SÉNÉCHAUSSÉE D’AUCH CAHIER y Des plaintes et doléances du clergé de la sénéchaussée d'Auch , arrêtées dans rassemblée convoquée par ordre du Roi (1). Le 20 mars 1789. Appelé par le meilleur des rois à concourir avec tous les ordres de l’Etat aux vues bienfaisantes qui l’occupent, et-que lui ont inspirées sa justice et son amour pour ses peuples, d’établir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du Gouvernement qui intéressent la prospérité de son royaume et le bonheur de ses sujets, le clergé regarde comme un devoir sacré pour lui de donner, dans cette circonstance à Sa Majesté de nouveaux témoignages du zèle dont ii fut toujours animé pour la gloire du trône et la prospérité de l'Etat. C’est dans cet esprit, Sire, que, pénétrés de cette vérité avouée par la raison, attestée par l’histoire, et confirmée par l’expérience de tous les siècles, que la décadence des mœurs est la cause funeste de là décadence des empires, nous croyons ne pouvoir mieux répondre au désir qui nous anime de voir régénérer la nation, qu’en portant aux pieds du trône nos gémissements et nos larmes, sur les causes, malheureusement trop fécondes, de la dépravation des mœurs et du dépérissement de la foi. Les rois de France, Sire, comptèrent toujours parmi leurs titres les plus glorieux, le titre de Roi très-chrétien, de fils aîné de l’Eglise ; et la gloire du nom français tira toujours son principal lustre de l’attachement inviolable de la nation à la religion catholique, et du zèle qu’elle témoigna dans tous les temps pour la défense de son culte, la pureté de sa inorale et l’intégrité de ses dogmes. Un esprit de philosophie et d’impiété a répandu depuis quelques années dans tout le royaume un esprit de système qui altère tous les principes religieux et politiques, qui a porté les atteintes les plus mortelles à la foi et aux mœurs, ét relâché les liens les plus sacrés de la société. Effet funestedece nombre prodigieux d’ouvrages scandaleux, fruits malheureux de l’amour et de l’in dépendance, enfanlés par le libertinage et la crédulité, où l’on attaque, avec une égale audace, la foi, la pudeur, la raison, le trône et l’autel. Livres impies et corrupteurs, qui, circulant de toutes parts, ont semé le poison dans tous les Etats, et ont ôté au peuple français une partie de son énergie; le vœu le plus cher au clergé est donc le rétablissement de la foi et des mœurs ; il charge en conséquence son député de supplier Sa Majesté de remettre en vigueur les lois si sagement établies par la piété des rois ses prédécesseurs contre tout ce qui peut porter atteinte à la bonne foi et aux bonnes mœurs, et de donner une nouvelle forme à celles qui peuvent les faire fleurir ; de proscrire, sous (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire, les peines les plus graves, l’impression, vente et distribution de tous ouvrages’ qui pourraient en altérer la pureté. D’interdire à tous autres qu’aux évêques, chargés du dépôt sacré de la foi, la connaissance et décision de toutes les matières qui peuvent avoir trait à la sainteté de nos dogmes et à la pureté de la morale, comme les seuls juges en ce qui concerne la foi et les règles des mœurs. Réprimer les abus qui se sont glissés dans la demande et obtention des monitoires, qui ont avili les censures ecclésiastiques et en ont énervé la force. Ordonner qu’ils ne pourront être demandés et obtenus, et que le juge ecclésiastique ne pourra les accorder, que pour les crimes contre l’Etat et la personne sacrée du Roi, et que, hors de ces cas, il ne pourra jamais être contraint d’en accorder. Solliciter de la bonté et de la piété du Roi une protection particulière pour les ordres religieux, de l’un et de l’autre sexe, qui subsistent dans le royaume ; sous les heureux auspices de sa faveur et de son autorité, nous espérons voir fleurir et se vivifier de plus en plus les saints instituts utiles à la religion, au bien de l’Etat, aux familles indigentes, à la subsistance, surtout des pauvres de la campagne; et comme il n'est que trop reconnu que les meilleurs religieux sont ceux qui ont embrassé le saint état dans leur première jeunesse, avancer l’époque des vœux et la fixer pour les hommes à dix-huit ans, et pour les personnes de l’autre sexe à seize, l’expérience nous ayant appris qu’en reculant l’époque des vœux, et la fixant à un âge plus avancé, on a rendu les cloîtres déserts, ou ce qui est plus déplorable encore, on a ouvert un asile à l’ignorance, à l’insubordination et à l’inutilité. Réclamer la tenue périodique des Conciles nationaux et provinciaux, pour maintenir et rétablir la discipline ecclésiastique, pour conserver dans son intégrité le précieux dépôt de la religion qui nous est spécialement confié en qualité de ses ministres, et rejeter tout ce qui pourrait y porter atteinte, ainsi qu’à la solennité et à la décence du culte public, qui doit être exclusivement réservé dans toute l’étendue de ce royaume à la religion catholique apostolique et romaine. Et pour perpétuer ces heureux effets de la restauration de la foi et des mœurs, appliquer tous les efforts à redonner la vie et l’âme à l’éducation qui languit dans presque tout le royaume, moyen unique de régénérer la nation, et de l’affermir dans les vrais principes de la foi, des mœurs et du patriotisme; porter un œil attentif sur la décadence des écoles publiques et fixer l’époque pour en prévenir les causes ; réprimer les abus qui naissent de la facilité qui s’est introduite dans l’obtention des différents grades, qui, loin de supposer le mérite, ou d’en être la récompense, ne sont plus qu’une forme préliminaire qui fait qu’on ne trouve plus dans les différentes professions 92 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Auch. les ressources dont les grades devraient être garants à l’Etat et à l’Eglise. Déterminer que les grades ne seront remplis que par un bénéfice portant 1,000 livres de rente. Après les vœux pour le rétablissement de la foi et des mœurs, le clergé n’en a pas de plus cher à son cœur que celui d’assurer à tous les citoyens les biens les plus précieux à l’honneur (la liberté, la propriété et la parfaite harmonie de l’état civil dans tous les ordres); c’est pourquoi il charge son député de supplier Sa Majesté etles Etats généraux d’arrêter : 1° Que pour assurer la liberté individuelle de tous les citoyens, il ne pourra être expédié ni lettres de cachet, ni ordres arbitraires émanés d’aucune autorité ni tribunal quelconque, que dans deux cas seulement, savoir : lorsqu’une famille les demandera pour cause légitime, après une assemblée de parents tenue aux formes de droit, devant les officiers des lieux, ou lorsqu’il s’agira, d’un sujet devenu suspect au gouvernement, à la charge, néanmoins, dans ce dernier cas, de remettre dans vingt-quatre heures, le prétendu coupable entre les mains de ses juges naturels et compétents, pour être jugé suivant les lois du royaume. 2° De maintenir la propriété de tous les ordres, de tous les corps, et de tous et chacun des particuliers dans leur intégrité, comme la base unique de la société. 3° Et comme l’impôt dont l’utilité ne serait point reconnue, est une atteinte portée à la propriété nationale et individuelle, demander qu’il soit reconnu, dans la forme la plus solennelle, par un acte authentique et permanent, que la nation seule a le droit de s’imposer, c’est-à-dire d’accorder ou refuser les subsides nationaux, d’en régler l’étendue, l’emploi, l’assiette, la répartition, la durée, d’ouvrir des emprunts au nom et à la charge de la nation, et que toute autre manière d’imposer et d’emprunter est illégale inconstitutionnelle et de nul effet. 4° De fixer irrévocablement le retour périodique et régulier des Etatsgénéraux au terme de cinq ans au plus tard, avec liberté aux Etats généraux d’en rapprocher les époques pour prendre en considération l’Etat du royaume, examiner la situation des finances, l’emploi des subsides accordés pendant la tenue précédente, en décider la continuation ou la suppression, l’augmentation ou la diminution; pour proposer en outre des réformes, des améliorations dans toutes les branches de l’économie politique, et dans les cas où la convocation de l’assemblée nationale n’aurait pas lieu, après le délai fixé par la loi, autoriser les Etats provinciaux à s’opposer à la levée des impôts, et les cours souveraines à poursuivre comme concussionnaires tous ceux qui voudraient en continuer la perception. 5° Arrêter que les Etats généraux ne pourront nommer aucune commission intermédiaire pour les représenter après leur séparation. 6° Déclarer décidément les ministres du Roi responsables à la nation de toutes les déprédations des finances. 7° Demander le rétablissement ou la formation desEtats provinciaux dont l’organisation, le régime et les fonctions seront fixés par les Etats généraux, et dont les membres seront librement élus. 8° Nous interdisons à notre député de consentir aucun impôt, ni de voter sur cet objet, que les articles, 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 ci-dessus, n’aient été cbnsentis et adoptés. 9° Enjoignant de plus à notre député de demander, avant de consentir aucun impôt, que Sa Majesté fasse connaître aux représentants de la nation assemblés aux Etats généraux la véritable situation des finances, l’état fidèle de la dette publique, et du déficit actuel, à l’effet de prendre les mesures nécessaires pour assurer et constater la dette publique, combler le déficit, et établir l’équilibre entre la dépense et la recette par tous les moyens qui pourront fournir à un bon système d’administration dans les finances, de perception des impôts, de retranchement, d’économie et de distribution dans les dépenses, et une parfaite exactitude dans la comptabilité, au moyen de l’ordre stable qui sera établi dans toutes les parties de l’administration, sans lequel tous les efforts de la nation seraient vains et inutiles. 10° Déclarer que le clergé se portera avec le plus grand zèle à tout ce qui peut dépendre de lui pour consentir à l’octroi des subsides qu’on jugera nécessaires aux besoins réels et indispensables de l’Etat, afin d’assurer, par des contributions justes et proportionnées, la gloire et la prospérité de l’Etat, l’honneur et la splendeur de la couronne, et la satisfaction personnelle de Sa Majesté, dont le bonheur sera toujours le vœu le plus ardent de son clergé. 11° De voter pour que tous les différents impôts soient supprimés, qu’il leur soit substitué une subvention générale de la nation , propre à opérer l’acquit de la dette publique et qui soit proportionnée à la dépense qui aura été jugée nécessaire aux besoins de l’Etat, que cette subvention soit établie par abonnement, dont la répartition sera faite sur tous les Etats provinciaux dans la proportion de ce que chaque province pourra supporter; laquelle subvention partielle, imposée à chaque province, sera par les Etats provinciaux répartie sur toutes les communautés de la province, en proportion des forces de chaque communauté dans laquelle la municipalité fera entre tous les particuliers la répartition de la portion commune, à laquelle chacun sera tenu de contribuer en proportion de ses forces et de son revenu effectif. 12° D’offfrir au nom du clergé de contribuer à ladite subvention générale en proportion de son revenu vérifié contradictoirement, distraction faite de ses dettes passives, qu’il n’a contractées que pour l’acquit et la libération du Roi et de l’Etat, ne réservant de ses immunités pécuniaires que, le droit de faire lui-mème, sur tous les contribuables de son ordre, la répartition de la portion de subvention générale à laquelle les Etats généraux auront déterminé qu’il doit contribuer. 13° De réclamer la conservation de l’opinion par ordre dans les délibérations des Etats géné-caux, comme conforme aux antiques usages de cette monarchie, comme étant la seule vraiment constitutionnelle, la sauvegarde la plus sûre de l’autorité royale, de la dignité de la couronne et de l’ordre public : elle est rigoureusement conforme à i’ordre de la justice, en ce que le parfait équilibre qu’elle établit entre les ordres leur ôte tout moyen de prévaloir les uns sur les autres, que la sentence même qu’elle entraîne dans les délibérations prévient les inconvénients qui résulteraient des révolutions, souvent peu réfléchies, auxquelles exposerait l’opinion par tête, et qu’elle écarte enfin les différents moyens de séduction ou de surprise qui peuvent facilement se glisser dans les grandes assemblées, le plus souvent agitées et tumultueuses. 14° Demander la conservation des tribunaux [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Auch.J 93 souverains de chaque province, et que l’enregistrement libre des lois leur soit conservé. 15° Maintenir les différents tribunaux civils et ecclésiastiques souverains et subalternes dans le libre cours et exercice de leurs juridictions et pouvoirs , trop souvent imterrompus par des commissions, évocations ou attributions particulières. 16° Demander la suppression des petits tribunaux d’attributions, et la réunion de leurs fonctions aux bailliages et sénéchaux, l’augmentation d’attribution aux présidiaux. 17° Demander la réformation du Code civil et criminel, d’abréger le cours des procédures, rendre l’administration de la justice plus prompte, gratuite, ou moins dispendieuse, par la fixation des épices des jugements des procès, attendu qu’elles sont portées depuis quelque temps, tant dans les tribunaux de première instance que dans ceux du dernier ressort, souvent au delà même du principal en litige, et par la réduction des tarifs excessifs accordés aux procureurs et postulants, tant dans les cours supérieures que dans les inférieures. 18° Réformer les tarifs des droits bursaux, de contrôle, centième denier et insinuations. N’adjuger ces droits que sur la valeur réelle des objets qui y sont sujets, distraction faite des dettes passives, mettre plus d’égalité dans la perception de ces droits, eu égard aux différentes classes des citoyens-, faire cesser l’arbitraire dans la perception de ces droits par les fausses interprétations que les commis ont la liberté de faire des différents articles de tarif ; réformer cette foule de décisions surprises du conseil, contraires à l’esprit des lois fixes et à l’ombre desquelles les commis des traitants, et les traitants eux-mêmes désolent et ruinent les familles par des perceptions arbitraires et des amendes injustes. 19° Réformer la décision que l’administration des domaines a obtenue depuis trois ans, par arrêt du conseil, qui oblige les ecclésiastiques à passer à l’enchère, en présence du seul délégué de l’intendant, les premiers baux des nouvelles constructions et reconstructions, ce qui est une véritable atteinte portée à leur propriété. 20° Permettre le remplacement des obits et fondations, dont on se libérera, ou dont on s’est déjà libéré, sans être sujet au droit d’amortissement, en demander même l’abolition comme étant contraire au droit de propriété. 21° Dans tous les lieux où la justice se rend au nom du Roi, réintégrer les habitants dans la liberté et le droit de faire l’élection des officiers municipaux, statuer que leur exercice ne pourra durer plus de deux ans, et que chaque année il sera procédé au remplacement de la moitié, afin que les anciens puissent instruire les nouveaux, qu’ils auront l’entière disposition des revenus des communes, lesquels ne seront plus soumis à l’inspection des commissaires de parties, ni à celle de la cour des aides, mais seulement à" l’inspection, surveillance et autorisation des Etats provinciaux, auxquels seuls appartiendra le droit de clôturer leurs comptes, ainsi que ceux des collecteurs et trésoriers. .22° Laisser la liberté aux Etats de chaque pro-t vince, de construire et entretenir les chemins royaux de la manière qui leur paraîtra la moins onéreuse, soit au moyen d’une prestation en argent, soit par corvée ; dans le premier cas, les frais seront supportés par les trois ordres; dans le second, les nobles et les ecclésiastiques seront seuls personnellement exempts. 23° Demander la suppression des payeurs de rentes à Paris, et charger les Etats provinciaux d’en faire faire les payements dans les chefs-lieux de chaque province après avoir vérifié la validité des rentes. 24° Demander que les douanes soient reculées jusqu’aux frontières du royaume, la réforme des vices multipliés dans le régime fiscal, et qu’il soit statué que les contraventions aux lois fiscales ne seront punies que par des peines pécuniaires. 25° Demander qu’on ôte toutes sortes d’entraves au commerce par l’abolition de tout privilège exclusif, soit à l’égard des messageries, soit autrement, par la suppression de tous droits de péages et autres droits onéreux. 26° Maintenir en particulier la liberté du commerce des grains, et leur libre importation et exportation en dedans ou en dehors du royaume, laquelle ne pourra être suspendue que sur la demande des Etats provinciaux, ou de la commission intermédiaire. 27° Demander avec instance aux Etats généraux de porter surtout leurs regards sur cette classe de citoyens, la plus utile peut-être tout à la fois et la plus infortunée (ces pauvres cultivateurs qui portent presque seuls tout le fardeau, et ne jouissent d’aucun avantage particulier); demander que pour encourager l’agriculture, qu’on peut appeler sous les plus justes rapports le nerf de l’Etat, on accorde à tous ceux qui se. vouent à ces travaux, aussi pénibles qu’utiles et nécessaires des communautés , des prérogatives telles que l’exemption de la milice, du séques-trage etc. ; établir un prix national dans chaque communauté, ou dans un certain arrondissement, dont les fonds seront faits par les Etats provinciaux, pour le cultivateur qui sera jugé le plus laborieux, le plus soigneux, et le plus versé dans son art, à la décision des autres Cultivateurs, diminuer la quote des impositions pour tous -les cultivateurs, par proportion à celle des autres citoyens; favoriser par toutes sortes de moyens, même par des établissements pour doter les filles, la population des campagnes, qui manquent toujours plus de bras et qui deviennent tous les jours plus désertes à raison des avantages que les villes offrent à la paresse et l’inutilité, et à ces arts ombratiles et de pur luxe. 28° Aviser aux moyens de donner aux peuples de la campagne des sages-femmes, des médecins qui les sauvent des malheurs dont l’ignorance des personnes qui s’immiscent dans ces fonctions les rendent journellement les victimes; les peuples de la campagne n’ayant presque d’autres secours dans leur maladie ' que ceux qu’ils peuvent attendre d’un chirurgien qui n’a presque aucune connaissance de son art, et qui a pour ainsi dire acheté le droit de l’exercer, l’honoraire attaché aux droits de réception ayant été en quelque façon substitué à la capacité qu’on devrait exiger dans un examen. 29° Demander que les notaires de campagne soient également plus instruits, leur incapacité étant la source de mille procès et de la ruine des familles. Dévoué par ses sentiments à toute sorte de sacrifices pour ses concitoyens, le clergé s’est fait un devoir de ne présenter les vœux qui intéressent particulièrement son ordre, qu’après ceux qui embrassent l’universalité des citoyens; mais pourrait-il ne pas réclamer de l’atteinte portée à ses droits essentiels et primitifs par le règlement vnnexé à la lettre du Roi pour la convocation 94 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Auch.] des Etats généraux ? En effet, l’organisation prescrite par le règlement expose évidemment l’ordre du clergé à n’être point représenté dans son intégrité ; car le clergé, pour être dans son intégrité, doit réunir tout ce qui compose le corps ecclésiastique, c’est à dire les évêques, les prêtres et les autres ministres. Une assemblée d’évêques seuls ne fait pas le corps ecclésiastique, non plus qu’une assemblée qui ne serait composée que de prêtres et de clercs. C’est la réunion seule de ces différents membres de la hiérarchie qui peut la rendre parfaite et représenter le clergé dans son entier ; il est impossible de concevoir le clergé s’il n’a un évêque à sa tête ; or, il est possible, d’après l’organisation prescrite par le règlement, que la chambre du clergé se trouve aux Etats généraux, sans l’évêque, l’ordre n’y serait donc pas dans ce cas représenté dans son intégrité. L’organisation est donc vicieuse et contraire aux droits essentiels et primitifs du clergé -, c’est pourquoi l’assemblée charge son député de supplier Sa Majesté et les Etats généraux : 1° D’arrêter qu’attendu que la représentation du corps ecclésiastique ne peut être fidèle et complète sans évêques, MM. les évêques de chaque province ecclésiastique auront le droit de députer entre eux, indépendamment des députés qui seront nommés par l’assemblée du second ordre. 2° Réclamer contre le règlement qui réduit les chanoines à ne choisir parmi eux qu’un certain nombre fixe de députés. 3° De déterminer une seconde assemblée des Etats généraux pour avoir lieu dans deux ans, indépendamment de l’assemblée périodique fixée au plus tard à cinq ans, à laquelle seront renvoyées toutes les propositions de réforme, dont les’ diverses parties de l’administration pourraient encore paraître susceptibles, et qui ne pourraient que distraire l’attention des objets qui paraîtraient plus importants. 4° D’être autorisé à nommer à l’assemblée du clergé de la sénéchaussée un second député pour remplacer le premier, en cas de mort, de maladie ou d’absence. 5° Exposer la situation de la plupart des chapitres collégiaux de la sénéchaussée, et des différents corps des prébendés dont le revenu est si modique; qu’il ne peut suffire à la subsistance des ecclésiastiques qui le composent, et supplier Sa Majesté et les Etats généraux de déterminer l’amélioration de leur sort par réduction et union dont la connaissance sera attribuée à l’évêque, qui sera autorisé à y pourvoir sommairement par un décret qui aura son exécution nonobstant toute opposition. 6°DemanderauxEtatsgénéraux l’amélioration du sortde messieurs les curés, à opérer par des moyens locaux le plus promptement qu’il sera possible. 7° Demander que messieurs les curés soient en droitde nommer leurs députés au bureau diocésain, et de les y avoir en proportion des députés des autres décimateurs, en manifestant son vœu; l’ordre du clergé de la sénéchaussée d’Auoh s’en rapporte aux lumières de son député pour l’application et l’extension des principes renfermés dans ses instructions ; mais, convaincu de la vérité et de l’importance dont leur adoption sera pour le bien général, i.1 ordonne à son député de les bien méditer, et d’en faire la base de sa conduite. Ce sera par la patience et la fermeté qu’il apportera aies faire accepter, qu’il répondra dignement à la confiance de ses commettants, et qu’il recevrale tribut si flatteur de leur reconnaissance etde leurestime. Pour copie conforme à l’original qui est resté entre mes mains. i-f-i L. A. P., Archevêque d’Àuch. CAHIER De doléances de la noblesse de la sénéchaussée d’Auch assemblée par l’ordre du Roi , le 20 mars 1789,, contenant ses instructions à son député aux États généraux (1). L’ordre de la noblesse de la sénéchaussée d’Auch, pénétré de reconnaissance et de respect pour son Roi, et voulant profiter de son invitation paternelle à redresser les abus qui se sont introduits dans le royaume, s’est assemblé en vertu de ses ordres le 20 mars et a dressé le cahier de ses plaintes et doléances en la manière qui suit : Art. 1er. Opiner par ordre aux Etats généraux, sans que deux ordres puissent lier le troisième. Art. 2. Demander que, par une loi solennelle, on fixe irrévocablement le retour périodique des Etats généraux à quatre ans au plus tard, pour prendre en considération l’état du royaume, examiner la situation des finances, Remploi des subsides accordés pendant la tenue précédente, en décider la continuation ou la suppression, l’augmentation ou la diminution, pour proposer en outre des réformes et des améliorations dans toutes les branches de l’économie politique ; et dans le cas où la convocation de l’assemblés n’aurait pas lieu au temps fixé par la loi, les Etats de province et même les simples particuliers, soient autorisés à s’opposer par toute voie de droit à la levée des impôts ; qu’il soit enjoint aux procureurs généraux depoursuivre comme concussionnaires ceux qui voudraient en continuer la perception, et aux cours souveraines de les juger suivant la rigueur des lois. Art. 3. Qu’il soit reconnu dans la forme la plus solennelle par un acte authentique que la nation seule a le droit de s’imposer , c’est-à-dire d’ac-cordcr ou de refuser le subside, d’en régler l’éten-due: Remploi, la répartition, la durée, d’ouvrir des impôts, etc. , et que toute autre manière d’imposer ou d’emprunter est illégale, inconstitutionnelle et de nul effet Art. 4. Que les Etats généraux ne puissent être séparés qu’après trois mois au moins de séance, ni durer plus de neuf à compter du jour de l’ouverture. Art. 5. Statuer qu’aucune loi bursale, ni aucune loi générale et permanente ne soit établie, à l’avenir, qu’au sein des Etats généraux parie concours mutuel de l’autorité du Roi, et du consentement de chacun des trois ordres; que ces lois ainsi consenties soient, pendant la tenue même de l’assemblée nationale, envoyées au Parlement de Paris, les princes et pairs y séant, et aux autres parlements et cours souveraines, pour être inscrites dans leurs registres, et placées sous la garde de ces cours, lesquelles ne pourront se permettre d’y faire aucune modification ; mais elles continueront, comme ci-devant, d’être chargées de l’exécution des ordonnances du royaume, du maintien de la constitution et des droits nationaux ; d’en rappeler le principe par des remontrances au Roi et des dénonciations à la nation toutes les fois qu’elles jugeront que ces droits sont attaqués, ou seulement menacés. Art. 6. Qu’il soit arrêté que les lois autres que les lois générales ou permanentes, ou les lois bursales, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.