[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] 44J Procès-verbal de l'état-major de Blauzac, duquel il résulte que les municipalités et les gardes nationales du canton se sont réunies dans la principale église de cette ville, et y ont fait célébrer avec solennité un service funèbre pour les patriotes morts dans la malheureuse affaire de Nancy. Délibération du bataillon de Saint-Louis en l’Isle, par laquelle, après avoir examiné un arrêté du septième bataillon de la deuxième division, tendant à l’établissement d’une caisse de secours pour toutes les gardes nationales du royaume, il propose de restreindre cet établissement aux limites de chaque département, et présente à ce sujet un plan d’administration. Une députation des officiers de la marine marchande est introduite à la barre. L'orateur de la députation dit : « Les capitaines et officiers de lamarine commerçante vous présentent par notre organe l’hommage du respect, de l’admiration et de la reconnaissance qu’ils doivent aux augustes régénérateurs de la patrie. Ils vous font l'offre solennelle de renforcer et recruter en tout temps, en toute occasion, les états-majors de la marine militaire. L’élite de leur corps, composé de plus de dix mille citoyens, peut remplir dignement cet important objet, et ceux que le choix de leurs confrères aura élevés à cet honorable emploi prouveront facilement que, chez le Français, l’esprit de commerce céda toujours aux élans du courage et à l’enthousiame de la gloire. « Si la marine commerçante ne fut pas toujours aussi utile qu’elle voulait, qu’elle pouvait l’être, sur les vaisseaux de guerre, il ne faut en accuser que cette aristocratie que vos sages décrets ont détruite. — La Révolution nous assure un avenir plus heureux. En rétablissant les citoyens dans les droits de l’égalité comme dans ceux de la liberté, elle leur présente à tous les mêmes moyens de servir l’Etat. G’est dans ces circonstances favorables que l’organisation d'une marine vraiment nationale devient aussi facile qu’elle était depuis longtemps nécessaire. Le corps militaire actuel, trop nombreux, trop inactif pendant la aix, est cependant insuffisant pendant la guerre. e moyen de remédier à ces deux grands inconvénients serait d’unir, en quelque sorte, la marine commerçante à la marine militaire ; alors on pourrait réduire de moitié le corps des officiers de la marine militaire, parce qu’on trouverait toujours, pour compléter les états-majors des vaisseaux de guerre, assez d’officiers dans la marine commerçante. Les officiers ne demanderaient pas à être payés en temps de paix; ils reprendront alors leur activité dans le commerce maritime, pour y continuer d’exercer leurs talents. Mais ne conviendrait-il pas de leur assurer les places de lieutenants qui viendraient à vaquer dans le corps de la marine militaire? Pour prétendre à ces places, il faudrait être capitaine de navire depuis trois ans, avoir fait deux campagnes en cette qualité, ou en celle de lieutenant surnuméraire sur les vaisseaux de l’Etat. Ainsi, la dépense de la marine militaire éprouvera une diminution considérable, et désormais ce corps ne sera recruté que par des hommes qui auront fait preuve des talents que procurent la théorie et une longue expérience. Si la guerre a lieu, la marine commerçante invoque avec confiance la justice de l’Assemblée nationale pour être employée sur les vaisseaux de l’escadre en armement, savoir : les capitaines en qualité de lieutenants, et les autres officiers, en raison de leurs„ services, comme sous-lieutenants ou volontaires. « Permettez-nous, Messieurs, de nous féliciter d’avoir été choisis par nos frères pour vous présenter leurs vœux qui sont aussi les nôtres. Que l’Assemblée nationale daigne les accueillir avec bonté 1 Ils sont dictés par cette classe d’hommes qui, familiarisés dès leur jeunesse avec tous les genres de périls, enrichissent et défendent sur mer le commerce de l’Etat, charment leurs loisirs à terre en augmentant le nombre des soldats citoyens, et dont l’amour pour la patrie garantit la fidélité à la Révolution qui assure le bonheur de la France, en donnant un nouvel essor au patriotisme. > (Ce discours reçoit des applaudissements réitérés et presque unanimes. L’Assemblée ordonne qu'il sera imprimé et inséré dans le procès-verbal.) M. le Président répond : « Vous avez toujours bien servi votre patrie; vous l’enrichissez par le commerce, vous l’avez souvent honorée par d’éclatants succès à la guerre; vous lui avez donné Jean-Bart, Duquesne et Duguay-Trouin. Trop longtemps sacrifiés à d'injustes préjugés, votre triomphe a été assuré le jour où l’Assemblée nationale a décrété que les citoyens seraient également admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des talents et des vertus. Elle a déjà appliqué ce grand principe aux règles d’admission et d’avancement dans les grades militaires. Elle attend avec impatience le moment où, en l’appliquant à la marine, elle acquittera les obligations que la patrie a depuis longtemps coutractées envers vous. » M. Merle, membre du comité des rapports , se présente au nom de ce comité, afin d’obtenir un décret relatif à une pétition faite par la section de Mauconseil, dans l’affaire de sieurs Tourton et Ravel, dont le Châtelet est chargé par commission et attribution confirmée par un décret de l’Assemblée nationale. M. Boussion demande l’ajournement à jour fixe. Cette motion est mise aux voix; l’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Un autre membre propose l’ordre du jour : cette motion mise aux voix, il est décrété qu’on passera à l’ordre du jour. M. Anthoine. Votre comité des rapports m’a chargé de vous rendre compte d’une infraction commise par quelques particuliers de Noyon contre un de vos décrets, sanctionné par le roi. Ce fait nous est dénoncé par le directoire du département de l’Oise. Le directoire du district de Noyon a procédé, en exécution de vos décrets, à la nomination d’un receveur des impositions, et à choisi M. Annonet, qui a donné une caution de 150,000 livres. Cette nomination a déplu à quelques citoyens : dans une assemblée de la commune ils ont nommé quatre commissaires chargés de porter au directoire la demande de la révocation du choix du sieur Annonet, pour y faire substituer le sieurBisancourt, maire et ci-devant receveur des finances. Le directoire a trouvé cette pétition dangereuse, inconstitutionnelle, séditieuse, et vous l’a dénoncée. Les pétitionnaires ne récusent pas M. Annonet. Ils ne connaissent, disent-ils, nul motif qui doive le priver de la confiance publique ; mais ils représentent les services de M. Bisancourt, quarante 142 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] années d’exercice des mêmes fonctions, des secours considérables donnés aux habitants de la yilie et des campagnes. « La commune, disent les pétitionnaires, désire que vous mettiez en des mains aussi pures et aussi bienfaisantes le dépôt précieux de nos impositions. Votre autorité émane d’eide; elle doit tourner tout entière à la satisfaction du peuple qui vous a nommés. Il peut quelquefois vous demander compte de votre conduite, inspecter votre gestion. Nous vous sommons donc, pour la tranquillité de cette ville, qui commence à êlre agitée, d’aquiescer à notre pétition, etc. » Votre comité n’a pu se dissimuler combien une pareille pétition était inconstitutionnelle et coupable. Quelques citoyens veulent mettre leur volonté à ia place de l’autorité des administrateurs de tout un district. Votre comité a pensé qu’il était infiniment importent de ne pas souffrir ces atteintes portées à la Constitution, dans un moment surtout où se font toutes les élections. Si un pareil excès était toléré, il s’ensuivrait qu’on pourrait faire rétracter les meilleurs choix, que lorsque les meilleurs patriotes seraient élus juges, il ne tiendrait qu’aux mécontents d’ameuter le peuple pour les faire casser. Votre comité vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, considérant que la pétition faite au directoire du district de Noyon, tendant à forcer les administrateurs à révoquer un ehoix que la Constitution a mis dans leurs mains,estinconstitutionnelle,im prouve les auteurs et instigateurs de celte pétiiion, et déclare qu’au cas de rtcidive, ils devront être poursuivis extraordinairement. L’Assemblée nationale approuve la conduite sage et ferme du directoire du département de l’Oise et de celui du district de Noyon. » M. l’abbé Gibert propose pour amendement que le procès-verbal de nomination du receveur soit examinée par le directoire du département. (Cet amendement est rejeté par la question préalable, et le projet du comité est décrété.) M.Chassét, membre du comité ecclesiastique , demande l’adjonction du comité de Constitution, pour l’examen des nouveaux mémoires envoyés au comité ecclesiastique, concernant les dîmes possédées par les protestants d’Alsace. L’Assemblée ordonne cette adjonction. M. Défcrmon propose, au nom des comités des finances et de Constitution réunis , le décret suivant, comme nécessaire pour maintenir par provision le recouvrement des droits sur les boissons actuellement perçues dans les cinq départements qui formaient la ci-devant province ae Bretagne. Ce décret est adopté comme il suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités des finances et de Constitution, voulant assoie r la perception des droits connus en Bretagne, sous le nom de devoirs et droits y joints, jusqu a ce que la nouvelle organisation des contributions ait été décrétée et mis à execution, décrète: « Que les commis à la perception des devoirs en Bretagne pourront se pourvoir devant les juges de paix, et, en cas de besoin, devant les prud’¬ hommes-assesseurs, ainsi que les requérir dans tous les cas où ils pouvaient, aux termes du bail des devoirs, se pourvoir devant les juges des anciennes hautes justices seigneuriales ; attribue, en conséquence, aux juges de paix toute compétence à ce nécessaire. « Charge son président de se retirer dans te jour par devers le roi pour demander la sanction dudit décret. » M. de Foucault. Je demande à faire une motion. Les municipalités étaient autrefois autorisées à nommer des gardes-messiers jusqu’au temps des récoltes seulement; elles ont fait la même chose cette année. Je sais?que des dégradations se commettent dans les forêts particulières et nationales. Je demande que l’Assemblée ordonne à Son comité féodal de lui présenter des mesures pour veiller à la conservation des bois et forêts. M. d’Aiubly. Dans la province de Champagne, où les communautés n’ont quelquefois que douze ou quinze arpents de bois, cornaient vouiez-vous qu’elles payent cinquante écus pour un garde-chasse? Je demande que tout propriétaire ait le droit d’avoir un garde. M. Cc*vle. A l’orcre du jour! On voudrait faJre revivre le régime féodal. M. de Foucault . Il suffit que ce garde soit reçu et assermenté par la municipalité. M. Prieur. Dans ce sers, la proposition du préopinant estdéjà décrétée. L’Assemblée a même renvoyé aux juges de district le jugement des délits de chasse. (On passe à l’ordre du jour; et cependant, sur la motion de M. de Brillon jeune, l’Assemblée charge le comité domanial d’examiner s’il n’y aurait pas de nouvelles mesures à prendre pour la conservation des forêts.) M. Régnier, au nom du comité des rapports. Les officiers de la municipalité de Stranorrg, chargés par vous d’informer contre les troubles arrivés à Haguenau, ont commencé en outre une information contre les autours des meurtres commis dans cette ville. Les officiers municipaux de Haguenau ont député à Paris le sieur Westofmann, leur secrétaire-greffier, pour réclamer contre cette seconde procédure, non pas en ce qu’elle était illégale en elle-même, mais en ce qu’elle était fuite par les officiers municipaux de Strasbourg, contre lesquels ils prétendent avoir des motifs de suspicion. J’observe qu’eux-mêmes les avaient demandés pour informer contre les auteurs des excès commis à Haguenau. Dans leur mémoire ils ont arflirmé que la ville était partagée en deux partis très violemment opposes, et que dans la procedure de Strasbourg ou a\ait affecté de ne faire entendre que les ennemis des officiers municipaux et de ceux de leur parti, en sorte qu’ils craignent de devenir injustement les victimes des partisans de l’ancien régime. Dans ces circonstances, la municipalité de Strasbourg a lancé plusieurs décrets et notamment contre le sieur Westi rmann. Les porteurs de ce décret se sont présentés à Paris, et ont demandé l’autorisation de M. Bailly pour 1e mettre en exécution. En conséquence M.. Wester-mann a été arrêt*, et ceux qui étaient chargés de l’exécution du décret se disposaient à le transférer dans les prisons criminelles de Strasbourg. M. Weslerraann prétend qu’étant député par sa municipalié et par la majorité de sa commune pour réclamer contre la procédure dont il est la victime, il ne pouvait être transiéré à Strasbourg