'i-*3 £ .as ARCHIVES PARLEMENTAIRES REGNE DE LOUIS XVI. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du jeudi 12 novembre 1789 (l). M. Camus, président , ayant annoncé que M. Thouret avait réuni la majorité des suffrages et était en conséquence éiu président, a dit : Messieurs, l’avantage !que j’ai eu de présider votre auguste Assemblée m’a fait connaître de plus en plus tout le prix de vos moments : je les respecterai lors même que je voudrais me livrer à l’épanchement delà reconnaissance la plus vive et la plus respectueuse. Le devoir du président de l’Assemblée nationale, devoir dont l’observation fait la grandeur de votre président, est d’exécuter scrupuleusement les ordres de l’Assemblée, d’être l’organe fidèle de ses volontés. J’ai toujours eu ce devoir présent à l’esprit : le remplira été le but unique de mes démarches. Mon bonheur sera à son comble, si je suis assuré de ne m’être point écarté de la route qui devait me conduire au terme que je n’ai cessé d’avoir sous les yeux. M. Thouret a dit ensuite : Messieurs, lorsque votre confiance m’élève à la place éminente qui m’impose de si hautes obligations à remplir, et qui me présente de si grands exemples à suivre, je n’ai à vous offrir, en retour de l’honneur inestimable dont vous me comblez, que le plus entier dévouement au succès de vos importants travaux. Recevez, Messieurs, l’hommage de mon zèle (1) Cette séance est très-incomplète au Moniteur. lre SÉRIE, T. X. ardent et pur, et qu’il me soit permis d’espérer que vous encouragerez mes efforts par autant d’indulgence que j’éprouve de sensibilité en vous les consacrant, et que j’apporterai de soins à les rendre dignes de votre attente. L’établissement de la Constitution, premier besoin de la nation, et seul gage du retour de la sécurité publique, devient de jour en jour plus pressant. Agréez que j’use spécialement des fonctions dont vous me faites le dépositaire, pour en accélérer le travail. Je compterai comme autant de bienfaits, dont ma reconnaissance personnelle demeurera chargée, tous les décrets constitutionnels que vous me mettrez en état de prononcer. (L’Assemblée vote ensuite des remercîments à M. Camus.) M. Salomon de la Saugerie, l9un de MM. les secrétaires , a fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Il a fait ensuite la lecture des adresses, dans l’ordre qui suit : Adresse des représentants de la commune d’A-lais, où ils renouvellent leurs sentiments d’adhésion et soumission à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen; ils représentent qu’ils attendent avec une respectueuse impatience la publication des arrêtés du 4 août, et les lois qui doivent en procurer l’exécution. : Adresse du même genre de la commune de Pon-tieux en Bretagne ; elle demande l’érection d’un corps municipal. Délibération du conseil permanent de la ville d’Auch, portant qu’attendu la publication faite par Sa Majesté des arrêtés du 4 août dernier et jours suivants, il tient ces décrets pour des lois % V\ <& o [12 novembre 1789.] [Assemblée nationale� PARLEMENTAIRES. positives et obligatoires dont il se fera un devoir constant de partager i’éxécution; que cependant les ennemis du bien public prétendent que ces arrêtés ne sont que de simples projets de lois dont l’exécution est impossible, ou du moins encore très-éloignée; il supplie l’Assemblée de rendre un décret qui fixe l'incertitude des peuples, notamment sur l’abolition de la dîme, et qui détermine d’une manière précise quels sont les droits féodaux abolis sans indemnité, et surtout si l’on doit compter dans cette classe le droit de fouage payé par l’emphytéote, à raison de son habitation. Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de la ville du Palais, à Belle-lle-en-Mer. Elle supplie l’Assemblée d’empêcher l’exportation des grains de l’île, parce que les différentes demandes particulières qui ont été faites lui font craindre d’en être dégarnie, et que son éloignement du continent l’empêche d’en recevoir des secours pendant l’hiver. Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Die en Dauphiné, où elle adhère aux décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale, et proteste, de la manière la plus expresse contre la convocation des Etats, et du doublement de la province, faite parla commission intermédiaire, comme illégale et préjudiciable aux-droits de la nation. Adresse des habitants de la paroisse de Conti-gny en Auvergne, contenant félicitations, remercîments et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Délibération du conseil permanent de la ville d’Auch, par laquelle il demande que l’Assemblée qui existe actuellement dans cette ville, pour la province de Gascogne, y soit maintenue d’après la nouvelle organisation qui en sera réglée par l’Assemblée nationale; il vote en conséquence que la Gascogne soit isolée de la Guyenne, et que le royaume soit divisé en petites provinces. Adresse des religieux Dominicains de la ville de Gaen, où ils offrent à l’Assemblée nationale tous leurs biens, s’en rapportant à sa sagesse pour leur subsistance, et la suppliant de leur accorder la liberté. Adresse de l’armée nationale de la ville de Bordeaux, où elle présente à l’Assemblée nationale son admiration respectueuse pour ses décrets, et son dévouement absolu. Pour en assurer l’exécution, elle lui dénonce l’imprimé intitulé : Déclaration de Vordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, comme séditieux et anti-patriotique. Adresse de félicitations, remercîments et adhésion des habitants du bourg de Gosne, dans la Lorraine Ardennoise; ils demandent la suppression des monastères riches situés dans les parties fertiles des provinces, et la conservation de ceux qui sont placés dans les déserts, où ils amènent l’abondance. Adresse des habitants de la ville de Saint-Amand en Flandres, en demande d’un bailliage royal. Adresse d’une novice au prieuré royal de la Ferté, près Nevers, ordre de Gluny, qui conjure l’Assemblée nationale de lui permettre de faire ses vœux, nonobstant son décret qui suspend l’émission des vœux monastiques. Délibération du comité permanent de la ville de Montelimart en Dauphiné, contenant les protestations contre la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire dans une délibération subséquente. Le comité déclare qu’il a reçu avec autant de plaisir que de respect les ordres de l’Assemblée nationale pour la liberté de M. le comte de Marsanne. Il résulte du procès-verbal fait en conséquence, que le peuple s’est empressé de réparer, de la manière la plus authentique, l’injure qu’il avait faite à M. le comte de Marsanne, et qu’il l’a élu colonel de cette milice. Délibération des habitants de la baronnie de Serves en Dauphiné, composée de trois paroisses, contenant l’adhésion la plus entière aux décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale, et les protestations les plus expresses contre la convocation des Etats de la province et du doublement, faite par la commission intermédiaire. Délibération des officiers municipaux et habitants du bourg du Péage-de-Pisanç.on, contenant félicitations , remercîments et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et à une délibération de la ville de Romans, sur les moyens d’assurer la perception des impôts et de maintenir la tranquilité publique. Délibération du corps municipal de la ville de Lannion en Bretagne, où il exprime les sentiments de respect et de dévouement dont il est pénétré pour les décrets de l’Assemblée nationale et s’engage à payer, dans les termes prescrits, la contribution patriotique du quart des revenus. Enfin, il est donné lecture de Y Adresse des Dominicains de la rue du Bac à V Assemblée nationale. Elle est ainsi conçue (1): « Nosseigneurs, aucune partie de la nation ne « réclamera vainement ses droits auprès de l’As-« semblée de ses représentants (2). » « G’est ce que disait, il n’y a pas longtemps, votre auguste Assemblée, par la bouche de son illustre président. Encouragés par ces belles paroles, nous venons avec confiance réclamer, non des privilèges, vous les avez sagement abolis, mais un droit sacré, et nous avons un ferme espoir de ne pas le faire en vain. « Des bruits alarmants viennent de toutes parts frapper nos oreilles et déchirer nos cœurs. S’il. en faut croire l’opinion publique, c’en est fait des corps religieux : un décret solennel va les anéantir sans réserve et sans retour. Qu’on nous pardonne de trembler au seul aspect d’un tel bouleversement ; mais ce n’est pas la perte de nos biens qui nous touche, quoiqu’ils soient à nous par des titres jusqu’ici réputés inviolables : car, pour parler un instant le langage d’une foule d’écrivains modernes, ce n’est ni une indiscrète libéralité, ni une piété superstitieuse qui ont doté notre maison. Ses biens sont le fruit des acquisitions et des rigoureuses économies de nos Pères. On leur donna un terrain fangeux et sans valeur : ils l’ont couvert de maisons, et nous ont transmis ce qu’ils ne durent qu’à eux-mêmes. Où est le citoyen qui puisse produire un meilleur titre pour assurer ses possessions ? Malgré cela nous sommes prêts à abandonner les nôtres ; nous les verrons sans murmure et sans regret aller se fondre dans le Trésor public ; trop heureux de contribuer pour notre parta la libération de l’Etat et au rétablissement de la chose publique. La privation de nos biens ne nous sera pénible que parce qu’elle nous ravira la douce satisfaction de verser d’abondantes aumônes dans le sein des malheureux. (1) Cette adresse n’a pas été insérée au Moniteur. — Voy. aux annexes de la séance le mémoire des dominicains sur le projet de détruire les corps religieux. (2) Réponse de M. le président de l’Assemblée nationale, dans la séance du jeudi 22 octobre.