(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, |18 janvier 1791.] m propose le projet de décret suivant, qui est adopté : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des départements de la Manche, de l’Indre, des Bouches-du-Rhône, de la Meuse, de Saône-et-Loire, de la Charente, du Loiret, des Deux-Sèvres, des communes de Montauban et de Villeneuve-le-Roi, décrété ce qui suit : « Il sera nommé deux juges de paix dans le canton de Coutances. « Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Ghâteauroux, lssoudun, Ta-rascon, Martigues, la Giotat, Angoulême, Tour-nus, Orléans, Montargis, Niort et Montauban. « Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront leurs fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu’à l’installation des nouveaux juges qui seront élus, installés, et qui prêteront serment dans la forme établie par la loi sur l’organisation de l’ordre judiciaire. La municipalité de Viliefolle, district de Joigny, département de l’Yonne, est supprimée et réunie à celle de Villeneuve-le-Roi. « Il sera, en conséquence, procédé à l’élection d’une nouvelle municipalité pour lesdits lieux. « La paroisse de Rallay demeurera unie au district de Loudun, département de la Vienne. » M. Pezous, qui avait obtenu un congé de six semaines le 1er décembre dernier, fait part à l’Assemblée de son retour et remet son congé sur le bureau. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés. M. Prugnon (1). Messieurs, deux transactions vous ont été présentées : Tune par le comité, l’autre par M. Troncliet. M. Duport, au nom du comité, a proposé, il y a quelques jours, de transiger sur le principe absolu. Je lui observe d’abord que le principe est comme une jolie femme : lorsqu’elle capitule, elle est bien près d’être prise. {On rit.) Il faut, dit-il, eesacnlice dans la délicatesse du moment. Qu’il me permette de lui observer qu’une loi constitutionnelle n’est pas faite pour le moment, mais pour le temps; que lorsqu’elle ne convient pas au moment, on la décrète constitutionnellement, mais on en suspend l’exécution. Ce principe tombe donc, sous ce premier rapport, dans une grande inconséquence, et je demande sur la transaction la question préalable. Reste maintenant la transaction de M. Tron-cbet. Je crois, Messieurs, que le nouveau mode qu’il a adopté est inférieur en bonté à celui qu’il avait présenté le 5 janvier. Aussi je viens demander la question préalable contre la proposition de M. Troncbet pour appuyer sa première proposition. Première question à discuter. La conviction morale est-elle supérieure à la certitude que peut présenter la preuve qu’on appelle légale, et faut-il s’en tenir à cette conviction ? Seconde question. La preuve écrite est-elle destructive de l’institution des jurés ? Enfin, en adoptant la procédure mixte, conservera-t-on dans tous les cas le moyen de convaincre les té-(1) Nous empruntons ce document au Journal logo-graphique , t. XX, p. 170. moins de parjure et d’user de la voix de la révision? Comment la levision se lance-t-elle dans l’homme? Sans me jeter, Messieurs, dans des discussions métaphysiques que l’on ne peut saisir que de ta pointe de l’imagination et qui échappent dès qu’on en fait l’analyse, je crois pouvoir dire qu’il y a nécessairement deux convictions : la conviction sentie et la conviction raisonnée. Faut-il préférer la première à la seconde, l’instinct à la raison, et lorsque Ton a deux moyens d’arriver à la vérité, peut-on se réduire à un seul? Le comité n’est-il pas un peu le peintre de la chimère? A l’entendre on croirait que la vérité va sortir de tous les pores des témoins et de l’accusé; que, les témoins seront là pour la tenir dans leurs mains, qu’iis la tiendront dans leurs mains bien fermées jusqu’au moment où ils se retireront pour délibérer, et, par cette opération magique, on ne verra plus ici un innocent condamné ni un criminel absous. Que Platon ait dit cela il y a bien des années et sous le règne des doctrines occultes, je trouverai cela très convenable; mais qu’à la veille du dix-neuvième siècle on le propose, je m’écrie : 0 altitudo ! Il reste à l’homme un instrument très précieux, c’est sa raison; ne doutez pas qu’il s’en serve dans l’occasion la plus intéressante. Je dis qu’il ne pourra pas s’en servir, si les dépositions ne sont pas écrites pour lui servir de point de ralliement. Juger, c’est comparer ; ainsi pour bien juger il faut avoir sous les yeux les points de comparaison immuables. Si les objets qu’il s’agit de comparer sont absents, comment asseoir un jugement solide, comment combiner ces dépositions entre elles, et sans ces combinaisons, où est le moyen de juger? Ce juré sera-t-il sûr le lendemain qu’il a bien décidé? S’il n’y a plus de (races, comment retrouver la route qu’il a prise? Tout réside donc dans sa volonté intérieure. Mais cette volonté ne laisse pas d’être dans les intervalles des séances, et ces intervalles vont être fréquents et de plusieurs jours, si toutes les affaires étaient assez simples pour que les témoins pussent être entendus et la preuve présentée dans le même jour, je conçois que les hommes qui auront en général le cœur juste et le sens droit pourraient prononcer sur le fait et dire : l’accusé est coupable ou non ; mais dans une procédure un peu chargée, les témoins entendus aujourd’hui qui seront assez éloignés pour ne pouvoir être entendus que sous 3, 4 et même 15 jours, pendant les 15 jours comment la mémoire des jurés conservera-t-elle non pas seulement la déposition des premiers témoins, mais les débats entre eux, l’accusé et son conseil? Quand ensuite il faudra ajouter et de nouvelles dépositions et de nouveaux débats; quand il faudra ordonner et classer tout dans sa tête, cette tâche sera très fort au-dessus des facultés intellectuelles des jurés. Je ne nie point que la conviction morale ne soit précieuse ; mais la question bien précise se réduit à savoir si la question discutée devant les jurés s’oppose à la conviction déjà acquise par l’écriture? Non, sans doute, puisque cette première rédaction sera nette et sommaire, puisqu’elle sera avouée par les jurés et en partie de leur ouvrage. Ainsi quand ils se trouveront dans leur chambre, il sera à peu près possible qu’ils se partagent dans le sens des dépositions écrites, puisque ce sens aura été partagé devant eux et par eux. Mais s’il était possible desesépaier sur le sens des dépositions écrites, il faut convenir qu’il le serait bien davan tage sur celui des dépositions orales qu’ils auraiententendues [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791. J 307 15 jours auparavant.il y a une différence extrême entre un cas et l’autre. Ici , ils demeureraient abandonnés à l’incertitude de leur mémoire et réduits à obéir à l’impulsion du plus entraînant d’entre eux et à des combinaisons de circonstances avant l’époque. Là l’écriture obvie à tous ces inconvénients. Pour m’expliquer, il faut une hypothèse : Pierre et Jean sont partis en même temps quelques heures après qu’il a été commis un assassinat dans l’hôtel où ils logaient tous deux ; l’un est de Calais, l’autre est de Perpignan. L’information commence. Il faut assigner l’un et l’autre et quelquefois même l’un après l’autre, ce qui entraîne des longueurs à l’infini. Le comité ne s’aperçoit pas ensuite, Messieurs, qu’il sera forcé d’appliquer jusqu’à un certain degré les règles de la preuve qu’il appelle légale, car il y a une sorte de philosophie nécessaire à la bonne conscience. S’il n’y a point de règles pour sentir, il y en a pour penser et pour décider. Si vous alliez jusqu’à dire dans un sens absolu que vos jurés peuvent prononcer d’après leur conviction intime et libre, un seul témoin suffirait donc pour juger un homme à la mort, si ces jurés pouvaient dire : ce témoignage a un tei caractère de vérité que nous croyons que là est l’évidence. Alors je vous le demande, Messieurs, quel avantage ne donnez-vous pas à l’homme riche qui aura une vengeance à exercer et à qui, pour perdre son ennemi, il suffira d’acheter une conscience? A quoi n'exposez-vous pas celui contre lequel il y aura des préventions locales et que les jurés, confondant souvent le bruit populaire avec la voix publique, viendront juger? Les juges du fait ont besoin d’un instrument quelconque pour mesurer les preuves, sans cela vous les autorisez à juger au gré de leur caprice ou de leurs passions, et c’est leur donner un pouvoir sans responsabilité. Quelle inconcevable tyrannie venez-vous donc nous proposer? La loi ne doit abandonnera l’erreur et aux passions des hommes que ce qu’elle ne peut pas leur ôter; et si le droit d’être jugé par ses pairs est aussi ancien que les sociétés mêmes, il ne doit l’être qu’avec des procédés simples. Or, avec votre conviction morale, nulle sûreté, nulle garantie ; l’erreur vient de ce que constamment on confond la conviction avec la certitude morale : la première trompe, et la seconde jamais. Avec la première, lorsqu’un accusé serait déclaré coupable par tous les jurés, rien ne prouverait que dix autres ne l’eussent pas déclaré innocent. Maintenant il s’agit de la seconde question : la déposition écrite est-elle destructive des jurés ? J’établirai la proposition inverse, je trouverai qu’il faudra renoncer à avoir de bons jurés si on rejette entièrement la preuve écrite. Les jurés seront, dit-on, inattentifs si vous écrivez. Quoi ! Messieurs, selon le comité, les juges sont des hommes, les plus approchants de la perfection, et le premier sentiment du comité est un sentiment de défiance et il craint leur inattention et leur insouciance ! Mais les juges insouciants, en matière criminelle surtout, sont bien près d’être des juges injustes. Sur cela je fais ce dilemme : toutes nos frayeurs sont fondées ou ne le sont pas. Dans le premier cas vous livrez donc, de gaieté de cœur, le sort d’un innocent à des juges inattentifs. Au contraire, vos frayeurs ne sont-elles pas fondées, alors pourquoi vous opposer à ce qu’on écrive? L’éternel sophisme est de supposer que les abus de l’ancienne procédure vont renaître si on écrit les dépositions ; mais d’abord nous sommes plus que d’accord sur les abus qu’il nous oppose. Tout aboutit à ce point unique. Est-ce parce que la procédure de Galas a été écrite que ce malheureux père a expiré sur la roue ? On s’empresse de répondre que, s’il y avait eu des jurés, la justice n’aurait pas commis ce crime-là, et moi je serais tenté de croire que si Calas avait été jugé par des jurés catholiques, s’il n’avait pas eu des jurés protestants, au degré de fermentation qu’il y avait alors, il serait peut-être expiré plus vite. Lorsque les têtes seront enflammées, dans les provinces du Midi surtout, vos jurés seront une institution terrible; et quand je vois ceriains membres l’appuyer et la défendre, je me dis que sans s’en douter ils fabriquent l’instrument sous lequel, dans un mouvement d’effervescence, tombera la tête de l’innocent. Les jurés, dit-on encore, se décourageront si on écrit. Eu montant la première fois à cette tribune, je vous avais proposé de prendre des tachygraphes pour greffiers. Si par jurés vous entendez des hommes qui ne veulent pas accorder ni le temps ni l’attention indispensables pour juger sainement des affaires aussi intéressantes que les affaires criminelles, bannissez ces hommes, car alors, au nom seul de juré, l’innocence doit pâlir; et si vous renoncez à un moyen d’éviter Terreur et de rencontrer la vérité, vous êtes coupables envers la société entière. La défense du comité sur cette grande question consiste donc à dire : il faut proscrire la procédure écrite sur la difficulté de rassembler, de concerter et de conserver les jurés pendant le temps nécessaire à une instruction par écrit ; en conséquence, il bannit la procédure écrite, parce qu’il lui semble plus expéditif et plus économique de faire pendre sur parole et sur énoncé que sur instruction écrite. Voilà, Messieurs, le précieux point d’économie du comité. Il faut convenir qu’il y a des économistes dans vos bureaux. L’écriture est autant la sûreté et la garantie des jurés que celle de la justice. Si vous les forcez à juger saus cette régularité, vous les livrez au ressentiment le plus profond, et surtout à des soupçons cruels que vous les mettez dans l’impossibilité de détruire. Les familles croiront qu’ils ont fait périr leurs parents par malice ou par ignorance ; ils susciteront, achèteront des accusateurs contre eux. Accepteront-ils un rôle où ils ne verront que haine et que danger ? Vous supposez saus doute que chacun de vos jurés sera un excellent physionomiste, que son âme ira fouiller l’âme de chaque témoin. Réalisez cette séduisante théorie, vous diront-ils; mais après que le combat sera engagé entre le témoin et l’accusé, fixez successivement sur le papier le sens précis des dépositions pour que nous puissions nous en rendre compte à nous-mêmes, sans cela, diront-ils, la troisième déposition affaiblira la première, et la dernière finira par les effacer toutes. Voilà, Messieurs, ce que vous répondront vos jurés. Répétez-nous après cela que l’écriture, comme le dit le comité, détruit la moralité des jurés. Ce sera, Messieurs, dans les affaires qui agitent l’opinion publique que sera le danger. Dans ces instants malheureux, chaque témoin, même de bonne foi, n’a pour ainsi dire qu’un œil et qu’une oreille; il ne voit que le côté qu’il accuse, il n'écoute et n’entend que pour donner un corps aux chimères et une autorité aux apparences. 308 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791.] L’homme le plus sage tombe souvent dans le torrent de l’opinion. Et où ne nous conduirait pas un pareil système avec des jurés pour qui une simple notoriété deviendrait souvent l'évidence ! Le comité ne peut atteindre le faux témoin, car il conseive aux témoins la constante libel lé des variations. Quant au procès-verbal proposé par M. Tron-chet pour contenir les aveux, la déclaration de l’accusateur et des accusés, je dis que le procès-verbal sera d’une difficulté extrême à rédiger : il s’élèvera une lutte terrible entre l’accusateur, l’accusé et ses conseils, sur ce qui doit ou qui ne doit pas être écrit dans le procès-verbal ; on usera de longs moments dans le combat, si l’on écrit tout ce qu’ils voudront conserver, voilà la procédure écrite avec plus de lenteur que jamais et le nom seul en est changé. M. Tronchet convient que la déposition est indivisible du débat, et de là il avoue que la déposition doit être écrite; comment rejeter l’écriture du débat qui ne fait qu’un avec elle? Un procès-verbal en matière criminelle, placé où il le propose, est un acte indéfinissable. Et un tel acte, dans l’affaire du 6 octobre par exemple, eût il été bien concluant, et comment eut-il été possible de le rédiger? On rédige les débats sommairement, mais intégralement; si dans ce système ce remède de la division n’était pas précisément perdu, au moins il serait très difficile à appliquer. Messieurs, tous les demi-moyens sont complètement insuffisants. Souvenez-vous, je vous en conjure, que celte ressource ne ferait pas taire le cri du sang de l’innocent que votre législation aurait fait répandre. Des systèmes, lorsqu’il s’agit de la vie des hommes ! de la métaphysique en matière criminelle, lorsqu’il s’agit de conduire un homme à la mort! 11 est un être (c’est celui de la lumière), s’il daignait paraître et dire que ce système est bon, il faudrait se soumettre avec un respect infini, parce qu’il est la lumière; mais comme le comité ne l’est, pas, je demande la question préalable sur son projet de décret. (On rit.) M. l’abbé Charrier de La I&oche. Je n’ai demandé la parole que pour vous soumettre une observation bien simple et qui m’a paru propre à concilier tous les systèmes. Le meilleur système c’est celui qui concilierait la preuve orale avec les longueurs de la preuve écrite, en appliquant à cette dernière tous les caractères de la preuve morale. Ce moyen consisterait en deux sortes de récusations. celle de l’accusé, à l’egard des témoins qui, lorsqu’elle est fondée, ne souffre aucuue difficulté, et celle du juré, après les dépositions. Je veux faire sentir l’utilité et la justice de celte dernière. Tel témoin qui n’est pas suspect à l’accusé peut le devenir au juré qui peut lui refuser sa confiance par des raisons inconnues à l’accusé. Cette récusation pourrait se faire à une pluralité égale à celle que la loi exigera pour le jugement du juré. Les témoins ayant passé par l’épreuve de cette double récusation acquerront une confiance qui fondera une conviction légale; et les jurés prononceront, d’après le résultat de de leur témoignage, le jugement le plus authentique dans l’ordre des certitudes humaines. Je demande donc que la preuve par écrit soit admise dans le sens proposé par le comité, en rectifiant son premier plan amendé parM. Tronchet, et que les jurés, avant de former leur juge-gement, soient autorisés à récuser, dans une pluralité convenue, ceux des témoins qu’une conviction intime leur indiquera comme indignes des regards de la justice. M. Goupil ( ci-devant de Préfeln). Je crois, Messieurs, que le dernier projet que le comité nous a présenté était indispensable ; que cependant l’article 3 doit être retranché. Je crois qu’on peut y ajouter des articles additionnels que je vais vous proposer. Le 3e article qui vous est présenté par le comité est conçu en ces termes : L’examen des témoins et des débats sera faits ensuite devant le juré, de vive voix et sans écrit, après la lecture publique qui en sera faite. L’article ajoute ; Et ils serviront à la conviction. Je propose qu’on retranche ces derniers termes: Voici deux articles additionnels : « 1° Néanmoins si l'accusé ou ses conseils remarquent dans les déclarations faites par les témoins devant les jurés quelque chose qui puisse servir soit à infirmer le témoignage, soit à l’éclaircissement des faits ou à la justification de l’accusé, ils auront droit de requérir que ces déclarations soient rédigées par écrit, et cela ne pourra leur être refusé ; « 2° Si les témoins entendus, soit par le juré de police, soit devant le juré ou devant un des juges du tribunal du procès, ne comparaissent pas devant le juré d’accusation, les dépositions ne seront lues qu’au cas qu’elles aillent à la décharge de l’accusé. » M. Tronchet. La crainte que j’avais hier d’abuser de vos moments m’a fait omettre une observation importante; elle doit répondre à uue objection faite par M. Thouret. Vous vous rappelez que dans la troisième partie de mon discours je m’étais proposé de vous établir la nécessité d’écrire les dépositions toutes les fois que les jurés le croiraient nécessaire et le requerraient. Je me suis fondé sur ce qu’il est moralement et physiquement impossible que les jurés [missent, sans ce secours, parvenir à juger une procédure compliquée. Voici l’objection principale et la réponse : Le comité dit et suppose qu’il ne peut y avoir de procès compliqué, si on établit séparément le débat pour chaque accusé. Je réponds qu’il est impossible à un législateur raisonnable de faire une pareille loi. Prenons pour exemple le procès contre milord Riston. Ii y avait plusieurs coaccusés. LevieuxRislon,en comparaissant devant le juré, demanda que son procès fût jugé séparément. Voici la réponse du juge : * Monsieur, si vous insistez sur votre demande, je ne puis vous la refuser, parce que la loi le permet; mais je dois vous avertir que vous allez contre votre propre intérêt, et qu’il vous est plus avantageux de vous défendre conjointement et en présence de vos coaccusés. » Vous voyez que ia loi anglaise permet à l’accusé de demander la séparation de son affaire; mais vous voyez aussi qu’elle ne l’exige pas, et 1a réponse pleine de sens et de justesse du directeur du juré vous eu donne la raison; c’est qu’il est plus avantageux aux coaccusés d’être jugés en commun; c’est que la loi naturelle ne permet pas aux législateurs de priver l’accusé de tous les moyens que le droit naturel lui donne pour se défendre. S’il est impossible que vous fassiez une pareille loi, il est impossible que vous évitiez la complication de la procédure, parce que les accusés, connaissant la permission que leur donne [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791.) 3Q9 la loi naturelle, ne voudront jamais consentir à être jugés séparément. M. I-iC Pelletier ( ci-devant de Saint-Far-gean), membre du comité (1). Je viens, au nom du comité, résumer en peu de mots l’état actuel de la grande question qui vous occupe; et, dans cet instant précieux qui précède immédiatement votre décret, je chercherai à recueillir votre attention sur les difficultés majeures et sur les considérations essentiellement décisives. Mais d’abord une première pensée se présente à moi. Si tout est important dans la délibération que vous allez prendre, si elle touche aux plus chers intérêts des hommes, si elle fixe l’attention de la nation entière et partage l’opinion des meilleurs esprits, en un mot, si nui décret n’a plus besoin que celui-ci d’être sanctionné par la confiance publique, rien aussi n’est plus propre à fixer votre attention que cette discussion et les progrès qui l’ont amenée au point où elle se trouve aujourd’hui réduite. Je ne vous dirai pas combien la discussion lumineuse qui a précédé a servi à éclairer la question : je ne vous rappellerai pas avec quelle sage lenteur vous devez marcher dans ces examens, appelant toujours à la raison du lendemain des impressions qui vous avaient frappé la veille; mais ce que je crois essentiel de vous rappeler, c’est avec quelle bonne foi, avec quel respect pour la vérité, avec quel abandon de tout amour-propre, les différents systèmes se sont et combattus et rapprochés : celui de la preuve orale pure et simple vous a d’abord été présenté par vos comités. M. Tronchet a parlé, et le système des preuves écrites en entier a compté en sa faveur le suffrage de la sagacité et de l’expérience. Votre comité n'a pas tardé à se rendre aux objections qui l’ont frappé : il a accueilli la preuve écrite dans la partie de l’instruction où elle lui a paru utile et compatible avec l’institution du juré; et M. Tronchet, imitant bientôt cet exemple, a abandonné aussi le système des écritures pour les portions de la procédure où il a reconnu qu’elles ne pouvaient pas être employées sans de graves inconvénients. Ainsi de part et d’autre on a évité les extrémités de deux systèmes, on s’est combattu avec franchise, on s’est rapproché avec confiance, ralliés par le désir pur d’ai teindre le vrai, et la question se trouve ramenée à des termes moyens, l'un présenté par les comités, l’autre par M. Tronchet. Examinons les nuances qui les distinguent. Il faut en convenir, la première impression est favorable au système de la totalité de l’écriture. Ce système frappe d’abord l’esprit par des idées simples et qui paraissent évidentes au premier coup d’œil : vous l’avez éprouvé, mais vous avez senti l’effet des secondes réflexions, et nous regardons comme un témoignage précieux, comme un préjugé bien important à offrir à la confiance publique, que le système présenté par un jurisconsulte aussi recommandable que M. Tronchet et accueilli favorablement par l’Assemblée ait été abandonné dans ce qu’il a d’extrême et d’absolu par celui-là même qui l’avait proposé avec plus de conviction et de zèle, qui, sans doute, dans l’opinion de qui que ce soit ne manquerait i i de. constance pour y persister, ni de lumières pour le défendre. En quoi consiste la dernière opinion de vos (1) Nous empruntons ce document au Journal logo-graphique, t. XX, p. 176. �comités? En quoi l’opinion de M. Tronchet diffère-t-elle? Vos comités vous ont proposé de faire écrire le témoignage par l’officier de police devant lequel auront paru les premiers témoins ; de faire écrire, devant le directeur du juré d’accusation, les dépositions additionnelles que n’aurait pas reçues l’officier de police ; enfin de fixer également par écrit, avant le jugement, mais par-devant le directeur du juré de jugement, les dépositions des témoins produits par l’accusé, et celles des témoins que l’accusateur public aurait amenés. Vos comités vous proposent, en outre, de commencer les séances du juré par la lecture de ces dépo itions, d’admettre le débat formel en présence du juré, et avec ces simples éléments de leur conviction, de livrer les jurés à leurs délibérations et à leurs consciences. Voilà le dernier avis de vos comités. M. Tronchet adopte tout ce qui appartient à la réception par écrit des témoignages; il demande seulement que les dépositions soient lues aux témoins avant le juré d’accusation et avant le juré du jugement, pour qu’ils déclarent si c’est là ce qu’ils ont déposé. Il consent que le débat soit verbal; mais il demande qu’aprés qu’il sera achevé, il soit dressé, à la réquisition de l’accusé et de son conseil, procès-verbal des faits principaux, des variations, des aveux, des dénégations importantes, enfin de la substance du débat ; que ce procès-verbal du juré soit rédigé en présence du juré; enfin il désire que ce procès-verbal écrit, que le cahier des dépositions écrites soient remis aux jurés lorsqu’ils se retireront pour délibérer. Ainsi l’état actuel de l’avis de M. Tronchet se réduit à trois additions qu’il propose au projet du comité : lecture de leurs dépositions aux témoins devant Jes jurés d’accusation et de jugement, procès-verbal abrégé du débat après qu’il aura eu lieu verbalement, enfin remise aux jurés, lorsqu’ils le requerront, des dépositions écrites et de l’abrégé succinct du débat. Parcourons, Messieurs, ces trois additions. M. Tronchet demande que les dépositions soient relues devant les deux jurés aux témoins pour bien constater la fidélité de la rédaction ; il considère trois intérêts dans cette formalité : l’intérêt du juge qui a reçu les dépositions pour que le témoin embarrassé dans le débat ne puisse pas inculper le juge d’infidélité dans la manière dont il a reçu son témoignage, et ne puisse pas prétendre qu’il n’a pas déposé ce qu’on lui fait dire; l’intérêt de l’accusé pour qu’il puisse saisir le faux témoin dans îa rédaction, et que celui-ci ne puisse pas lui échapper par sa vaine allégation que sa déposition a été mal rédigée ; enfin l’intérêt du témoin lui-même pour qu’il soit bien assuré qu’on ne lui fait pas dire ce qu’il n’a pas dit, et qu’une rédaction inexacte ne puisse pas le livrer aux soupçons odieux d’an faux témoignage, aux inculpations de l’accusé et à la vengeance des lois. Ainsi il est constant que M. Tronchet ne demande cette formalité que pour constater l’authenticité de la déposition, pour s’assurer qu’on a écrit fidèlement ce que le témoin a déposé. Ce n’est pas une forme employée pour s’assurer de la véracité du témoignage. Le témoin n’est pas en droit de dire si la déposition contient vérité, s’il veut ou la rétracter, ou y persister, ou la modifier. Ce serait là un véritable récolement; M. Tronchet ne l’a pas proposé. Il n’est point entré et il ne pouvait entrer dans un aussi bon esprit que le sien de ne pas sentir les inconvénients de ce récolement trop préma- 310 [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791.] tnré, ils sont trop sensibles et trop évidents. Son objet encore une fois n’est que de rendre la déposition authentique : le témoin n’est interpellé de déclarer autre chose, sinon s’il est vrai qu’il a déposé ce qui est écrit dans sa déposition. Nous aurions accueilli, Messieurs, bien volontiers cette addition et toute formalité qui tendrait à rendre plus certaines et plus authentiques des pièces aussi importantes que celles qui doivent figurer dans un procès criminel, mais nos réflexions sur cette proposition nous y ont fait apercevoir des inconvénients considérables. Nous vous prions de nous accorder un instant d’attention. Cette formalité n’a point l’avantage qu’offre le récolement ; elle en a tous les inconvénients. Elle n'offre point au témoin le moyen ou l’occasion de rétablir la vérité qu’il aurait altérée dans sa déposition, mais elle le lie de nouveau à sa déposition, c’est-à-dire à son imposture, s’il a faussement déposé ; elle lui rappelle le mensonge qu’il a proféré avant que la justice lui offre les moyens de se rétracter ; elle lui retrace son iniquité avant qu’il puisse la réparer. Il a déclaré une première fois, devant le juré d’accusation, que c’est bien là ce qu’il a dit; il a déclaré une seconde fois, devant le juré de jugement, que la déposition qu’on lui relit est la sienne, et il ne s’est pas encore écrié : déchirez ce témoignage; le remords me le reproche; il est temps que la vérité se manifeste. Ainsi il aura été rapproché deux fois de son imposture ; il aura été familiarisé avec son imposture. Le premier cri du remords au moment où on lui rappelle ce qu’il a dicté et ce que sa conviction désavoue ; ce premier moment si important aura été perdu pour le repentir, puisqu’il n’aura pas encore été appelé à se rétracter ; et ces épreuves successives n’opposeront d’autres effets que de l’endurcir dans son iniquité et d’enchaîner ainsi sa conscience, du moins sa pudeur. Voilà les inconvénients qui nous ont frappé dans celte nouvelle précaution. L’avantage d’ajouter quelque authenticité àla rédaction peut-il entrer en balance avec l’intérêt capital pour l’accusé de ne lier le témoin que le plus tard possible et de ne lui ouvrir toutes les portes du retour ; à la vérité, bien loin de l’enchaîner au mensonge par l’habitude d’entendre répéter ce qu’il a déposé, par la fausse honte qui peut l’empêcher de désavouer devant lejuré ce que trois fois il sera convenu d’avoir dit? D’ailleurs une nouvelle authenticité vous paraîtrait-elle bien nécessaire, tandis que cette pièce bien qu’essentielle n’a point toute l’influence des anciennes procédures criminelles? Enfin les erreurs de rédaction sont toujours remédiables, puisque, si la déposition était écrite infidèlement, le témoin présent lors de la lecture ne manquerait pas de se récrier sur l’infidélité de la rédaction au moment où ses oreilles seraient remplies de la lecture d’un fait ou d’une circonstance dont il n’aurait pas déposé. Je conclus, Messieurs, sur ce point que la première addition proposée au plan de vos comités n’est pas nécessaire et qu’il y aurait de grands inconvénients à l’adopter. Je passe à la troisième objection de M. Tron-chet. Après que le débat verbal aura lieu devant le juré, ordonnerez-vous qu’il soif rédigé par écrit et en abrégé dans un procès-verbal qui en constate les circonstances les plus essentielles? Vos comités, Messieurs, se sont demandé d’abord de quelle manière celle disposition pourrait s’effectuer dans la pratique. La rédaction n’étant pas faite devant l’accusé ou son conseil, cette pièce ne serait pas contradictoire avec l’accusé; il pourrait se plaindre de la manière dont elle a été rédigée ; il pourrait alléguer que tel fait, telle circonstance, tel motim portant a été omis, et que, s’il avait eu le droit de réquisition, il en aurait demandé l’insertion dans le procès-verbal. Véritablement, sans le concours de l’accusé ou de sou conseil, cette pièce serait imparfaite, elle serait plus nuisible qu’utile; d’un autre côté, si vous donnez le droit de révision à l’accusé et à son conseil, dans quels embarras inextricables ne tomberez-vous pas ? Gomment vous défendrez-vous des trop excusables sollicitations d’un accusé, du zèle louable mais peut-être exagéré d’un conseil? Ils s’attacheront à telles circonstances du débat qui leur paraîtront bien importantes; ils saisiront tel mot, telle expression, tel aveu. Quel sera le contradicteur? quel sera le juge de l’utilité de la réquisition ? Voilà un incident ouvert pour ainsi dire sur chaque parole du débat; voilà une discussion pour savoir si elle sera insérée dans le procès-verbal, procès très verbeux et très animé, non pas sur le fondée l’affaire, mais sur la rédaction des pièces. Et qui déciderace procès ? Seront-ce les juges? Mais ce qui tient à la preuve matérielle des faits est attribué par la Constitution aux jurés en matière criminelle. Seront-ce les jurés ? En ce cas vous changez la nature de leur fonction, vous les faites juger des incidents d’une procédure. Vous trouverez bien des hommes pauvres, capables de descendre dans leur conscience chercher de bonne foi leur conviction, mais non pas des hommes capables de prononcer sur les chicanes de rédaction de procès-verbaux. Vous adopterez par là un moyen beaucoup plus long que la rédaction totale et par écrit du débat, car vous ne pouvez pas douter qu’il n’y ait incident presque sur chaque circonstance du débat, et que cette plaidoirie contradictoire n’en devienne une nouvelle confrontation et véritablement un nouveau débat. Ge moyen nous a paru impraticable. Nous n’avons pu rallier notre vœu et notre opinion à cette nouvelle version. Mais il nous en reste à examiner une dernière qui présente de la difficulté et qui peut partager de bons esprits. M. Tronehet propose que le cahier des dépositions écrites et abrégées du débat suit remis aux jurés s’ils le demandent. Dans l’opinion de votre comité, la question sur la remise du procès-verbal n’existe plus, puisque son vœu repousse comme impraticable cette rédaction de procès-verbal; mais la difficulté est tout entière sur la remise des cahiers des dépositions écrites qui, suivant le dernier projet de votre comité, ne doit point être confié aux jurés pour leurs délibérations. Sur cette question j’observe, Messieurs, que la base principale sur laquelle est appuyée la demande de cette communication est de fournir à la mémoire des jurés un point de ralliement dans les procès compliqués, et l’impossibilité où ils seraient de tenir un fil certain pour les conduire dans une série de faits particuliers qui embrasseraient plusieurs accusés et des chefs nombreux d’accusation contre chacun d’eux. Or, la méthode peut seule fournir ce fü. Cette méthode sera présentée parla loi elle-même. Le moyen est très simple, et aucun procès ne peut être compliqué en suivant ce procédé. C’est, non pas comme l’observait tout à l’heure M. Tronehet, de faire un débat particulier sur chaque fait et sur chaque accusé, d’en faire un débat général; car certainement ce moyen ôterait aux accusés les [Assemblée nationale»! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 janvier 1791. J 811 avantages d’une différence commune. Nous avons donc pensé, Messieurs, qu’il ne fallait pas en priver les accusés, mais nous n’avons pas cru qu’on pouvait allier les avantages des deux systèmes; nous avons pensé d’abord qu’il fallait un débat général, un débat commun de tous les accusés, de tous les témoins, sur tous les articles compris au procès, sur tous les chefs d’accusation. Mais après ce premier débat nous avons pensé, Messieurs, que la méthode pouvait simplifier la discussion, et qu’alors il fallait que le président du juré, après avoir tout rassemblé d’abord, divisât tout ensuite et qu’il en fît un débat particulie r qui succédât au débat général, mais sans écrire. Ainsi, il ne peut plus y avoir de difficulté, il ne peut plus y avoir de complication : ce sont des idées simples, des idées séparées et isolées que l’on présente cle cette manière aux jurés. S’il est établi par ces réflexions que la remise du cabier écrit de la déposition n’est pas nécessaire pour soulagerla mémoire des jurés, et qu’un procès des plus simples peut opérer le même effet, est-il bien vrai qu’on puisse sans inconvénients, sans altérer la pureté de l’institution des jurés, leur confier ces preuves écrites ? Get article est-il bien favorable aux accusés ? Quoi donc! nous reconnaissons tous qu’il existe deux genres de preuve dans un procès criminel : la preuve écrite, la preuve orale, la déposition, le débat; nous sentons dans notreintime persuasion que la preuve essentiellement importante, la preuve la plus vérace existe dans les débats non écrits, et que si les dépositions écrites peuvent porter dans l’esprit des jurés uu aperçu général et de première impression, c’est la preuve morale résultant du débat qui fait germer la conviction dans leur cœur et qui seule atteint leur conscience; et cependant, Messieurs, au dernier moment où ils vont prononcer la décision fatale, nous leur remettons la preuve écrite détachée du débat qui ne l’est pas; nous appuyons leurs dernières pensées, non pas sur la preuve orale, sur la preuve vivante et animée ; mais au contraire nous l’en détournons, nous le transportons sur la preuve moins importante, sur celle qui charge le plus l’accusé : car naturellement le débat est toujours une atténuation, en un mot, sut-cette preuve que nous regardons comme l’élément le moins important; mais cette fausse mesure n’en-traînerait-elle pas l’inconvénient dont M. Tron-chet a fourni une preuve sans réplique en parlant des moitiés, des tiers, des quarts, des fractions, des preuves légales? Si le vrai principe des preuves légales peut se conserver au milieu des preuves écrites, il est certain cependant que d’en remettre les cahiers aux jurés, c’est appeler auprès d’eux toutes les absurdités de la preuve légale. G’est en remettant ces cahiers aux juges que l’on a jeté dans les tribunaux le germe d’une preuve qu’on appelle lé-gale.Remettreces cahiers aux jurés, c’est les exposer aux mêmes vices ; c’est porter leur esprit par un assentiment naturel à les disséquer, à les analyser, à distinguer les semi-preuves, les quarts de preuve. Eloignez d’eux ce qui est trompeur: dès lors la conviction sera en eux non plus une opération complète de l’esprit., mais un sentiment simple ; elle reposera sur un point unique de leur être, sur leur conscience. Telles sont, Messieurs, les considérations que vos comités vous soumettent et qui ne leur ont pas permis d’adopter les dernières modifications proposées à ce sujet. Ils ont pensé et pensent encore que l’écriture des dépositions n’a pas d’inconvénients dans les bornes qu’ils vous ont proposées, etqu’ainsi modifiée (die présente aujourd’hui tous les avantages ; d'abord elle appelle le témoin à dire la vérité et à dire toute la vérité, et combien, dans les premiers moments de votre institution naissante, ne s’en sentiraient pas le courage si d’abord la justice les livrait â la publicité de l’examen et de la vive altercation de l’accusé et son conseil ! Les dépositions écrites, telles que nous vous les proposons, peuvent servir par la suite d’enseignement et de guide à i’aeeusé, en conservant la masse principale des faits, l’indication des témoins qui l’ont chargé, et le corps le plus palpable clés preuves qui lui ont été opposées ; elles ont un double avantage, c’est de donner aux jurés, avant le débat, une première idée du procès; au directeur du juré, un code de faits, et enfin à l’accusé lui-même, un avertissement sur ce qui lui est imputé, sur les preuves qui lui sont opposées et sur les endroits de sa défense vers lesquels il doit porter toutes ses forces et celles de ses conseils. Voilà en quoi cela peut être utile ; mais là se borne son utilité; au delà elle est incompatible avec la forme du juré. Vos comités, persistant dans les premières modifications qu’ils ont joint à leur plan, vous conjurent, Messieurs, de ne pas compromettre le sort de celte belle institution, de cette belle institution que nous devons à l’Angleterre où elle trouve son berceau dans les temps les plus recalés ; qui a traversé intacte et sans altération les siècles et les révolutions ; qui ne doit pas, comme on nous l’a dit hier à cette tribune, sa conservation au respect des Anglais pour leurs anciennes institutions et à la prétendue routine dé ce peuplë pour ses vieilles lois» mais qui au contraire a vu se renouveler en entier religions, dynasties, formes de gouvernement, et, au milieu des secousses, des convulsions et des guerres civiles les plus sanglantes, seule est demeurée inébranlable, parce qu’elle reposait sur les bases immortelles de la vérité, de la morale, de la justice et de la raison. Plusieurs membres demandent que là discussion soit fermée. (Cette motion est décrétée.) M. Duport, rapporteur , fait lecture des différents projets de décret soumis à l’Assemblée, Plusieurs membres demandent la priorité pour le projet du comité. M. Garat l'aîné. Je né sais Si M. Tronchet abandonne le décret qu’il a proposé lors du premier discours qu’il fit sur cette importante question ; mais comme il est devenu celui de l’Assemblée toute entière, c’est pour lui que je réclame la priorité. M. Malowct. Avant de prononcer sur la priorité des objets qui vous sont soumis, je demande que vous vouliez bien prononcer sur un article commun à deux de ces projets et que je regarde comme l’un des plus importants à insérer dans celui du comité, si vous l’adoptez : c’est qu’il soit permis à l’accusé de faire écrire, à sa réquisition, la partie des débats qui constatera des faiis. Je vous prie d’observer, Messieurs, que les réflexions par lesquelles M. de Saint-Fargeau a combattu cette proposition s’appliquent à uu dis-