[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] de la patrie, sur la Constitution, lors de la confédération des gardes naiionales de différents départements, jurée sous les murs de Toulouse le 4 juillet 1790; Des deux premiers volumes de ses Eléments de théologie, imprimés à Toulouse en 1790, et dans lesquels il a établi la pureté et la solidité des principes qui servent de base au décret de l’Assemblée concernant le culte religieux, et où il a démontré l’accord de la Constitution avec les quatre articles de la déclaration du clergé de 1682; Du discours qu’il prononça le 25 novembre dernier, durant la solennité consacrée à la mémoire des citoyens morts à Nancy pour la défense de la patrie ; Enfin, de ces conférences théologiques en français sur la constitution civile du clergé. M. le Président répond à M. Barlhe que l'Assemblée agrée son hommage, et qu’elle lui permet d’assister à la séance. M. Grobel, évêque du département de Paris , demande un congé de huit jours. M. Burignot de Varennes, obligé de se rendre auprès de son père, dangereusement malade, demande un congé de deux mois. (Ces congés sont accordés.) L’ordre du jour est un rapport sur la pétition de M. Canon, curé-maire, et des officiers municipaux d’Issy-V Evêque. M. Merle, au nom du comité des rapports. Messieurs, votre comité des rapports s’est occupé il y a quelques mois, de l’affaire de M. le curé dTssy-1'Evêque ; cette affaire lui paraissant du ressort des tribunaux, il était d’avis que vous ne deviez pas vous en occuper, lorsqu’après avoir entendu à la barre une députation du bourg d’Issy, et même de tout le canton, vous chargeâtes votre comité de vous faire un rapport. Voici le résumé des faits de l’instruction : Le 6 octobre 1789, la commune d’Issy pensa que, pour le bon ordre, elle devait, à l’instar de plusieurs autres communes, établir un comité permanent; le curé fut nommé membre de ce comité ; le même jour elle décida qu’il serait formé une milice nationale, et le curé fut sur-le-champ nommé membre de l’état-major. Elle fit encore le même jour, un règlement de police composé de 60 articles, du nombre desquels il en est de sages et utiles, d’autres qui sortent du pouvoir municipal, d'autres enfin contraires à tous les principes d’administration. Je vais en faire connaître quelques-uns à l’Assemblée : « Art. 26. Les justes et anciennes conventions du pays, pour la culture des terres à moitié de produit, seront fidèlement observées : toutes conventions contraires sont improuvées de la commune, comme préjudiciables à l’agriculture et au bien général de la commune. « Art. 27. Tout métayer aura la moitié franche des fonds et produits du fonds qu’il cultive, sans que le maître puisse exiger de lui, sous aucun prétexte, aucun argent ni aucune portion de sa moitié. « Art. 29. Le maître fournira les prés, les terres, les bâtiments, tes bestiaux et la moitié de la semence; mais il ne pourra rien exiger du fermier pour les bâtiments, ni d’intérêt pour le prix des bestiaux. » m Tel est, Messieurs, en extrait, le règlement de police qui fut fait par le comité d'Issy-l’Evêque, le jour même de sa création. Ce comité a existé jusqu’au moment de la formation des municipalités. Pendant son existence, deux faits sont arrivés, du moins la procédure ne parle que de deux faits. Un des articles de ce règlement disait qu’il serait établi à Issy-l’Evêque un magasin de blé, et qu’en conséquence tous les métayers du lieu seraient tenus d’y fournir cent boisseaux de blé, ce à quoi il paraît que les métayers aquies-cèrent. Cependant un particulier fait une première extraction de cent boisseaux de blé, avant d’avoir fourni son contingent au grenier d’abondance, quoiqu’il s’y fût soumis par écrit entre les mains du comité. Alors le comité envoie un détachement de la garde nationale après le convoi qui était escorté de maréchaussée ; et le convoi est arrêté avec défense à la maréchaussée de récidiver. Un second enlèvement de blé se fait dans la commune d’Issy ; et, toujours en exécution du règlement de police, un détachement de la milice nationale se rend à la suite des voitures et arrête le second convoi. Tels sont les deux faits dont parle la procédure pendant que le comité a existé. Ces faits, l’existence d’une garde nationale à laquelle on n’était pas accoutumé, les autres articles du règlement dont j’ai eu l’honneur de vous rendre compte jetèrent une alarme considérable dans le pays. Cette alarme se propagea de plus en plus; et enfin un député du département fut chargé par le département de vous dénoncer M. le curé comme un perturbateur du repos public et comme un violateur de toutes les propriétés. Au mois de février 1790, la municipalité fut formée, conformément à vos décrets. M. le curé en fut élu maire, encore à l’unanimité. La première délibération de la municipalité fut d’homologuer toutes les délibérations précédentes du comité; et particulièrement les règlements de police. Un particulier du bourg d’Issy avait avancé le mur de son jardin sur la rue adjacente, de manière qu’il l'avait réduite à 9 pieds. La municipalité arrêta par une délibération que ce mur serait démoli. Ce particulier paraît y avoir consenti par écrit, mais n’exécuta rien ; le curé fut avec ses ouvriers démolir le mur. Ce particulier porta plainte au bailliage d’Autun, qui décréta le curé d’ajournement; mais le procureur du roi, prétendant apercevoir dans l’information des crimes de lèse-nation, requit et fit ordonner le renvoi au Cbâteiet. M. le curé continuait toujours ses fondions pastorales et municipales, malgré son décret d’ajournement : le Châtelet l’a décrété de prise de corps, plutôt sur ce motif, à ce qu’il paraît, que sur tout autre. C’est dans cetétat que M. le curé d’ïssy-l’Evêque, après avoir été conduit dans les prisons du Châtelet, où it est détenu depuis sept mois, s’est pourvu devant l’Assemblée nationale ; U a exposé en résumé qu’il n’était coupable d’aucun délit personnel ; que, s’il en existait, ce ne pouvait être que des délits municipaux, et qui ne pourraient lui être individuellement imputés. Votre comité s’est profondément pénétré de l’intérêt qu’inspire ce pasteur malheureux; il n’est aucun de ses membres qui ne voulût adoucir ses malheurs; mais le comité a cru que, toucher à un décret rendu par un tribunal, c’était contrevenir à la division des pouvoirs, qui est la 456 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] pierre angulaire delà Constitution. C’est, en conséquence, qu’il m’a chargé, mais avec regret, de vous prof ocer de décréter qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Au suri lus, il vous propose subsidiairement d’ordonner son élargissement provisoire. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Robespierre. Puisqu’il s’agit d’un citoyen emprisonné depuis sept mois sur une accusation de lèse-nation, certainement vous m’accorderez la permission de dire quelque chose en sa faveur; et, sans réclamer les sentiments de l’humanité, je me contenterai de vous observer que les conclusions de M. îe rapporteur me paraissent contraires à vos décrets. Le curé d’issy a été décrété par le Châtelet, comme criminel de lèse-nation ; or, vous avez décrété que nulle accusation de crime de lèse-nation ne pourrait être portée aux tribunaux sans un décret du Corps législatif. Un des premiers devoirs de l’Assemblée est donc de délibérer. 11 y a sous Je rapport de l’ordre public une différence essentielle entre les délits privés, et le crime de lèse-nation. Ce crime ne peut être déféré arbitrairement aux tribunaux, parce que, de pareilles accusations malignement prodiguées, on pourrait porter atteinte à la liberté publique. C’est par ce puissant motif q> e vous avez voulu qu’aucun tribunal ne pût s’occuper d’une accusation de crime de lèse-nation, qu’après un dicret du Corps législatif. D’après ce principe, il faut ou que le curé d’issy soit accusé par vous de crime de lèse-nation, ou qu’il soit mis en liberté. Vous savez quels sont les prétendus délits dont il est accusé. Vous voyez que c’est pour des faits qui ne lui étaient pas personnels, pour une prétendue infraction faite aux lois administratives dans un moment où aucune de ces lois n’existait, qu’il aété opprimé par le bailliage d’Autun; vous voyez que ce tribunal n’osa pas même le juger, qu’il le renvoya au Châtelet, qui n’osa pas le juger non plus, et qui aima mieux le retenir pendant sept mois en prison... Ce que vous devez faire dans cette circonstance, c’est d’annuler cette accusation absurde de crime de lèse-nation. (Murmures.) Combien d’accusés ont été élargis sur des considérations de liberté et d’humanité, quoique chargés de soupçons bien autrement graves! Je ne m’y suis jamais opposé, parce que le sentiment d’huma-n s té balançait en moi la crainte de voir la liberté compromiso ; mais ici on ne m’objectera pas sans doute l’intérêt de la liberté et le salut de la société. (Murmures.) Est-ce donc parce que celui que je défends est malheureux et sans appui, que l’on murmu'e? Je citerai M. l’abbé Barmonci, le client de M. Malouet, et tant d’autres clients qui, se trouvant dans l’ordre anciennement puissant, ont été élargis par le Châtelet. (Applaudissements.) Uq sentiment de justice, l’humanité, la raison, dont vous devez établir l'empire, ne vous dictent-ils pas ce que je vous propose? L 'Assemblée se montrera-t-elle inexorable envers un malheureux de cette espèce, tandis que tant de scélérats jadis illustres ont été élargis? Je demande rélargissement pur et simple du curé d’issy. (Applaudissements.) M. de Mirabeau. Celte affaire qui, je l’avoue, a quelques difficultés dans la forme, me, paraît extrêmement favorable au fond. Il n est point de régime qui ne lut sévèrement inculpé par une détention de huil mois, à plus forte raison le régime de la liberté. Il est un décret du Châtelet, qui a quali fié de crime de lèse-nation le délit imputé au curé d’issy. Nous savons aujourd’hui, qu’aux termes île la Constitution, et par une disposition infiniment sage, infiniment nécessaire au maintien de la liberté, l’Assemblée nationale peut seule qualifier un crime de lèse-nation, peut seule le dénoncer. Je sais aussi qu’il y a quelques embarras dans la forme. Je sais que nous ne pouvons pas juger; je sais que, par cela même que le curé Carion ne serait pas criminel de lèse-nation, il doit être renvoyé aux tribunaux ; mais il me semble que l’Assemblée peutdu moins, et si elle le peut certes elle le doit, donner son élargisse ment provisoire à nu malheureux. (Applaudissements.) Mon avis serait que l’Assemblée nationale ordonnât rélargissement et le renvoi aux tribunaux. Si cela n’est pas contredit, je demande qu’on le mette aux voix. M. de Folfeville. Je le contredis, Monsieur. M. Barnave. Je crois que, non seulement l’Assemblée peut prononcer ce que vient de proposer le préopinant, mais je crois qu’elle le doit absolument, si elle ne veut pas s’écarter elle-même des principes qu’elle a établis. L’As-em-blée a établi en primipequ’il n’appartient qu’au Corps législatif d’accuser du crime de lèse-nation... Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! la motion de M. de Mirabeau ! (La discussion est fermée et la priorité est accordée à la motion de M. de Mirabeau.) M. le Président. Je mets aux voix la motion de M. ,!e Mirabeau; elle est ainsi conçue : « L’Assemblée nationale, ouï son comité des rapport*, décrète que le sieur Cirion, curé et maire d’Issy-l’Evêque, sera élargi des prisons où il est détenu, et renvoyé aux tribunaux ordinaires pour y être jugé." » (Cette motion est décrétée.) — (Applaudissements.) M. de Mirabeau, au nom du comité diplomatique. Messieurs, votre comité ayant trouvé ce malin dans une feuille intitulée Gazette universelle ou Papier-nouvelles de tous les pays, n° 57, du jtudi 17 mars, un prétendu avis réquisitorial de la diète de Ratisbonne à l’empereur, suivi d’une prétendue réponse de l’empereur, faite par son commissaire, M. Latour-Taxis, a cru de son devoir de demander an ministre des affaires étrangères son avis sur la créance due à ces pièces, auxquelles on attache beaucoup d’importance, puisqu’elles ont été in primées sous différents formats, et distribuées a\ec assez de profusion. Le ministre nous a dit, dans une explication verbale, que ces pièces ne lui paraissaient avoir aucun caractère d’authenticité, attendu qu’elles n’avaient pas la conu xture ordinaire de ces sortes d’actes. Ce soir il nous a écrit une Jet re qui confirme ce qu’il nous avait annoncé, et dont nous croyons devoir vous donner communication : « Paris, le 17 mars 1791. « En rentrant chez moi, Messieurs, j’ai relu attentivement les pièces relatives à la Diète de Ratisbonne, insérées dans la Gazette universelle d’aujourd’hui, et imprimées séparément dans