BAILLIAGE DE REIMS. INSTRUCTIONS DO CAHIER Des plaintes et doléances du clergé du bailliage de Reims du 6 avril 1789 (1). La chambre ecclésiastique du bailliage de Reims a reconnu avec la nation entière toute l’étendue de la bonté et de la bienfaisance de notre auguste monarque; elle est instruite, par le résultat du conseil d’Etat du Roi du 27 décembre dernier, de tout ce que Sa Majesté se propose de faire aux prochains Etats généraux pour le bonheur de son peuple. Sa Majesté, dit ce résultat, veut non-seulement rétablir, mais même ne proroger aucun impôt sans le consentement de la nation. Sa Majesté veut assurer le retour périodique des Etals généraux, fixer avec stabilité leurs époques ; s’entourer d’eux pendant son règne ; donner pour conseil à ses successeurs ce génie de la nation qui ne s’éteint pas et qui fait des progrès avec les siècles; prévenir les désordres qui pourraient naître de l’inconduite ou de l’incapacité des ministres. Sa Majesté ne se refusera pas aux sacrifices qui pourront assurer le bonheur public; elle consent que dans la fixité des dépenses on ne distingue pas celles qui tiennent plus particulièrement à sa personne sacrée ; elle a formé le grand projet de donner des Etats provinciaux au sein des Etats généraux; elle est disposée à accorder son assentiment au plan concerté par les députés de chaque partie du royaume, si elle le trouve combiné d’une manière sage et propre à procurer le bien public, unique objet des vœux de Sa Majesté. Qui pourrait n’être pas touché d’un exemple si rare du patriotisme le plus pur, du plus noble désintéressement et de la plus profonde sagesse ! La France voyant sans doute tous ses maux près de finir et presque tous ses vœux comblés par les dispositions généreuses et les sentiments magnanimes de Sa Majesté, la chambre penserait volontiers que les cahiers ne devraient présenter que les fidèles expressions de la confiance la mieux fondée, de la plus vive et de la plus respectueuse reconnaissance, et qu’elle n’aurait à donner à ses députés d’autres pouvoirs que celui de s’approcher du trône avec transport, pour insérer dans un registre national les déterminations de Sa Majesté et pour recevoir d’elle les gages précieux du bonheur public en joignant leur applaudissement à la voix unanime et au commun accord de tous les députés de la nation. Cependant, voulant se conformer au désir du bailliage, aux vœux du règlement fait par le Roi, et se pénétrer de plus en plus des idées et des intentions de Sa Majesté pour tout ce qui peut concerner les besoins de l’E tat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et immuable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, la chambre a cru devoir donner à ses députés les instructions suivantes (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. sur la constitution de l’Etat, l’administration générale et particulière, la justice, le clergé, la police et les mœurs. SECTION PREMIÈRE. De la constitution de l'Etat. La chambre, considérant que la nation française, surchargée peut-être d’un grand nombre de lois civiles et criminelles, n’a cependant ni codes ni registre national où la constitution soit formellement inscrite, clairement énoncée et consignée invariablement; que le royaume n’est gouverné que par des coutumes et traditions; que des actes particuliers dérogatoires auxdites coutumes et traditions, pourraient insensiblement les altérer, les dénaturer, les rendre incertains et par la suite méconnaissables; qu’au milieu de ces variations l’autorité trouverait facilement les moyens de s’accroître aux dépens de la liberté publique ; qu’alors les prétentions de ceux qui gouvernent et les plaintes ou la résistance de ceux qui sont gouvernés, pourraient dégénérer en des dissensions ouvertes qui seraient également fatales aux sujets et au souverain; qu’il est de la plus grande importance de prévenir de pareils malheurs; que la nation n’en eut jamais d’occasion plus favorable que celle de la prochain� assemblée des Etats généraux ; que le règne d’un monarque si cher à ses sujets par sa bonté, sa loyauté, sa droiture et sa justice est le moment le plus heureux pour garantir efficacement des abus du pouvoir les générations futures, puisque c’est avec les bons rois qu’il est plus aisé d’établir de bonnes lois; pour ces motifs ladite chambre demande : 1° Que les prochains Etats généraux se fassent un devoir capital de déterminer avec clarté, d’exposer avec précision, de fixer immuablement les lois fondamentales de notre constitution, principalement sur la forme du gouvernement, sur les droits politiques de la nation, sur l’état civil des citoyens relativement à la sûreté garantie des propriétés, à la franchise et liberté des personnes, et de réunir lesdites lois fondamentales dans une grande charte ou code national ; 2° Que, pour s’assurer le temps et la liberté de travailler avec toute la maturité requise à la rédaction desdites lois fondamentales, il soit établi une loi immuable dans les Etats généraux prochains ; que ladite assemblée et toutes les autres assemblées nationales futures ne pourront, sous aucun prétexte et pour quelque cause que ce soit, statuer définitivement sur le subside, qu’au préalable on y eût délibéré, arrêté et sanctionné tous les actes de législature relatifs à la constitution ; 3° Que ledit code national qui sera arrêté à l’assemblée des prochains Etats généraux soit publié avec solennité dans toute l’étendue du royaume, consigné dans les registres des Etats généraux, des Etats provinciaux à établir, de leurs départements, de toutes les cours supérieures et juridictions en dépendant; 4° Qu’il soit établi en loi, qu’à la première [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Reims.] 521 séance de toutes les assemblées nationales, générales ou particulières, il soit fait lecture dudit code aux ordres réunis , et que si aucune des assemblées générales de la nation trouvait nécessaire d’y ajouter ou d’en modifier quelques articles, lesdites additions ou modifications soient publiées ou enregistrées avec toutes les formalités qui auraient été employées pour la promulgation dudit code; 5° Que parmi les lois constitutionnelles qui doivent former ledit code national, il soit spécialement reconnu et en tant que de besoin, confirmé touchant la forme du gouvernement : Premièrement, que ledit gouvernement est monarchique; que la couronne est héréditaire; qu’elle doit passer aux descendants légitimes de l’auguste maison régnante, de mâle en mâle, en ligne directe et par droit de primogéniture, à l’exclusion des femelles et des hoirs mâles qui pourraient les représenter ; Secondement, qu’arrivant le cas de décès d’un roi qui laisserait un successeur en âge de minorité, il se tiendra toujours une assemblée extraordinaire des Etats généraux, à moins qu’aux prochains Etats généraux il n’eût été jugé plus expédient de régler cet objet par une loi prescrite, propre à prévenir les troubles et assurer la tranquillité publique; Troisièmement, qu’arrivant (ce qu’à Dieu ne plaise! ) le cas d’extin ction de la maison régnante, la nation est saisie du droit de choisir son souverain; 6° Qu’à l’égard des droits politiques de la nation, il soit arrêté : Premièrement, que les Etats généraux s’occuperont d’établir lesdits droits sur des principes clairs, précis, lumineux et qui ne fournissent aucun sujet légitime de contestation ; Secondement, que lesdits Etats généraux seront périodiques et qu’ils se rassembleront régulièrement à telles époques déterminées ; Sur quoi la chambre désire que cette détermination soit arrêtée aux prochains Etats généraux, de même que les formes de la convocation, de l’organisation des délibérations, de la discipline et du régime des assemblées nationales; Troisièmement, que la nation est composée des trois ordres, du clergé, de la noblesse et du tiers-état; lesdits trois ordres égaux entre eux également libres, et tellement indépendants les uns des autres, que deux ordres quelconques même réunis ne peuvent obliger le troisième, ni en matière d’impôts ni en matière de législation; Quatrièmement, que les députés des trois ordres, nommés également et en nombre compétent, opineront aux Etats généraux par ordre distinct et séparé et non par tête ; sauf néanmoins la liberté réservée à tous et chacun desdits trois ordres de se réunir pour voter en commun, lorsque tous le trouveront plus convenable pour la nation et l’expédition des affaires. 7° Que, pour constater l’état civil de chaque citoyen, relativement à la liberté de la personne et à la garantie de ses propriétés mobilières ou immobilières, il soit établi pareillement en lois constitutionnelles : Sur la franchise et liberté des personnes, que la liberté individuelle de tous sera sacrée et inviolable. En conséquence : Que nul citoyen français ne pourra être privé de sa liberté, soit par exil, soit par emprisonnement ou détention en vertu de lettre de cachet ou de tout ordre supérieur. Que toutes lettres et écrits de confiance seront déclarés sacrés et inviolables. Que si, par des circonstances impérieuses, aucun citoyen est arrêté sans décret, il sera remis dans les vingt-quatre heures entre les mains de ses juges naturels et relâché immédiatement après son interrogatoire et information juridiques s’il n’y a de justes causes de sa détention. Que toutes les fois qu’il ne s’agira pas de peines capitales, le citoyen arrêté par décret pourra recouvrer sa liberté en donnant bonne et suffisante caution. Qu’il soit cependant permis aux familles, pour cause de folie ou imbécillité ou pour des désordres qui demandent plutôt correction que punition, de présenter requête au siège présidial du ressort ; lequel, d’après une information non judiciaire, pourra ordonner que l’accusé sera enfermé plus ou moins longtemps dans une maison de correction , mais à la charge d’exprimer dans l’ordonnance les motifs qui l’auraient déterminée, et d’en donner connaissance dans le jour même de la détention à la partie intéressée, ou, si elle était en fureur ou démence, à son curateur et au supérieur de la maison, et dans tous les cas autoriser l’accusé à se pourvoir devant le tribunal supérieur par requête et sans aucun frais ni ministère de procureur ou avocat. Sur la sûreté et garantie de la propriété. Que toute propriété fondée sur titres ou prescription et possession de droit sera sacrée et inviolable, et que dans le cas où pour l’utilité publique on serait obligé de priver quelques, corps, communautés ou particuliers de tout ou partie de leur propriété, ils en seront payés et indemnisés sur-le-champ à l’estimation du plus haut prix de la propriété. Considérant, ladite chambre, que l’impôt est le sacrifice d’une partie de la propriété, et qu’en conséquence, le droit de propriété serait nécessairement blessé si l’impôt n’était régi par des maximes constitutionnelles de la plus grande équité sur son principe, sa durée, sa destination, sa répartition, sa perception, son objet et son emploi, ladite chambre demande qu’il soit arrêté comme lois constitutionnelles. Sur le principe ou la cause de Vimpôt. Qu’il ne sera jamais établi d’impôts et ne sera ouvert aucun emprunt sous quelques formes, prétexte ou dénomination que ce soit, sans le consentement exprès et motivé des Etats généraux et sans que par eux l’emprunt soit fondé sur un impôt destiné partie au payement des arrérages et partie au remboursement' graduel et successif des capitaux. Sur la durée de Vimpôt. Qu’aucun impôt ne sera jamais établi ou prorogé que pour l’intervalle d’une assemblée des Etats généraux à l’assemblée suivante, dont l’époque sera fixée et déterminée par la loi qui portera l’établissement de l’impôt. Sur la destination de Vimpôt. Que l’impôt serait illégitimement et illégalement constaté si le consentement n’était pas donné en connaissance de cause ; que pour se la procurer, l’assemblée prochaine des Etats généraux, et toutes les autres assemblées des Etats généraux à venir, commencera et commenceront par se faire remettre l’état actuel, circonstancié et constaté par pièces justificatives, de toutes les dépenses publiques et de tous lesdits objets de ces dépenses ; que lesdits Etats géné- giâ [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Reims.] vaux discuteront scrupuleusement et avec toutes les lumières qu’ils pourront acquérir, soit au-dedans, soit au-dehors de l’assemblée, tous les moyens de réduction dont lesdites dépenses sont susceptibles, par la diminution soit des fonctions, soit des prix d’achats et de main-d’œuvre, soit des gages et des fontionnaires ; qu’après cette discussion ils régleront avec économie, mais cependant d’une manière convenable à la splendeur du trône, ainsi qu’à la sûreté et à la gloire de la nation, les fonds nécessaires à la maison du Roi, à la famille royale, aux pensions qu’on croira devoir créer ou conserver, et à tous les départements ; que, pour instruire la nation de la règle et de la mesure de l’impôt, ils feront dresser un état exact de toutes les parties de l’administration générale, et de la dépense correspondante à chacune d’elles ; que cet état sera déposé dans les archives des Etats généraux, des Etats provinciaux de leurs départements , des cours supérieures et de leurs ressorts pour y être examinées et consultées dans le besoin. Que, pour assurer davantage l’emploi de l’impôt et l’observation des lois établies, il soit de plus érigé en lois constitutionnelles que les mi nistres seront responsables, chacun dans leur département, des deniers publics qui leur auront été confiés, ainsi que de toute infraction ou violation de leur part des lois constitutionnelles du royaume. Sur la répartition de l'impôt. Que l’impôt ayant pour motifs la protection, la défense, la sûreté et la commodité publique, il est de la justice que tous les membres de la société qui participent à ses avantages contribuent aux moyens qui les procurent; qu’en consé-uence, tous les citoyens de quelque ordre, rang, ignité et province qu’ils soient, supporteront proportionnellement à leurs biens et facultés les charges, impôts et contributions publiques de toute nature, et que tous privilèges relatifs à cet objet seront à jamais abolis. Et sur le présent article, la ehambre croit devoir déclarer hautement qu’elle consent que tous les biens ecclésiastiques contribuent auxdites charges et impôts publics librement consentis aux Etats généraux, et ce, à raison de la valeur desdits biens ecclésiastiques et dans la proportion qui sera réglée pour tous les autres biens du royaume, et spécialement par les Etats provinciaux de Champagne, pour tous les biens de ladite province. Sur la perception de l’impôt, 1° Que l’impôt dans chaque province sera levé et perçu par des préposés nommés par les Etats provinciaux, leur districts et municipalités, pour ensuite du prélèvement des sommes destinées aux administrations générales et particulières desdites provinces, être le reste versé, aux moindres frais qu’il sera possible, dans la caisse générale ou le trésor général. 2° Qu’autant qu’il sera possible et que les besoins de l’Etat le permettront, on s’abstiendra de toutes impositions capables, par leur mode de perception, de gêner la liberté du commerce, de troubler le repos des citoyens, d’altérer leurs sentiments moraux par l’appât d’une fraude lucrative : d’après ce principe, la chambre espère que les prochains Etats généraux s’occuperont efficacement des moyens de modifier, adoucir ou supprimer les droits d’aides, la gabelle déjà jugée, les droits de contrôle et insinuations, la taxe sur les cuirs et autres de celte nature, ainsi que de la suppression des barrières dans l’intérieur du royaume et de leur reculement aux frontières, n’entendant ici, ladite chambre, les espèces de barrières qu’elle voudrait voir établir sur les routes pour fournir à leur entretien et réparations. Sur l'objet de l'impôt. Que l’impôt sera posé principalement : 1° Sur les terres, sans oublier toutes celles qui ne servent qu’à l’agrément ou la décoration des habitations ; 2° Sur les rentes constituées dans la proportion de l’impôt territorial ; 3° Sur les objets de luxe ; 4° Sur les capitalistes. Sur l'emploi de l’impôt. Que, pour donner aux contribuables la facilité de connaître et de suivre l’emploi légitime de leurs subsides, l’on imprimera tous les ans les comptes des recettes et des dépenses publiques appuyées et certifiées par les mandats , quittances, décharges et autres pièces justificatives et contenant la liste des pensions, lés noms et qualités des pensionnaires ; que lesdits comptes seront déposés dans les archives des Etats généraux, des Etats provinciaux et leurs dépendances, des cours supérieures et de leur ressort; pour lesdits comptes pouvoir être confrontés et comparés avec l’état général des dépenses mentionnées ci-dessus à l’article de la destination de l’impôt. Ladite chambre, en conséquence des principes qu’elle vient d’exposer sur le droit de propriété, demande que les dettes contractées au nom de l’Etat soient reconnues pour dettes nationales, ne voulant garantir en aucune manière celles qui seraient faites par la suite sans le consentement de la nation. Considérant encore que la présomption du consentement national a pu seule légitimer les impôts actuels, et que cette présomption doit s’évanouir à l’ouverture des prochains Etats généraux, puisqu’il ne peut plus y avoir de présomption de la volonté du peuple, lorsque le peuple est présent par des mandataires exprès pour déclarer lui-même sa volonté ; qu’il est nécessaire que dès leurs premières séances lesdits Etats généraux fassent connaître les intentions de leurs commettants sur lesdits impôts actuels ; que lesdits Etats généraux ne pourraient dans ces premières séances proroger absolument aucun impôt, attendu que le consentement à la prorogation de l’impôt ne doit pas moins être donné avec connaissance de cause que le consentement à un nouvel impôt; qu’ils ne pourraient non plus abolir lesdits impôts sans frapper d’inertie tous les ressorts de l’administration ; la chambre, en conséquence, a pensé que les prochains Etats généraux, à leurs premières séances, ne pouvaient proroger les impôts actuels que par provision seulement et jusqu’à ce que, par leur travail, ils se soient mis en état de statuer définitivement avant de se séparer sur les suppressions, conventions, modifications ou continuation desdits impôts. SECTION II. De l'administration générale et particulière. Sur l’administration générale et particulière, la chambre demande : [États gén, 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Reims.] 1° Que toutes les provinces soient mises en pays d’Etats, organisées comme lesdits Etats généraux ; ceux qui les composeront résidant sur les lieux connaîtront mieux les besoins et les ressources, et mettront plus d’intérêt au bien public que des administrateurs concentrés dans la capitale du royaume ; 2? Que le redressement des abus locaux soit confié aux Etats provinciaux, et qu’il leur soit donné tout pouvoir pour l’exécuter ; 3° Q’ils soient chargés de répartir les impôts, de les percevoir et de les verser directement dans la caisse générale ; 4° Que les Etats généraux s’occupent de constater l’état actuel des domaines de Sa Majesté, et que, s’ils ne jugent pas à propos de les déclarer aliénables, ils supplient le Roi d’en confier la régie aux Etats provinciaux dans leurs districts respectifs ; par là ces biens seront loués à leur juste valeur et deviendront plus avantageux à la couronne ; 5° Que toute personne de talent et de vertu, de quelque ordre qu’elle soit, puisse parvenir à tous les emplois civils, ecclésiastiques ou militaires; que les ordonnances et règlements à ce contraires soient révoqués. 11 n’y a pas de moyen plus sûr et plus efficace pour réveiller le patriotisme et régénérer la nation entière ; 6° Qu’il soit avisé aux moyens de rendre les poids et les mesures uniformes et de n’avoir qu’une même coutume en France, ou du moins dans chaque province. U est digne de Louis XVI de procurer enfin à son peuple un avantage si précieux et si longtemps attendu ; 7° Qu’il y ait partout des ateliers ouverts pour occuper ceux qui peuvent travailler ; qu’on tienne un rôle exact de ceux qui ne le peuvent pas, afin de les soulager, et qu’on supprime la mendicité comme onéreuse aux habitants des campagnes ; 8° Que le droit de chasse soit réglé de manière à empêcher efficacement la trop grande quantité de gibier si nuisible à l’agriculture ; 9° Qu’il soit pris des précautions pour tenir le premier des aliments à un prix qui concilie tout à la fois les intérêts du cultivateur et ceux du pauvre ; 10° Que la confection et l’entretien des grandes routes soient à la charge de ceux qui les fatiguent, et qu’à cet effet on établisse des barrières. C’est au luxe et au commerce à payer les avantages dont ils jouissent presque exclusivement ; 11° Que les Etats généraux, en répartissant les impôts par tout le royaume, aient égard à la surcharge absolue et relative de la Champagne; elle est constatée par le tarif exécuté dans cette province et reconnue depuis longtemps par le gouvernement, et il est démontré que l’imposition de la Champagne surpasse le revenu de ses possessions territoriales et qu’elle ne subsiste que de son industrie. SECTION III. De la justice. Sur l’article de la justice, la chambre demande : 1° Qu’on rédige un nouveau code civil et cri-minel plus conforme aux mœurs et aux lumières de notre siècle ; 2° Qu’on établisse une cour souveraine dans chaque province pour rendre les procès moins ruineux en rapprochan t les juges de leurs justiciables; 3° Qu’on abolisse tout privilège qui donnerait à une des parties d’autres avantages que celui de la justice de sa cause: ainsi qu’on supprime Jes arrêts d’évocation et de surséance ; les lettres dp committimus , de garde-gardienne et de sceau dû Châtelet, et que les Etats généraux pourvoient à ce qu’il n’y ait plus qu§ deux degrés de juridiction ; 4° Que les Etats généraux avisent aux moyens de donner à la nation des juges intègres, instruits et expérimentés ; que lesdits juges dans tous les tribunaux soient obligés de motiver leurs arrêts et sentences sous peine de nullité, et même d'être pris à partie dans le cas d’emprisonnement. Cette précaution sera un frein pour l’injustice et l’oppression ; 5° Que les écoles de droit, qui doivent préparer les arbitres de la vie, de la fortune, de l’honneur des citoyens, seraient réformées, surveillées et fré-quentées très-exactement ; 6° Qu’on pourvoie à' la salubrité des prisons, qu’elles ne soient plus un supplice anticipé, qu’elles soient construites et disposées de manière que les prisonniers de différent sexe ne puissent avoir de relation, et qu’il soit aisé de séparer les débiteurs des créanciers ; que les officiers de justice aient soin de les visiter et d’inspecter ce qui s’y passe ; qu’on supprime le serment des accusés comme inutile, vexatoire et propre seulement à multiplier les parjures ; 7° Que dans le cas de condamnation capitale, la confiscation n’ait pas lieu ; ou dp moins que le légitime soit conservé aux enfants; ils sont assez malheureux d’avoir eu des parents coupables, et l’humanité exige qu’on leur ménage au moins leurs biens si l’on ne peut conserver leur honneur. 8° Que les offices de notaires, procureurs, huissiers soientréduits à un moindre nombre, au moins dans les campagnes, et déclarés incompatibles avec la charge de contrôleur; qu’une même personne ne puisse exercer en même temps plusieurs de ces offices, et qu’on pourvoie soigneusement à ce qu’ils ne soient remplis que par des gens instruits et vertueux; 9° Que les citoyens ne soient plus exposés à se voir arbitrairement vexés pour des prévarications involontaires : qu’en conséquence, le tarif du contrôle soit publié et clairement énoncé, et que les actes sujets à ce droit soient transcrits en entier sur les registres comme on le fait très-sagement au bureau des insinuations, ou que les notaires soient tenus de déposer un double de tous leurs actes au greffe de la justice royale dont ils ressortissent ; 10° Qu’on supprime les huissiers-priseurs, dont l’établissement gêne la liberté des familles et absorbe une partie considérable des successions au préjudice des héritiers ou des créanciers ; 11° Qu’on fixe les honoraires de tous les officiers publics; par là ils auront plus de considération, et ils n’auront plus de prétexte ni de moyens de s’enrichir aux dépens de la société. 12° Que les Etats généraux s’occupent de la réforme urgente et indispensable de la maîtrise des eaux et forêts ; le prix des vacations augmente de jour en jour d’une manière injuste et tout à fait illégale; les bois ne sont pas conservés, et bientôt cette production si nécessaire en tout genre ne suffira plus aux besoins multipliés de la nation; 13° Que l’on établisse dans chaque paroisse un conseil de paix composé de trois ou cinq membres choisis par la paroisse dans la municipalité, pour arbitrer gratuitement tous les différends qui pourront survenir ; que les parties ne puissent porter leurs contestations aux tribunaux ordi- 524 [Etats gén. 1789. Cahiers. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Reims.] naires avant de s’être adressées au tribunal de paix, et qu’elles soient obligées d’y présenter l’opinion motivée dudit tribunal. SECTION IV. Clergé. Sous ce titre l’on comprend ce qui concerne le culte public, la discipline ecclésiastique pour le spirituel et le contentieux, ce qui regarde les ecclésiastiques, le ministère, les chapitres, les universités, les réguliers. Sur le culte public. La chambre demande : 1° Que la religion catholique, qui a fait jusqu’à présent le bonheur et la gloire de la France, soit la seule maintenue, protégée et professée publiquement, et que de oet article il soit fait une loi fondamentale de l’Etat. Sur la discipline. 2° Que, pour faire fleurir et conserver la discipline ecclésiastique, les conciles nationaux et provinciaux et les synodes diocésains soient rétablis. 3° Que l’édit de 1695, concernant la juridiction ecclésiastique, soit confirmé ainsi que celui de 1769, défendant le dévolu des bénéfices réunis depuis cent ans. 4° Que la prévention en cour de Rome n’ait lieu qu’au bout de deux mois révolus. 5° Que les lois qui proscrivent la pluralité des bénéfices soient confirmées et exécutées. 6° Que, pour le besoin et le plus grand avantage des fidèles, il soit érigé des cures ou des vicariats dans les endroits considérables et éloignés de la principale église. 7° Que dans les paroisses il soit mis deux vicaires depuis deux mille paroissiens jusqu’à trois mille, trois depuis trois mille jusqu’à quatre et ainsi de suite. 8° Que l’article de l’édit de 1787, qui permet de réunir ou de supprimer les cures des villes qui n’ont pas deux mille paroissiens soit révoqué, attendu qu’il n’y a pas de raison pour supprimer une cure capable d’occuper un curé et même un vicaire. 9° Que le droit de patronage ne puisse jamais être exercé que par des catholiques, le respect dû à la religion dominante et l’importance du choix de ses ministres exigeant de la part des patrons de la foi et du zèle. 10° Que les peines ecclésiastiques devant être rares et réservées pour de grands crimes, il soit ordonné aux juges séculiers de n’exiger des moni-toires que pour cause de meurtres, incendies, vols de vases sacrés et crimes d’Etat. 11° Que toute réunion de bénéfices soit revêtue de lettres patentes homologuées, et qu’on en diminue le plus possible les formalités. 12° Que le droit de déport ou droits équivalents condamnés par les conciles de Bâle et de Cou-tance et par la Pragmatique-Sanction soient supprimés par échanges, rachats ou indemnités. 13° Qu’on abroge la loi qui oblige les gens de mainmorte à payer des amortissements pour location, reconstruction et amélioration de bâtiments, comme injuste et nuisible à la société, et qu’elle n’ait son effet que pour les acquisitions qu’on leur permettrait de faire. 14° Que les maisons qui se prétendent exemptes de payer la dîme soient tenues de produire leurs titres. 15° Que les chapitres placés dans les églises paroissiales soient transférés. 16° Qu’en considération de ce que le clergé fait la concession de ses privilèges pécuniaires, de ce que sa dette actuelle n’a été contractée et ne s’est accrue que pour secourir le gouvernement dans des circonstances pressantes et lui épargner des emprunts ruineux et à un taux exorbitant, cette dette soit reconnue et déclarée dette de l’Etat. 17° Dans le cas où toutes impositions territoriales ne seraient pas en nature, le clergé demande : 1° Que la vérification de la quantité et de la valeur des biens de tous les ordres soit faite par une méthode uniforme et générale dans tout le royaume, afin que la répartition soit appuyée sur des principes fixes et équitables. 2° Que l’imposition du clergé étant fixée dans chaque province comme celle des deux autres ordres par les Etats provinciaux, on lui conserve sa méthode de répartition comme propre à soulager les bénéficiers les plus pauvres et les plus utiles sans nuire aux intérêts publics ou particuliers. 3° Que la chambre ecclésiastique chargée de la répartition soit composée de Mgr l’archevêque, de deux chanoines des collégiales, de six curés, dont un de la ville épiscopale, de deux représentants des abbés et autres titulaires de bénéfices simples : que tous ces représentants soient choisis librement par leurs classes respectives. 4° Que ladite chambre se régénère tous les cinq ans par moitié de chaque classe, et que les représentants qui sortiront la première fois soient désignés par le sort. 5° Qu’il n’y ait point d’honoraires pour les députés ou représentants. 6° Que la chambre ecclésiastique fasse la répartition sur un règlement autorisé, qui fixera la proportion dans laquelle chaque bénéfice doit payer à raison du plus ou moins de revenu de son bénéfice; qu’ enfin ladite chambre soit obligée de rendre tous les ans un compte qui deviendra public par la voie de l’impression. Sur ce qui concerne les ecclésiastiques employés dans le ministère. 1° Que le gouvernement donne de nouvelles marques de sa bienveillance aux curés et autres ecclésiastiques employés dans le ministère, qui s'occupent de près et journellement de l'indigence et de l’assistance du peuple; qu’en conséquence, les portions congrues soient portées à un taux suffisant pour qufils puissent vivre décemment et soulager les pauvres ; que cette augmentation soit à raison des annexes, des besoins de la population et de l’étendue des paroisses ; que, pour rendre ce taux fixe, il soit le prix d’une quantité déterminée de fruits et denrées estimées suivant le temps et le lieu; qu’enfin cette règle soit générale et s’étende aux commandeurs de Malte. 2° Que, pour ne pas anéantir le droit des gradués à portion congrue par une augmentation accordée à titre de faveur, le taux de la réplétion des grades soit porté à 100 livres au-dessus de la valeur fixée pour la portion congrue, et suivre toujours ce rapport. 3° Qu’il soit porté une loi qui détermine la quotité et l’espèce des fruits décimables et qui, par sa clarté et sa généralité, prévienne toutes les difficultés à ce sujet. 4° Qu’il soit fait un nouveau règlement pour l’institution et destitution des maîtres d’école, la forme actuelle d’élection et de déplacement étant 525 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Reims.] [Étals gén. 1789. Cahiers.] pour les curés une source de désagréments et pour les paroisses une occasion de division et de trouble. 5° Que tous les décimateurs soient tenus de contribuer à la portion congrue des vicaires à raison de la part qu’ils ont dans la dîme. 6° Qu’en conservant aux gradués leurs droits et privilèges fondés sur les autorités les plus respectables, sur la Pragmatique-Sanction et le Concordat, sur les bulles des souverains pontifes et les édits de nos rois, l’on accorde aux curés qui auront gouverné les paroisses quinze ans au moins, le privilège exclusif d’être nommés aux prébendes des cathédrales et collégiales dans leurs diocèses respectifs; en février, mai, août, novembre, c’est un moyen propre à rendre les chapitres vraiment utiles, édifiants et respectables, et à mettre l’émulation parmi les curés; cette disposition ne blesse proprement aucuns droits ; elle ne fait que diriger le choix des collateurs. Sur les chapitres. l°Que tous les chapitres, retraite naturelle des ecclésiastiques qui servent utilement l’Eglise et l’Etat dans le ministère et dans l’enseignement, soient conservés dans toute leur intégrité, et dans le cas où l’on serait nécessité à faire des réductions dans aucuns, qu’elle ne puisse jamais tomber sur ceux de la cathédrale ni d’une des collégiales de chaque diocèse, afin qu’il y ait au moins deux églises où se conservent exactement les rits, les cérémonies, la splendeur et la majestédu culte. 2° Que, pour dédommager les chapitres de la charge occasionnée par l’augmeritation des portions congrues, il leur soit accordé l’union d’un certain nombre de bénéfices simples et sans fonctions, dont le revenu soit à peu près équivalent à leur surcharge. 3° Qu’aux prochains Etats généraux, les chapitres, universités et autres corps esclésiastiques obtiennent une plus grande représentation. Sur renseignement public. 1° Que l’ancien plan d’études suivi dans les universités, qui a formé les plus grands écrivains et les meilleurs citoyens, soit conservé et confirmé. 2° Que dans le cas où l’on jugerait utile de faire des améliorations dans l’enseignement public, il soit établi pour une opération de cette importance une commission composée en partie de personnes tirées de chaque université, et qui joignent l’expérience aux lumières ; laquelle rédigera un plan absolument uniforme, à quelques exceptions locales près ; ce plan, examiné et adopté par le gouvernement, deviendrait le code de l’enseignement national. 3° Qu’en attendant il soit ordonné que le titre de maître ès arts sera absolument nécessaire pour prendre des degrés dans toutes les facultés supérieures. 4° Qu’on encourage l’étude de l’enseignement de la théologie en plaçant avantageusement les sujets qui se seront distingués en science, et en accordant aux professeurs en théologie le droit de septemnium dont ils jouissaient autrefois; il n’est pas moins juste qu’ils jouissent du même avantage que les professeurs ès arts, vu l’utilité de leur travail et l’importance de leurs fonctions. Sur les réguliers. 1° Qu’il y ait une partie des réguliers destinée à remplacer les ecclésiastiques dans le ministère ; que ceux qui seront choisis pour rendre ce service aux diocèses soient dotés s’ils ne le sont pas ; qu’on abolisse même la mendicité des religieux, comme devenue contraire à la dignité du ministère et onéreuse aux habitants de la campagne; que, pour procurer aux maisons religieuses un plus grand nombre de sujets qui puissent se plier de bonne heure à la règle et à l’obéissance, il soit permis de faire les vœux solennels à dix-huit ans. 2° Que les locataires et pensionnaires des maisons religieuses soient de la juridiction curiale. 3° Que les religieuses soient employées à l’éducation des filles dans les villes et autant qu’il sera possible dans les campagnes. section v. Police et mœurs. 1° Les premiers principes de l’ordre exigent que la plus grande décence règne toujours dans le culte public ; le clergé demande instamment la rénovation et l’exécution des ordonnances sur la sanctification des dimanches et fêtes. 2° 11 demande pareillement, pour arrêter la décadence rapide de la foi et des mœurs, qu’on sévisse selon toute la rigueur des ordonnances contre les auteurs, imprimeurs, distributeurs, colporteurs de livres contraires à la religion et aux bonnes mœurs. 3° Qu’on remette en vigueur les lois portées contre les jeux de hasard, qui inspirent toujours l’immoralité et ruinent souvent les citoyens, et contre la fureur des duels, dans lesquels on verse le sang, qui ne devrait jamais couler que pour la défense de la patrie. 4° Que les lieux publics, l’opprobre et la dernière dégradation de l’humanité, soient prohibés sous les peines les plus rigoureuses ; qu’on exerce les châtiments les plus sévères contre ces personnes abominables qui font trafic de leur honneur et qui sèment dans la société le désordre et la corruption. 5° Que les Etats généraux veuillent bien s’occuper de la réforme des abus commis dans la traite des nègres, s’efforcer de concilier les avantages politiques avec les droits delà nature, et si ces intérêts sont inconciliables, sacrifier une politique barbare aux droits essentiels de l’humanité. 6° Que, dans tous les cas, les pères et mères, tuteurs et curateurs puissent réclamer leurs enfants ou pupilles qui se seraient attachés au service des théâtres, sans que jamais on puisse les leur refuser ; il est contre la nature et les mœurs qu’en pareilles circonstances les droits des pères et mères sur leurs enfants ou des tuteurs ou curateurs sur leurs pupilles soient sans force. Telles sont les instructions que la chambre ecclésiastique du bailliage royal de Reims a cru devoir donner à ses députés, lesquelles ont été lues en ladite chambre et approuvées par icelle. Et ladite chambre, en outre, a donné et dounc auxdits députés les pouvoirs généraux et suffisants pour, à l’assemblée prochaine des Etats généraux, proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, et le bien de tous et de chacun des sujets du Roi. Le soussigné, secrétaire de l’ordre du clergé, certifie la présente copie du cahier du clergé du bailliage de Reims être véritable et conforme en tout à l’original , fait et expédié à Reims le 6 avril 1789. Piénard, secrétaire. 326 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Bailliage de Reiras,' Le cahier du clergé m’a été remis par M. Pié-nard, secrétaire de l’ordre, pour être envoyé à monseigneur le garde des sceaux, ce que moi, lieutenant particulier, certifie pour servir ce que de raison, à Reims ce 10 avril 1789. Signé JOUVENT. CAHIER Des plaintes� doléances et remontrances de l’ordre de la noblesse du bailliage de Reims , arrêté en l’assemblée dudit ordre le 2 avril 1789 (1). La noblesse du bailliage de Reims, réunie aux termes des lettres de convocation du 24 janvier dernier, pour conférer tant sur les remontrances, plaintes et doléances qu’elle aurait à former, que sur les moyens et avis que ses députés auront à proposer à Rassemblée dés Etats de la nation, et pour élire, choisir et nommer sesdits représentants, a arrêté : CONSTITUTION. 1. Que le président de l’ordre de la noblesse aux Etats généraux sera élu librement au scrutin par son ordre et dans son ordre, sans distinction de province ni de rang, et que jusqu’à sa nomination l’ordre sera présidé par le plus âgé des nobles. 2. Que, conformément à la loi promulguée en 1355 aux Etats généraux, l’usage de voter par ordre sera conservé, comme base constante des délibérations nationales et de l’indépendance respective des ordres; en sorte que le vœu de deux ordres ne puisse lier le troisième. 3. Que néanmoins les ordres pourront se réunir our discuter ; mais ils se sépareront pour déli-érer. 4. Que dans aucun cas les ordres ne pourront voter par acclamation; que l’on commencera par prendre les avis, et ensuite les voix. 5. Qu’il ne sera délibéré par les ordres sur aucune proposition commune à tous, qu’elle n’ait été communiquée aux députés des différentes provinces, réunis en bureaux, pour y être discutée en elle-même, et relativement aux intérêts desdites provinces, et que, sur le rapport fait par lesdits bureaux, les Etats généraux statueront définitivement. 6. Que les Etats généraux détermineront par une loi sanctionnée leur retour périodique, sans que dorénavant il soit besoin de lettres de convocation; que cette loi réglera les formes à suivre pour l'élection des députés, la composition desdits Etats, et fixera le lieu de leur assemblée. 7. Que la première convocation des Etats généraux sera fixée à deux ans, à compter de la clôture des prochains Etats, et les convocations suivantes, de cinq ans en cinq ans. 8. Que dans toutes les provinces qui ne sont pas administrées par des Etats particuliers, il en sera établi qui seront formés et organisés ainsi qu’il sera réglé par les Etats généraux. 9. Que les Etats généraux proposeront une loi. qui donnera pouvoir aux Etats particuliers de chaque province d’assembler, dans le cas d’une minorité, tous les ordres pour nommer leurs députés aux Etats généraux, qui se réuniront dans le plus court délai possible, au jour indiqué par le parlement de Paris, les princes et pairs y séant. 10. Que les Etats généraux seront seuls juges (l).Nous'publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. des plaintes qui pourront s’élever contre les Etats provinciaux, 11. Que la liberté individuelle sera assurée à tous; que les lettres de cachet ou tous autres ordres et moyens semblables ou équivalents seront à jamais abolis ; qu’un citoyen ne pourra être exilé, enfermé ni molesté en sa personne ni dans ses biens, que par Un jugement légal. 12. Que les députés aux Etats généraux seront inviolables, et qu’ils ne répondront qu’aux Etats généraux de ce qu’ils auront fait, dit ou proposé. 13. Que tous les Français pourront vivre et demeurer où il leur plaira, sans qu’aucune autorité puisse jamais y mettre obstacle, dès que la police ou les habitants du lieu où ils se présenteront ne s’y opposeront pas. 14. Que tout porteur d’ordres contraires à cette liberté, de quelque qualité ou état qu’il soit, sera puni par les tribunaux des peines les plus sévères. 15. Que tout citoyen arrêté en cas de délit sera remis dans les vingt-quatre heures entre les mains de ses juges naturels. 16. Que l’abus intolérable d’ouvrir les lettres, dépôts sacrés où l’amitié et les familles confient leurs secrets, sera proscrit à jamais, sous les peines les plus rigoureuses contre l’administrateur des postes qui en sera convaincu, ou le ministre qui en aura donné l’ordre. 17. Que la liberté de la presse sera permise, avec la restriction que tout écrit doit être signé par son auteur, ou par un imprimeur connu, qui puisse répondre de l’ouvrage offert au public. 18. Qu’il sera fait, dans toutes les provinces, une visite dans les prisons d’Etat, pour y constat ter les délits de ceux qui y sont enfermés, et en retirer les victimes innocentes du pouvoir arbitraire ou de la dureté de leurs familles. 19. Que toute propriété honorifique et utile étant inviolable, personne ne pourra en être privé ; en conséquence, toute motion qui tendrait à leur porter atteinte, ne pourra faire l’objet d’une délibération. Que néanmoins, lorsque l’intérêt général l’exigera, pour chemins, canaux, ou autres ouvrages publics, le propriétaire en sera dédommagé au plus haut prix, réglé par les Etats provinciaux de concert avec ledit propriétaire.- 20. Que les capitaineries, les plaisirs des gouverneurs des places de guerre et de leurs garnisons, étant une véritable infraction aux propriétés, seront supprimées, sauf à conserver, de la manière la moins onéreuse, les plaisirs personnels de Sa Majesté. 21. Que la monarchie étant rappelée â sa véritable constitution, qui ne donne à aucun corps particulier le droit de stipuler pour la nation, les Etats généraux exerceront seuls ce droit,, pour toutes les lois constitutionnelles et bursaies qui seront simplement enregistrées et publiées par les cours; que, pour les lois secondaires relatives aux formes nécessaires pour l’exécution des lois déjà sanctionnées, elles seront vérifiées, registres librement et provisoirement par lesdites cours , afin qu’elles aient leur effet jusqu’aux prochains Etals généraux, auxquels il en sera rendu compte par le procureur général, leur consentement étant nécessaire pour les rendre permanentes. 22. Que les lettres patentes qui seront accordées ne seront enregistrées par les cours qu’après l’examen du cornmodo et incommodo , fait par les Etats provinciaux et de leur avis. 23. Que les eaux et forêts et tous les tribunaux d’exception seront supprimés.