunal du district de Breteuil a rendu le 10 avril 1793 un jugement qui admet des héritiers à l’exercice du droit de retrait successoral, déclare la disposition de ce jugement nulle et comme non-avenue » (1). 11 Sur la proposition d’un membre, et au nom du Comité des secours publics, la Convention rend le décret suivant : Art. I. — Sur la présentation du présent décret, il sera payé, par la trésorerie nationale, à titre de secours, à la citoyenne Angélique Onaré, la somme de trois cents livres. Art. II. — Indépendamment de ce secours, la pétition de ladite citoyenne, ainsi que les pièces y annexées seront envoyées au Comité de liquidation, pour déterminer la pension à laquelle elle est dans le cas de prétendre. Art. III. — Le présent décret ne sera point imprimé, mais il sera inséré au bulletin de correspondance » (2). 12 OUDOT, au nom du Comité de législation : Citoyens, la loi du 20 septembre 1792 exige que les actes préliminaires du mariage des mineurs qui n’ont pas de parents, ou qui n’en ont pas au moins cinq dans le district où ils se marient, soient faits en présence du procureur de la commune. Malgré cette disposition impérative, il existe actuellement dans les registres de l’état civil de Paris plusieurs actes de ce genre qui ne sont pas revêtus de la signature de l’agent national de cette commune ou de celle de ses substituts. Chaumette et ses coopérateurs s’occupaient on ne peut pas moins des fonctions qui leur étaient confiées par la loi; ils étaient tout entiers à (1) P.V., XXXVII, 52. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1071, p. 4). Décret n° 9052. (2) P.V., XXXVII, 53. Minute de la main de Col-lombel (C 301, pl. 1071, p. 5). Décret n° 9053. Reproduit dans Bin, 20 flor. (suppl‘). l’intrigue, et les manœuvres coupables qu’ils tramaient contre la République absorbaient tous leurs moments. Il est absolument nécessaire de réparer la négligence de ces fonctionnaires publics, qui ont subi la peine qu’ils avaient méritée. Cette négligence rend irréguliers des actes importants, et l’état des citoyens serait compromis si vous n’autorisiez pas l’agent national actuel de la commune de Paris à apposer sa signature à ces actes, et si vous ne déclariez pas que cette signature suppléera, pour leur validité, à celle des fonctionnaires qui étaient en place lorsqu’ils ont été reçus. Il est d’autant plus essentiel de remédier à cette irrégularité que la loi prononce la nullité des mariages qui n’auront pas été précédés des formes qu’elle indique dans ces circonstances (1) . Un membre [OUDOT] propose au nom du Comité de législation, et la Convention rend le décret suivant : « La Convention nationale après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la lettre de l’agent national de la commune de Paris, qui porte qu’il y a dans les registres de l’état civil des citoyens de cette commune plusieurs actes préliminaires des mariages de mineurs, qui, devant être faits en présence du procureur de la commune, et revêtus de sa signature, ne se trouvent cependant point signées par le précédent agent national de cette commune ni par ses substituts, et qu’il est indispensable de réparer cette irrégularité; » Décrète que le plus ancien des officiers municipaux qui étoient en fonction à l’époque où ces actes ont été reçus est autorisé à y apposer sa signature, et que cette signature tiendra lieu de celle qui auroit dû y être mise par le précédent agent national. » Le présent décret ne sera pas imprimé» (2). 13 OUDOT dorme lecture d’une pétition de Jean-François Rosoy : Les délits ne sont reconnus tels, que lorsque les preuves les plus claires les démontrent; un délit caractérisé est suivi de la peine infligée par la loi, qui la prononce; un délit est une action commise, soit à dessein de nuire, soit pour satisfaire sa cupidité, soit par un intérêt quelconque : si l’un de ces trois ridicules ne se rencontre point dans une accusation portée contre un individu, il ne peut exister aucun délit; ce sont des maximes invariables que les juges ne doivent jamais perdre de vue dans leurs décisions. Examinons si le jugement rendu par le Tribunal criminel du département de l’Oise (D Mon., XX, 417. (2) P.V., XXXVR, 54. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1071, p. 6). Décret n° 9054. Reproduit dans Débats, n° 596, p. 265; Feuille Rép., n° 310; M.U., XXXIX, 325; mention dans J. Sablier, n° 1306; J. Fr., n° 592. 152 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE dante à obtenir la réforme d’un jugement rendu le 10 avril 1793, en ce qu’il admet à à l’exercice d’une espèce de retrait qui doit être anéanti par les décrets, et à ce que la Convention nationale veuille bien expliquer si les lois qui suppriment les retraits lignagers, de demi-deniers, féodal, censuel et autres, comprennent aussi dans leur suppression le retrait de convenance ou successoral; » Considérant que d’après les décrets rendus jusqu’ici sur cette matière, il ne peut plus exister aucune des espèces de retraits introduits par les anciennes lois, coutumes ou usages locaux; que la Convention s’est suffisamment expliquée à cet égard par ses décrets des 2 et 30 septembre dernier (vieux style), déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer; » Considérant néanmoins que le tribunal du district de Breteuil a rendu le 10 avril 1793 un jugement qui admet des héritiers à l’exercice du droit de retrait successoral, déclare la disposition de ce jugement nulle et comme non-avenue » (1). 11 Sur la proposition d’un membre, et au nom du Comité des secours publics, la Convention rend le décret suivant : Art. I. — Sur la présentation du présent décret, il sera payé, par la trésorerie nationale, à titre de secours, à la citoyenne Angélique Onaré, la somme de trois cents livres. Art. II. — Indépendamment de ce secours, la pétition de ladite citoyenne, ainsi que les pièces y annexées seront envoyées au Comité de liquidation, pour déterminer la pension à laquelle elle est dans le cas de prétendre. Art. III. — Le présent décret ne sera point imprimé, mais il sera inséré au bulletin de correspondance » (2). 12 OUDOT, au nom du Comité de législation : Citoyens, la loi du 20 septembre 1792 exige que les actes préliminaires du mariage des mineurs qui n’ont pas de parents, ou qui n’en ont pas au moins cinq dans le district où ils se marient, soient faits en présence du procureur de la commune. Malgré cette disposition impérative, il existe actuellement dans les registres de l’état civil de Paris plusieurs actes de ce genre qui ne sont pas revêtus de la signature de l’agent national de cette commune ou de celle de ses substituts. Chaumette et ses coopérateurs s’occupaient on ne peut pas moins des fonctions qui leur étaient confiées par la loi; ils étaient tout entiers à (1) P.V., XXXVII, 52. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1071, p. 4). Décret n° 9052. (2) P.V., XXXVII, 53. Minute de la main de Col-lombel (C 301, pl. 1071, p. 5). Décret n° 9053. Reproduit dans Bin, 20 flor. (suppl‘). l’intrigue, et les manœuvres coupables qu’ils tramaient contre la République absorbaient tous leurs moments. Il est absolument nécessaire de réparer la négligence de ces fonctionnaires publics, qui ont subi la peine qu’ils avaient méritée. Cette négligence rend irréguliers des actes importants, et l’état des citoyens serait compromis si vous n’autorisiez pas l’agent national actuel de la commune de Paris à apposer sa signature à ces actes, et si vous ne déclariez pas que cette signature suppléera, pour leur validité, à celle des fonctionnaires qui étaient en place lorsqu’ils ont été reçus. Il est d’autant plus essentiel de remédier à cette irrégularité que la loi prononce la nullité des mariages qui n’auront pas été précédés des formes qu’elle indique dans ces circonstances (1) . Un membre [OUDOT] propose au nom du Comité de législation, et la Convention rend le décret suivant : « La Convention nationale après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la lettre de l’agent national de la commune de Paris, qui porte qu’il y a dans les registres de l’état civil des citoyens de cette commune plusieurs actes préliminaires des mariages de mineurs, qui, devant être faits en présence du procureur de la commune, et revêtus de sa signature, ne se trouvent cependant point signées par le précédent agent national de cette commune ni par ses substituts, et qu’il est indispensable de réparer cette irrégularité; » Décrète que le plus ancien des officiers municipaux qui étoient en fonction à l’époque où ces actes ont été reçus est autorisé à y apposer sa signature, et que cette signature tiendra lieu de celle qui auroit dû y être mise par le précédent agent national. » Le présent décret ne sera pas imprimé» (2). 13 OUDOT dorme lecture d’une pétition de Jean-François Rosoy : Les délits ne sont reconnus tels, que lorsque les preuves les plus claires les démontrent; un délit caractérisé est suivi de la peine infligée par la loi, qui la prononce; un délit est une action commise, soit à dessein de nuire, soit pour satisfaire sa cupidité, soit par un intérêt quelconque : si l’un de ces trois ridicules ne se rencontre point dans une accusation portée contre un individu, il ne peut exister aucun délit; ce sont des maximes invariables que les juges ne doivent jamais perdre de vue dans leurs décisions. Examinons si le jugement rendu par le Tribunal criminel du département de l’Oise (D Mon., XX, 417. (2) P.V., XXXVR, 54. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1071, p. 6). Décret n° 9054. Reproduit dans Débats, n° 596, p. 265; Feuille Rép., n° 310; M.U., XXXIX, 325; mention dans J. Sablier, n° 1306; J. Fr., n° 592. SÉANCE DU 19 FLORÉAL AN II (8 MAI 1794) - N° 13 153 contre le citoyen Rosoy qui s’en plaint, est appuyé sur ces principes, et sur les règles de l’équité; Rosoy soutient la négative et présente au Tribunal de cassation les moyens les plus invincibles de son innocence et de l’injustice de sa condamnation. Les faits dont nous allons rendre compte, nous conduiront à la conviction de cette vérité. FAITS Depuis 15 ans ou environ, Rosoy est concierge de la Prison de Compiègne, dans cet espace de temps, les changemens arrivés ont procuré à Rosoy différens devoirs à remplir; il a été nommé Sergent de Ville; il a monté sa garde Nationale, et n’a mérité dans les emplois qu’on lui a confié, aucun reproche de la part de ses supérieurs; son patriotisme a été publiquement reconnu pur et sincère, il a souvent donné des preuves de son zèle à servir la République; il a dernièrement découvert par adresse des fabri-cateurs de faux passe-port et certificat; il a employé tout son avoir pour fournir aux prisonniers de meilleur pain qu’on ne leur en li-vroit; il a sacrifié ses enfans à la défense de la Patrie; sa femme a été assassinée par un prisonnier qui vouloit s’évader, elle a été tré-pânée; et cette maladie a coûté non seulement plus de cent louis, mais encore sa santé en est pour toujours altérée. Ce n’est que dans ce nouvel ordre de choses que Rosoy n’a pû se concilier l’estime des corps constitués de Compiègne, auxquels il a demandé l’exécution des Loix relatives aux prisons, et le payement de ses avances et appointemens, il a été forcé d’adresser ses doléances à diverses reprises, soit à la Convention nationale, soit aux ministres; cette conduite, dictée par les Loix, a sans doute déplu à certains membres des municipalité et district, et l’on s’est empressé de saisir une occasion qu’on a cru favorable au ressentiment des ennemis de cet infortuné. Dans la nuit du 7 au 8 Frimaire, deux prisonniers se sont évadés, et il en a été dressé par la gendarmerie et les officiers municipaux procès-verbaux, qui constatent que ce fut à l’aide d’un lit de sangle et d’un drap qu’ils sont sortis par-dessus un toit de commodités, par une porte de la caserne des gendarmes. Quelques jours après, le Comité de surveillance, on ne sçait sur quelle dénonciation, fit arrêter et écrouer le concierge, comme prévenu d’avoir laissé évader ces prisonniers; le 13 du même mois, le juge, directeur du juré d’accusation, confirma ce mandat d’arrêt. Le 17, le commissaire des prisons, et le procureur de la commune [agent national], ont rédigé un procès-verbal qui porte, d’après une épreuve faite, que les trois barres de fer qui traversent le guichet de la porte du cachot où étoient renfermés les nommés Mercier et Moreau, prisonniers sauvés, étoient distanciés de manière à pouvoir passer à travers le bras, et par l’enfermé ouvrir facilement la serrure avec une clef. Le 21, les jurés d’accusation sur l’interrogatoire de Rosy, qui avoit déclaré qu’il n’y avoit de sa part ni défaut de surveillance, ni négligence dans l’invasion (sic) des prisonniers, que depuis qu’il étoit gardien de cette maison, il n’ avoit cessé de réclamer auprès de toutes les autorités constituées, pour la rendre plus sûre et plus solide sans pouvoir rien obtenir, et qu’il ne s’étoit apperçu que depuis l’épreuve, qu’on pouvoit ouvrir la porte du cachot en question, avec une fausse clef, ont néanmoins prononcé qu’il y avoit lieu à accusation contre Rosoy. Le 25, le Directeur des jurés a ordonné que le concierge seroit transféré de la maison d’arrêt de Compiègne en la maison de justice du Tribunal criminel du département de l’Oise, séant à Beauvais. Le procès instruit au Tribunal criminel, l’on a vu que les déclarations des témoins entendus, n’étoient point contraires aux faits articulés par l’accusé, et n’annonçoient aucun délit de sa part; cependant le jugement a été rendu, et a condamné ce dernier à deux ans de détention. C’est de ce jugement que Rosoy a interjetté appel au Tribunal de cassation. MOYENS Les lois sont la base de la constitution nationale, elles sont la sauvegarde des innocens, et la terreur des coupables. Le jugement dont cet appel est, dit-on, motivé sur le décret du 13 Brumaire, qui prononce la peine de mort contre les geôliers et gardiens, convaincus d’avoir favorisé l’évasion des personnes détenues; ce motif pouvoit-il être employé par le Tribunal criminel du département de l’Oise, sans avoir examiné si le décret étoit connu de l’accusé, ou au moins s’il étoit censé l’avoir connu par une promulgation régulière et publique, conséquemment légale; sans ce préalable le motif est aussi injuste que déplacé. Rosoy offre de prouver que le décret cité, n’a reçu aucune publicité soit par le bat du tambour, soit par l’affiche à la maison d’arrêt, soit même sur le bulletin. Le registre du greffe du Tribunal de district de Compiègne justifie que cette loi n’y a été inscrite que postérieurement à l’évasion des prisonniers Mercier et Moreau. D’après ces preuves que le rapport des procès-verbaux de publication et d’affiches de cette loi, et l’enregistrement au greffe du Tribunal sont seuls en état de fournir, preuves écrites et à l’abri de toute critique, les juges dont est appel abandonneront le motif de leur décision, et conviendront que l’accusé n’étoit point astraint à exécuter une loi qu’il méconnoissoit et ne pouvoit connoître, donc le défaut de promulgation rendant le motif vicieux, rend en même-temps le jugement vicieux et irrégulier. Allons plus loin, supposons pour un instant que la loi sus-exprimée eût reçu toute la publicité prescrite pour son exécution, l’accusé demande si dans le procès contre lui intenté, on trouve la preuve certaine qu’il ait favorisé l’évasion dont il s’agit, sans cette preuve claire et démontrée telle, le décret ne lui inflige aucune peine, c’est la peine de mort que le décret impose à la faveur accordée aux prisonniers pour s’évader, il ne suffit pas d’alléguer cette faveur et d’en accuser le concierge, la loi exige impérieusement qu’il en soit convaincu, c’est cette conviction qui ne laisse à l’accusé aucun espoir de grâce et de commutation de peine, la mort est prononcée, la mort doit suivre, SÉANCE DU 19 FLORÉAL AN II (8 MAI 1794) - N° 13 153 contre le citoyen Rosoy qui s’en plaint, est appuyé sur ces principes, et sur les règles de l’équité; Rosoy soutient la négative et présente au Tribunal de cassation les moyens les plus invincibles de son innocence et de l’injustice de sa condamnation. Les faits dont nous allons rendre compte, nous conduiront à la conviction de cette vérité. FAITS Depuis 15 ans ou environ, Rosoy est concierge de la Prison de Compiègne, dans cet espace de temps, les changemens arrivés ont procuré à Rosoy différens devoirs à remplir; il a été nommé Sergent de Ville; il a monté sa garde Nationale, et n’a mérité dans les emplois qu’on lui a confié, aucun reproche de la part de ses supérieurs; son patriotisme a été publiquement reconnu pur et sincère, il a souvent donné des preuves de son zèle à servir la République; il a dernièrement découvert par adresse des fabri-cateurs de faux passe-port et certificat; il a employé tout son avoir pour fournir aux prisonniers de meilleur pain qu’on ne leur en li-vroit; il a sacrifié ses enfans à la défense de la Patrie; sa femme a été assassinée par un prisonnier qui vouloit s’évader, elle a été tré-pânée; et cette maladie a coûté non seulement plus de cent louis, mais encore sa santé en est pour toujours altérée. Ce n’est que dans ce nouvel ordre de choses que Rosoy n’a pû se concilier l’estime des corps constitués de Compiègne, auxquels il a demandé l’exécution des Loix relatives aux prisons, et le payement de ses avances et appointemens, il a été forcé d’adresser ses doléances à diverses reprises, soit à la Convention nationale, soit aux ministres; cette conduite, dictée par les Loix, a sans doute déplu à certains membres des municipalité et district, et l’on s’est empressé de saisir une occasion qu’on a cru favorable au ressentiment des ennemis de cet infortuné. Dans la nuit du 7 au 8 Frimaire, deux prisonniers se sont évadés, et il en a été dressé par la gendarmerie et les officiers municipaux procès-verbaux, qui constatent que ce fut à l’aide d’un lit de sangle et d’un drap qu’ils sont sortis par-dessus un toit de commodités, par une porte de la caserne des gendarmes. Quelques jours après, le Comité de surveillance, on ne sçait sur quelle dénonciation, fit arrêter et écrouer le concierge, comme prévenu d’avoir laissé évader ces prisonniers; le 13 du même mois, le juge, directeur du juré d’accusation, confirma ce mandat d’arrêt. Le 17, le commissaire des prisons, et le procureur de la commune [agent national], ont rédigé un procès-verbal qui porte, d’après une épreuve faite, que les trois barres de fer qui traversent le guichet de la porte du cachot où étoient renfermés les nommés Mercier et Moreau, prisonniers sauvés, étoient distanciés de manière à pouvoir passer à travers le bras, et par l’enfermé ouvrir facilement la serrure avec une clef. Le 21, les jurés d’accusation sur l’interrogatoire de Rosy, qui avoit déclaré qu’il n’y avoit de sa part ni défaut de surveillance, ni négligence dans l’invasion (sic) des prisonniers, que depuis qu’il étoit gardien de cette maison, il n’ avoit cessé de réclamer auprès de toutes les autorités constituées, pour la rendre plus sûre et plus solide sans pouvoir rien obtenir, et qu’il ne s’étoit apperçu que depuis l’épreuve, qu’on pouvoit ouvrir la porte du cachot en question, avec une fausse clef, ont néanmoins prononcé qu’il y avoit lieu à accusation contre Rosoy. Le 25, le Directeur des jurés a ordonné que le concierge seroit transféré de la maison d’arrêt de Compiègne en la maison de justice du Tribunal criminel du département de l’Oise, séant à Beauvais. Le procès instruit au Tribunal criminel, l’on a vu que les déclarations des témoins entendus, n’étoient point contraires aux faits articulés par l’accusé, et n’annonçoient aucun délit de sa part; cependant le jugement a été rendu, et a condamné ce dernier à deux ans de détention. C’est de ce jugement que Rosoy a interjetté appel au Tribunal de cassation. MOYENS Les lois sont la base de la constitution nationale, elles sont la sauvegarde des innocens, et la terreur des coupables. Le jugement dont cet appel est, dit-on, motivé sur le décret du 13 Brumaire, qui prononce la peine de mort contre les geôliers et gardiens, convaincus d’avoir favorisé l’évasion des personnes détenues; ce motif pouvoit-il être employé par le Tribunal criminel du département de l’Oise, sans avoir examiné si le décret étoit connu de l’accusé, ou au moins s’il étoit censé l’avoir connu par une promulgation régulière et publique, conséquemment légale; sans ce préalable le motif est aussi injuste que déplacé. Rosoy offre de prouver que le décret cité, n’a reçu aucune publicité soit par le bat du tambour, soit par l’affiche à la maison d’arrêt, soit même sur le bulletin. Le registre du greffe du Tribunal de district de Compiègne justifie que cette loi n’y a été inscrite que postérieurement à l’évasion des prisonniers Mercier et Moreau. D’après ces preuves que le rapport des procès-verbaux de publication et d’affiches de cette loi, et l’enregistrement au greffe du Tribunal sont seuls en état de fournir, preuves écrites et à l’abri de toute critique, les juges dont est appel abandonneront le motif de leur décision, et conviendront que l’accusé n’étoit point astraint à exécuter une loi qu’il méconnoissoit et ne pouvoit connoître, donc le défaut de promulgation rendant le motif vicieux, rend en même-temps le jugement vicieux et irrégulier. Allons plus loin, supposons pour un instant que la loi sus-exprimée eût reçu toute la publicité prescrite pour son exécution, l’accusé demande si dans le procès contre lui intenté, on trouve la preuve certaine qu’il ait favorisé l’évasion dont il s’agit, sans cette preuve claire et démontrée telle, le décret ne lui inflige aucune peine, c’est la peine de mort que le décret impose à la faveur accordée aux prisonniers pour s’évader, il ne suffit pas d’alléguer cette faveur et d’en accuser le concierge, la loi exige impérieusement qu’il en soit convaincu, c’est cette conviction qui ne laisse à l’accusé aucun espoir de grâce et de commutation de peine, la mort est prononcée, la mort doit suivre, 154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE point d’alternative, les juges n’ont pas le droit de changer la loi, de l’interpréter et d’adoucir la peine y portée; si l’accusé est convaincu d’être réfractaire à la loi, la punition prescrite doit-être prononcée : si au contraire l’accusé n’est point convaincu de délit inséré au décret, les juges loin de prononcer aucune peine, doivent l’acquitter de son accusation. Or, il n’existe dans le procès aucune preuve de connivence, aucune preuve de faveur, aucune preuve d’intérêt, aucune preuve de négligence de la part du concierge lors de l’évasion des prisonniers Moreau et Mercier. Par une conséquence naturelle, le décret qui semble avoir autorisé le jugement attaqué, devoit au contraire s’opposer à ce qu’il fut rendu. Mettons sous les yeux du Tribunal de cassation et de tous nos lecteurs, la conduite tenue par l’accusé depuis plusieurs années, et notamment depuis deux ans. La maison d’arrêt de Compiègne est en si mauvais état qu’en 1792, on procéda à sa visite, l’architecte rédigea un procès-verbal, contenant l’estimation des réparations et constructions nécessaire pour rendre cette prison sûre et saine, le devis en fût fait, le décret du 21 janvier 1793 (vieux style), vient à l’appui; l’article 4 est ainsi conçu : il est enjoint aux Corps administratifs et Municipaux, de veiller à l’exécution des Loix concernant les maisons de justice, d’arrêt et de correction, et à les faire disposer de manière à les rendre sûres et saines. Les District et Municipalité de Compiègne ont été journellement importunés par le concierge, pour parvenir à l’exécution de ces lois, et du plan dressé à cet effet par leurs ordres; ses observations et ses invitations, quelques fondées qu’elles étoient, ont été inutiles, l’évasion de deux prisonniers enchaînés, arrivés le 14 février 1793 (vieux style) par les mêmes voyes dont Mercier et Moreau paroissent s’être servi, évasion dont il fut dressé procès-verbal par la Municipalité même, n’a pas reveillé ces Corps constitués de leur assoupissement à cet égard, le concierge a pris la liberté de confier ses craintes et doléances, non seulement au Président de la Convention, mais encore aux Ministre de la Justice et de l’Intérieur; l’on trouvera aux Bureaux, dans les cartons, les lettres du concierge, en date du 25 septembre 1792, et 24 avril 1793 (vieux style), relatives à ces pétitions. Par quelle fatalité ces Corps constitués ont-ils épargné le concierge sur le fait de la première évasion, et l’ont-ils rendu victime de la dernière, lorsque toutes deux ont été occasionnées par les mêmes causes et de la même manière ? Pourquoi le décret du 13 frimaire, concernant les concierges, recevoit-il une exécution plus exacte que le décret du 31 janvier 1793 ? Quelle raison apporteront les Corps constitués, pour ne s’être pas conformé à cette loi ? Qu’ils avouent que l’inexécution de ce décret vient de ce que les législateurs n’ont ajouté aucune peine à l’injonction consignée dans l’article 4. Si l’accusé osoit, il répondroit aux Corps constitués, aux Juges, à la République entière, qu’est devenue cette égalité qui constitue en partie les droits de l’homme ? Si vous me condamnez en vertu d’un décret qui n’est ni promulgué ni parvenu à ma connoissance pour un délit imaginaire, pour une évasion qui ne doit son origine qu’à la négligence des Corps constitués, auxquels un décret antérieur enjoignoit de mettre le concierge à l’abri de semblable accusation; quel sera le sort de ces Corps constitués que j’ai mis en demeure de remplir leurs devoirs ? La Convention nationale a imaginé que le décret du 31 janvier étoit pleinement exécuté; sans cette présomption, le décret impératif et sévère rendu contre les gardiens de prisons n’auroit pas été rendu, c’est l’idée que nous inspirent la sagesse, la prévoyance et la justice de nos législateurs; et les Corps constitués qui sont les seuls auteurs de mon esclavage, de mon malheur, de celui de ma femme et de mes en-fans, par leur résistance à exécuter une loi qui me préservoit de l’infortune qui m’accable, demeurent impunis, et sont les délateurs d’un délit dont j’ai toujours été incapable. Arrivons au reproche le plus amer que Rosoy est en droit de faire à ces Corps constitués; pourquoi lui ont-ils refusé des gardes aux endroits peu sûrs de la prison, lorsqu’il en étoit gardien, tandis qu’ils ont placé des sentinelles pour la sûreté et la tranquillité de son successeur ? L’on sent aisément que Rosoy ne devoit point s’attendre à une décision aussi bizarre qu’injuste; aussi, espère-il que les Juges éclairés et impartiaux auxquels il s’adresse, le restitueront à sa liberté, à son bonheur, à sa réputation et à sa famille, qui a le plus pressant besoin de ses travaux pour subsister (1) . Jean-François Rosoy. Il fait rendre le décret suivant : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de OUDOT, au nom] de son Comité de législation sur la pétition de Jean-François Rosoy, tendante à faire réviser le procès à la suite duquel il a été condamné le 19 nivôse dernier, par forme de police correctionnelle, à deux ans de détention par le tribunal criminel du département de l’Oise; «Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (2). 14 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la pétition de la citoyenne femme du nommé Monins, tendante à obtenir la révision du procès à la suite duquel son mari a été condamné à vingt ans de fers, «Passe à l’ordre du jour. » Le présent décret ne sera point imprimé » (3). (1) D III 191, dos. Compiègne. (2) P.V., XXXVII, 55. Minute de la main de Ou-dot (C 301, pl. 1071, p. 7). Décret n° 9055. Mention dans J. Sablier, n° 1306. (3) P.V., XXXVn, 55. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1071, p. 7). Décret n° 9056. 154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE point d’alternative, les juges n’ont pas le droit de changer la loi, de l’interpréter et d’adoucir la peine y portée; si l’accusé est convaincu d’être réfractaire à la loi, la punition prescrite doit-être prononcée : si au contraire l’accusé n’est point convaincu de délit inséré au décret, les juges loin de prononcer aucune peine, doivent l’acquitter de son accusation. Or, il n’existe dans le procès aucune preuve de connivence, aucune preuve de faveur, aucune preuve d’intérêt, aucune preuve de négligence de la part du concierge lors de l’évasion des prisonniers Moreau et Mercier. Par une conséquence naturelle, le décret qui semble avoir autorisé le jugement attaqué, devoit au contraire s’opposer à ce qu’il fut rendu. Mettons sous les yeux du Tribunal de cassation et de tous nos lecteurs, la conduite tenue par l’accusé depuis plusieurs années, et notamment depuis deux ans. La maison d’arrêt de Compiègne est en si mauvais état qu’en 1792, on procéda à sa visite, l’architecte rédigea un procès-verbal, contenant l’estimation des réparations et constructions nécessaire pour rendre cette prison sûre et saine, le devis en fût fait, le décret du 21 janvier 1793 (vieux style), vient à l’appui; l’article 4 est ainsi conçu : il est enjoint aux Corps administratifs et Municipaux, de veiller à l’exécution des Loix concernant les maisons de justice, d’arrêt et de correction, et à les faire disposer de manière à les rendre sûres et saines. Les District et Municipalité de Compiègne ont été journellement importunés par le concierge, pour parvenir à l’exécution de ces lois, et du plan dressé à cet effet par leurs ordres; ses observations et ses invitations, quelques fondées qu’elles étoient, ont été inutiles, l’évasion de deux prisonniers enchaînés, arrivés le 14 février 1793 (vieux style) par les mêmes voyes dont Mercier et Moreau paroissent s’être servi, évasion dont il fut dressé procès-verbal par la Municipalité même, n’a pas reveillé ces Corps constitués de leur assoupissement à cet égard, le concierge a pris la liberté de confier ses craintes et doléances, non seulement au Président de la Convention, mais encore aux Ministre de la Justice et de l’Intérieur; l’on trouvera aux Bureaux, dans les cartons, les lettres du concierge, en date du 25 septembre 1792, et 24 avril 1793 (vieux style), relatives à ces pétitions. Par quelle fatalité ces Corps constitués ont-ils épargné le concierge sur le fait de la première évasion, et l’ont-ils rendu victime de la dernière, lorsque toutes deux ont été occasionnées par les mêmes causes et de la même manière ? Pourquoi le décret du 13 frimaire, concernant les concierges, recevoit-il une exécution plus exacte que le décret du 31 janvier 1793 ? Quelle raison apporteront les Corps constitués, pour ne s’être pas conformé à cette loi ? Qu’ils avouent que l’inexécution de ce décret vient de ce que les législateurs n’ont ajouté aucune peine à l’injonction consignée dans l’article 4. Si l’accusé osoit, il répondroit aux Corps constitués, aux Juges, à la République entière, qu’est devenue cette égalité qui constitue en partie les droits de l’homme ? Si vous me condamnez en vertu d’un décret qui n’est ni promulgué ni parvenu à ma connoissance pour un délit imaginaire, pour une évasion qui ne doit son origine qu’à la négligence des Corps constitués, auxquels un décret antérieur enjoignoit de mettre le concierge à l’abri de semblable accusation; quel sera le sort de ces Corps constitués que j’ai mis en demeure de remplir leurs devoirs ? La Convention nationale a imaginé que le décret du 31 janvier étoit pleinement exécuté; sans cette présomption, le décret impératif et sévère rendu contre les gardiens de prisons n’auroit pas été rendu, c’est l’idée que nous inspirent la sagesse, la prévoyance et la justice de nos législateurs; et les Corps constitués qui sont les seuls auteurs de mon esclavage, de mon malheur, de celui de ma femme et de mes en-fans, par leur résistance à exécuter une loi qui me préservoit de l’infortune qui m’accable, demeurent impunis, et sont les délateurs d’un délit dont j’ai toujours été incapable. Arrivons au reproche le plus amer que Rosoy est en droit de faire à ces Corps constitués; pourquoi lui ont-ils refusé des gardes aux endroits peu sûrs de la prison, lorsqu’il en étoit gardien, tandis qu’ils ont placé des sentinelles pour la sûreté et la tranquillité de son successeur ? L’on sent aisément que Rosoy ne devoit point s’attendre à une décision aussi bizarre qu’injuste; aussi, espère-il que les Juges éclairés et impartiaux auxquels il s’adresse, le restitueront à sa liberté, à son bonheur, à sa réputation et à sa famille, qui a le plus pressant besoin de ses travaux pour subsister (1) . Jean-François Rosoy. Il fait rendre le décret suivant : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de OUDOT, au nom] de son Comité de législation sur la pétition de Jean-François Rosoy, tendante à faire réviser le procès à la suite duquel il a été condamné le 19 nivôse dernier, par forme de police correctionnelle, à deux ans de détention par le tribunal criminel du département de l’Oise; «Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (2). 14 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la pétition de la citoyenne femme du nommé Monins, tendante à obtenir la révision du procès à la suite duquel son mari a été condamné à vingt ans de fers, «Passe à l’ordre du jour. » Le présent décret ne sera point imprimé » (3). (1) D III 191, dos. Compiègne. (2) P.V., XXXVII, 55. Minute de la main de Ou-dot (C 301, pl. 1071, p. 7). Décret n° 9055. Mention dans J. Sablier, n° 1306. (3) P.V., XXXVn, 55. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1071, p. 7). Décret n° 9056.