[28 février 1790.] 741 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. militaires du pouvoir exécutif sont sujets à la responsabilité, dans les cas et de la manière qui seront établis par la constitution. » Les articles suivants sont successivement décrétés : « L’Assemblée nationale décrète également, comme article constitutionnel, qu’il appartient à chaque législature de statuer annuellement 1° sur les sommes à accorder pour les dépenses de l’armée ; 2° sur le nombre d’hommes dont l’armée doit être composée; 3° sur la solde de chaque grade; 4° sur les règles d’admission et d’avancement dans tous les grades; 5° sur la forme des enrôlements et les conditions des engagements; 6° sur l’admission des troupes étrangères au service de France; 7° sur les lois relatives aux délits et aux peines militaires. « L’Assemblée nationale décrète en outre que le comité de constitution sera chargé de lui présenter, le plus promptement possible, des projets de loi : 1° sur l’emploi des forces militaires dans l’intérieur du royaume, et sur leur rapport, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales ; 2° sur l’organisation des tribunaux et la forme des jugements militaires; 3° sur les moyens de recruter les forces militaires en temps de guerre, en supprimant le tirage des milices. » L’article qui vient après ceux-ci est ainsi conçu : « Décrète enfin que le roi sera supplié de faire présenter incessamment, à l’Assemblée nationale, un plan d’organisation, pour être délibéré, et mettre l’Assemblée en état de statuer, sans retard, sur les différents objets qui sont du ressort du pouvoir législatif. » M. de Toulongeon. On ne peut faire un plan d’organisation qu’après avoir examiné plusieurs questions. Les emplacements et les garnisons seront-ils permanents? L’administration intérieure sera-t-elle remise à un conseil particulier? Quel sera le mode de l’avancement et l’état des capitaines-commandants? Les dépenses seront plus ou moins grandes, si vous prenez tel ou tel parti sur ces objets. Je demande au moins à être autorisé à communiquer mes idées au comité militaire et au comité de constitution. L’article est adopté tel qu’il est rapporté ci-dessus. Un dernier article est présenté en ces termes : « La paye de tout soldat français sera augmentée de 32 deniers, en observant les proportions graduelles usitées jusqu’à présent dans les différentes armes et dans les différents grades. » M. le marquis de Bouthillier. Le comité vous a proposé de réduire les troupes à cent quarante-trois mille hommes, et d’accorder une augmentation de paie de 20 deniers. Si vous augmentez cette paye jusqu’à 32 deniers par jour, il faudra augmenter votre dépense de 2,591,250 livres. M. le comte de Crécy. Si nous décrétons une augmentation, où la prendrons-nous ? Plusieurs autres augmentations de dépenses sont certaines; beaucoup d’articles sont estimés trop bas. Par exemple, les convois militaires et les rassemblements de troupes coûteront plus de 1,200,000 livres. Nous ne sommes point assez instruits sur les dépenses de détail pour décréter en ce moment une augmentation de paye de 32 deniers par jour. M. le marquis de Bouthillier. Il est très vrai qu’en fixant la dépense totale de l’armée à 84 millions, le comité militaire n’a pas exagéré les calculs. Il compte pour la paye 67,500,000 livres. Les autres objets sont évalués au plus bas. Cependant la somme de 1 ,200,000 livres, pour les convois et les rassemblements de troupes, est portée un peu haut. Elle serait insuffisante, si toutes les troupes marchaient à la fois d’un bout du royaume à l’autre; mais cette marche générale est inutile: on peut faire mouvoir le tiers de l’armée, et former un rassemblement de trente-cinq mille hommes pour 750,000 livres... Afin de fournir à l’augmentation de 32 deniers, si l’on ne veut pas passer la somme fixée pour le département de la guerre, il faudra retrancher de l’armée sept ou huit mille hommes. Mais si l’Assemblée veut décréter une augmentation de dépense de plus de deux millions, jamais argent n’aura été mieux employé. M. Bubofs de Crancé. Le mémoire du minis* tre de la guerre présente, ainsi que le rapport du comité, une dépense de 67 millions pour la paie des troupes; mais il comprend dans cette somme 150 mille hommes au lieu de 143; la maison du roi, qui est supprimée; les compagnies détachées de l’hôtel des invalides, qui n’existent plus, etc. Ces objets donnent au moins 15 millions à déduire sur 67 millions de paie, ou sur les 84 millions nécessaires au département de la guerre. On peut bien prendre sur cette somme 2 millions pour l’article qui est proposé. M. de Menou. Une armée composée de soldats bien payés vaut mieux qu’une armée plus considérable de soldats mal payés. M. le comte de Sérent. Si vous décrétez aujourd’hui simplement une augmentation de paye de 32 deniers, le soldat croira qu’il doit avoir à l’instant la libre administration de cette augmentation. Il faut ajouter à l’article : « et en faisant la disposition de cette augmentation, suivant qu’il sera déterminé par le pouvoir exécutif. » (L’article est adopté à une très grande majorité avec cette addition.) M. le Président fait lecture des articles tels qu’ils ont été successivement adoptés et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le roi est le chef suprême de l’armée. « 2. L’armée est essentiellement destinée à défendre la patrie contre les ennemis extérieurs. « 3. Il ne peut être introduit dans le royaume, ni admis au service de l’Etat, aucun corps de troupes étrangères, qu’en vertu d’un acte du Corps législatif, sanctionné par le roi. « 4. Les sommes nécessaires à l’entretien de l’armée et autres dépenses militaires, seront votées annuellement par les législatures. « 5. Les législatures, ni le pouvoir exécutif ne peuvent porter aucune atteinte au droit appartenant à chaque citoyen, d’être admissible à tous emplois et grades militaires. « 6. Tout militaire en activité conserve son domicile, nonobstant les absences nécessitées par son service, et peut exercer les fonctions de citoyen actif, s’il a d’ailleurs les qualités exigées par les décrets de l'Assemblée nationale, et si, lors des assemblées où doivent se faire les élections, il n’est pas en garnison dans le canton où est situé son domicile. c 7. Tout militaire qui aura servi l’espace de seize ans sans interruption et sans reproche. 742 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 février 1790. jouira de la plénitude des droits de citoyen actif, et est dispensé des conditions relatives à la propriété et à la contribution, sous la réserve exprimée dans l’article précédent, qu’il ue peut exercer son droit, s’il est en garnison dans le canton où est son domicile. « 8. Chaque année, le 14 juillet, il sera prêté individuellement dans les lieux où les troupes seront en garnison, en présence des officiers municipaux, des citoyens rassemblés et de la troupe entière sous les armes, le serment qui suit : « Savoir, par les officiers de rester fidèles à la Nation, à la loi, au Roi et à la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi; de prêter la main forte requise par les corps administratifs et les officiers civils ou municipaux, et de n’employer jamais ceux qui sont sous leurs ordres contre aucun citoyen, si ce n’est sur cette réquisition, laquelle sera toujours lue aux troupes assemblées ; « Et par les soldats, entre les mains de leurs officiers, d’être fidèles à la nation, à la loi, au roi et à la Constitution, de n’abandonner jamais leurs drapeaux, et d’observer exactement les régies de la discipline militaire. « Les formules de ces serments seront lues à haute voix par le commandant, qui jurera le premier, et recevra le serment que chaque officier, et ensuite chaque soldat, prononcera en levant la main, et disant : Je le jure. « 9. Toute vénalité des emplois et charges militaires est supprimée. « 10. Le ministre ayant le département de la guerre, et tous les agents militaires, quels qu’ils soient, sont sujets à la responsabilité dans les cas et de la manière qui sont et seront déterminées par lp Constitution, « 11. A chaque législature appartient le pouvoir de statuer: u 1° Sur les sommes à voter annuellement pour l’entretien de l’armée, et autres dépenses militaires ; « 2° Sur le nombre d’hommes dont l’armée sera composée; « 3° Sur la solde de chaque grade ; « 4° Sur les règles d’admission au service, et d’avancement dans les grades; « 5° Sur la forme des enrôlements et les conditions de dégagement; « 6° Sur l’admission des troupes étrangères au service de la nation ; « 7° Sur les lois relatives aux délits et aux peines militaires; « 8° Sur le traitement des troupes dans le cas où elles seraient licenciées. « L’Assemblée nationale a décrété et décrète en outre que le comité de constitution et le comité militaire se concerteront pour lui présenter le pins tôt possible des projets de loi : « 1° Relativement à l’emploi des forces militaires dans l’intérieur du royaume, et sur les rapports de l’armée, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales; «i 2° Sur l’organisation des tribunaux et les formes des jugements militaires; « 3° Sur les moyens de recruter et d’augmenter les forces militaires en temps de guerre, en supprimant le tirage de la milice, « L’Assemblée nationale a décrété et décrète de plus que le roi sera supplié de faire incessamment présenter à l’Assemblée nationale Un plan d’organisation de l’armée* pour mettre les représentants de la nation en état de délibérer et de statuer sans retard sur les divers objets qui sont du ressort du pouvoir législatif. « L'Assemblée nationale a décrété et décrète enfin qu’à commencer du 1er mai prochain, la paye de tous les soldats français sera augmentée de 32 deniers par jour, en oBservant la progression graduelle entre les differentes armes et les différents grades; et l’emploi de cette paye sera incessamment déterminé par des ordonnances militaires. » M. le Président annonce qu’il a reçu du ministre de la marine une lettre et des pièces concernant l’affaire des colonies. M. Alexandre de Lameth demande que la lettre et les pièces en question soient remises au. comité des rapports et que le président de ce comité soit autorisé à se faire représenter les originaux par le ministre de la Marine, à l’effet de constater si ces pièees sont des copies collationnées où de simples extraits, même à prendre, s’il le croit nécessaire, les pièces originales en communication sous son récépissé. La motion est mise aux voix et adoptée. M. le Président annonce à l’Assemblée qu’elle vient de perdre un de ses tnémbres, M. le marquis de Lavalette-Parisot, député du Quercy, et que Son convoi, auquel il invite les membres à assister, partira ce soir à huit heures, de l’hôtel Gaston, rue Traversière, n° 57. M. le Président Jève la séance à 5 heures du soir, après avoir annoncé que l’ affaire des colonies serait à l’ordre du jour de demain. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 28 fé* vrier 1790. Rapport en défense dans ta cause du peuplé des Baux, en Provence, contre le prévôt général de la maréchaussée de cette province. (1), par M. Durand dé Maillarie, député â'Â ries. Messieurs, il sera prouvé authentiqüement que la généralité, ou tout au moins La grande majorité des habitants de la ville et du terroir de Baux (ce qui comprend le hameau et le bourg très peuplés de Mauriès et Maussanne) a témoigné le plus vivement, depuis le 22 août dernier, le désir d’uiie assemblée de tous chefs de famille, pour y prendre à l’exemple de toutes les municipalités du royaume les délibérations convenables dans les circonstances heureusès de la nouvelle constitution. Cette municipalité particulière des Baux avait aussi des raisons à elle propres, pour désirer plus ardemment qu’une autre un conseil général : elle avait d’abord à délibérer sôn adhésion aux rapports de l’ Assemblée nationale, et une renonciation locale pour ses privilèges, comme terre adjacente de la Provence. L’abolition du régime féodal l’avait mise, d’autte part, dans le cas de pfbcürëf au Trésor public un grand profit, par la rentrée (1) Ce document n’a par été inséré au Moniteur.